Page images
PDF
EPUB

E

CONCOURS ANNUEL

FONDÉ PAR LES NOUVELLES ARCHIVES HISTORIQUES, PHILOSOPHIQUES

ET LITTÉRAIRES.

JALOUX de remplir la mission qu'il se sont imposée et de montrer le prix qu'ils attachent aux suffrages honorables qui ont accueilli leurs premiers efforts, les Fondateurs des NOUVELLES ARCHIVES ont pris la résolution de proposer chaque année une question à traiter sur l'une des sciences auxquelles ce recueil est consacré, et particulièrement sur l'histoire nationale. Ce moyen leur a semblé propre à encourager des études consciencieuses, à décider peut-être de précieuses vocations scientifiques, en offrant au talent inconnu ou délaissé la double espérance de la publicité et d'une rénumération convenable pour ses

travaux.

L'écrit, qui a obtenu le prix au jugement de la rédaction, est inséré dans les NOUVELLES ARCHIVES. La valeur du prix est fixée tous les ans d'après la nature de la question proposée. La question suivante est mise au concours pour l'année 1838; le prix sera de quatre cents francs(').

Quelle part les Flamands et d'autres Belges ont-ils prise à la conquête de l'Angleterre par les Normands, à l'établissement des vainqueurs dans ce pays, et aux guerres dont il devint le théâtre sous les rois Etienne et Henri II?

(1) Les mémoires, contenant dans un billet cacheté le nom et le domicile des auteurs, devront être adressés avant le ler Décembre 1838, au Bureau des NouVELLES ARCHIVES, Marché aux Grains, No 13, à Gand.

Quoique la direction des NOUVELLES ARCHIVES n'entende pas limiter le développement que les concurrents pourront donner à ce sujet, elle croit devoir indiquer les points qui lui paraissent appeler surtout l'attention.

Lorsque Guillaume le Conquérant forma son entreprise, il sollicita le secours de la France, et Baudouin V, comte de Flandre, qui dirigeait le conseil de Philippe Ier, fit ostensiblement rejeter cette demande; mais il traita en particulier avec Guillaume, son gendre, lui fournit des vaisseaux et des hommes (1), et reçut en retour un fief de 300 marcs d'argent, qui fut porté à 400 et à 500 marcs par des traités conclus avec ses successeurs, et dont Rymer nous donne le texte. La conduite et l'influence de Baudouin V en cette occasion, et l'importance des forces qu'il mit à la disposition de son gendre n'ont pas été examinées jusqu'ici avec le soin et l'exactitude désirables (2).

Après la conquête beaucoup de Flamands et de Brabançons passèrent en Angleterre et la plupart furent placés par Henri Ir dans le pays de Galles. Quels étaient ces aventuriers? Appartenaient-ils à la noblesse, ou à la population de nos provinces, déjà exercée à manier les armes ; et jusqu'à quel point joignaientils la pratique des métiers à l'habitude de la guerre, comme les colons Flamands peints par Walter Scott (3)? En quoi les

(1) Il est singulier que M. Augustin Thierry ait soutenu le contraire sur la foi de la chronique de Normandie, tandis que des contemporains reconnaissent ce fait, et entrent à cet égard dans des détails qui ne laissent aucun doute. « Baldwinus Wilhelmum in Angliam venientem arguto quo pollebat consilio et militum adjumento vivaciter juverat, etc. » Guillaume de Malmesbury, 1. V. Tous nos historiens sont unanimes à ce sujet.

(2) Il serait intéressant de faire le relevé des seigneurs flamands établis en Angleterre à cette époque, et parmi lesquels se trouvent un Gilbert de Gand, un Gautier de Lille, un Jordan le Flamand, etc. Les listes de conquérants conservées en Angleterre, paraissent aussi contenir des noms flamands, comme Beke, Brand, et plusieurs autres.

(3) Erat autem gens hæc (de Ross) originem a Flandria ducens.... gens fortis et robusta, gens lanificiis, gens mercimoniis usitatissima, quocumque labore sive periculo terrâ marique lucrum quærere gens pervalida, vicissim loco et tempore nunc ad aratrum nunc ad arma gens promptissima. (Giraldus Cambrensis Itiner. Cambria, l. I, c. 2.)

usages qu'ils portèrent en Angleterre caractérisent-ils la Flandre de cette époque? Il conviendrait aussi d'examiner la cause de la supériorité militaire qu'on leur reconnaissait, et l'origine de ces fameuses bandes de Brabançons qui jouèrent un si grand rôle en France et en Angleterre.

Sous le roi Etienne, des corps entiers de loups de Flandre (1), commandés par l'intrépide Guillaume d'Ypres (2), petit-fils de Robert le Frison, vinrent soutenir la cause royale et eurent la principale part à son triomphe.

L'histoire de ce chef et de son expédition, que les écrivains modernes passent sous silence, pourrait se lier à celles des tentatives hardies de Philippe d'Alsace, pour étendre ses domaines au-delà de la mer. Guillaume avait pour ainsi dire pris possession du comté de Kent, d'où Henri II réussit à exclure les Flamands, mais que nous voyons ensuite promis par son fils à Philippe. Le rôle des guerriers Belges dans la lutte qui suivit est remarquable. Des troupes flamandes passent en Angleterre, tandis que l'armée du comte se joint à celle du roi de France pour envahir la Normandie. Mais Henri se confie à la valeur des soldats des Marches de Brabant (3), qu'il avait pris à sa solde au nombre de 20,000. Ils battent le comte de Bretagne et font lever le siége de Rouen. Là, quand les Français se décident à la retraite, pressés par les hommes des Marches (4), les Flamands tiennent bon et contiennent le siège, ou du moins

(1) Inter tot militum et FLANDRENSIUM LUPORUM cohortes. (Chronica Gervasii, ad ann. 1154.)

(2) Asciverat (rex) de Flandriâ... quemdam Willielmum de Ypre... Hujus consiliis rex maxime confidens, principes Angliæ admodum offendebat. (Chron. Gervasii, anno 1138.) Willielmus Yprensis, vir magnæ probitatis.... belli peritissimus. (Ibidem, anno 1141.)

Combusta est Abbatia de Warewella a quodam Willielmo de Yprâ, homine nefando, qui nec deo nec hominibus reverentiam observaret. (Guillaume de Malmesbury, hist. nov. l. II.)

(3) BREBANTINORUM MARCHIONUM innumera manus. (Radulfus de Diceto, ymagines historiarum, anno 1174). Braibancenos suos, de quibus plus cæteris confidebat. (Roger de Hoveden, annales, anno 1173.)

(4) MARCHIONES impugnantes extremam partem castrorum. (Radulfus, ibid.)

couvrent l'arrière-garde (1). Après le traité de pacification, le roi d'Angleterre rachète par une rente de mille marcs, la promesse d'investiture que son héritier avait faite au comte de Flandre, et celui-ci restitue ses conquêtes (2). C'est encore là une des parties de notre histoire qui méritent d'être éclaircies (3), et les fondateurs du prix désirent que les concurrents s'en occupent.

(1) Recessit rex Francia, comite Flandriæ cum militibus suis post terga dimisso. (Chron. Gerv.) Rex Ludovicus solutà obsidione, Franciam petit : Flandrensis remansit ad tempus. (Chron. Gaufredi Vosiensis, ann. 1174. — Hist. de France, T. XII, p. 443.)

(2) Cornes Flandrensis regi Anglia restituit quod de jure ejus bellicus contulerat ei casus..... Prædicti reges (Henricus pater et ejus filius) redditum mille marcarum argenti ad scaccarium Angliæ recipiendum prædicto comiti.... confirmarunt. Et pro hâc confirmatione comes juvenem regem de suà promissione, quam ei pro homagio suo fecerat.... quietum clamavit. (Chron. Joannis Brompton, ann. 1174 et 1175.)

(3) Meyer lui-même a passé la plupart de ces faits sous silence.

FIN DU PREMIER VOLUME.

« PreviousContinue »