capitaine de vaiffeau, fe détendit avec tant de va leur contre-les Ruffes, à la malheureuse affaire de Chefmé, & qui, quoique bleflé d'un coup de feu à l'épaule, fe fauva à la nage, après avoir mis le feu au vaiffeau de l'amiral Spiritow, & vu fauter en l'air celui qu'il commandoit; c'est auffi le même qui contraignit les Ruffes à abandonner l'ifle de Lemnos. On dit qu'il réunit les fentimens de juftice & d'humanité aux talens militaires. Il ne faudroit pas beaucoup de généraux de cette efpece pour rendre à l'empire ottoman fon ancienne fplendeur.

RUSSIE.

Moscou (le 27 Juillet. ) L'intention de l'im pératrice étoit d'aller à la rencontre du feldt-ma→ réchal de Romanzow, & de lui décerner tous les honneurs du triomphe; mais la modestie du vain queur des Turcs l'ayant porté à fupplier cette princeffe de fupprimer ces marques trop éclatan tes de fa fatisfaction & de fa bienveillance, S. M. Imp. a bien voulu fe rendre à fa priere. En con féquence, ce général, qui arriva le 19 de ce mois, en cette capitale, n'y fit point d'entrée publique, & fut reçu fans autre cérémonie que celle des troupes qui avoient pris les armes.

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Le 20 au foir, l'impératrice, accompagnée du grand- duc & de la grande-ducheffe, revint du château de Calomintzka en cette ville, & alla occuper le palais royal appellé le Kreml ou Kremelin.

Le 21, jour fixé pour l'ouverture des fêtes de la paix, cette princeffe, revêtue du manteau im périal, & ayant la couronne fur la tête, fe rendic à pied & avec la plus grande pompe, à l'églife métropolitaine, où elle entendit l'office divin; tou tes les troupes de la garnison formoient une double haie à son paffage. L'impératrice fortit de la

métropole au fon de toutes les cloches (*), & an bruit de toute l'artillerie & retourna avec le même cortege au palais, où S. M. Imp. reçut les complimens de la principale nobleffe; les dames étoient en robes & en grands paniers, & les feigneurs étoient revêtus des habits des différens ordres dont ils font décorés. S. M. Imp. defcendit enfuite l'escalier rouge, alla au palais Pretfchiffenkow, fit jetter de l'argent au peuple, & diftribuer un jetton d'argent à chaque foldat. Le 22 fut un jour de repos. Le 23, toute la cour affifta au fervice divin, & il y eut le foir bal & fouper; le même jour, la comteffe de Romanzow mere du maréchal, reçut des mains de l'impératrice, les marques de l'ordre de Ste. Catherine, & le fils aîné de ce général fut créé chevalier de l'ordre de St. Alexandre Newski. Le 24, comédie gratis au grand théâtre de la ville. Le 25, il y eut à la cour grand festin, opéra, & l'on fit couler des fontaines de vin pour le peuple. Le 26, repos. Aujourd'hui 27, les fêtes fe termineront par un bal mafqué, par des fpectacles, feu d'artifice, iliaminations, & divers amusemens pour le peuple.

Indépendamment de tous les bienfaits que l'impératrice a répandus fur fes fujets, ainfi que. nous l'avons annoncé, cette princeffe a également récompensé avec une générofité dont il y a peu d'exemples, tous ceux qui ont contribué au fuccés des opérations de la derniere guerre, foit à la tête des armées, foit dans le cabinet. Voici la lifte exacte des gratifications accordées par S. M. Imp. 1o. Au maréchal prince de Gallitzin, pour la

(*) La principale cloche de cette églife paffe pour la plus groffe qu'il y ait au monde; elle a 64 pieds de circonférence extérieure, & 2 pieds d'épaiffeur. On dit qu'elle pefe 320 mille; un incendie arrivé en 1701, occafionna la chute de cette maffe énorme, qui fut depuis remife à la place.

M

premiere campagne contre les Turcs & la prife de Choczim, une épée d'or, garnie de diamans, & une vaitlelie d'argent. 2°. Au maréchal comte de Romanzow, pour les fervices fignalés qu'il a ren.dus à l'é at, le furnom de Sadunaiski ( ce mot rulle veut proprement dire celui qui a été au-delà du Danube ); de plus un bâton de commandement, orné d'aigles impériales & de lauriers; une armure complette, & un cafque couronné de lauriers; une épée, les marques de l'ordre de St. André, la boutonniere, une épaulette, & un noed de chapeau, le tout en diamans; 100 mille roubles pour une maison; un cabinet de tableaux; 5 mille pay ans dans la Ruffie-Blanche; une médaille d'or avec fon portrait; une vaiflelle d'argent pour 40 perfonnes. Ce feigneur reftera gouverneur-général de l'Ukraine & de la Nouvelle Ruffie, dont les gouvernemens feront réunis. 3o. Au prince Dolgoroucki, pour la conquête de la Crimée, 60 mille roubles, les marques de l'ordre de St. André, & une épée en diamans. 4°. Au comte Alexis Orlow le furnom de Chefmé ( en mémoire de Chefmé, où la flotte ottomane fut entierement défaite); les marques de l'ordre de St. André en diamans, & une vaiffeile d'argent. 5°. Au comte Pierre Panin, pour l'expédition contre Pugatschew, 60 mille roubles, & les marques de l'ordre en diamans. 6o. Au général Potemkin, aide de campgénéral de S. M., le titre de comte une épée & le portrait de l'impératrice, enrichi de diamans. 7°. Au procureur-général prince Wafemskoi 2400 pay fans. 8. Au comte Féodor Orlow la démiflion de tous les emplois, qu'il avoit demandée le rang de général en chef & une pension. 9o. Au comte Jean Czernichew le cordon de St. André, & à fon fils la place de gentilhomme de la chambre.

avec

Les officiers particuliers qui fe font distingués,

ont reçu auffi des récompenfes proportionnées à leurs fervices, & S. M. Imp. n'a pas oublié les foldats, qui font prefque toujours négligés; tous ceux qui ont fervi, tant fur terre que fur mer pendant la derniere guerre, ont reçu une médaille. Le premier régiment de grenadiers portera à l'avenir le nom de grenadiers du corps, & l'im pératrice a déclaré qu'elle en feroit elle-même le

chef.

Les différens colleges ont eu part aux graces multipliées que la fouveraine a répandues. Le général major Czerbatfcew, de la chancellerie des poftes, le général- major Schoukoff, de la chancellerie de Toula, ont été déclarés lieutenans-généraux. Les généraux-majors Potopoff, du college. de révifion, Axatfchew, du college des confifcations, Koffchenbeg, du collège de la petite Ruffie, ont été faits confeillers privés. Les confeillers d'é tat Stehlin, de Klengfleld Locinin, Mecheniff, Tfchomiroff & Kofchin ont été faits confeillers d'état effectifs.

Les comtes Mikita, Iwanowick, Panin, Rafu mow-ki, Zacharie, Gregoriewicz, Kernitfchew & le prince Wolkonsky ont reçu chacun une tabariere d'or, enrichie de diamans, évaluées chacune à 6000 roubles. Il y avoit dans la boîte du dernier une bague de prix.

Il y a eu auffi une promotion de chevaliers de Ste. Anne en faveur du général- Olfoufieff, de l'ingénieur général Mordwinoff, des générauxmajors Engelhard, Mouromzow Wolkow Knifer, & Rafczokia, du Sr. Demidow, chef d'arallerie, du préfident Chitrow, & du contreamiral Baballe.

L'article 18 du traité avec la Porte s'eft pleinement exécuté. Outre la fortereffe de Kinburn, les Turcs ont cédé a la Ruffie une langue de terre de 75 werftes, qui longe le Liman & le Nieper,

de

jufqu'à Goloi- Perewofs, où la riviere de Konkie. Wodi fe jette dans le Nieper, ainsi que le terrein entre le Nieper & le Bog; de forte que la Porte ne poffede actuellement pas un pouce terre fur la gauche de ce dernier fleuve. Le général-major Kochius commande à Kinburn, dont il a pris poffeffion avec fa garnison le 4 Avril.

Pour venger la mort du profeffeur Gmelin qu'Ufmei, Kan des Tartares Usbecks, près de la mer Cafpienne, avoit fait mettre en prison, le général de Medem lui fait actuellement la guerre, & l'a mis fort à l'étroit. Fetz Ali, Kan de Derbent, le Schamchal de Tarku, & plufieurs autres princes tartares, qui demeurent au pied du Caucafe, fe font foumis à la Ruffie.

PETERSBOURG (le 8 Août. ) Les fêtes, qui ont commencé ici le 21 du mois dernier, ont continué les jours fuivans. Le 23, le prince de Gallitzin donna dans le palais impérial, un bal mafqué, où il fe trouva plus de 2 mille perfonnes; on y danfa dans 4 falles jufqu'à 3 heures du matin.

Le 25, le St. de Betzkoy, confeiller-privé actuel, donna au public un fpectacle allégorique des plus ingénieux. En face de fon hôtel, fur la Néva, il avoit fait préparer une ifle qui parut éclairée à l'entrée de la nuit. On y voyoit les effets de la guerre dans toute leur horreur, des murs ruinés, des tours renversées, enfin partout des décombres & des débris; mais tout-àcoup, tous ces triftes veftiges de ravage difparurent, & l'on vit un temple magnifiquement illuminé au milieu d'une campagne riante, couverte de fermes & de maifons. Il en fortit une foule d'habitans heureux & contens, qui chanterent une ode à l'honneur de leur fouveraine bienfaifante, & érigerent un obélifque à fa mémoire, autour duquel ils danferent enfuite au