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Rillecourt, qui en avoit été nommé colonel, prévoyant de loin par où ceste levée de bouclier finiroit, avoit écrit qu'il ne reviendroit plus en Pologne.

Dans un coin du palatinat de Kalisch, où les lumieres de la philofophie n'ont point encore percé, un gentilhomme vient de faire condamner à être brûlées comme forcieres 9 vieilles femmes de fa jurifdiction, accufées d'avoir nui à la derniere récolte par leurs maléfices ou fortileges. Il y a tout à parier que ces brûleurs de forciers ne le font gueres. De tous les états policés, il n'y a que la Pologne qui ait à rougir de donner un pareil fpectacle dans le 18e. fiecle. C'est bien affez d'un exemple de cette efpece, pour prouver l'abus des jurifdictions particulieoù la fortune, la vie & l'honneur des citoyens font foumis aux décisions de juges aussi ftupides qu'ignorans.

res,

On eft toujours fortement occupé dans ce royaume à caufer aux Juifs tout le mal poffible. On vient de faire fermer les magafins & les boutiques de ceux de Cracovie, & toute efpece de commerce leur eft interdite dans cette partie de la Pologne.

L'hiftoire ou la fable de l'empoifonnement projetté, dont on a parlé, continue à faire beaucoup de bruit. Les papiers public de cette capitale l'ont d'abord annoncés, & les gazettes étrangeres en ont été les échos, fans qu'on en foit mieux inftruit pour cela. Dans la capitale même où cette atrocité prétendue s'eft paffée, on en raconte les circonftances de vingt façons différentes. Le Juif eft toujours dans les fers, & fon crime, vrai ou fuppofé, ne contribuera pas peu à rendre fa nation encore plus odieufe aux Polonois.

Une autre aventure, à peu-près du même genre,

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donne matiere à des conjectures auffi finiftres. Un inconnu écrivit, il y a quelques jours, au prince Sulkowski, maréchal de la couronne une longue lettre, fignée Protois Rzetelnicki ( ce qui fignifie homme vrai) : il y révéloit au prince des fecrets très-importans, & le prioit d'en avertir le roi, afin qu'on prévînt à tems des projets criminels. Le prince Sulkowski a répondu par la voie de la gazette de cette ville, qu'il ne communiqueroit à S. M. aucun de ces avis, que lorfque celui qui les lui a adreffés fe feroit fait connoitre, & que s'il eft effectivement honnête homme & bon citoyen, il n'a aucune raifon de garder l'anonyme.

ALLEMAGNE.

HAMBOURG ( le 26 Novembre.) La républi que de Pologne envahie, & démembrée par des voifins redoutables qui fe font partagé fes plus belles provinces, eft actuellement dans la crainte d'éprouver de nouvelles pertes de la part des grands feigneurs polonois qui poffedent des villes & des bourgs, & qui cherchent à fe détacher peu-à-peu de leur patrie. Déjà l'on affure que le comte Vincent Potocki a vendu la ville de Brodi à la maifon d'Autriche, & qu'il a même touché une partie de la fomme convenue. Si cette nouvelle fe confirme, elle caufera d'autant plus de peine au confeil permanent, que cette ville, avantageufement fituée dans la Wolhynie eft précisément le centre du commerce entre la Pologne & la Turquie. Ceux qui connoiffent l'hiftoire de ce royaume-république n'ignorent pas qu'autrefois la ville de Brodi a donné lieu à des différends dont les fuites ont fait époque. On fe repent en Pologne, mais trop tard, d'avoir fait autant de fouverains qu'il y a de magnats.

Les motifs qui ont porté le comte Potocki à trai ter de cette fouveraineté, font, dit-on, la certitude où il étoit qu'on la lui auroit enlevée tôt ou tard; ce qui auroit caufé une perte irréparable à fa maifon. Dans un tems où les grandes poffeffions, quelque bien acquifes qu'elles foient, font incertaines & précaires, il ne feroit pas étonnant que d'autres magnats fuiviffent fon exemple.

On mande des bords du Danube que les commiffaires que la cour de Vienne avoit envoyés en Moldavie, pour y régler avec ceux de la Porte les limites de cette province, n'ont point réuffi dans l'objet de leur miffion, & qu'ils font en route pour retourner en Autriche. On prétend qu'ils ont voulu faire valoir les prétentions de leur cour fur de grands diftricts qui avoifinent fes états; mais que les commiffaires turcs ont déclaré qu'ils n'étoient munis d'inftructions que pour procéder à la démarcation, & non pour cé der des parties confidérables de provinces, qui appartiennent à leur fouverain. Quelques politiques penfent que la cour de Pétersbourg avoit beaucoup d'intérêt à voir manquer cette opération, parceque la pofition des Autrichiens lui auroit , pour ainfi dire, fermé l'accès en Turquie.

Les troupes de la même puiffance ne paroiffent nullement difpofées à évacuer la Pologne. Leur féjour, prolongé dans ce royaume, paroit caufer quelque ombrage à la cour de Berlin qui a, dit-on, réfolu de faire entrer un corps dé to mille hommes dans la Grande-Pologne.

Les négocians de toutes les nations, que le commerce de Dantzig intéreffe, fe flattent que les efforts de la république de Pologne, appuyés par les représentations de leurs fouverains refpectifs, apporteront quelque adouciffement aux

ordonnances rigoureuses qui gênent ce commer ce: on apprend déja, par une lettre de la Vistule, du 7 Nov., que la cour de Berlin vient de fe relâcher entierement de ces ordonnances en faveur de la Ruffie. Un officier au fervice de cette puiffance, que le général Clebow envoyoit à Dantzig pour y faire quelques emplettes néceffaires à l'armée ruffe, fut mal reçu à la douane pruffienne du faubourg de Schottland, plufieurs marchands ruffes effuyerent le même traitement. Sur les plaintes qui en furent portées à l'impératrice, cette fouveraine en fit faire à S. M. Pruf., qui a auffitot enjoint à fa régie de traiter déformais les négocians, ruffes fur l'ancien pied; & en même tems elle a donné ordre aux officiers employés au Fahrwaffer, d'avoir tous les ménagemens poffibles pour les vaiffeaux appartenant à la nation ruffe, & même de les laiffer paffer, fi leurs capitaines ne veulent pas s'affujettir à y décharger leurs cargaifons, comme on y oblige les navires des autres nations.

Des lettres de Stockholm portent que le roi de Suede a fait expédier des ordres circulaires à tous les commandans des ports de fes états de n'y recevoir à l'avenir que deux vaisseaux de guerre ruffes à la fois, foit que ces vaiffeaux viennent de l'Archipel, ou directement des ports de Ruffie.

BERLIN (le 25 Novembre.) Les émeutes & les tumultes font ordinairement affez rares & toujours peu dangereux dans un état militaire, où des corps nombreux de troupes bien difciplinées font toujours prêts à les réprimer. On vient d'en voir un exemple ici. Les ouvriers en foie de cette ville avoient quitté les manufactuoù ils s'étoient bien promis de ne point rentrer, à moins qu'on ne leur donnât une aug

res,

mentation de falaire. Ils s'étoient rendus dans une auberge, pour y former leur cabale, lorfqu'un détachement de la garnifon a interrompu leurs délibérations, & les a ramenés fans bruit à leurs travaux.

On a fait en Siléfie une obfervation très-utile: c'eft qu'en donnant à une vache de bonne boiffon en préfence de fon veau, la mere prend de groffes tétines, & donne beaucoup de lait; on fe fert pour cela d'un breuvage de pommes de terre cuites & pilées.

On mande de Koenigsberg qu'on y a pofé, avec beaucoup de cérémonie, la girouette de la nouvelle tour de cette ville, connue fous le nom de Haberberg, qui avoit été brûlée par le feu, du ciel en 1747. La principale muraille de cette tour s'éleve à 115 pieds & demi; le refte monte encore à 130 pieds & demi au-deffus; ce qui fait une hauteur de 246 pieds. Le globe, qui eft de cuivre, contient 7 tonnes & demie, mefure de Berlin, & l'on a employé 76 ducats à la dorure. Ce globe eft furmonté d'un ange qui a fes aîles déployées, & qui, tournant fur un pied, tient la place de la girouerte; il a 7 pieds de haut, & le cuivre dont il eft compofé pese 160 livres.

HANOVRE (le 28 Novembre. ) Il a été ordonné dans quelques villes de les définfecter de la contagion des cadavres, dans d'autres d'en écarter les magasins à poudre; ailleurs, les artificiers, les diftillateurs, &c. ont été obligés de prendre différentes précautions pour prévenir les incendies. Mais il refte encore partout des profeffions dangereufes, qui menacent conftamment du feu les propriétés d'une foule de citoyens, fans qu'il paroiffe poffible de les concentrer dans leurs foyers. Les villes ont été bâties, comme la plupart

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