HOLLAND E. Depuis longtems il se formoit un orage qui menaçoit de commerce , & qui, ayant éclaté vers la fin de Décembre, a jetré un deuil universel sur. la bourse d'Amsterdam. Cet orage avoit été prévu : les révolutions arrivées dans les Indes l'avoient préparé. Les détails des affaires de l'Indoftan ont fait voir les progrès que les Anglois y ont faits , & les avantages qu'ils y ont acquis. On conçoit aisément l'impression que cette prospéri. té dut faire en europe. Tout le monde voulut prendre part à la fortune de la compagnie angloise des Indes. Les personnes riches crurent ne pouvoir mieux placer leurs fonds ; d'autres y troué voient un objet à faire un commerce avantageux. Il semble même que les Anglois se font crus audessus de tous les revers. Un dividende porté à 12 pour cent, a augmenté l'illusion, & les actions de la compagnie ont fi rapidement monté, qu'au mois de janvier 1772, elles ont été jusqu'à 226. Depuis, elles sont tombées , ensuite remontées. Au mois de Juin dernier, on les a yues à 224. Aujourd'hui elles ne valent qu'environ 155. Tant les actions ont fait un objet de commerce réel, il n'y avoit rien à redire à l'intérêt qu'y prenoient des perfonnes aisées, ou des négocians en état d'y suffire :'mais bientôt elles ont excité l'avidité de gens de tout ordre, qui ont cru y trouver les sources d'une fortune rapide & immense. On en a fait un jeu, des personnes de tout rang, de toute condition, ont pris part à ce jeu; & , ce qui paroit inconcevable, des personnes aisées, riches même, jouissant d'ailleurs d'un état honorable, se font laiffées éblouir au poine de risquer de se voir réduires à la derniere misere, de perdre leur état même, & cela dans la folle que espérance d'accumuler des trésors qui ne pouvoient leur donner d'autre plaisir que celui de les polséder. Les actions se vendent comptant ou à crédit, comme toutes les marchandises. Les formalités se réduisent à substituer le nom de l'acheteur à ce lui du vendeur , sur les livres, de la compagnie, feul titre qu'aient les actionnaires. L'avidité & l'efprit du commerce ont imaginé une autre maniere de prendre part à ce trafic. Des hommes qui n'ont point d'actions à vendre, des hommes qui n'en veulent pas acheter, s'engagent réciproquement, les uns à en livreç, les autres à en recevoir up nombre déterminé, à un prix convenu & à un tems fixe. A cette époque, on fair la balance de ce que les actions ont été vendues, & de ce qu'elles valent: on folde avec de l'argent, & la négociation eft finie. On a imagine différentes façons de faire ce négoce; mais dans le fonds, elles se ré duisent toujours à une gageure sur la haufle ou la baisse des fonds publics. Je vous vends, par exemple, 100 acions à raison de 200 livres fterlings, à fournir le Icr. Janvier. Ce jour-là, elles se trou. vent à 210, vous me donnez 1000 livres, qui font la différence de 205 à 210 , pour les 100 aC tions. Je vous donne une pareille somme , si elles sont ce jour-là à 190. Je vous vends 100 actions à 210 livres à un terme fixé, & vous laisse la liberté de les prendre ou de ne les point prendre alors, moyennant une certaine somme que l'on nomme prime. Si au terme fixé, les actions se trou, vent à 203, l'acheteur ne les prend pas; il n'y perd que la prime : si elles se trouvent à 216, it prend le surplus de ce qu'elles. valent au-delà de 219. Il est aisé de voir qu'on peut donner différentes formes à ces ventes fimulées; qu'on peut les pousser à l'infini, & que l'on peut conti nuer ce jeu aussi longtems qu'on se trouve avoir de quoi risques, Ce n'est pas tout : pour pouffer ce prétendu comme & sur ces actions des sommes qu'ils » Cette facilité de trouver du comptant, effimers tant les actions en gage pour la sûreté des-emprunts a fourni aux agioteurs un moyen de prendre un vol fort élevé. Mais cette même facilité, autre côté, a servi aussi à rendre leur chûte plus certaine ; car les actions tombant, il falloir ou vena dre ce qu'on en avoit ; ou remplir la condition des emprunts , & fournir le surplus. Si l'on prenoit le premier parti's on risquoit de les faire baisfors davantage, & de n'en point tirer les formes pour lesquelles on les avoit engagées : on étoit ruiné. On s'eft donc vu dans la néceffité de cer chef de nobveaux emprunts pour fournir le far-- Glor d'un plus : on a accumulé les emprunts jusqu'à ce qu'on s'est totalement épuisé, & qu'on a vu les bourses fe fermer. Qu'on fe représente nuaintenant la baisfe des fonds de la compagnie angloise des Indes depuis fix mois , & l'on sentira la lituation de ceux qui ont donné dans ce pernicieux trafic, de fa çon à n'en pouvoir sortir. On prétend qu'un pare ticulier en Hollande s'est trouvé intéressé pour plus de fix millions de Hollande dans la compagnie an gloise des Indes , & que fe capital de cette compagnie s'est trouvé, pour ainsi dire, concentré en Hollande. Ceuxqui, plus prudensou plus avisés, n'y ont pris part qu'en se conservant le moyen de pouvoir quitter la partie lorsqu'ils le jugeroient bon , & qui éveillés par les nouvelles qui venoient de l'Indoftan, ont commencé à s'appercevoir que la fituation brillante de la compagnie n'avoit qu'un éclat trompeur, ont commencé à fe défaire de feurs' actions, se réservant d'en acheter de nouveau lorsqu'elles feroient tombées à un prix affez bis pour s'indemniser de ce qu'ils - facrifioient, ou pour faire de nouveaux profits. Ceux-ci , ine céreilés par ce principe à voir baisser les actions, ont ajouté à l'effet naturel que produisoient les nouvelles qui venoient de l'Indoftan, tout ce que l'industrie pouvoir y contribuer ; tandis que les autres, furtant contre leur mauvaise fortune, n'ont fait que de vains efforts pour faire monter les actions. Les agioteurs ont donné le nom de mine & de contre-n: ne à ces intérêts opposés & aux intrigues qui , de part & d'autre, ont été employées pour le détruire. Enfin, la compagnie ayant été obligée d'exposer son état , & fon dividende ayant été diminué de 12 à 6, les espérances de voir remonter les actions, se sont évanouies avec les fortunes immenses de ceux qui y avoient compté. A ce commerce, on en a ajouté un autre , plus réel, si l'on veut, mais hazardeux pourtant. On fçait que, depuis quelque tems , les négociations fe font fore multipliées en Hollande. Les cours de Vienne, de Russie , de Danemarck , y ont fait des emprunts : il s'en est fait pour des villes - & pour des sociétés particulieres. Le succès de ces négociations a fait abufer de la facilité à les remplir. On vouloit, par exemple, un million. -Celui qui étoit chargé de la négociation en donnoit connaissance à quelques fortes maisons. Ces maisons se chargeoient de la remplir ou d'y prendre part, moyennant un bénéfice d'un demi d'un ou de deux par cent , plus ou moins. Ce bénéfice faisoit un gain clair & net , fi ceux qui fe chargedient de remplir la négociation, trou voient à placer la portion qu'ils avoient prise pour leur compte. Le million étoit partagé en 1000 obligations, chacune , par exemple, de 1000 florins; suivant l'idée plus ou moins favorable qu'on pouvoit donner de cette négociation au public, OR fe défaifoit de ces obligations; mais si l'on ne ré uslistoit pas, on se voyoit réduit à garder les papiers; & pour ne pas les exposer en vente & en faire tomber pår-là fa valeur, on les engageoit à raison de 95 , 90, 85, ou 80 pour cent, suivant l'idée plus ou moins favorable que le public s'en faisoit. Insenlblement on s'est trouvé manquer du comptant & n'avoir que des papiers , dont on ne pouvoit pas même disposer', & qui, exposés en vente, couroient risque de tomber totalement. C'est-là en particulier, à ce qu'on prétend, le cas de ceux qui ont pris un forç intérêt à la néc gociation faite pour les illes danoises. Enfin, une troisieme source de mauvaises affaire res, c'est l'abus du commerce en lettres de chan. ge, dont on trouve un exposé affez net dans un ouvrage qui a paru, il y a quelque tems , sous ee titre, Intérêts des nations de l'Europe déveloped |