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3. En convenant des moyens & de la capacité politique des états, de retirer leurs papiers, y a-t-il quelque raifon de craindre une lache violation de la foi publique ?

"C'eft à regret, & avec la plus grande répugnance que nous prenons far noas-mêmes de difcuter une queftion qui renferme dans elle un doute a.fi injurieux à l'honneur & à la dignité de l'Amérique.

L'ennemi, remarquant que la force de l'Amérique confifte dans l'union de fes citoyens, & dans la fageffe & l'intégrité de ceux auxquels ils ont confié la direction de leurs affaires, s'eft donné des mouvemens infatigables pour alarmer & défunir le peuple, pour décréditer les ta→ lens & la vertu 'de fes chefs, & affoiblir la confiance de leurs conftituans. Pour cela, on a tenté, à plufieurs reprifes, d'établir une abfurde & imaginaire ligne de diftination entre le congrès & le peuple, & de créer l'opinion & la croyance que le irs intérêts, ainfi que leurs vues, étoient differens & oppofés. De-là les contes ridicules, les infinuations envieufes, les foupçons fantastiques qui ont été entreten is par des émiffaires dégfés & des traitres couverts du mafque du patriotifme; de-là a procédé cette finguliere découverte, que le congrès ayant créé le papier-monnoie, il peut le détruire, & qu'il ne le laiffera exifter qu'au long ems qu'il croira utile de le permettre. Il n'eft pas étonnant que dans un pays li bre, où les langues les plumes ne font & ne doi vent être réprimées par aucun pouvoir, ces héréfies politiques fe foient répandues, & qu'on ait cherché à les inculquer; mais il est vraiment étonnant qu'il y ait un vertueux américain qui en foit imbu. Il n'eft certainement pas néceffaire de vous rappeller que vos repréfentans ont été choifs parmi vous; que vous connoiffez ou devez con noître leurs divers caracteres; qu'ils font ici pour expliquer vos fentimens, & qu'il eft toujours en votre pouvoir de caffer celui qui ne l'auroit pas fait avec exactitude. Vous êtes donc fans doute convaincus qu'il n'eft pas plus en leur pouvoir d'anéantir vos monnoies que votre indépendance, & que le moindre de leurs efforts pour l'un de ces deux deffcins ferolt de lui-même nul & illufoire.

Ce feroit montrer une bien mauvaise opinion du bon fens & de l'honneur de tout véritable américain, que d'employer beaucoup d'argumens pour prouver la baffelle & la mauvaife politique qu'il y autoit à violer notre foi nationale, & de ne pas prendre au contraire toutes le mefures néceffaires pour la garder. Une république, ips

delle banqueroutiere, fero ́t une nowearté dans› le› mon» de politique, & ne s'y montreroit que comme une vile prostitute parmi de chales & refpectables matrones. La herté américaine fe révolte à cette feule idée: nos ciroyens favent dans quelles vues ont été faites les émillions des papiers, & ils ont engagé, à plufieurs reprises, lear parole facrée de les retirer: ces papiers fe trouvent faire partie des poflefons de chaque particulier, & chaque particulier eft intéressé à leur rachat. Ils ont fans doute une grande opinion de la crédulité américaine, ceux qui fuppofert le peuple capable de croire, après une mûre réflexion, que, contre la foi, l'honneur & l'intérêt de tote l'Amérique, toute l'Amérique fera portée à favorifer, foutenir ou permettre une opération autli ruineufe & aufh infâme. Nous fommes convaincus que nos ennemis n'épargneront aucun effort, aucun artifice pour nous mettre dans cette humiliant: & méprifable fituation. Pouffés par la haine & par les fuggeftions du défefpoir & des mauvais fuccès, fe voyant incapables de courber nos têtes fous leur jong, ils s'efforceront, par la violence & la féduction, de nous faire commctre cette faute impardonnable, afin d'attirer fur nous la punition qui lui feroit due, & de nous rendre le rebut de l'humanité, & notre nom un mot de reproche chez toures les nations. Prévenue de ces conféquences, connoiffant le prix d'une réputation nationale, & pénétrée du vif fentiment de la juftice, de l'honneur & de leurs loix immuables, il eft impoffible qe l'Amérique penfe fans horreur à une audi exécrable action.

Puis donc que ni nos moyens, ni nos defirs d'acquitter la dette publique ne peuvent être mis en question; que notre conduite réponde à cette confiance', & délivrons notre crédit de ces imputations. Si l'attention des Américains eût été dirigée fans relâche vers cet objet; files impers euffent été payés & recueillis à tems; fi les prêts euffent été faits à propos; fi l'on eût porté des loix,

exercé toute leur rigueur contre ceux qui s'efforçoient d'affiblir le crédit public: fi l'on eût pris tous ces moyens, & plufieurs autres également nécessaires, & que, malgré tous ces efforts, la valeur de nos monnoies eût décliné jufqu'au point de la dépréciation actuelle, notre fituation feroit en effet déplorable; mais comme ils n'ont pas été employés, nous pouvons encore éprouver les bons eff.ts qu'ils doivent naturellement produire. Notre ancienne négligence anime ainfi nos efpérances, & nous dir que nous ne devons pas défefpérer d'écarter, par la

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vigilance & l'application, le mal que l'inattention & l'indolence ont produit.

Nous avons déjà dit que, pour prévenir dorénavant la naturelle dépréciation des papiers, nous avons réfolu de ne plus en créer, & de vous demander des fecours par la voie des emprunts & des impôts. Vous êtes en état de les fournir, & obligés, par les engagemens les plus forts, de le faire. Ne nous laiffez donc pas fans fecours, & flottans entre cette foule de maux qui fuivroient une pareille négligence. Ce feroit l'événement le plus agréable pour vos ennemis; & ils ne négligeront ni foins ni artifices pour le produire. Soyez donc fur vos gardes; examinez bien la politique de chaque mefure, & l'évidence de chaque bruit qu'on fera courir parmi vous, avant d'adopter l'un ou de croire l'autre: fongez bien que c'eft le prix de la liberté, la paix & la fûreté & de vos defcendans & de vous-mêmes qu'on vous demande, certe paix, cette liberté, cette fûreté, pour l'acquifition & la confervation defquelles vous vous êtes déclarés fi folemnellement prêts à facrifier vos vies & vos biens. La guerre, quoique pès d'une iffue heureufe, dure encore dans route fa fureur. Craignez la honte de laiffer à vos alliés tot le foin de votre défenfe. Penfez que la plus brillante espérance peut être obfcurcie, & que la prudence nous ordonne de nous préparer à tous les événemens. Pourvoyez-donc à tenir vos armées en campagne jufqu'à ce que la victoire & la paix les ramenent dans leurs foyers, & évitez le réproche d'avoir laiffé décliner entre vos mains la valeur de vos monnoies, tandis qu'en en cédant une partie, foit par la voie des prêts, foit par celle des taxes, vous pouviez leur conferver tout leur crédit, L'humanité, auffi bien que la juftice, vous le demande; les plaintes des veuves éplorées, les cris des enfans orphelins dont les appuis & toute l'efpérance, confiés à vos mains, fe font évanouis pour eux, ont fans doute frappé vos oreilles. Craignez qu'ils ne montent plus haut. Réveillezvous; faites les efforts les plus profitables à cette contrée, rallumez le feu du patriotifme; qui, au nom de honte & d'esclavage, brilla tout-à-coup dans toute l'Amérique, & enflamma tous fes citoyens.

Déterminez-vous à finir la conteftation comme vous l'avez commencée, honnêtement & glorieufement. Ne fouffrez pas qu'on dife que l'Amérique n'a pas été plutit indépendante, qu'elle est devenue banqueroutiere, & que fa gloire naiffante & fa réput tion qui commence rendre, ont été ternies & fouillées par la violation defes

s'é

contrats & de fa foi, dans le moment même où toutes les nations de la retre étoient dans l'admiration & prefque dans l'adoration de la splendeur de son enfance. Par l'ordre unanime du congrès. Philadelphie, le 13 Septembre 1776.

JOHN JAY, préfident.

BOUILLON (le 9 Mars.) Le 25 Décembre dernier, S. M. T. Chrét. a jugé à propos de faire un réglement concernant les officiers fupérieurs de fes troupes, qui font ou feront, par la fuite, promus au grade de maréchal de camp. Ce réglement contient les quatre articles fuivans.

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<< ART. I., Veut S. M. que les colonels - commandans, colonels-lieutenans-commandans, mef

tres-de-camp-commandans, meftres-de-camp-lieutenans-commandans, & autres officiers fupérieurs de fes troupes, qui feront élevés au grade de maréchal-de-camp, quittent les corps qu'ils commandent ou dont ils font partie, du jour de leur promotion. Seront cependant exceptés de cette difpofition, le colonel - lieutenant du régiment d'infanterie de S. M., le commandant - général & le commandant en fecond de la gendarmerie, le meftre-de-camp - lieutenant du régiment des carabiniers de Monfieur, ainfi que les colonels & meftres- de -camp propriétaires. II. Si parmi les colonels - commandans ou meftres-de-campcommandans, il s'en trouvoit qui fuffent déjà maréchaux-de-camp ou lieutenans - généraux l'intention de S. M. eft qu'ils quittent également les régimens qu'ils commandent, à compter de la date du préfent réglement, & qu'ils confervent les appointemens dont ils jouiffent, fans que cet exemple puiffe tirer à conféquence pour l'avenir. III. S. M. fe reserve de prononcer fur le traitement qu'elle jugera à propos de régler, tant aux officiers de fa maifon militaire, qu'aux officiers

fupérieurs de fes troupes qui pafferont du grade de 'brigadier à celui de roaréchal de-camp. IV. N'entend S. M. rien innover à l'égard des colonels des régimens fuifles & grifons, qui continueront de commander ces régimens, quand même ils feroient ou deviendroient maréchauxde-camp ou lieutenans-généraux ; mais fon intention eft que les lieutenans-colonels qui font ou feront promus au grade de maréchal-de-camp, quittent les corps dont ils font partie, & qu'ils jouiffent du traitement annuel qui leur fera réglé, en attendant qu'ils foient pourvus de régimens de leur nation ».

Les nouvelles & les difpofitions changeant d'un jour à l'autre, on dit actuellement que l'efcadre armée à Breft ne fera plus compofée que de 4 vaiffeaux de ligne, fçavoir: le Duc de Bourgogne de 80, capitaine le chevalier de Médine, & monté par le chevalier d'Arzac de Ternay; l'Eveillé de 74,commandé par M. de Keredein de Trobriant; du Neptune de 74, commandé par M. de Deftouches, & de la Provence de 64, pár le chevalier Bernard de Marigny; trois frégates de 40, la Surveillante, par M. Cillart de Suville; l'Andromaque, par le chevalier de Ravenel; la Sybille, par le baron de Clugny; deux navires fretés pour le compte du roi, qui font le Baron d'Arres & la Comte de Noailles. On ignore la deftination de cette efcadre; mais toutes les probabilités font qu'elle part pour l'Amérique feptentrionale.

Quelques lettres de Cadix portent que les efcadres réunies de Don Louis de Cordova & de Don Michel Gafton, faifant ensemble 35 à 40 vaiffeaux de ligne, font actuellement à l'entrée du détroit de Gibraltar, & qu'ils fe difpofent à difputer la fortie à l'amiral Rodney. Suivant d'autres avis, le roi d'Espagne a ordonné à ses gé

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