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Le 24, un des chebecs ruffes qui croifent dans le golfe d'Alexandrette, ayant envoyé fa galiote près de terre fur l'échelle pour y enlever 5 à 6 bateaux, les Turcs accoururent, & l'obligerent à coups de fufil de s'éloigner. Cette galiote tira quelques coups de canon fur la ville; mais il n'y eut que la maifon du conful d'Angleterre d'endommagée.

Les corfaires ruffes ont été plus diligens cette année à paroitre dans les mers de Syrie. Dès le commencement du mois dernier, il y arriva une escadre de trois chebecs, de 14 jufqu'à 22 canons ayant chacun une galiote fous les ordres du che valier Rifo, Grec de nation. Ces bâtimens s'établirent dans les croifieres de Satalie ( Attalia, ville bâtie fur les ruines de l'ancienne Attalie), & de Chypre, où ils firent des prifes confidérables. Le chevalier Rifo, qui monte le plus gros de ces navires (le Themistocle), vint, le 13 du mois dernier, ancrer dans cette rade avec deux cayaffes, chargées de riz, de café & de cuirs, dont il s'étoit emparé fur les parages de l'ifle. Ce corfaire a paffé enfuite à Baruth, & à la côte de Syrie.

SOUR (Tyr) (le 6 Mai. ) Le Chéik-Daher, commandant d'Acre, ayant manqué aux engagemens qu'il avoit contractés avec fon fils Aly, pour lui faire dépofer les armes, ce dernier a refufé de l'accompagner dans l'expédition qu'il est allé faire avec les Mutualis contre les Arabes qui vinrent piller, au mois de Février dernier, la ville d'Ageron & les lieux circonvoifins, & il a engagé fon frere Seid, commandant de Naploufe, à venir le trouver à Saphet, avec fes troupes. Cette conduite allarme tout le pays; on craint que ces deuxChéiks ne faflent encore quelqu'incurfion dans les villages des environs d'Acre, & ne finiffent par infulter cette ville. A 4

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&

Les Mutualis, qui étoient partis peu de tems après le Chéik-Daher, pour le Mezerick qui devoient le feconder dans fon entreprife contre les Arabes, reviennent fucceffivement dans leur pays. Ce vieux guerrier avoit engagé, a→ vant leur arrivée, une action avec les Arabes ; mais elle lui a été funefte. La plus grande partie de fes troupes Maugrebines (Maugrebins, foldats barbare fques, mot qui fignifie Hommes de l'occident), & le peu de cavalerie qu'il avoit , y en péri, & il auroit été pris luiême, fifon fiis Achmet n'étoit venu le dégager. Il s'eft retiré, après l'action, vers les campagnes de Jaffa on l'attend inceffamment dans fa capitale.

On avoit annoncé que le grand-feigneur avoit accordé, moyennant 1500 bourfes, une amniftie au Chéik- Daher, & qu'en outre S. H. lui donnoit pour 400, 50 bourfes de redevance annuelle la poffeffion par malikiané ( par bail emphyteotique) de tous les pays dont il s'étoit emparé, depuis Gaze jufqu'à Baruth, en y comprenant le miri des Drufes & des Mutualis; mais d'autres lettres annoncent que cette nouvelle n'eft point exacte, & que le Chéik-Daher n'a eu d'autre intention en la publiant, qué de contenir quelques hordes d'Arabes qui marchoient contre lui. Ces lettres affurent en même tems, que les affaires font tou-jours dans le même état en Syrie; que le ChéikDaher s'y difpofe à faire tête aux Egyptiens, que la Porte excite contre lui, &que les Ruffes font toujours à Baruth en poffeffion des forts & cha teaux qui leur ont été nemis l'année derniere, en nantiffement des engagemens qui ont été pris avec

eux.

SMYRNE (le to Juillet.) Le fervice pour le repos de l'ame du feu roi de France s'eft fait avec une pompe qu'on croiroit à peine poffible en cette contrée éloignée, ainsi que les réjouiffances relatives à l'avènement de S. M. Louis XVI,

Le conful de France, fuivi de toute la nation, s'étant rendu en grand deuil à bord du Zéphire pour annoncer la mort du roi Louis XV, le chevalier de Monteil, capitaine de vaiffeau, com mandant le Zéphire, fit tirer le canon de quartd'heure en quart-d'heure, mettant auffi-tôt les vergues en pentenne, les pavillons & la flamme à mi-mât; ce qui fut imité par les navires françois. Un peu avant l'heure du fervice qui fut célébré dans l'églife des Francs, qui avoit été or née pour cet effet, le Sr. de Monteil se joignit aux officiers de la marine angloife; & les bâti mens françois, précédés du canot du capitaine an glois, aborderent avec leurs pavillons & banderolles à demi-baiffés. Les François en deuil attendoient fur le quai les capitaines & les officiers de la rade. Le Sr. Tomfon, commandant de la frégate angloife, & le Sr. de Monteil fe rendi rent, avec leur fuite, chez le Sr. de Peiffonnel, çonful de France, & allerent avec tous les con fuls & principaux négocians des autres nations, à l'églife. La fin du fervice ayant été annoncée par un fignal, le Zéphire commença à tirer vingtun coups de canon. Tous les navires en firent au. tant dans l'ordre convenu, avant de rétablir leurs pavillons & leurs vergues.

Le lendemain, le Sr. de Peiffonnel, fuivi de toute la nation, revint à bord pour annoncer l'avénement de Louis XVI; le chevalier de Monteil falua la nation affemblée, conformément à l'ufage; & déployant enfuite tous les pavois, pavillons & banderolles dont il avoit orné la frégate de S. M., il tira une falve de vingt-un coups de canon, & les foldats firent une décharge de moufqueterie. Le chevalier de Monteil partit, mettant le canot anglois en avant des canots françois, & alla joindre les diverfes nations à la maifon confulaire, pour le rendre delà à l'églife. Dès que de

Te Deum fut entonné, le Zéphire commença la falve de vingt-un coups de canon. Le capitaine an◄ glois ayant fouhaité de tirer le même nombre de coups, ne fit feu qu'au fecond coup tiré du Zéphire, & acheva en même tems. Tous les navires étrangers joignirent auffi leur falut à celui des vaiffeaux françois. Après le Te Deum, on changea, à un fignal convenu, tous les pavois & banderolles du Zéphire; fes ornemens avoient été d'abord de diverfes couleurs; on y fubftitua des flammes blanches; on déploya des pavillons qui formerent des tentes de diftance en diftance. Cette décoration annonçoit au public la fête préparée fur la frégate. Ce mouvement exécuté à la fortie de T'églife, ne manqua pas d'exciter le peuple à renouveller les cris de vive le roi. Au même instant, les principales perfonnes des deux fexes s'embar querent fur les chaloupes françoifes difpofées à cet effet, & fe rendirent à bord du Zéphire. On y trouva une table de plus de cinquante couverts dont le chevalier de Monteil & le Sr. de Peiffonnel firent les honneurs aux officiers de la marine angloise, ainsi qu'à tous les confuls, à leurs familles, & aux premieres perfonnes des nations étrangeres & françoife. A la fin du repas, la santé de Louis XVI fut bue, fuivant l'ufage, au bruit de l'artillerie de la frégate, & de tous les navires marchands. Au foleil couchant, on tira la derniere falve de vingt-un coups de canon, les foldats firent une décharge de moufqueterie, & l'on fe rendit à la maifon confulaire, où le Sr. de Peiffonnel avoit fait tout difpofer pour une nouvelle fête.

RUSSI E.

PETERSBOURG (le 22 Août.) Le prince Nicolas de Repnin, lieutenant général, arriva, de 10 de ce mois, à Pétershoff, & remit à l'impé

ratrice-la ratification de la paix conclue avec la Porte, fignée par le grand-vifir.

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Le 12 (& non le 6, comme on l'a dit par erreur), l'impératrice, ainsi que toute la cour revint en cette capitale ; le prince de Repnin dé→ vançoit S. M. I., & il étoit précédé lui-même de 24 poftillons fonnans du cor.

Le 14, jour fixé pour la publication de la paix, le lieutenant-général Ifokow, faifant les fonctions de héraut d'armes, parcourut de grand matin, toutes les places & carrefours de cette capitale pour y annoncer au public ce grand événement. Ce géné ral avoit une écharpe blanche au bras gauche, une branche d'olivier au chapeau, & étoit à la tête de deux efcadrons des gardes, dont chaque cavalier avoit également le chapeau orné d'une branche d'olivier. Vers les II heures, l'impératrice & L. A. I., fuivies de toute la cour, fe rendirent à l'églife métropolitaine de notre-dame de Cafan, & y affifterent au service divin, pendant lequel on lut en chaire, en présence de S. M. I., la déclaration fui

vante.

Le colonel comte de Romanzow, actuellement général major, dépêché par le maréchal fon' pere, eft arrivé à Pétershoff le 4 de ce mois, & a apporté à la cour la nouvelle importante, que les différens mouvemens & opérations des armées vi&orieufes de S. M. Imp. audelà du Danube -avoient tellement refferré le grand-vifir Mouffun-Oglou, & les différens corps qui étoient fous fes ordres, qu'il s'étoit vu forcé d'envoyer deux commiffaires plénipotentiaires au camp du feldt maréchal pour lui demander la paix. Après cinq jours de conférences, elle a été conclue, & fignée le 21 Juillet à Cútfchuck-Kainardgi, dans la tente du feldt maréchal, par Je lieutenant général prince de Repnin d'une part, & les deux plénipotentiaires Turcs de l'autre, avec cette claufe, « que dans l'efpace des jours le grand-vifir fourniroit une ratification formelle de ce traité ». Le prince de Repnin étant arrivé le 10 de ce mois avec cette ratifica tion, il ne refte plus aucun doute que cette guerre fufcitée par la Porte Ottomane, ne foit devenue pour l'er pire de Ruffie, par la bénédiction du très-haut, & la fage

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