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Foudra donner aux étrangers qui fe trouvent à notre cour. Le XVIe. & dernier article contient le détail des ré. jouiflances qui ont eu lieu depuis le 22 jufqu'au 27, & dont nous avons donné le précis dans la 2me. quinz, de Septembre.

ALLEMAGNE.

Dans l'affem blée que l'académie royale des fciences & belles lettres de Berlin tint le 1er. Juin, à l'occafion de l'anniverfaire de l'avénement de S. M. Pruf. au trône, le Sr Formey, confeiller privé, & fecrétaire perpétuel de cette compagnie littérai re, prononça le difcours fuivant.

Deux divinités, pour parler en philofophe, & mê. me en philofophe payen, deux divinités fe partagent le gouvernement de l'univers : la fortune & la prudeoce. Dans la deftinée des empires, comme dans celle des particuliers, il y a des conjectures imprévues qui élevent & qui abaiffent, qui placent au fommet de la roue, ou qui précipitent au plus bas, tandis qu'on voit naître, s'accroître, & parvenir, par des degrés leats mais furs, à leur comble des édifices, qui ne doivent leur grandeur & leur folidité qu'aux vues fages & à l'habileté foutenue de ceux qui, après en avoir con. çu l'idée, en dirigent l'exécution.

Mais il me femble qu'en'imaginant ces deux divinités, on a commis une double méprife à leur égard. La premiere eft d'étendre beaucoup trop le domaine de la for tune, &, par conféquent, de refferrer celui de la pru• dence fort au-delà de fes juftes bornes. La fortune a été une idole, généralement encenfée; fes temples ont été les feuls fréquentés; fes autels les feuls fumans; & quoiqu'on ait murmuré de tout tems contre fon inconf. tance & fes caprices, on n'a pas laiffé de continuer à Pinvoquer, & à la regarder comme le premier & prefque comme l'unique mobile. Qu'on y penfe mieux; qu'on y regarde de plus près; la fortune ne bâtit qué des châteaux de carte, fi j'ofe m'exprimer ainfi; elle ne fait que des jeux; il appartient à la prudence feule de bâtir à chaux & à ciment, d'enfanter des ouvrages proprement dits. Les favoris de la fortune jouent des rôles brillans; mais ce font des rôles de théâtre : on les a vus monter fur la fcene; on les en voit defcendre. Les amis de la fageffe, les enfans de la prudence, au contraire ne font pas de fimples acteurs, ils font

de's perfonnages réels, qui ne ceffent d'agir & d'avoir des fuccès jufqu'au moment où l'arrêt inévitable à tous les mortels eft prononcé. La fortune a fait paroitre ces conquérans devant lefquels la terre s'eft tue, mais qui ont palé comme des torrens, & n'ont laiflé après eux que les veftiges momentanés de leurs ravages. La pruencde a guidé ces légiflateurs, ces monarques éclairés qui one donné leur nom à leur fiecle, & ont affermi leur domination für des fondemens auffi inébranlables que permet d'en pofer le terrein mouvant de notre globe.

Je ferois trop long, fi je confirmois par des exemples ce que je viens d'avancer; mais on en trouve à chaque page de l'hiftoire; on en voit dès qu'on promene fes regards autour de foi.

Ainfi je pale à la feconde méprise, qui, felon moi, confifte en ce qu'après avoir mal mefuré les domaines de la fortuné & de la prudence on les a plus mal à propos encore entierement féparés ; comme fi la fortune pouvoit être quelque chofe fans un certain degré de prudence; ou la prudence parvenir à fes fins, fi la fortune lui eft abfolument & opiniâtrément contraire. Non, Meffieurs, tout ce que nous voyons de grand & de frappant, a tiré fon origine d'un concours de fortune & de prudence, augrel il doit fa confervation & fes progrès. Le général le moins inftruit peut remporter une victoire éclatante; la fortune l'a favorifé; mais la pru dence lui manque, & il n'en fait recueillir aucun fruit. Au contraire, le général le plus confommé dans fon art peut avoir quelque grand échec; la fortune lui a été contraire; mais il s'en relevera; la victoire, le char triomphal lui font finalement réfervés. Les états de même parviennent quelquefois des plus foibles commencemens comme l'empire romain, au faî e de la grandeur, ou du fein de la tourmente la plus orageufe, comme les Provinces- Unies, au calme le plus floriffant. C'eft qu'une fuite de guerriers magnanimés ou de pilotes expérimentés ont préfidé à leur accroiffement, Dins d'autres conjonctures, les états fe réuniffent quelquefois prefque fortuitement fous un feul maitre; mais s'il ne fçaie pas les régir; fi c'eft un Sardanapale plongé dans la molleffe, un Honorius livré à l'indolence, le plus vafte empire eft un coloffe d'argile qui ne tarde pas à fe brifer.

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Que faut-il donc pour donner aux profpérités humaines le plus véritable éclat, la plus folide confitan& la plus longue durée ? Il faut ce dont nous fom.

ce,

mes les témoins & les admirateurs depuis 35 ans, k concours de la fortune & de la prudence; mais un concours dans lequel la fortune foit toujours tuborduané à la prudence. Il y a eu, fans doute, des circunftances aut imprévues qu'heureuses, qui ont fauvé pius d'une fois le héros prudien & fun état tes dangers én. ! nens auxquels ils fe trouvoient exposés. Mas, fi la pru dence avoit abandonné ce héros dans ces momeas cre tiques. fi fa ère n'avoir pas fuppléé à fon bras, aoya ¦ vous que nous nous réjouirious encore aujourd'hui de la durée de fon glorieux regue? Fredenc conferve des Luners qui l'ont mis à l'abri de la foutre : il fera tow jours un des plus grands capitaines qui aent exifté: mas, s'il m' ft permis de parler fur des fujets aufi éla gnés de ma phure, es talens politiques l'emporteat encore fur fes talens militaires; je l'admire plus dans fon cabinet qu'aux champs de Mars; j'y vois raffemblées autour de lui toutes les divinités propices aux maitres du monde ; &, fuivant l'idée d'un poëte latin, aucune ne fçauroit lui manquer, puisqu'il a la prudence, & qu'elle préfide à tous fes confer's. La fortune femble à préfent devenue inutile; on pourroit brifer fon fimu. Jacre, & le fauler aux pieds; la prudence a élevé autour de cet état des remparts & des murs que les plus puiffints efforts ne pourront renverfer; & fi, comme nous le demandons dans ce moment à l'arbitre fuprême des deftinées, Fréderie atteint au jubilé de fon avénement au trône, & qu'il foit célébré dans ce fan&uaire des males, ceux qui affifteront à cette folemnité, verfont une monarchie qui avoit pru prête à fe diffiper en éclats, porter fa tête jufqu'aux cieux, & fes racines jufqu'aux fombres demeures.

Le prêtre Gaffner (dont on parlé dans la Tere. quinz. d'Août, p. 24.) paroit avoir choifi la ville de Ratisbonne pour y établir le théâtre de fes prodiges; il y avoit été précédé par le bruit de la réputation qu'il s'eft acquife à Elwangen en Souabe. Un enthoufiafte, il eft bon d'obferver on en trouve dans toutes les claffes, qui avoit git fa fille à Elwangen même pour la faire

de divers maux dont elle fe plaignoit, técrédule du miracle, en avoit fait une belle

relation, qui, adreffée à divers fouverains qui l'a voient chargé d'obferver fcrupuleufement les opérations du curé Gaffner, & répandue enfuite dans plufieurs endroits, étoit entre les mains de tout le monde à Ratisbonne. Cette piece, affurément curieuse, mérite que nous en donnions un extrait elle pourra égayer nos lecteurs, & leur donner une nouvelle idée de la maniere dont on raisonne en 1775 dans quelques contrées de l'Al, lemagne, où cependant il y a des lumieres. C'eft ainfi que débute l'auteur de la relation: Vidi facerdotem qui non nifi in affedibus præternaturalibus folummodò ab initio operationum fufcipiendarum impofitione manus dextræ ad occiput patientis acquirit in nomine Jefu virtutem imperandi defpoticè cundis actionibus facultatum fpiritualium, vitalium & animalium corporis humani, & ita quidem, ut ad nutum ipfius præcepti in nomine Jefu adiones contrarias producat. Mirabilem ac incomprehenfibilem hanc potentiam foli omnipotenti Jefu adfcribit, quam maximo cum onere & labore, fine minimo emolumento, in charitatem proximi, & ad majorem dei gloriam exercet. De omnibus hifce verė ftupendis in thefi convidus fum, quoad hypothefin fufpendo judicium meum. Après ce début l'auteur continue ainfi : « A 9 heures du matin, j'ai fait appeller le curé; il eft venu chez moi, je lui ai préfenté ma fille, femme d'efprit & de courage. Elle lui a raconté comment fes convulfions la prennent, & quelles parties de fon corps en font attaquées. Le curé l'a fait d'abord mettre à genoux devant lui; il tenoit une de fes mains fur le front de ma fille, & l'autre fur l'occiput. Après avoir prié quelques momens à voix baffe, il lui a dit de fe relever; il a commencé ainfi fes exorcifmes: Præcipio tibi in nomine Jefu, ut incidas in delirium & convulfionem capitis, illafis aliis corporis partibus. A l'inftant, la nature a obéi; ma

fille a dit les plus grandes extravagances; & auf. frôt que le prêtre a dit, ceffet, elle s'eft trouvée dans fon état naturel, fans fe fouvenir de ce qui s'étoit paffé. Le curé a renouvellé fon ordre à la nature, en ajoutant: & cum maxima furore, elle s'eft levée auffitôt avec la plus grande fureur, a couru dans la chambre, comme une forcenée & a voulu attaquer un jeune feigneur préfent à ces opérations miraculeuses. Le curé l'a fauvé en criant, ceffet, & foud in elle a été tranquille. Il ordonna enfuite avec la formule ordinaire, ut incidat in animi deliquium; je la vis tomber auffitór en forblefle & fans connoiflance; à peine pus-je fentir le battement de fon pouls; elle revint fur le champà elle-même, au mot ceffet. I ordonna fucceffivement la toux convulfive fans délire, les larmes, les cris, le rire, &, les uns après les autres, tous les fymptômes dont elle s'étoit plainte. Après la teux, qui avoit été très-violente, elle dit qu'elle fentoir quelque chofe qui lui venoit de la poitrine dans la gorge, comme fi elle alloit avoir fon crachement de fang; le cuté cria: Præcipio ut fis in flatu fano perfect jemo; & ma fille ne fentit plus rien, & dit qu'elle fe portoit à merveille. Il ordonna que la main entràt en 'convulsion, d'abord fine dolore, ensuite cum maximo dolore; il fur obéi, & ma fille le conjura ́de faire ceffer fon mal, ce qu'il fit fur le champ. I ordonna palpitationem cordis in magno, majori & in maximo grodu tout cela s'exécuta par degrés. Ces opérations avoient duré deux heures; je voulus que ma fille fe repofâr; elle s'affit pendant quelque tems, & fe mit enfuite à fe promener dans la chambre; le curé lui ordonna de refter immobilis in faru rigidiffimo per omnes corporis partes. Je la vis auffitôt imobile; je courus à elle pour l'examiner, & je priai enfin le prêtre de ceffer ce nouveau prodige, qui finit au mot ambules. Après

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