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pour l'Inde y étoit fous voiles le 18 de ce mois à 4 h. après midi.

BAYONNE ( le 20 Février. ) On écrit de Cadix qu'il y a dans cette rade trente vaiffeaux, prêts à mettre en mer pour aller attaquer la flotte angloife lorfqu'elle paroîtra. La cour de Madrid. laille aux foins & à la vigilance des officiers-géneraux de la marine qui compofent le confeil de faifir le moment favorable de mettre à la voile pour que les Anglois n'échappent pas. Le même vent propre pour la fortie de Gibraltar l'est pour la fortie de Cadix. Il est donc décidé que Don Cordova levera l'ancre en même tems qu'il apprendra, par les fignaux placés à cet effet, que les Anglois font à la voile. On croit qu'il eft impoffible qu'ils puiffent éviter le combat. On doit donc s'attendre à de bonne nouvelles.

Au confeil de guerre tenu à Cadix, on a ouvert un avis qui étoit d'aller fe placer avec. toute la flotte entre Algéfiras & l'ifle de Palomas, où font emboffés les vaiffeaux de Don Barcelo; cet avis a été rejetté, parce que les vents du fud un peu forcés pourroient jetter la flotte contre les rochers, & l'on y perdroit, la moitié des vaiffeaux. On dit que les Anglois ont voulu mettre à la voile le 2, mais que les vents contraires ou trop foibles s'y font oppofés.

GRANDE-BRETAGNE.

LONDRES (le 24 Février. ) Ce fut le 8 de ce mois, ainfi qu'on l'a dit, que la grande affaire des affociations pour une réforme totale de notre fyftême actuel des finances, fut entamée dans les deux chambres du parlement.

Le lord Shelburne en fit l'ouverture chez les pairs, par un très-long difcours tendant à l'éta

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bliffement d'un comité d'enquête, dont le réfultat feroit de réduire & de limiter les dépenfes, de -paffer tous les marchés en public, de fupprimer tous les emplois inutiles, de revoir les motifs des penfions; il infinua même de charger la banque de toutes les tréforeries. Le lord Stormont fut un des principaux contradicteurs de ce plan de comité, fur ce qu'il formeroit ce qu'on appelle imperium in imperio; fur ce que la fanc-. tion parlementaire feroit néceffaire aux délibérations du comité, & qu'il étoit douteux qu'il pe Pavoir, & enfin fur ce que le fyftême abonde en défauts qui en rendroient l'exécution dangereufe & impraticable, &c. La motion portant qu'il ne feroit admis dans le comité aucun des lords ayant des places ou des penfions, fut rejetée par une pluralité de 101 voix contre 55; & fur le champ, 35 des lords qui avoient foutenu fa motion, firent enregiftrer leur protestation, fondée fur les raifons fuivantes:

1o. La diffipation du tréfor public, & la profufion des appointemens inutiles ont pu ne faire qu'une fenfation légere dans les jours d'opulence & de profpérité de la nation; mais nos befoins dans la crife aduelle ne permettent pas que ces défordres fubfiftent plus longtems. Les épargnes d'une foigneufe & rigide économie font les feules reffources qui restent dans l'état d'épuifement où fe trouvent les finances.... On eft dans l'ufage de dépen fer des fommes immenfes fans le confentement des chambres, fous le titre illufoire de contingences ou d'extraor dinaires; & parce qu'il y a quelques articles de dépenfe qui font moins fufceptibles que les autres d'une précision de comptabilité, le miniftere fe croit difpenfé de compter de la totalité, & engage le crédit public, qui n'a été ni voté, ni juftitié par un acte de ratification.

2. La motion qui a été rejettée, acquiertun intérêt encore plus fenfible quand on l'examine de maniere à voir qu'elle tend à renfermer dans un lit plus étroit le torrent de l'infance de la couronne, dont les débordemens ont inondé toutes les parties du royaume. On nie que la motion foit destinée à diminuer le pouvoir conftitu ionnel de la cou'ronne. Les partifans de la motion déclarent qu'ils ne font Mars. ae. quinz. 1780. C

pas moins empreffés à maintenir ce pouvoir conftitationnel de la couronne, qu'à détruire celui qu'elle exerce contre le vœu de la conftitution. La prérogative, réduite à fa véritable effence, à laquelle on eft bien éloigné de vouloir toucher par la motion, entretiendra la couronne dans toute la fplendeur que demande la dignité perfonnelle du roi, & dans toute l'autorité & la vigueur néceffaires pour donner l'effet légal aux pouvoirs exécutifs du gouvernement.

A l'égard de l'objection fur le mauvais choix du temps qu'on a pris pour la motion, on répond que l'hiftoire de l'Angleterre, d'accord avec celle de tous les autres états, prouve que les temps de dé:reffe ont toujours été les temps de réforme.

3. On penfe qu'un comité qui feroit autorifé à fe concerter avec un comité de l'autre chambre, & qui pourroit être établi à demeure & revêtu des pouvoirs néceffaires, feroit un moyen de ramener les dépenfes publiques à leur principe conftitutionnel.... Cn combat les craintes que quelques lords ont témoignées que cet arrangement ne produisit des divifions entre les deux chambres, attendu que celle des communes pourroit prétendre qu'elle a feule le droit de connoître de tous les bills d'argent.... Il faut penfer trop mal de cette chambre pour craindre qu'elle ne voulût, dans la circonftance actuelle, fe déshonorer par une pareille prétention, qui arrêteroit l'effet des voeux de toute la nation. On s'explique auffi fur ce que la motion excluoit du comité les lords ayant des plices & des penfions. On déclare qu'on eft loin de penfer que la poffeffion d'une place ou d'un emploi corrompe néceffairement l'intégrité du poffeffeur: on a vu, dit-on, une foule d'exemples du contraire; mais l'exclufion dont il s'agit, doit plutôt être regard é comme une marque d'attention & d'égards pour les lords du parlement pourvus de places & de pensions, en les difpenfant d'un travail auquel on a dû croire qu'ils defiroient ne prendre aucune part.

4°. On défend les affociations du foupçon & de la qualification d'un attroupement feditieux; l'on avance qu'elles n'ont pour objet que de recueillir les opinions du peuple, & de faire connoître à tout le corps des repréfentans quels font les fentimens de leurs conftituans; & l'on obferve que ceux-ci ont procédé avec ordre, paisiblement & conftitutionnellement, & que les miniftres, dans une affaire de cette nature, ne peuvent pas fe jouer du peuple.

Cet acte eft figné, Fortescue, Harcourt, de Ferars Beaulieu, Cambden, Cowentry, Richmond, Manchester,

Derby, Effingham, Grafton, Portland, Ferers, Cholmondeley, King, Abergavenny, J. Pétersborough, Abing don, Pembroke, Montgomery, Fitz-William, Rutland, Nugent, Temple, Bolton, Courtenay, Stamford, Tankervelle, J. St.-Affaph, Wycombe, Craven, Rockingham, Scarborough, Jerfey, de Devonshire, Radnor, indépen damment de toutes les raifons ci-dessus, & Oborne pour toutes ces raifons, excepté la quatrieme.

M. Burke fit la même motion dans la chambre des communes, où il prononça le difcours fuivant: Comme le lord North fçait que dans toutes nos opéfations, tant civiles que militaires, celles de nos enuemiş doivent nous fervir de guide, il a tourné les yeux vers le continent, & il a vu que les François faifoient dans leurs finances des arrangemens qui les mettoient en état de continuer la guerre avec beaucoup plus de probabilité de fuccès que nous n'ofons nous en promettre. Nous fommes déjà épuifés par des dépenfes extravagantes, écrafés par des taxes énormes; & cependant les amis da gouvernement conviennent qu'après tant d'efforts de notre part, fi nous voulions faire la paix dans ce momentci, nous ne pourrions nous la procurer qu'à des conditions honteufes. Notre fituation fera encore bien plus déplorable dans deux années. En même tems que nous prodiguons nos tréfors, nos ennemis continuent de mettre la plus ftricte économie dans leurs dépenfes. Leurs extraordinaires depuis le commencement de la guerre n'ont jamais excédé 8 millions fterling par an; ils ont emprunté dernierement environ 2, 500, 000 liv., & cependant ils n'ont pas un fchelling de dette conftituée. Ils n'ont pas ajouté un feul impt à ceux de leur établiffement de paix; ils n'ont établi aucuns nouveaux fonds pour le paiement de ces extraordinaires. L'intért a été payé avec l'argent que l'état a fçu fe ménager par écono mie. Il y a eu une réforme générale en France, dans la maifon du roi, même dans la chambre de la reine, & - dans les menus plaifirs de la famille royale. Au moyen de cette réduction de dépenfes, le directeur-général des finances a économifé un revenu égal au paiement de l'intérêt pour l'emprunt & pour la maffe extraordinaires. Les épargnes ont produit jufqu'à la fomme de 950, ooo liv. par an. Toute cette opération s'eft effectuée fans qu'on ait vu la moindre trace du pouvoir arbitraire. On n'a point hauffé la valeur des efpeces; leur fubftance n'a point été réduite; il n'y a pas eu non plus la plus légere réduction dans le capital de la deste natio

nale, ni le moindre retard dans le paiement de l'inté rêt de cette deste. Au contraire, trut a été conduit d'une mariere qui a donné la plus grande folidité au crédit public, & qui a rendu pour jamais chers à la nation, &le miniftre qui a donné les projets, & le fouverain qui les a adoptés. Enfin, nulle propriété n'a été envahie, quoiqu'on ait fait les plus grands efforts pour lever des fonds qui puffent mettre en état de continuer la guerre. Le roi de France, comme bon pere de fon peuple, a cru devoir plutôt faire des retranchemens dans fa maison, qu'oter quelque chofe à fes fujets. Quoiqu'ennemi, je ne puis m'empêchet de reconnoître que ce jeune prince mérite le refpect, l'eftime & l'admiration de l'Europe. Quelle trifte perspective pour nous ! Un miniftre habile & un roi patriote dirigent les affaires de nos ennemis, tandis que les nôtres le font par un roi patriote fans doute, mais par un financier beaucoup moins habile. Pour fuivre Pexemple de M. Necker, il feroit indifpenfable de fupprimer beaucoup de places qu'un long efpace de tems a rendues, dans Popinion de certaines gens, auffi néceffaires que refpectables,

Le Io, on préfenta aux communes les mémoires des provinces de Middlesex Chefter, Hampshire & Bedford, tendant à diminuer les dépenfes de la maifon du roi. On fit l'appel des membres abfens ; au dernier appel, plufieurs fe préfenterent, & d'autres furent excufés fur des raifors qu'on trouva légitimes, M. Pennant préfenta un mémoire des négocians & planteurs de la Jamaïque, par lequel ils follicitent des renforts pour mettre cette ifle à l'abri d'infulte de la part des ennemis; mais les miniftres ayant affuré qu'on y avoit pourvu, le mémoire fut retiré.

Le 14, le colonel Barré propofa aux communes la nomination d'un comité pour reviser les comptes des dépen fes publiques. Le lord North y' confentit, & notifia que le roi vouloit bien que la chambre mît en difcuffion tout ce qui concernoit les revenus de la lifte civile de S. M. Enfuite il fut propofé & arrêté de porter un bill pour la vente des terres, landes & forêts de la couronne, & en approprier le produit au fervice

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