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conftruit deux nouveaux forts, & avoit placé une batteeie confidérable à fleur d'eau. Il paroiffoit que l'ennemi s'étoit principalement occupé à fortifier le mont Indépendance, qui eft élevé & de forme circulaire; fur le fommer, qui eft un terrein de niveau, il avoit un fort conftruit en étoile, avec des pieux, bien garni d'artillerie, & renfermant de vaftes cafernes..

Le pied de la montagne, qui eft baigné par le lac, étois retranché & couvert d'un abbatis confidérable d'arbres fur le bord de l'eau; ce retranchement étoit bordé de groffe artillerie, braquée fur le lac en flanc de l'autre batterie à fleur d'eau, dont il eft fait mention plus haut, & soutenu par une autre batterie difpofée vers le milieu de la pente de la montagne; la riviere principale roule fes eaux au pied du mont du côté de l'oueft, & dans fon circuit, elle reçoit les eaux qui refuent du lac George à l'orient; ces eaux forment une petite baie dans laquelle fe décharge un ruisseau qui, dans fon cours, décrit le cir cuit de la montagne au fud- eft; on ne pouvoit pas voir le côté du fud, mais fa defcription le faifoit regarder comme inacceffible: il y avoit entre Ticonderage & là montagne un pont qu'on ne voyait pas non plus.

Le 2 Juiller, à neuf heures du matin, on remarqua de Ja fumée du côté du lac George, & quelques Indiens firent rapport que l'ennemi avoit mis le feu à fes forts éloignés, avoit abandonné les moulins à scies, & qu'un corps confidérable étoit forti de fes lignes, & s'avançoit vers un pont conftruit fur la route qui conduifoit à la droite du camp anglois: on fit marches à l'inftant un corps avancé fous les ordres du brigadier Frazer, foutenu par une brigade tirée du corps de l'armée, avec quelqu'artillerie, commandée par le major-général Phillips, avec ordre de fe porter vers le mont Hope (efpérance), fitué au nord des lignes, de reconnoître la pofition de l'ennemi, & de tirer parti de tout pofte avantageux qu'il pourroit abandonner, ou d'où l'on parviendroit à le déloger.

Les Indiens, fous les ordres du capitaine Frazer foutenus par fa compagnie de Marksmen (chasseurs qui tirent de l'arquebufe,) devoient faire un détour à la gauche du corps commandé par le brigadier Frazer, à l'effet de couper la retraite de l'ennemi vers fes lignes; mais l'impétuofité des Indiens fit échouer ce projet ; ils attaquerent trop tôt & en front, ce qui mit l'ennemi en état de fe retirer avec perte d'un officier tué, un bleffé, & un petit nombre d'homme tués : le major-général Philips prit poffeffion sette nuit, du poke très-avantageux de

mont Hope; en conféquence, l'ennemi perdit toute communication avec le lac George.

Le 3 Juillet, la brigade entiere du brigadier Frazer, la premiere brigade britannique & les deux brigades en tieres de l'artillerie fe retranche rent fur le mont Hope La feconde brigade britannique campa fur la gauche de la premiere, & la brigade de Galle ayant été tirée de la ive orientale pour occuper le pofte qu'avoit quitté le corps de Frazer à Three-Mile-Point, la ligne devint complette, & s'étendit, du rivage à la partie la plus occidentale de mont Hope. Le même jour, le major-général Reidefel campa fur la rive orientale, formant une ligne parallele à celle de Three-Mile-Point, & porta la réserve en avant près du ruiffeau qui coule à l'eft du mont Indépendance. L'ennemi canonna fans effet, pendant la plus grande partiedu jour, les camps établis fur le mont Hope, & la réferve allemande.

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Le 4 Juillet, l'armée fut péniblement occupée des dé tails de communication avec ceux qui lui amenoient l'ar tillerie, les tentes, les bagages & les vivres; elle reçue tout; de tems en tems, l'ennemi reprenoit la canonade de la veille, dirigée contre les camps: on ne lui rendoit pas feu pour feu. Ce jour même, on toua, & l'on amema de Crown-Point le radeau le Tonnant, qui portoit à bord le train d'artillerie qui fut mis immédiatement à terre. Le 5 Juillet, le lieutenant Twifs, ingénieur en chef eut ordre de reconnoître Sugar Hill au fud-oueft de la communication du lac George avec le lac Champlain; on avoit regardé dès le commencement ce pofte comme trèsavantageux, & l'on fçait actuellement que l'ennemi avois tenu, il y a quelque tems, confeil pour déterminer à quel point il étoit important pour lui de l'occuper; mais il en avoit rejetté l'idée, en fuppofant qu'il étoit impoffible à um corps de troupes de s'y fortifier fuffifamment. Le rapport du lieutenant Twifs fur que cette montagne commandoir abfolument les édifices & les ouvrages de Ticonderage & de mont Indépendance; que l'on pouvoit applanir ce terrein de maniere à recevoir du canon, l'entreprise fût difficile, în pouvoit, en 24 heures, ouvrir & que, quoique un chemin propre au tranfport de l'artillerie. Cette mentagne commandoit aufli du côté opposé à la perspective de Ticonderago le pont de communication; on découvroit de fon fommet la fituation des vaiffeaux, & les ennemis no pouvoient faire en plein jour aucun mouvement effentiel, aucun préparatif, fans être découverts au point que l'on pou voit sompter leur nombre,

On fe détermina à l'inftant à établir une batterie fur Sugar Hill, pour de légeres pieces de 24, de 12, & pour des pierriers de 8 pouces. On conduifit ces pénibles travaux avec tant de rapidité, que la batterie eût été en état le lendemain.

Ici il eft de mon devoir de rendre quelque juftice au zele, & à l'activité du major-général Philips, qui dirigeoit cette opération; & après avoir fait mention de cè digne officier, je me flatte que l'on ne regardera pas comme une digreffion, fi j'ajoute que, lorfque l'hyver & le printems paffés, Sir Guy Carleton lui confia l'infpection générale des travaux, c'eft à fes difpofitions judicieufes, à fon ardeur infatigable que l'on eft redevable de l'activité acsuelle du fervice; alors les vents contraires & d'autres accidens avoient empêché que les préparatifs faits en Angleterre pour l'ouverture de la campagne puffent parvenir

à l'armée.

Le 6 Juillet, étant à bord du Royal-George, où j'avois établi mon quartier pour la nuit, afin d'être al centre detout ce qui agiffoit, à la pointe du jour je vis arriver un officier que le brigadier Frazer m'avoit expédié pour m'apprendre que l'ennemi formoit fa retraite, & que lui Frazer étoit en marche avec les piquets, après avoir donné ordre à fa brigade de le fuivre auffærôt qu'elle feroit en état de le faire à deffein de poursuivre l'ennemi par terre.

On put diftinguer aifément ce mouvement, de même que les couleurs de la Grande-Bretagne, que le brigadier avoit arborées fur le fort de Ticonderago. Sçachant avec combien de confiance je pouvois me repofer fur la conduite de cet, officier, je fixai toute mon attention fur le projet de pourfuivre l'ennemi fur l'eau ; je fçavois qu'une colonne de fon armée se retiroit sur 220 bateaux, fous convoi de 5 galeres armées.

Le grand pont de communication, fous lequel il falloit s'ouvrir un paffage, étoit foutenu par 22 piles très-fortes, difpofées à une distance à peu-près égale; ces efpaces fe trouvoient remplis de trains de bois, chacun de près de 50 pieds de long fur 12 de large, fortement attachés l'un l'autre par des chaînes & des clous rivés, tenant en même tems aux piles; vis-à-vis de ce pont on voyoit une barriere conftruite avec de groffes pieces de bois rond, unies ensemble par des verroux bien rivés, & de doubles chaînes de fer d'un pouce & demi en carré.

On fit avancer à l'inftant les bateaux d'artillerie; la barre & un des trains de bois furent coupés avec beau coup d'activité. Le chef d'escadre Lutwidge, ainfi que

les officiers de marine & les matelots, partageant le travail, ouvrirent, en une demi-heure, un paffage pour les frégates, à travers des obftacles que les ennemis avoient été 10 mois à accumuler. Pendant que l'on s'oc cupoit de ce travail, le major-général Reindefel s'étoit porté vers le mont Indépendance, avec le corps de Breimen & une partie de notre aîle gauche; fes ordres étoient d'aller, par terre, foutenir le brigadier Frazer, & d'avancer un peu plus fur la gauche, s'il le jugeoit praticable; le 62e. régiment anglois, & celui du prince Fréderic de Brunfwick refterent poftés à Ticonderago & au mont Indépendance, à la place des détachemens de, la brigade de Frazer, qui gardoient les munitions; le refte de l'armée eut ordre de fuivre, en remontant la riviere, de quelque maniere que les troupes puffent être affemblées, fans avoir égard à la différence des rangs affignés à chaque corps dans l'ordre de bataille. Sur les trois heures, j'arrivai avec les vaiffeaux le Royal Geor ge, l'Inflexible, & les meilleurs voiliers tirés du nombre des bateaux d'artillerie & autres barques, à une baie qui fe trouve au fud, à trois milles de Skenesborough; y ayant pris terre, j'appris que l'ennemi occupoit un fort de campagne, & que fes galeres armées étoient fur la cataracte au pied de ce fort.

Les régimens en avant, fçavoir, les 9e., 20e. & 21e. prirent terre, fans perte de tems, & gravirent au fonmet de la montagne, dans la vue de bruler le fort, & de couper la retraite de l'ennemi; mais fa fuite précipitée rendit cette manoeuvre inutile: cependant, les bateaux d'artillerie & les frégates continuoient leur route vers la cataracte de Skenesborough. Le capitaine Carter, avec une partie des fes bateaux, attaqua, fur le champ, les galeres ennemies, & le fit avec tant de conduite, que d'eux d'entr'elles amenerent bientôt, & une 3e. fut coulée bas. Les rebelles, qui avoient préparé des matieres combuftibles, mirent le feu au fort, aux moulins," magafins, bateaux, &c., & fe retirerent avec le détachement qu'ils avoient pofté dans cet endroit; alors le corps de leur armée s'étant mis en mouvement dès que nos gens parurent au bas de la montagne, une grande quantité de provifions, & quelques armes furent perdues dans les flammes; & la meilleure partie du bagage de leurs officiers fut brûlée, pris, ou coulée à fond avec les bâteaux. On ne fçait pas bien ce qu'ils ont perdu en hommes; nous fimes à peu-près 30 prifonniers, y compris trois officiers bleffés.

-Tandis que cela fe paffoit à la droite, le brigadier Frazer avoit continué fa marche vers Castleton, jufqu'a'

une heure après midi, ayant effuyé, depuis 4 heures du matin, les plus exceffives chaleurs. Quelques traîneurs de l'armée ennemie étoient tombés au pouvoir du brigadier; il apprit d'eux que leur arriere-garde étoit compofée de troupes d'élite, fous les ordres du colonel Francis, un de leurs meilleurs officiers: tandis que nos gens faifoient halte pour fe rafraîchir, le major-général Reidefel arriva, & ces deux officiers ayant concerté le plan, de leur poursuite, le brigadier reprit le devant, & pendant toute la nuit refta fous les armes dans un poste avantageux.

Le 7 Juillet, cet officier recommença la marche à trois heures du matin, & fes batteurs d'eftrade découvrirent les fentinelles ennemies, qui firent feu, & fe replierent fur leur armée; le brigadier remarquant qu'il avoit une éminence à la gauche de fon infanterie légere, ordonna à ce corps d'en prendre poffeffion; un fort détachement ennemi fit la même manoeuvre : ces deux corps fe ren contrerent; les rebelles furent repouffés vers leur premier pofte; la garde avancée, fous les ordres du major Grant, en étoit aux mains; les grenadiers volerent pour l'appuyer, & empêcher qu'il fût enveloppé. Le brigadier refta à la gauche, où l'ennemi, retranché derriere des arbres & des poutres, fe défendit longtems. Les grenadiers ayant délogé les rebelles, & coupé leur retraite vers Castleton, ceux-ci fe rallierent, & recommencerent le combat; ils fe virent repouffés, & effayerent de fe retirer vers la montagne de Pittsford; mais les grenadiers ayant efcaladé la partie de la montagné qui paroiffoit la plus inacceffible, gagnerent la hauteur avant les rebelles; ceći les jetta dans la plus grande confufion; cependant, leur nombre étoit encore fort fupérieur au nôtre, & prenoit, par conféquent, plus de terrein. Le brigadier, dans un moment où il s'étoit flatté de voir arriver les troupes allemandes, avoit affoibli fa gauche pour foutenir fon aile droite. Ce fut dans ce moment critique que le major général Reidefel arriva avec la premiere colonne de fon armée, compofée de la compagnie des chaffeurs, & de 80 grenadiers, & l'infanterie légere. Son expérience lui traça le plan qu'il falloit fuivre; il s'étendit vers le flanc gauche du brigadier Frazer; le major Berner, avec beaucoup de conduite, marcha vers le lieu du combat, à la tête des chaffeurs, qui furent également bien foutenus; l'ennemi prit partout la fuite, laiffant fur le champ de bataille le colonel Francis, plufieurs autres officiers, & plus de 200 hommes; plus de 600 furent bleffés, plufieurs de ceux-ci périrent dans les bois, en cherchant à fe fauver; un colonel, 7 capitaines, 19

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