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à votre gouvernement, avec un dévouement patriotique & affeveux, unis à la Grande-Bretagne par les liens les plus étroits, & n'envifageant qu'avec horreur tout ce qui peut tendre, de quelque maniere que ce foit, à les affoiblir ou à les rompre, nous affurons folemnellement votre Majefté, que nous fouhaitons avec la plus vive ardeur, non-feulement de voir renaître la bonne intelligence entre la Grande-Bretagne & fes colonies, mais encore qu'elle foit appuyée fur des fondemers incbranlables, que les avantages qui peuvent en réfulter fe perpétuent d'age en age, fans qu'à l'avenir aucune diffenfion foit capable d'en altérer le cours, & que le nom de votre Majefe parvienne à la poftérité, environné de cette gloire fatteufe & durable qui a toujours accompagné la mémoire des princes magnanimes, dent les verts & l'habileté ont fauvé les états dans des tems de trouble & de convulfions, & ont rendu leurs noms immortels, en cimentant le bonheur du refte des hommes.

Qu'il nous foit permis d'affurer votre Majefté, que, ́ malgré tout ce que fouffrent vos fideles colons, depuis l'origine de ce funefte différend, nous fommes encore trop dévoués à la patrie de nos ancêtres pour exiger un accommodement quelconque, qui puiffe ou blesser fa dignité, ou porter atteinte à fon bonheur: attachés, au contraire, comme nous le fommes à fes intérêts, l'honneur, le devoir, l'inclination, tout nous porte à maintenir & à accroitre fa puiflance. Quand les allarmes qui plongent aujourd'hui nos cœurs dans des angoiffes inexprimables, feront diffipées, V. M. trouvera fes fideles Tujets de ce continent difpofés en tout tems, comme ils l'ont toujours été, à facrifier leurs vies & leurs biens pour venger & défendre les droits & les intérêts de V. M. & de notre mere-patrie.

En conféquence, nous vous fupplions, Sire, de daigner interpofer votre autorité royale, pour écarter, ou du moins adoucir les vives inquiétudes que nous caufe le fyftême dont nous redoutcas les effets, & pour raffermir la paix dans toute l'étendue de votre domination. Nous laiffons humblement à V. M. le foin de déterminer, dans fa fageffe, s'il ne feroit pas convenable, pour faciliter notre réunion, qu'elle eût la bonté d'indiquer un moyen sûr de rapprocher de votre trône vos fideles colons, & de rétablir entre la mere-patrie & fes colonies une paix ftable & heureufe; qu'en attendant, on prit des mefures pour prévenir la perte d'une partie de ses fu

jets, & qu'on révoquat ces actes rigoureux qui affligent plus particulierement quelques-unes de vos colonies. Nous fommes convaincus, Sire , que V. M., pour peu qu'elle veuille approfondir les fentimens unanimes de fes peuples en Amérique, aura des preuves fatisfaifantes de leur amour envers leur fouverain & leur mere-patrie, & qu'elle leur procurera bientôt des occafions de faire éclater la fincérité de leur zele par tous les témoignages de dévouement qui conviennent aux fujets les plus tideles & les plus affectionnés.

Puiffe V. M. jouir d'un regne long & heureux! Puif-' fent vos defcendans gouverner avec gloire les états Britanniques, & faire dans tous les tems, le bonheur de leurs fujets! C'eft la priere fincere & ardente que nous adreffons fans ceffe à l'auteur de tout bien.

(Signé) Les députés des douze colonies-unies.

Le comte de Darmouth, en recevant cette pétition, déclara aux Srs. Penn & Lée, que l'on n'y feroit aucune réponse. Le congrès de Philadelphie, en tentant cette derniere démarche pour folliciter une réconciliation, avoit pref-· fenti qu'elle feroit auffi inutile que les tentatives qu'il avoit faites précé lemment pour le même objet. En conféquence il avoit envoyé par le même navire qui tranfporta le Sr. Penn de l'Amérique en Angleterre, une déclaration dans laquelle il expofe aux nations les motifs qui ont armé les Américains contre les troupes du roi. Voici la traduction de cette efpece de manifeste.

Si des hommes éclairés par les lamieres de la raifon, pouvoient croire que l'auteur de notre exiftence eût choifi, dans fa fageffe inanie, une partie di genre humain pour lui foumettre les autres hommes à titre de propriété abfolue, avec la faculté d'exercer far eux un pouvoir fans bornes, & de les affervir à une domination à la quelle il ne fat jamais permis de réfifter, quelque dure & tyrannique qu'elle fût; il refteroit du moins a ix colonies la refforce de demander au parlement de la GrandeBretagne quelque preuve, que cette autorité terrible lui ait été accordée fur elles. Mais un fentiment de refpe&t poar notre créateur, les faintes loix de l'humanité, & les principes du fens commun doivent convaincre tous

ceux qui réfléchiffent, que tout gouvernement n'a été inftitué que pour travailler à faire le bonheur du genre humain, & que c'eft-l ie but auquel il doit tendre uniquement. Le pouvoir législatif de la Grande-Bretagne, égaré par la foif de l'autorité abfolue, qu'il fçait bien cependant que la conftitiation du royaume a profcrite; & défefpérant d'y parvenir par des voies de conciliation, fans être convaincu de bleffer la vérité, les loix, & le droit des citoyens, a tenté enfin d'effectuer par la violence le projet cruel & imprudent d'afervir les colonies; & par-là il nous a mis dans la néceffité de fuivre fon exemple, & de fubftituer l'effort des armes aux confeils de la raifon. C'eft ce délire aveugle du parlement, cette foif immodérée d'établir fur nous une dominarien fam bornes, au mépris de la juftice & des lumieres naturelles, qui nous réduifent aujourd'hui à manifefter la juftice de notre caufe aux yeux de tout l'univers, dont nous ref pecons l'opinion.

d'où

Nos ancêtres, citoyens de la Grande-Bretagne, qui terent leur patrie pour venir für ces côtes fauver le liberté civile & religieufe. Prodigues de leur fang & de leur fortune, ils parvinrent par leur conftance infatigable, & par leur courage invincible, à triompher de tous les obftacles, & à fonder des établiffemens dans les défers affreux de l'Amérique, remplis alors de nations nombre fes, guerrieres & barbares. Ils donnerent pour bafe i leurs fociétés naiffantes un pouvoir législatif parfait, a torifé par des chartes émanées de la couronne ; & dèslors il s'établit entre les colonies & le royaume, elles tiroient leur origine, une correfpondance intime, dont les avantages réciproques fe manifefterent bientôt avec tant d'éclat, qu'ils exciterent un étonnement géné ral. Perfonne n'ignore à quel degré de splendeur, de richeffe, & de force cette union a porté l'empire britann que, en donnant à fa navigation un effor prodigieux; & le miniftre qui dirigea avec tant de fagelle & de fuc cès les opérations de la derniere guerre, déclara publiquement, que c'étoient les colonies qui mettoient l'A gleterre en état de triompher de fes ennemis. Vers la fin de la guerre, il plut à notre fouverain de donner fa

confiance à de nouveaux minifires. Dès ce moment fatal les affaires du royaume ont commencé à tomber dans la confufion; &, defcendant par degré, du faîte de la gloire & de la profpérité, où les vertus & les talens d'un feul homme les avoient portées, on a vu naître enfin les feçouffes qui ébranlent aujourd'hui cet empire jusques dans

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fes fondemens. Le nouveau miniftere voyant les braves ennemis de la Grande-Bretagne fe défendre toujours avec vigueur, malgré leurs nombreufes défaites, conçut le malheureux deffein de leur accorder une paix précipitée, & d'affujettir enfuite les fideles foutiens de la patrie. On s'eft flatté que ces colonies, dévouées à l'anathême," préfenteroient une victoire aifée; qu'on les afferviroit fans verfer de faig, & qu'on les dépouilleroit fans peifous le vain prétexte de les foumettre à l'autorité légiflative. La conduite modérée & refpectueufe qu'elles ont tenue depuis l'époque de leur établissement, leur fidélité, l'utilité & l'étendue des fervices qu'elles one rendus pendant la derniere guerre, & auxquels S. M. le feu roi, & le parlement ont rendu un témoignage fi honorable; rien n'a pu les garantir des innovations qu'on avoit projettées. Le parlement féduit a adopté ce plan fatal; & s'arrogeant fur les colonies un pouvoir incona, il a, pendant le cours de 11 années, fignalé ce pouvoir par des actes fi révoltans, 'qu'il n'a laifé aucun doute fur les pernicieux effets qu'on doit en attendre, fi l'on a la foiblefe d'y acquiefcer. Il a d'abord entrepris de nous taxer fans notre confentement, quoique nous ayons teujours joui exclufivement du droit de difpofer de nos propriétés. Enfinite il a fait des loix pour étendre la ju rifdiction des cours d'amirauté & de vice-amirauté au-delà de leurs anciennes bornes, pour nous priver du privilege inestimable d'être jugés par jurés, tant dans les caufes qui concernent nos perfonnes que dans celles qui intéreffent nos biens; pour fufpendre l'exercice du pou voir législatif d'une des colonies; pour interdire tout commerce à une autre, & pour altérer jufques dans fes fondemens la forme de gouvernement établie par charte, & garantie par des aftes émanés de fon propre pouvoir légiflatif, & folemnellement confirmés par la couronne; pour fouftraire les meurtriers & les affaffins des colons tout jugement légal, & à toute punition; pour ériger dans une province voifine, acquife à l'état par les armes réunies de la Grande-Bretagne & de l'Amérique, unt defpotifme dangereux à notre exiftence même; pour met tre des troupes en quartier, à la charge des colons', dans un tems de paix. Enfin il a été réglé que des colons accufés d'avoir commis certains délits, feroient tranfportés en Angleterre, pour y être jugés.

Mais pourquoi retracer nos griefs en détail? Un acte du parlement déclare que le parlement a le droit de faire des loix pour nous obliger dans tous les cas quelcon

ques. Qu'eft-ce qui pourra nous défendre contre un pouvoir fi énorme & fi illimité? Aucun des hommes qui fe l'arrogent n'eft choifi par nous, aucun d'eux ne tient de nous fes pouvoirs, & ne nous eft comptable de l'ufage qu'il en fait bien plus ils font tous exempts de l'effet de ces loix; & les impôts qu'on leveroit en Amérique, s'ils étoient fagement employés, ferviroient à rendre leur fardeau d'autant plus léger que celui qu'ils nous impoferoient feroir plus pefant.

Nous avons fenti à quel état déplorable un pareil defpotifme alloit nous réduire. Il y a 10 ans que nous affiégeons le trône par nos fupplications affidues, mais toujours infructueufes; nous avons expofé nos raifons au parlement, nous lii avons repréfenté nos griefs, dans les termes les plus modérés & les plus décens; mais l'adminiftration, prévoyant que nous envifagerions ces mefures oppreffives, comme des hommes libres doivent le faire, a envoyé des flottes & des armées, pour les maintenir à force ouverte. L'indignation des Américains éclata alors, il eft vrai; mais ce fut l'indignation d'un peuple vertueux, fidele & affectionné. Un congrès de délégués des colonies-unies s'affembla à Philadelphie le 5 Septembre de l'année derniere. Nous réfolâmes de préfenter de nouveau au roi une requête nimble & refpe&ueufe, & nous écrivimes pareillement à nos co-fujets de la Grande-Bretagne. Nous avons embraffé tous les moyens que nous diioient le refpe&t & la modération : nous nous fommes même déterminés à rompre nos liai fons de commerce avec nos co-fujers, afin de leur faire connoitre par-là, que notre attachement pour eux ne prévaudroit jamais fur l'amour de la liberté. Nous nous flattions que c'étoit là une refource infaillible pour faire ceffer ces malheureux débats; mais les événemens qui ont fuivi, nous ont convaincus que c'étoit en vain que nous efpérions trouver quelque modération dans nos ennemis.

Plufieurs expreffions menaçantes contre les colonies furent inférées dans le difcours de S. M. Quoiqu'on nous dit que notre requête étoit conçue en termes décens, quoique le roi l'eût reçue avec bonté, & eût promis de la remettre devant fon parlement, on la confondit dans un tas de papiers concernant l'Amérique, dans l'une & l'autre chambre, & on l'y négligea. Les feigneurs & les communes, dans l'adreffe qu'ils préfenterent, au mois de Février dernier, 'dirent: Qu'il exifoit une rebellion dans la province de Maffechufett-Bay; que ceux

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