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qu'elles ne fentent pas de quelle importance il eft pour elles de maintenir cette ville dans cette même liberté, dont elles ont partagé les avantages. Cette liberté fe trouvant aujourd'hui prefqu'anéantie par les entraves auxquelles le commerce de Dantzig eft affujetti, foit par les taxes auffi nouvelles qu'exorbitantes mifes fur les vaiffeaux étrangers qui fe rendent dans fon port, & qu'on foumet actuellement à des vifites inufitées, foit par les chicanes qu'elle éprouve jufques fur fon propre territoire de la part des employés pruffiens; cette liberté n'étant plus enfin qu'un vain nom, le fous-signé, par ordre du roi & de l'avis du confeil permanent, eft chargé de communiquer à S. E. le comte de Stackelberg, ambaffadeur de la cour impériale de Ruffie, l'expofé ci-joint, afin'il en faffe inceffamment part à fa cour, comme à une des plus directement intéreffées à la confervation des privileges de la ville de Dantzig, dont les droits avoient été jufqu'à préfent auffi authentiques qu'inconteftables. Quelque fuccint que foit l'expofé ci-joint, il fuffira à la fagacité de S. E. l'ambaffadeur, pour remettre, avec fon zele ordinaire, fous les yeux de fa cour les fuites qu'entraîneroit avec lui un plus long filence fur les atteintes données à la liberté de la ville de Dantzig, dont elle reffentiroit une des premieres les conféquences fâcheufes.

Note uniforme & fimultance, remife au fieur Wroughton, miniflre d'Angleterre & au Sr. Dreyer, réfident de Danemarck.

Si toutes les puiffances doivent s'intéreffer à la confervation des privileges dont la ville de Dantzig a été jufqu'ici en poffeffion, il femble, que les puiffances maritimes doivent y donner

une attention plus particuliere encore : c'eft pour quoi le fous-figné, par ordre du roi & de l'avis du confeil permanent, eft chargé de communiquer à S. E. le Sr. Wroughton, miniftre plénipotentiaire de la cour britannique, (à M. Dreyer, réfident de la cour de Danemarck) l'expofé ci-joint, pour en faire part inceffamment à fa cour, afin qu'elle interpofe fes bons offices auprès de S. M. le roi de Pruffe, pour qu'il ait à fe défifter des impofitions auffi nouvelles qu'extraordinaires, qu'il a mifes fur tous les vaiffeaux abordant au port de Dantzig, & que cette ville foit rétablie dans la jouiffance de fes droits, dont la privation rejaillit fur toutes les nations qui ont eu jufqu'à préfent un commerce avec elle. Les difficultés que lui fufcitent les employés pruffiens jufques fur fon propre territoire, ne peuvent que hâter la ruine abfolue de fon commerce, & par conféquent, détourner celui des puiffances qui étoient en poffeffion d'envoyer leurs vaiffeaux dans fon port. La confervation de cette ville étant fi intimement liée à l'avantage qu'en retirent particulierement les puiffances maritimes, le fous-figné fe flatte que le ministre plénipotentiaire de la cour britannique (M. le réfident de la cour de Danemarck) s'empreffera de communiquer à fa cour un expofé qui ne peut que lui faire fentir la néceffité de prévenir des abus dont elle reffen iroit les effets, comme fes négocians les ont déjà éprouvés depuis les nouvelles impofitions dont les vaiifeaux expédiés pour Dantzig, ont déjà été furchargés, fans même en avoir été prévenus, comme cela fe pratique dans le cas où l'on feroit fuppofé avoir droit d'augmenter les anciennes taxes.

Les trois notes que l'on vient de rapporter étoient accompagnées d'un expofé détaillé des raifons que la république a de fe plaindre de la

conduite de la cour de Berlin à l'égard de la ville de Dantzig. Cette piece eft conçue en ces

termes.

Tous les genres de vexation auxquels la ville de Dantzig fe trouve expofée depuis un certain tems, font actuellement portés à ce point qu'il n'eft plus poffible de fe diffimuler qu'il n'y ait un plan fixe pour porter le dernier coup à fon commerce, en le minant par des entraves de toute efpece, de telle forte que, gêné par une multitude infinie d'obftacles, il fe trouve infenfiblement affoibli, & ne puiffe plus fe foutenir. Quelques longs que foient les détails de ce que cette ville a eu à fouffrir & fouffre journellement, il eft cependant indifpenfable d'en expofer une partie, pour faire connoitre la juftice des plaintes de fon mag ftrat contre toutes les violences qu'il a effuyées depuis l'occupation de la PruffePolonoife' par les Pruffiens.

Il faut obferver qu'une des premieres démarches des troupes pruffiennes pour priver la ville des droits qu'elle étoit en poffeffion de percevoir fur les marchandifes importées de l'étranger, a été de s'emparer du canal occidental, & d'y établir une nouvelle douane, fous prétexte que la perception des revenus du port appartenoit au port même.

Il eft facile de fentir la foibleffe d'une pareille prétention, puifqu'il eft de notoriété publique, que le fufdit canal n'a jamais été regardé que comme la voie qui conduifoit au port même, qui n'eft autre chofe que l'embouchure de la Viftule, dont la propriété n'a jamais été conteftée à la ville de Dantzig: c'eft pourquoi l'impôt du port, dont elle eft en poffeffion depuis plufieurs fiècles, eft abfolument différent de celui du canal occidental, établi feulement depuis un fiecle: le premier lui appartient en propre elle le perçoit dans fes propres murs, & en donne une partie au roi de Fologne.

Les privileges accordés à la ville par les chevaliers teutoniques, & confirmés par les rois Cafimir & Sigifmond premier, attefient le droit qu'elle a, fçavoir; qu'il n'eft permis à aucun vaisseau d'entrer dans le port qu'à ceux qui y apportent des marchandifes ou qui y en viennent chercher : ce droit a été reconnu par le traité du port avec le roi de Pologne, Etienne Batory, par lequel il eft ftipulé, que la perception des droits du port doit fe faire dans la ville même; & elle étoit autorifée à empêcher que les marchandifes ne fuffent tranfportées ailleurs. C'eft à quoi étoient deftinés les ouvrages de forti-fication qui exiftent encore; il feroit fuperflu de faire

une plus longue énumération des droits de la ville de, Dantzig, dont l'authenticité n'a jamais été révoquée en doute.

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C'eft cependant, au mépris de ces mêmes droits, qu'on a vu, depuis l'occupation de la Pruffe-Occidentale, plufieurs vaiffeaux décharger leurs marchandifes fur le bord de la Viftule, & nommément au lieu appellé Schellmuble, d'où elles ont été enfuite tranfportées en différentes villes, foit par la Viftule, en de petits bateaux, foit même par le territoire de Dantzig, fans payer les droits dûs à la ville : on a même obligé récemment plufieurs vaiffeaux à décharger leurs cargaifons fur le territoire pruffien, en fruftrant le roi & la ville de leurs droits. C'eft de la même façon qu'on a conduit depuis peu une charge de vin de Marienwerder.

On peut juger par-là, quelle diminution il réfulte pour les droits du roi & de la ville, furtout fi on fait attention que, pour éviter de payer la nouvelle douane, nombre de marchands portent ailleurs leurs marchandises; outre qu'en la faifant payer en ducats, on ne veut plus les recevoir à 12 florins de Dantzig; mais on les compte feulement à 11 florins 5 gros; ce qui hauffe de plus de fept pour cent le droit de douane.

Mais ce qui ne laiffe aucun doute fur l'intention où l'on eft de priver, par toutes fortes de moyens, 'la ville de fes droits, c'eft l'ordre du directoire royal de Konigfberg aux marchands de cette ville, en date du 20 Juillet. Le roi de Pruffe voulant établir dans un des faubourgs de Dantzig une foire à l'inftar de celle de Francfort, pendant la tenue de celle de St. Dominique dans la ville, on invite tous les marchands à s'y rendre, en les prévenant de faire paller leurs marchand:fes directement au Fahrwaffer, où, s'il les faut tranfporter par terre, il leur eft enjoint d'éviter le territoire de Dantzig, pour n'être affujettis à aucun droit de ville.

Non-feulement on veut affoiblir le commerce de Dantzig en établiffant une foire étrangere dans un de fes faubourgs; mais encore on cherche à faire tomber celle qui s'y tient à la St. Dominique, par la gêne impofée aux marchands qui ont coutume de s'y rendre, puisqu'on a fait fçavoir aux Pruffiens & aux Saxons, qu'ils auroient à payer 12 pour cent des marchandifes qu'ils conduiroient à cette foire, & 12 pour cent de celles qu'ils n'y auroient pas vendues & qu'ils en rapporteroient, avec cette reftriction, que, fi, pendant la foire de St. Dominique, ils s'arrêtoient dans les faubourgs de Dantzig, occupés par

les Pruffiens, ils ne payeroient qu'un pour cent de ce qu'ils y auroient vendu.

A toutes ces circonftances, on doit ajouter une nouvelle ordonnance du roi de Pruffe, qui a commencé à avoir fon exécution le 1er. Août. Par cette ordonnance il eft dit, que toutes les marchandifes qui viennent de Dantzig ou qui en fortent, lorfqu'elles ne font pas deftinées pour le commerce avec les fujets du roi de Prufse, payeront 12 pour cent de tranfit. Quoiqué le nouvel impôt n'eût du commencer, felon la teneur de l'ordonnance, qu'au rer. Août, on a cependant arrêté à Langforth quantité de marchandifes expédiées de France, d'Italie, & d'autres -pays, dont les droits de tranfit de 8 pour cent avoient déjà été acquittés à Berlin; & il a été déclaré aux propriétaires, qu'elles ne leur feroient point remifes, qu'ils n'euffent ajouté 4 pour cent, ain de completer les 12 pour cent. On ne doit pas paffer fous filence, que dans le nombre de ces marchandifes fe trouvoient des foies crues, dont on a exigé pareillement f2 pour cent, quoiqu'on n'en ait jamais payé que 12 bons gros par quintal. On ne s'eft pas contenté de ces droits déjà fi onéreux, & qui ne tendent vifiblement qu'à priver Dantzig de fon commerce: il a encore été déclaré par le confeiller pruffien Maanier, que les mêmes marchandifes payeroient de nouveau 12 pour cent, lorfqu'elles feroient expédiées de Dantzig pour les lieux de leur deftination: il y a même quelques-unes de ces marchandifes qui, felon le tarif pruffien, payent 25 & 30 pour cent de tranfit, & qui, par conféquent, en payant autant à leur fortie, de Dant zig, fe trouveront avoir payé 60 pour cent. Et, comme fitous ces moyens n'accéléroient pas affez la perte de cette ville, on a encore imaginé un nouveau bureau de douane fur la Viftale, où l'on force de payer pour les vivres qu'on conduit à Dantzig des droits exorbitans; ce qui ne peut aboutir qu'à fa ruine entiere, par le prix exceflif des denrées.

Quoiqu'il ait paru qué l'intention du roi de Pruffe ne fat que d'exempter fes fujets de droits qu'ils devoient payer à la ville de Dantzig pour les marchandifes qu'ils tiroient da dehors, & qu'en conféquence quantité de vaifféaux entrés dans le port de cette ville, euffent été déchargés tant au Wefter-Fahr waffer que fur la rive de la Viftule à Schellmuble, & leurs cargaifons tranfportées dans les états dur roi de Pruffe, pour les fouftraire aux droits du roi de Pologne & de la ville; cette démarche n'étoit cependant que préliminaire, & en annonçoit de bien plus dangereu

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