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emale miniftere affecoit d'être à cet égard. Pour préliminat re de la vraie difpofition des François, il cita le grand sta nombre d'ingénieurs & d'autres officiers de cette nation

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qui fervent actuellement fous les drapeaux du congrès, pel dont quelques-uns font même revêtus (d'après les informations fûres qu'avoit Mylord Shelburne ) du grade de brigadiers généraux : il allégua pareillement le commerce qui fe fait tous les jours publiquement entre la France & l'Amérique, & le nombre des vaiffeaux qui transportent fréquemment des ports de la premiere aux colonies des cargaifons immenfes de toutes fortes d'armes, de munitions, d'artillerie, d'uniformes, &c., faits, qui, felon lui, n'avoient pas befoin d'autres preuves pour faire appercevoir le but auquel vifoit finalement la cour de Versailles.

L'effet qui pouvoit réfulter de cette conduite, conduifir le lord Shelburne à l'examen des forces refpectives des deux nations, dont il compara furtout la marine prête à agir en Europe. « La France, dit-il, a actuellement 10 vaiffeaux de ligne à Breft, & 6 à Toulon, en état de mettre en mer au premier ordre. Je fçais que l'ad miniftration me répondra que la France ne les a plus dans cet état; qu'elle a défarmé. Oui, Mylords, je me appelle qu'on a beaucoup compté dans le tems fur cette affurance, & que, d'après la premiere nouvelle qui s'en répandit, les fonds monterent autfi-tôt de 2 pour 100. Qu'il me foit cependant permis d'obferver que ce défarmement ne fe fit alors que pour la montre, pour ga gner du tems, & parce que la conjoncture n'étoit pas encore propre à fe déclarer plus ouvertement. Les minif tres fçavent que, dans le tems même de ce prétendu défarmement, la France retint chez elle 2000 marins, appartenant à la pêche de Terre-Neuve: c'eft ainfi qu'elle fe trouva toujours en pofture, tandis féduits par fes belles affurances, & y ajoutant bonnement foi, nous défarmâmes, ou plutôt nous difcontinuàmes les efforts, qu'il nous faut faire depuis la rupture avec l'Amérique, afin de trouver le nombre des marins néceffaires pour équiper notre flotte ».

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que,

A cette occafion, Mylord Shelburne parla de la len teur des enrôlemens, de l'injuftice & de l'inefficacité de la preffe, & de la difficulté de trouver des mâtelots, à quelque condition que ce fût. Il cenfura d'une manie re très-vive les promelles trompeufes, les prédictions illufoires ou la fanfaronnade qu'on avoit faite en affurant qu'en Février, ou tout au plus tard au commencement

de Mars, on pourroit envoyer en mer une flotte de 40 vaiffeaux de ligne, tandis qu'il étoit certain actuelle mem, que trois mois plus tard l'on n'étoit pas encore en état d'exécuter cet engagement.

La comparaifon des forces refpectives occafionna des réflexions alarmantes fur l'état du royaume ; & celles-ci ramenerent Mylord Shelburne à l'objet principal de fon difcours, fçavoir, aux fentimens de la France envers la Grande-Bretagne. Pour faire fentir le tort qu'on avoit eu de les croire finceres, il cita le fait de deux vaiffeaux anglois conduits à l'Orient par l'armateur améri cain, la Représaille. « Mylord Stormont, dit-il, eut or dre de faire à ce fujet des repréfentations très-fortes, pour engager la cour de France à faire arrêter des pri fes, & les retenir comme appartenant à des fujets britanniques. A quoi aboutirent ces démarches ? L'ordre fut donné par le gouvernement; mais la nouvelle de ce qui s'étoit paffé à Paris arriva préalablement à l'Orient; les prifes furent emmenées hors du port, & vendues en pleine mer au-delà de la portée du canon. La réponse sur de nouvelles plaintes fut alors, que la cour avoit fait sout ce qui étoit en fon pouvoir ». Il étoit abfurde, fuivant ce lord, de fuppofer que le commerce extrêmement hafardeux & les liaifons très-étendues qui fub fifoient entre l'Amérique & la France, n'avoient point d'appui plus folide que le crédit de quelques négocians particuliers, ni d'autre reffort que l'efprit mercantile, Il étoit für que les fermiers généraux de France étoient les principaux agens de ce commerce; & des informations fur lefquelles il pouvoit compter, lui avoient appris que cette compagnie avoit contracté avec le congrès pour la livraison du tabac, tandis que des perfonnes revêtues de plus d'autorité encore s'étoient engagées à lui fournir des attirails & des munitions de guerre de toute efpece. En un mot, dit-il, je fuis convaincu que toute liaison de ce genre eft conduite fur un plan bien plus étendu, & par d'autres perfonnes que par des marchands particuliers, qui rarement peuvent rifquer plus de 5000 liv. fterling à la fois dans des entreprifes fi dangereufes & fi précaires. Pour vous faire fentir, MyTords, fous quel point de vue je regarde la politique de la France en cette occafion, je prendrai un exemple de l'hiftoire de ce fiecle. Il me tomba ces jours-ci fous la main un ouvrage contenant la correfpondance entre notre cour & celle de Verfailles fous le duc régent, la Leule époque où nous avons été liés d'une amitié

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réelle & fincere avec la nation françoife. Dans une de fa lettres le régent obfervoit que tant que la France & la Grande-Bretagne pourroient occuper l'Espagne en Sicile, elles n'auroient aucune attaque à craindre de la part de cette puiffance. L'application de cette politique dans le cas préfent eft fenfible. Tant que la France, par fes démarches fecrettes, peut vous obliger à envoyer vos foldats & votre argent en Amérique, elle eft fûre d'affermir fa puiffance, & d'accroître fon commerce, à me. fure que vous vous ruinez, &c r.

Le congrès a rendu publique une correfpondance relative aux difficultés furvenues dans l'échange des prifonniers. La premiere piece eft une lettre du lord Cornwallis, datée de Brunfwick, le 3 Avril, & par laquelle il mande au général Washington qu'il lui envoie un mémoire que le colonel Walcot (Anglois) avoit préfenté au colonel Harrison (Américain), & que ce dernier n'a pas jugé à propos de recevoir.

Mémoire du colonel Walcot.

Attendu que le général Washington a fait notifier le 30 Juin 1776 au général Howe qu'il étoit autorifé à traiter d'un échange général de prifonniers, lequel il a propofé aux conditions fuivantes; fçavoir, officiers pour officiers de rang égal, foldat pour foldat, bourgeois pour bourgeois; à laquelle propofition le général Howe a donné les mains dans fa réponse en date du premier Août de la même année; attendu auffi qu'en conféquence de cette propofition, fon excellence fe repofant fur l'honneur & la bonne foi du général Washington, a rendu, en différens tems, à celui-ci, ainfi qu'il appert par le rôle, plufeurs officiers & foldats prifonniers, lefquels doivent encore être regardés comme tels jufqu'à ce qu'ils foient échangés de bonne foi, officiers pour officiers de même rang, & un nombre de foldats égal à celui qui a été délivré audit général Washington, quelques-uns des nôtres pris avant la préfente convention ayant été détenus contre le droit des gens pendant près de 8 mois, & d'autres pendant trois; en conféquence, le colonel Walcot, revêru de pleins pouvoirs à ces fins & autres, requiert & demande d'une maniere folemnelle & péremptoire, que le général Washington ait à se conformer en tout aux con

ditions ci-deffus mentionnées, & délivrer en cònféquence tous les prifonniers de guerre Anglois, Heffois, Waldekois, Canadiens, &c., qui font en fon pouvoir, le nombre pareil à celui qu'on lui a rendu ; & attendu que le général Howe a encore en fon pouvoir plufieurs prifonniers non échangés, je demande qu'après avoir rempli les premieres conditions, le général Washington procede à l'échange de ceux-ci de la maniere dont il eft convenu dans les cartels du 30 Juillet & du premier Aoûr 1776, non-obfiant les objections malfondées faites par le colonel Harrifon, lefquelles ne peuvent paffer pour des obftacles réels, aux yeux de la raifon & du fens commun. La premiere de ces prétendues objections eft que l'on ne doit pas tenir compte de tous les prifonniers portés fur la lifte remife au général Washington, parce que plufieurs d'entr'eux font morts fur la route ou peuaprès leur arrivée, par conféquent poflérieurement à l'époque à laquelle ils ont été délivrés au général; ce qui me fait infifter fur l'échange dans les termes propofés, foldat pour foldats, &c.

La feconde objection du colonel Harrison porte fur la détention du lieutenant-colonel Lee. Le général Washington feroit fondé à demander qu'on reláchát cet officier, s'il en avoit un en for pouvoir d'un rang égal à celui dont l'on fuppofe que le fieur Lee eft revêtu; mais jufqu'à ce que cela ait lieu, on ne peut admettre l'objection fufdite; j'infifte de plus fur les juftes demandes que je viens de notifier.

Le général Washington répondit, non au lord Cornwallis, mais au général Howe. Cette lettre. eft datée de Morristown, le 9 Avril, & contient ce qui fuit.

MONSIEUR,

Je prends la liberté de vous faire paffer copie d'une piece fignée Walcot, colonel de votre armée, que j'a reçue avec une lettre du lieutenant-général lord Cornwallis. C'eft avec regret que je me vois contraint d'obferver par le peu de ménagemens que garde le colonel Walcot, que cette lettre femble être écrite dans des vues moias honnêtes que celles de traiter fimplement de l'échange des prifonniers; elle repréfente mal les faits, & l'auteur s'y écarte de la délicateffe qui doit diftinguer L'homme honnête & vrai,

Cet officier juge à propos de cenfurer deux articles que j'ai fait propofer par le colonel Harrifon lors de leur entrevue, le 10 du mois dernier. Il y dit que je me fuis écarté de la regle que prefcrivent la raifon & le fens commun, quoique ces articles me paroiffent à moi fondés fur l'équité même. Non content de cette invective, qui n'eût pas mérité de ma part la plus petite attention, le Sr. Walcot s'eft donné la liberté de représenter ces arti cles d'une maniere à en dénaturer le feus, afin d'en tirer les conféquences qu'il jugeoit à propos.

Après ce court préambule je me crois obligé de réfuter l'accufation intentée contre moi par cet officier, qui tenoit de vous fes pouvoirs. J'ai manqué, dit-il, à l'ob fervation des conditions ftipulées dans le cartel d'échange; il me fomme de les remplir; je crois d'après cela, qu'il eft néceffaire que je motive ma conduite, & que je rende compte du fondement fur lequel portent ces articles & mes objections.

Quant au premier, je l'ai dit & je le répete, je ne me crois obligé par aucun principe d'équité de vous tenir compte de ces prifonniers que les mauvais traitemens avoient réduits à un état de langueur qui rendoit leur mort inévitable, ains qu'il eft árrivé a plufieurs d'entr'eux, foit fur la route, ou peu de tems après leur arrivée. Vous devez concevoir que, quoique le cartel n'ait pour objet qu'un échange pur & fimple, il ne porte cependant que fur un principe d'avantage refpe&if, & il n'eft pas né. ceffaire de ftipuler par écrit une chofe qui s'entend d'eliemême, & tient à la nature de ces fortes d'engagemens. L'humanité exigeoit de vous que ces prifonniers fullent traités de maniere à pouvoir conferver leur fanté, & par tout où les droits facrés de la nature ont été refpecés, les prifonniers en général fe font confervés en bon état; l'objet de tout cartel eft d'en rendre les fuites avantageufes aux puiffances belligérantes; dans ce cas, fuppofe que de bons traitemens ont précédé l'échange des prifonniers; le cas contraire doit donc être regarde comme une infraction de conventions fous-entendues; & qui. conque s'en rend coupable doit s'attendre à en fupporter les conféquences. Des gens que les mauvais traitemens ont rendus incapables de fervir, peuvent-ils être regardés comme des objets propres à remplir l'intention d'un cartel? Vous rendre aujourd'hui des prifonniers en bon état, feroit de notre part un don fans équivalent, ce feroit donner lieu à des abus inhumains. Tout l'avanrage refter it à ceux qui se distingueroient par leur bar

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