Panéantiffement de l'état. En conféquence, Meffieurs, le roi repete aujourd'hui ce qu'il a dit en Décembre, qu'il ne veut pas attirer de nouveaux malheurs fur le pays, en voulant maintenir fes prérogatives, ou en s'oppofant à l'établiffement du confeil permanent.

Ce fut d'après le rapport de ces fentimens du roi, que les délégués fcellerent de leur fignature le fameux projet de l'établiffement du confeil permanent. Depuis cette époque remarquable, des réglemens particuliers relatifs au confeil ont occupé la délégation, qui s'eft affemblée chaque jour. Dans les fcéances des 17 & 18, on agita vivement cette queftion : « Si le maréchal de l'ordre équeftre conferveroit cette dignité fa vie durant, & rempliroit par conféquent les fonctions d'orateur perpétuel du confeil, ou fi après un certain. terme il feroit remplacé ? Cette propofition excita les débats les plus animés entre les partifans du prince Poninski & les patriotes. Ceux-ci obferverent que la prétention du maréchal étoit le comble de l'injuflice; 1o. parce que fon pouvoir, comme maréchal, étant fupérieur, à plufieurs égards, à celui du roi, il ne convenoit pas qu'il réfidât toujours dans les mêmes mains; 2°. parce que la dignité perpétuelle du maréchal, décernée au prince Poninski, qui eft nonce pour le duché de Liw, au palatinat de Mafovie, détruiroit l'égalité qui doit regner entre la Pologne & la Lithuanie, & fur laquelle eft fondée l'union de la couronne avec ce grand-duché, & qu'elle porteroit également atteinte aux droits de la Petite- Pologne fur le bâton de maréchal. Le zele du prince Czetwertynski pour le roi & la patrie alla beaucoup plus loin. E élevant la voix contre tous les projets favorables à la tyrannie, au nombre defquels il rangea celui d'établir des offices perpétuels dans le confeil, il retraça l'infulte que le prince Poninski avoit ofé lui faire, & termina fes cbfervations par ces

mots: Non, le féjour des troupes étrangeres pendant tant d'années, nos guerres inteftines, n'ont point caufe tant de dommages à la république ; non les ravages, les inondations, les incendies, la cherté des denrées, n'ont pas tant épuisé la patrie que l'avarice d'un feul homme, qui, depuis 18 mois qu'il difpofe d'un pouvoir fouverain, attire dans fes coffres la fubftance, l'or & l'argent de nos citoyens. La décifion que vous allez porter, illuftres délégués, eft de la plus grande importance; mettez-vous en garde contre celui qui brigue par la bouche de fes part fans, la place d'orateur perpétuel dans l'ordre équestre: ce tyran avare vous écorchera tout vifs. Après ce difcours, prononcé avec touté la véhémence que l'on connoit au prince Czetwertynski, on recueillit les fuffrages, & la pluralité de quelques voix enleva au prince Poninski l'efpérance dont il s'étoit flatté. Il fut réfolu qu'à chaque diete, c'est-à-dire, tous les deux ans, on éliroit un nouveau maréchal qui feroit choifi alternativement entre les nonces de la Pologne, & ceux de la Lithuanie. A cette déeifion accablante pour le prince Poninski, qui voit s'échapper de fes mains 120 mille florins d'appoinremens annuels, il a déclaré qu'il fe démettroit de la dignité de maréchal, & demanderoit une place de fénateur, pour s'affurer par ce moyen une féance perpétuelle au confeil. On dit qu'il s'intrigue actuellement pour fe faire nommer chef d'un des départemens, & que la place de préfidont perpétuel de celui des affaires étrangeres eft déjà affignée au grand chancelier de la couronne. Je prince Augufte Sulkowski n'a pas eu plus de fuccès que le maréchal Poninski, dans la propofition qu'il fit à la délégation de créer de nouvelles charges de fecrétaires du confeil, pour s'affurer d'un de ces emplois. On a fenti l'abus de cette création, qui auroit entné de nouvelles dé

penfes, & le vœu de la pluralité fut de faire remplir ces fonctions alternativement tous les deux ans, par les fecrétaires actuels de la couronne & du grand-duché de Lithuanie.

Quelques étrangers nouvellement aggrégés au corps de la nobleffe fe flattoient de pouvoir faire partie des membres du confeil permanent; mais la délégation s'eft déterminée à donner l'exclufion à tous ceux qui ont obtenu l'indigénat fous le regne actuel, & à n'admettre au confeil que des Polcnois d'une ancienne nobleffe: on mit enfuite en queftion fi les membres de ce confeil national pourroient accepter des graces de la part du roi. Cette propofition fut difcutée avec beaucoup de feu de part & d'autre pendant quelques féances, & enfin elle paffa à l'affirmative.

Les principaux articles concernant l'établissement du confeil permanent s'étant trouvés rédigés dans la féance du 29, on expédia un courier à Pétersbourg pour avoir l'approbation de cette cour. En attendant, la délégation continue fon travail avec une activité dont elle n'a point encore donné d'exemple depuis qu'elle eft établie; elle fe propofe de terminer plufieurs affaires qui ont déjà donné lieu à de longues difcuffions, afin que rien ne puiffe retarder l'ouverture de la diete, qui refte fixée au Ier. Octobre prochain. La conduite que le roi a tenue dans tout ce qui s'eft paffé à l'égard de la nouvelle forme de gouvernement, & le zele des vrais patriotes lui ont procuré des avantages auxquels on n'auroit pas ofé s'attendre; & le projet, tel qu'il avoit d'abord été conçu pour T'anéantifiement de la puiffance royale, a éprou vé bien des changemens. La réfolution de rendre la charge du maréchal élective à chaque diete, renverfe tous les projets ambitieux que les ennemis de S. M. avoient conçus pour leur grandeur & celle de leurs amis. Ce prince a obtenu

le droit de conférer lui seul 15 ftarofties. A tous les principaux articles du projet on a ajouté la claufe, avec le bon plaifir, avec l'agrément du roi. Le parti qui lui eft oppofé, a fait les der niers efforts pour la faire retrancher, ou du moins pour y ajouter une interprétation qui en diminuât la force; mais les miniftres étrangers, qui paroiffent avoir un peu plus de ménagement pour S. M. depuis qu'elle a donné fon aveu à l'établif fement du confeil, ne fe font déclarés cette

fois-ci en leur faveur.

pas

Le Sr. Krafewski, régimentaire de la GrandePologne, qui avoit été dangereufement bleffé à l'affaire de Slupce ou de Kompiela, eft ici depuis quelques jours, & ne paroit en public qu'avec un cortege militaire. Quoique le Sr. Benoit, miniftre de la cour de Berlin, ait porté des plaintes fur la conduite de cet officier, & que le miniftere ait nommé des commiflaires pour prendre des informations fur les lieux, la faveur qu'il vient d'obtenir, prouve qu'on eft fort éloigné de blâmer la réfiftance qu'il a oppofée aux troupes Pruffiennes; le roi vient de le décorer de l'ordre de St. Staniflas. On n'a pas pris le change ici fur l'objet des plaintes du miniftre Pruffien; il les a plutôt formées dans la vue de prévenir celles de la république que pour obtenir réparation de quelque tort réel. La cour de Ruffie, convaincue de la juftice de nos réclamations fur l'extenfion que les deux autres puiffances co-partageanres ont donnée à leurs limites, fes a engagées à fuivre littéralement la convention de Pétersbourg. En conféquence, on affure que la cour de Vienne a déclaré, qu'après avoir fait des recherches à ce fujet, elle avoit reconnu que fes troupes avoient outrepaffé les bornes prefcrites par les traités, & qu'elle alloit les retirer de plufieurs diftrics. On est fondé à croire que la cour de Berlin inri

:

tera cet exemple. Ces changemens font attribués aux négociations du comte Branicki, grandgénéral de la couronne, qui eft attendu ici après demain plufieurs officiers font allés à fa rencontre. L'intérêt perfonnel qui a divifé plufieurs membres de la délégation, 'commence à avoir des effets férieux. Le prince François Sulkowski' fe battit en duel le 25, avec le Sr. Sierafzewski; après avoir déchargé leurs piftolets fans fe toucher, ils mirent le fabre à la main, & fe blefferent tous deux. Le 27 au matin, le prince Jablonowski, palatin de Pofnanie, & le prince Augufte Sulkowski, palatin de Gnefne, fe font auli, battus. fans effufion de fang; après la premiere décharge des amis qui leur fervoient de feconds, font parvenus à les réconcilier. On dit que la querelle vient de ce que le premier a refufé fon fuffrage au fecond pour la pofte de fecrétaire perpétuel du confeil. Le prince François Sulkowski & le prince Martin Lubomirski fe font auffi appellés en duel; mais on ignore l'iffue de ce cartel. La partie la plus faine des délégués n'a pu voir fans douleur quelques-uns de fes membres fe porter à ces excès. En conféquence, elle vient de renouveller & confirmer l'ancienne ordonnance contre ceux qui fe battront en duel. L'agreffeur aura la tête tranchée, & celui qui aura accepté le cartel fera enfermé un an & fix femaines, dans une tour, connue en Pologne fous le nom de Wietza & payera aux Fifcs mille marcs d'argent. Les ordres font donnés pour faire obferver rigoureu fement cette loi fage, qui étoit reftée fans exéeu ion. Il étoit rare de voir un Polonois qui n'eût pas reçu quelques balafres dans un combat fingulier.

L'amiral Knowles eft ici depuis quelques jours, ainfi que le prince de Waldeck, qui eft revenu de l'armée Ruffe, où il a fervi comme volon