Page images
PDF
EPUB

Ces considérations, qui pouvaient atteindre, en partie du moins, les ventes sur saisie, n'ont pas arrêté le législateur dans la nouvelle voie où il s'est engagé.

Serait-il opportun d'attribuer aux adjudications dont nous venons de parler les mêmes effets qu'aux ventes sur saisie immobilière?

Conviendrait-il de leur appliquer la réforme que la loi du 21 mai dernier a portée dans les expropriations?

Les avantages qui résultent de la marche tracée par cette loi, et qui ne peuvent manquer d'attirer les capitaux vers les adjudications sur saisie, n'auront-ils pas pour résultat de les écarter de ces ventes volontaires, qui offrent moins de sécurité, et que doivent suivre les doubles formalités de la purge, avec leurs frais, leurs lenteurs et leurs périls?

N'y a-t-il pas là, pour les biens des mineurs et des autres incapables, une cause d'infériorité et de discrédit?

Ce sont des questions que l'expérience seule pourra résoudre, mais qui doivent, dès à présent, fixer votre attention et devenir l'objet de vos études.

L'exécution de la loi du 21 mai 1858 a beaucoup à attendre, Monsieur le procureur général, de votre intelligente direction. Je vous prie de me tenir exactement informé de tout ce qui vous paraîtra de nature à en faciliter la marche, à en développer les avantages et à en compléter, au besoin, les dispositions.

Sans chercher à pressentir quelles pourraient être, dans l'avenir, toutes les conséquences des modifications que notre Code de procédure vient de recevoir, tout annonce que ces salutaires innovations tendront à ramener peu à peu, vers les placements immobiliers, les capitaux que l'industrie et la spéculation sollicitent par de trop puissantes séductions. Restreinte aux aliénations sur saisie immobilière, la loi nouvelle n'exercera encore qu'une action limitée sur l'ensemble des transactions civiles; mais le principe qu'elle renferme est de ceux que le temps murit et féconde, et il est dès à présent permis de prévoir qu'il devra un jour être étendu à toutes les adjudications faites sous l'autorité de la justice.

Ces points généraux exposés, je dois reprendre avec vous les détails de la loi et m'expliquer sur les principales mesures d'exécution qu'elle réclame.

L'art. 692 veut que tous les créanciers hypothécaires soient avertis de la poursuite, et que le vendeur soit mis en demeure d'exercer son action résolutoire. Il serait superflu de s'occuper ici des créanciers inscrits, puisque la procédure qui les concerne n'a pas été modifiée. Quant au vendeur au profit duquel a été prise d'office une inscription qui ne contient pas d'élection de domicile (3), il doit être sommé à son domicile réel; mais la sommation n'est obligatoire qu'autant que ce domicile est situé en France.

Le vendeur demeurant à l'étranger n'en reçoit aucune; il n'est informé directement ni des poursuites ni de l'adjudication; mais, s'il éprouve un préjudice, il ne peut l'attribuer qu'à son incurie: car il lui suffisait pour l'éviter de faire au bureau des hypothèques une indication de domicile.

La remise de l'exploit au domicile réel peut donner lieu à quelques difficultés dans la pratique. On ne peut douter que la sommation ne soit valablement déposée au domicile du vendeur, bien que celui-ci n'y réside pas, de même qu'elle peut lui être faite en tout lieu, en parlant à sa personne.

Mais, si le domicile énoncé dans l'inscription est inexact, si, le créancier ayant changé de demeure, on ignore son nouveau domicile, c'est au poursuivant qu'incombe le soin de le découvrir. « La loi, dit M. Delangle dans son rapport au Sénat, ne semble pas laisser la ressource créée par le droit commun d'une signification au dernier domicile connu. C'est du domicile réel que parle son texte, et c'est bien là que, dans son esprit, la mise en demeure doit atteindre le vendeur sous peine de manquer le but qu'on se propose. Toutefois, comme il s'agit d'éteindre, à l'aide d'une déchéance, un droit précieux, le moyen le plus efficace qui appartienne au vendeur non payé, on comprend que la loi ait voulu que la déchéance fût acceptée, et elle ne pouvait avoir ce caractère qu'autant qu'elle était précédée d'un avertissement personnel.

D

Lorsque le vendeur a éprouvé quelque changement dans son état, il est sommé à son nouveau domicile; s'il

(3) Les inscriptions d'office sont valables quoique ne contenant pas élection de domicile dans l'arrondissement. (Cour de cassation. 21 décembre 1824; S.-V 25. 1 507; Collect, nouv., 7. 1. 5'9 )

est mort, l'exploit est valablement déposé au domicile indiqué dans l'inscription (art. 2156 du Code Napoléon); il est inutile de le notifier individuellement à chacun de ses héritiers.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que tout ce qui vient d'être dit du vendeur s'applique également aux personnes subrogées dans ses droits, et dont les subrogations sont régulièrement inscrites.

Les art. 692 et 696 règlent ensuite les formalités de la purge, qui doivent désormais s'accomplir avant l'adjudication et marcher concurremment avec la procédure de saisie.

La sommation, qui ne s'adressait, jusqu'ici, qu'aux créanciers inscrits, sera faite, à l'avenir, aux créanciers à hypothèques légales et contiendra, à l'égard de ces derniers, l'avertissement que, pour conserver leurs hypothèques sur les biens saisis, ils devront les faire inscrire avant la transcription du jugement d'adjudication.

Les créanciers inscrits sont sommés au domicile élu dans leurs inscriptions. Il n'en peut être ainsi à l'égard des créanciers à hypothèques légales; en l'absence d'une inscription régulière, ils sont sommés à leur domicile réel.

L'exploit est remis au subrogé tuteur, lorsque la tutelle du mineur ou de l'interdit appartient au saisi; au nouveau tuteur, si la tutelle du saisi a cessé; au créancier lui-même, s'il est devenu majeur. Ce point ne présente aucune difficulté; il en est autrement, quand il n'existe ni tuteur ni subrogé tuteur..

Frappée des inconvénients que pouvait amener l'exécution rigoureuse du nouvel art. 692, en obligeant poursuivant à provoquer lui-même la nomination du tuteur ou du subrogé tuteur, la commission du Corps législatif avait proposé d'ajouter aux mots subrogé tuteur ceuxci s'il en existe un (4); mais le Conseil d'Etat n'a pas accueilli cet amendement il est vrai que, dans la discussion, M. de Parieu, commissaire du Gouvernement, a exprimé l'opinion qu'il n'était pas nécessaire d'instituer un subrogé tuteur, lorsqu'il n'en existait pas (5).

Mais la jurisprudence, qui peut seule résoudre cette question, ainsi que l'a reconnu M. le vice-président du Conseil d'Etat, s'est déjà prononcée dans un sens opposé : la Cour de cassation, notamment, à décidé, dans un arrêt du 8 mai 1844(6):

-

Que le législateur n'a pas dû supposer que des mineurs ne fussent point pourvus de subrogé tuteur, puisque, aux termes de l'art. 420 du Code civil, dans toute tutelle il doit y avoir un subrogé tuteur; Que, d'après les art. 406 et 421 du même Code, le conseil de famille peut, pour la nomination d'un subrogé tuteur, être convoqué sur la réquisition et à la diligence des parties intéressées, même d'office, par le juge de paix, auquel toute personne peut dénoncer le fait qui donne lieu à cette nomination; -( Que l'acquéreur qui connaît l'existence de mineurs pouvant avoir des hypothèques légales, l'acquéreur à qui, pour la consolidation de sa propriété, des obligations sont imposées, est évidemment partie intéressée à faire nommer le subrogé tuteur auquel il est tenu de faire la notification prescrite.

[ocr errors]

Le ministère public peut sans doute provoquer cette nomination; mais les mesures qu'il est autorisé à prendre dans l'intérêt des incapables ne sauraient diminuer les obligations imposées au poursuivant pour assurer la régularité de la procédure et mettre à couvert sa responsabilité.

Au cas de décès de la femme, du mineur ou de l'interdit, il a été entendu, dans la discussion au Corps législatif, qu'il n'était pas nécessaire de rechercher les héritiers au delà du dernier domicile de l'incapable décédé (7). C'est, en effet, au lieu de l'ouverture de la succession que doivent se concentrer les investigations. Suivant le résultat des recherches, la sommation est faite à tous les héritiers collectivement, comme dans l'hypothèse prévue par l'art. 447 du Code de procédure civile, ou à chacun d'eux, à son domicile réel. Lorsque les recherches ont été tout à fait infructueuses, l'acte est signifié au parquet suivant les règles ordinaires.

Cette sommation constitue, à l'égard des créanciers hypothèques légales, l'interpellation directe et personnelle qui les lie à la poursuite; elle les met à même de

(4) Rapport de M. Riché, Lois annotées, p. 54, no IV. (5) Lois annotées, p. 33, colonne 2.

(6) Arr. cass., ch civ., S.-V. 44. 1. 412.

(7) Rapport de M. Riché, Lois annotées, p. 54, no V, et Moniteur du 14 avril 1858.

surveiller l'adjudication et d'enchérir, s'ils le jugent propos; elle doit désormais être faite, à peine de nulite (8), à la femme du saisi et au subrogé tuteur du mineur ou de l'interdit, dont l'existence est révélée au poursuivant par son titre.

Il est donc de l'intérêt autant que du devoir des ofilciers ministériels de se pénétrer des nouvelles obligations qui leur sont imposées; les omissions ou les erreurs dans l'accomplissement de ces formalités engageraient gravement leur responsabilité.

Les notaires comprendront la nécessité de constater, avec l'exactitude la plus scrupuleuse, dans les constitutions de créances, aussi bien que dans les prêts hypothécaires, non-seulement l'état civil proprement dit du débiteur, mais encore la date du décès de sa femme, l'époque et la cause de la cessation de la tutelle, le nom du tuteur qui l'a remplacé dans la tutelle et celui du subrogé tuteur.

C'est, en effet, dans l'acte qui forme son titre que le créancier doit puiser les renseignements dont il a besoin pour diriger les poursuites de saisie immobilière.

Aux termes d'une disposition ajoutée à l'art. 696, l'extrait que l'avoué du poursuivant fait insérer dans un journal du département doit reproduire l'avertissement dont parle l'art. 692, et qui est adressé d'une manière générale à tous ceux du chef desquels il pourrait être pris inscription pour raison d'hypothèques légales. Cette insertion a pour effet de remplacer l'interpellation qu'avait prescrite l'avis du Conseil d'Etat du 1er juin 1807.

Il est bien entendu, et ce point a été formellement déclaré dans le rapport de la commission au Corps législa– tif (9), qu'il n'est en rien dérogé à l'art. 23 du décret organique de la presse du 17 février 1852, et que ces inser tions continueront à être faites, à peine de nullité, dans le journal désigné chaque année par le préfet pour recevoir les annonces judiciaires.

Toutes les insertions relatives à la même saisie doivent avoir lieu dans le même journal; c'est le moyen de rendre la publicité plus certaine et les surprises presque impossibles. Néanmoins, si le journal qui a publié les premières affiches avait cessé, pendant le cours de la procédure, d'être chargé des annonces judiciaires, les insertions suivantes devraient être faites dans la feuille désignée pour le remplacer.

Enfin, et c'est là, Monsieur le procureur général, un des points sur lesquels votre attention aura à se fixer le plus sérieusement, l'art. 692 complète ces garanties en exigeant que copie de la sommation et de l'avertissement destinés aux créanciers à hypotheques légales soit notifiée au procureur impérial de l'arrondissement où les biens sont situés, et en créant pour ce magistrat, non plus la faculté, mais le devoir de requérir sur les biens saisis l'inscription des hypothèques légales existant du chef du

saisi.

Lorsque la purge est opérée à la suite d'une aliénation volontaire, conformément à l'art. 2194 du Code Napoléon, vos substituts n'interviennent qu'exceptionnellement et dans une mesure que la circulaire du 15 septembre 1806 a pu circonscrire sans danger. Dans le système qu'introduit la loi nouvelle et que dirige le créancier poursuivant, la sollicitude qui s'attache aux droits des femmes, des mineurs et des interdits, exigeait que l'intervention du ministère public devint non plus l'exception, mais la règle.

Je n'ai pas besoin d'insister auprès de vous sur l'importance des intérêts qui se trouvent ainsi confiés à l'exactitude et à la vigilance des procureurs impériaux.

L'inscription ne doit pas s'étendre au delà des immeubles compris dans la saisie, et le ministère public n'a pas à se préoccuper des hypothèques légales qui peuvent exister sur ces biens du chef des précédents propriétaires. La présomption d'insolvabilité qui frappe le saisi ne s'é tend pas jusqu'à eux. Toutefois le procureur impérial devra requérir une double inscription lorsque l'immeuble ne sera plus, au moment des poursuites, entre les mains

du débiteur.

L'art. 692 ne dit pas, il est vrai, s'il faut entendre par le saisi celui qui est tenu personnellement de la dette, ou le tiers dont la chose est expropriée. Mais si le premier, contre lequel sont dirigés les actes d'exécution, est, dans le langage du droit, le véritable saisi, le second qui refuse de satisfaire aux causes de l'hypothèque, soit qu'il reste dans la procédure, soit qu'il délaisse l'im

(8) Article 715 du Code de procédure civile.

(9 Lois annotées, p. 55, no VIII.

meuble, n'en subit pas moins l'expropriation d'un bien qui, en passant par ses mains, est devenu le gage de ses propres créanciers.

En imposant au ministère public un devoir plus rigoureux, la loi n'a en rien modifié les dispositions de l'art. 2155 du Code Napoléon, relatives aux inscriptions d'hypothèques légales. Le procureur impérial continue donc à indiquer dans les bordereaux qu'il rédige, les noms et le domicile réel de la femme, du mineur ou de l'interdit, dans l'intérêt duquel il requiert; les nom, prénoms, profession et domicile du débiteur, ainsi que la nature des droits à conserver; il désigne les biens grevés, qui ne sont autres que ceux compris dans la saisie et dont il trouve la désignation soit dans la notification qui lui est faite, soit dans le cahier des charges déposé au greffe ; il fait pour l'incapable une élection de domicile dans l'arrondissement, car les sommations de produire à l'ordre se font au domicile élu.

Les bordereaux sont dressés en double sur papier visé pour timbre en débet, et les frais des inscriptions sont avancés par l'administration de l'enregistrement, qui en poursuit le recouvrement contre le débiteur; le tout conformément aux art. 124 et 125 du décret du 18 juin 1811, el 215% du Code Napoléon.

[ocr errors]

Le conservateur auquel les deux bordereaux sont transmis renvoie au procureur impérial l'un des doubles, au bas duquel il certifie que l'inscription a été prise.

Le procureur impérial ne peut se borner à requérir l'inscription d'une manière générale pour le cas où le saisi serait marié ou tuteur; il doit agir dès que l'existence de la femme, du mineur ou de l'interdit lui est révélée par la notification qui lui est faite, et il n'a pas à se préoccuper du point de savoir s'ils ont des droits à exercer contre le saisi, s'ils trouveront un avantage sérieux à manisfester leur hypothèque, ou si la femme, ayant contracté la dette solidairement avec son mari, a intérêt à prendre inscription. L'art. 692 lui impose une obligation absolue l'inscription fût-elle déjà prise, le renouvellement en serait toujours utile pour en empêcher plus tard la péremption.

Il convient de dire toutefois que par ces mots hypotheques legales, la foi nouvelle n'entend parler que des hypothèques des femmes, des mineurs et des interdits, telles qu'elles sont réglées par l'art. 2135 du Code Napoléon. L'intervention d'office du ministère public n'est donc exigée qu'autant que les hypothèques peuvent exister sans être inscrites; elles cessent dès qu'elles sont soumises à la nécessité de l'inscription, c'est-à-dire, pour les femmes, une année après la dissolution du mariage; pour les mineurs ou les interdits, un an après l'avènement de la majorité ou la levée de l'interdiction.

Lorsque dans la notification qui lui aura été adressée le procureur impérial trouvera la preuve de ces faits, il n'aura plus à requérir. Il s'abstiendra également, dans le cas où il lui serait justifié que l'hypothèque légale des femmes ou des mineurs a été restreinte à certains immeubles du mari ou du tuteur, conformément aux art. 2140, 2141, 2142, 2143, 2144 et 2145 du Code Napoléon, et que les biens saisis en sont affranchis.

D'un autre côté, si le saisi a été chargé de plusieurs tutelles, ou si, veuf depuis moins d'une année, il a contracté un second mariage, le procureur impérial requerra autant d'inscriptions qu'il y aura de droits à conserver.

Les sommations faites aux incapables sont les seules dont copie soit notifiée au ministère public. L'exploit ne doit contenir rien d'étranger aux personnes dans l'intérêt desquelles le procureur impérial est tenu d'intervenir; mais il est essentiel qu'il relate exactement la saisie et la désignation des immeubles qui en sont frappés, la date, le volume et le numéro de la transcription. Il importe également que les originaux des sommations dont il s'agit soient distincts et séparés de ceux relatifs à toutes autres personnes, de telle sorte que la notification faite an parquet ne contienne que les énonciations nécessaires à la rédaction des bordereaux que le procureur impérial doit préparer.

D'un autre côté, afin que ces actes ne puissent être confondus avec les autres exploits qui sont déposés au parquet, j'ai décidé :

1o Que le visa préparé sur l'original serait placé en tête et en marge de l'acte et conçu dans les termes suivants : Vu et reçu copie au parquet, en exécution de la loi du 21 mai 1858, n du registre spécial. » 90 Que la copie porterait à la place correspondante cette mention Parquet, exécution de la loi du 21 mai du registre spécial.

1858, no

30 Que le visa, en pareille matière, serait toujours re

vêtu, non d'un simple parafe, mais de la signature du procureur impérial ou de son substitut.

4o Enfin que, dans chaque parquet, il serait ouvert un registre particulier, conforme au modèle ci-annexé, no 3, et sur lequel seront portés dans des colonnes distinctes, suivant l'ordre de la réception de la copie et le nom du saisi, le nom du poursuivant, les dates de la transcription de la saisie, de la notification au parquet, de l'envoi des bordereaux au conservateur, et de l'inscription.

Les dispositions ajoutées à l'art. 717 sont, sans con tredit, les plus importantes de la loi, à raison des principes qu'elles consacrent et des conséquences qu'elles entraînent, mais elles comportent peu de développement sous le rapport des détails d'exécution.

D'une part, la transcription du jugement d'adjudication purge toutes les hypothèques; d'un autre côté, les femmes, les mineurs et les interdits peuvent obtenir une collocation sur le prix, quoiqu'ils aient perdu tout droit de suite sur l'immeuble par défaut d'inscription.

En concédant ce droit nouveau, qui s'applique aussi bien aux aliénations volontaires qu'aux adjudications sur saisie (10), le législateur l'a réglementé et a, dans plusieurs articles, posé les conditions de son exercice. Ces conditions varient selon que l'ordre est réglé à l'amiable ou judiciairement. Lorsque, à la suite d'une vente forcée, l'ordre a lieu amiablement, la femme, le mineur et l'interdit sont admis à y faire valoir leurs droits jusqu'à la clôture, c'est-à-dire tant que le procès-verbal de distribution du prix n'a pas été dressé par le juge (art. 751, 752).

S'agit-il d'un ordre judiciaire, le terme imparti aux créanciers inscrits pour produire leurs titres et pour former leur demande en coliocation entraîne de plein droit déchéance contre les créanciers à hypothèques légales (art. 754 et 755).

Après une aliénation volontaire, quand l'acquéreur a accompli les formalités de purge prescrites par les art. 2194 et 2195 du Code Napoléon, il suffit, pour que les incapables soient colloqués:

1o Qu'un ordre soit ouvert dans les trois mois qui suivent l'expiration du délai prescrit par l'art. 2195 pour l'inscription de leurs droits;

2o Qu'ils interviennent soit avant la clôture de l'ordre amiable, soit, quand l'ordre est réglé judiciairement, avant que la déchéance n ait été encourue par les créanciers inscrits.

L'art. 772, qui le décide ainsi, entraîne plusieurs conséquences que M. Riché signalait en ces termes dans son rapport au Corps législatif (11). « Si cet ordre prompt n'intervient pas, s'il n'y a pas d'ordre, le droit de préférence est éteint, sans qu'on ait besoin de lui opposer la barrière d'un transport du prix de vente. Si les créanciers inscrits, voulant laisser le droit de préférence s'écouler et se perdre par le laps de temps, retardent l'ordre à dessein, nul doute que le titulaire ou le défenseur de l'hypothèque légale ne puisse provoquer cet ordre. Si même, avant l'expiration des trois mois, les créanciers inscrits font entre eux un ordre amiable, notarié ou sous seing privé, que l'art. 772 n'interdit pas, la clôture de cet ordre ayant date certaine pourra être opposée à l'hypothèque légale. »>

Enfin, lorsque, les créanciers inscrits étant moins de quatre, il y a lieu de procéder par voie de jugement d'attribution de prix, en conformité de l'art. 775, les hypothèques légales ne peuvent élever de réclamation qu'autant que les hypothèques inscrites ont encore ce droit. (Rapport de M. Riché.) (12)

L'art. 858, qui fixe les effets de l'adjudication après surenchère sur aliénation volontaire, a été modifié dans sa rédaction, mais ce changement n'entraîne aucune conséquence qu'il soit utile de signaler.

DEUXIÈME PARTIE.

Modifications au titre de l'Ordre.

(Code de procédure civile, art. 749 à 779.)

Les procédures d'ordre qui ont pour objet de distribuer entre les créanciers le prix des immeubles aliénés laissent en souffrance des capitaux considérables. Elles ont été jusqu'ici soumises à de regrettables lenteurs. Malgré d'incontestables améliorations et de louables efforts, les résultats généraux laissaient encore beaucoup à désirer.

(10) Article 772.

(11-12) Lois annotées, p. 56, no IX bis.

La statistique civile constate qu'avant la promulgation de la loi nouvelle, le tiers seulement des ordres était terminé dans les six mois de l'ouverture, et les mercuriales annuelles signalent des ordres qui ont duré cinq ans, huit ans, ou même dix années (13).

La loi du 21 mai 1858 a eu pour but de remédier à cet état de choses, en abrégeant les délais, en simplifiant les formalités, en diminuant les frais.

« Ce que la loi a voulu surtout, et avec raison, a dit M. Delangle dans son rapport au Sénat, c'est éviter des frais qui diminuent le gage commun, supprimer les lenteurs calculées ou involontaires, et faire en sorte que chaque créancier reçut, dans le plus bref délai possible, ce qui lui appartient.

Le Code de procédure laissait à l'intérêt des parties et à la diligence des officiers ministériels le soin d'accélérer la marche de l'ordre et d'en håter la conclusion; mais l'expérience a démontré l'insuffisance de ce mode d'action. L'art. 749 permet de confier à un juge spécial la mission de présider à l'accomplissement des formalités de la procédure. Cette mesure, qui est depuis longtemps en vigueur au tribunal de la Seine, et qui a déjà pour elle la sanction de la pratique, a pour but de concentrer la responsabilité sur un seul magistrat et d'assurer à cette branche du service l'unité de direction et l'uniformité de principes dont elle a besoin.

Le juge spécial peut être choisi parmi les juges suppléants. Les jeunes magistrats trouveront là une occasion de mettre en relief leur zèle et leur capacité, et d'appeler honorablement sur eux l'attention des chefs de la Cour au ressort de laquelle ils appartiennent.

J'apprécie, comme je dois le faire, tout ce que le règlement d'un ordre réclame de soin et d'instruction. Jo sais que cette difficile et modeste tâche n'offre pas à celui qui s'y dévoue l'éclat et les brillantes compensations qui se rencontrent dans d'autres travaux. Vous me signalerez, monsieur le procureur général, les juges-commissaires qui se seront fait remarquer par leur aptitude, par leur activité, par les résultats obtenus, et vous me trouverez toujours disposé à leur tenir compte de ces utiles efforts, comme d'un titre de plus à la bienveillance du Gouvernement de l'Empereur.

La mission du juge spécial est temporaire. Nommé pour un an au moins, ou trois ans au plus, peut, après l'expiration d'une première période, être chargé de nouveau des mêmes fonctions ou remplacé par un autre magistrat. Vous aurez à vous concerter avec M. le premier président afin de me faire, aux époques nécessaires et dans la forme tracée par ma circulaire du 22 juin dernier, les propositions que les besoins des Tribunaux de votre ressort pourront réclamer. Vous ne perdrez pas de vue que la nomination par décret d'un juge spécial n'est pas une mesure obligatoire et générale, qu'elle n'est que facultative et subordonnée à des exigences de service qui doivent être sérieuses et constatées. Vous veillerez, enfin, à ce que les magistrats chargés de cette mission ne se croient pas pour cela dispensés du service de l'audience.

Dans les Tribunaux où le nombre des ordres ne justifierait pas la nomination d'un juge spécial; il convient et il est dans l'esprit de la loi nouvelle que toutes les procédures d'ordre soient, autant que cela est compatible avec le bien du service, confiées par la président au même magistrat.

Les cas d'empêchement ou d'absence sont prévus et réglés. Vous tiendrez la main à ce que, dans chacun des Tribunaux où il existe un juge spécial, le greffier ouvre immédiatement le registre prescrit par l'art. 749 et sur lequel doivent être portées les ordonnances du président qui pourvoient au remplacement du juge absent ou empêché.

La loi confie au juge-commissaire la direction de l'ordre, et l'arme de pouvoirs suffisants pour stimuler l'activité des officiers ministéricls. Afin de rendre cette tåche plus facile, j'ai décidé qu'il serait ouvert au greffe un registre conforme au modèle no 6 ci-joint, indiquant dans des colonnes distinctes toutes les phases de la procédure. Le juge-commissaire y fera mentionner successivement l'exécution des formalités accomplies, et pourra. par le seul examen des mentions qui y seront portées, so rendre exactement compte de l'état des procédures.

Le service des ordres est placé sous le contrôle direct

(15) On ne peut douter que les difficultés des ordres et l'incertitude de l'époque du remboursement ne soient une des causes qui contribuent le plus à éloigner les capitaux des placements hypothécaires.

et permanent du Tribunal, sous celui du premier président et sous le vôtre. Vous ne devez négliger aucun moyen de vous assurer que les procédures sont dirigées avec l'activité désirable.

Vos substituts, en vérifiant, chaque mois, les minutes du greffe, se feront représenter le registre dont je viens de parler et lui consacreront une mention spéciale dans leur procès-verbal. Ils vous transmettront, en outre, dans les dix premiers jours de chaque trimestre, un extrait de ce registre, certifié par le greffier, contenant tous les ordres pendants et constatant la situation de chacun d'eux. Enfin, à la première audience civile des mois de janvier, avril, juillet et octobre, le président du Tribunal fera faire publiquement l'appel de tous les ordres non terminés.

La loi du 23 mars 1855, qui a rendu obligatoire la transcription du jugement d'adjudication, n'avait prescrit aucun terme pour l'accomplissement de cette formalité. Il n'en est plus ainsi la transcription doit avoir lieu dans les quarante-cinq jours qui suivent le jugement, s'il n'est frappó ni de surenchère ni d'appel. Dans ces deux derniers cas, le délai court à partir du jour de l'arrêt ou de l'adjudication sur surenchère.

Aux termes de la loi nouvelle, l'adjudicataire négligent est poursuivi comme fol enchérisseur, sans préjudiçe bien entendu des cas prévus par l'art. 713 du Code de procédure; la poursuite a lieu conformément à l'art. 735, sur le certificat délivré par le conservateur des hypothèques constatant que la transcription n'a pas été faite.

Cette formalité, nécessaire pour arrêter le cours des inscriptions, est le préliminaire indispensable de l'ordre.

Bien que le jugement d'adjudication soit signifié au saisi suivant les règles ordinaires de la procédure (art. 716), ce n'est plus du jour de cette signification, mais du jour de la transcription au bureau des hypothèques, que part le délai pour l'ouverture de l'ordre. Dès que cette transcription a été faite, l'adjudicataire, le créancier le plus diligent, ou le saisi lui-même, requiert l'ouverture du procès-verbal d'ordre, mais il n'est admis faire sa réquisition qu'en remettant au greffe l'état des inscriptions, indispensable au juge pour faire convoquer les créanciers.

La remise de cet état et la réquisition d'ouverture du procès-verbal sont constatées dans un seul et même acte, qui est inscrit sur le registre des adjudications.

Le juge annexe l'état des inscriptions au procès-verbal, et le droit de 3 fr., fixé par le décret du 18 juillet 1808 pour dépôt de cet état, est perçu lors de l'enregistrement de l'ordonnance de clôture de l'ordre.

Le saisissant a, comme par le passé, la préférence pour la poursuite d'ordre; mais, s'il n'imprime pas à la procédure l'activité nécessaire, les autres créanciers en prennent à sa place la direction.

Dans les Tribunaux où il n'y a qu'un juge spécial, le poursuivant n'aura à requérir la nomination du jugecommissaire que si le juge spécial est absent ou empêché.

Dans les autres Tribunaux, il requerra la nomination du juge, qui sera faite par le président, à la suite de la réquisition, sur le registre des adjudications.

C'est au président qu'il appartient de répartir les ordres entre les divers juges spéciaux d'un même siége.

Le Code de procédure ajournait l'ordre judiciaire pendant un mois pour laisser aux créanciers le temps de s'entendre entre eux; mais ces tentatives d'arrangement échouaient le plus fréquemment. « Votre commission, disait M. Riché dans son rapport au Corps législatif, a voulu tirer de ce délai un parti plus fécond en créant ce qui manquait, c'est-à-dire le centre commun, l'agent désigné à la conciliation, le rendez-vous obligatoire auprès de cet agent. »

L'ordre amiable, introduit par la loi du 21 mai 1858 (art. 751), est donc une procédure toute nouvelle dans notre législation. Elle réclame des règles particulières.

Elle n'a pas pour objet de remplacer l'ordre fait devant notaire, par suite de l'accord des créanciers avec l'adjudicataire et le saisi, accord qui peut toujours avoir lieu lorsque les parties sont majeures et maîtresses de leurs droits;

Entre cette convention et l'ordre judiciaire, dans un double but d'économie et de rapidité, le législateur a placé l'ordre amiable, qui n'est autre chose qu'un règlement fait en justice sans les formalités ordinaires. Il doit être tenté, quel que soit le nombre des créanciers inscrits.

Dans le délai de l'art. 751, le juge-commissaire fixe

le jour et l'heure de la réunion. L'état des inscriptions déposé par le poursuivant sert de base aux convocations qui sont préparées par le greffier et adressées par lui aux créanciers inscrits, à l'adjudicataire et au saisi.

D'après les dispositions arrêtées de concert entre le département des finances et le mien, les lettres seront conformes au modèle no 4 ci joint tant pour le format que pour les énonciations. Elles seront délivrées par le greffier sur papier non timbré, au nom et sous la surveillance du juge-commissaire, et expédiées par la poste sous bande simple, scellée du sceau du Tribunal, avec affranchissement.

Le greffier remettra les lettres au guichet du bureau de poste pour les faire charger. Cette remise sera accompagnée d'un bulletin sur papier libre, conforme au modèle no 5 et énonçant le numéro de l'ordre, le nom du saisi ou du vendeur, le nombre de lettres et la suscription de chacune d'elles.

Toutes ces mentions seront inscrites sur le bulletin par le greffier, afin que le préposé de l'administration des postes n'ait plus à y porter que la date du dépôt des lettres, leur nombre et le montant de l'affranchissement perçu. Le préposé signera le bulletin ainsi rempli et le remettra au greffier. Chaque lettre sera passible, indépendamment de la taxe ordinaire (10 ou 20 c.), du droit fixe de 20 c. pour chargement, comme toute lettre chargée, mais elle est dispensée des formalités de fermeture spéciale qu'entraîne le chargement ordinaire.

Les frais seront avancés par le poursuivant au greffier.

Le bulletin sera représenté au juge, qui le joindra au procès-verbal et pourra ainsi constater la régularité de la convocation et prononcer l'amende contre les créanciers non comparants.

Il ne sera perçu aucun droit d'enregistrement ou de greffe pour l'annexe de ce bulletin au procès-verbal. Chaque créancier est convoqué non-seulement à son domicile élu, mais encore à son domicile réel, pourvu qu'il soit fixé en France.

Les lettres adressées au domicile élu doivent porter sur la suscription, à la suite du nom du créancier, ces mots : « Ou, en cas d'absence, à M...,» (nom et qualité de la personne chez laquelle élection de domicile a été faite).

Celles qui ne parviennent pas au destinataire sont renvoyées au greffier du Tribunal dont elles émanent, au lieu d'être remises au bureau des rebuts de l'administration centrale des postes.

Bien que l'art. 751 ne s'explique pas sur la rétribution due aux greffiers pour la préparation des lettres de convocation, je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'il leur soit alloué 20 centimes par lettre, par analogie des dispositions de l'ordonnance du 9 octobre 1825, art. 1er, no 17, et du décret du 24 mai 1854.

Vous ne perdrez pas de vue que les lettres de convocation ne doivent parvenir aux destinataires que par la voie de la poste. Afin d'éviter les fraudes auxquelles cette partie du service peut donner lieu, j'ai décidé que le greffier remettrait au poursuivant un état indiquant le numéro de l'ordre, le nom du saisi et celui du vendeur, le nombre des lettres de convocation, les déboursés pour droits de poste et les émoluments perçus.

Le juge, avant de taxer les frais, n'aura, pour s' s'assurer de la sincérité de cet état, qu'à le comparer avec le bulletin signé par le préposé de l'administration des postes et annexé au procès-verbal.

Les créanciers qui ne satisfont pas à la convocation qu'ils ont reçue sont condamnés à 25 fr. d'amende. Il est dans le vœu du législateur qu'ils comparaissent en personne; toutefois, il a été entendu qu'ils pouvaient se faire représenter par des fondés de procuration, ou être assistés de conseils; mais ils ne peuvent, en général, se borner à faire connaître par lettres au juge-commissaire leurs prétentions, ainsi que les concessions qu'ils sont prêts à faire.

Les termes généraux dans lesquels l'art. 751 est conçu comportent cependant, dans l'exécution, certains tempéraments qui rentrent manifestement dans l'esprit de ses dispositions. On peut donc admettre sans difficulté que le créancier qui a reçu son payement, mais dont l'inscription n'a pas été radiée, ou celui qui, ne venant pas en ordre utile, renonce à faire valoir ses droits, ou enfin que la personne convoquée par erreur, évitent les frais d'un déplacement inutile ou d'une procuration, en faisant connaître par écrit au juge-commissaire qu'ils sont étrangers à l'ordre ou qu'ils sont désintéressés.

Mais c'est au créancier à prendre les mesures néces

saires pour que sa déclaration parvienne au juge-commissaire. Sa lettre, d'ailleurs, qui reste annexée au procès-verbal, doit être conçue avec clarté et précision et ne contenir aucune réserve; enfin sa signature doit être légalisée par le maire de la commune où il réside.

La loi n'autorise à accorder aucune indemnité de voyage ou autre à ceux qui ont satisfait à la convocation, bien qu'ils n'aient obtenu aucune collocation.

Quant à la personne appelée par erreur, elle a son recours, selon les circonstances, contre le greffier ou contre le conservateur des hypothèques.

Les considérations qui ont déterminé le législateur à tenter l'ordre amiable ne permettent pas de penser que les créanciers soient astreints à recourir au ministère des avoués (14); le règlement a lieu sous la médiation du juge, mais il s'accomplit amiablement, c'est-à-dire sans procédure. Le créancier a donc le libre choix de son mandataire, et, lorsqu'il se présente en personne, il peut se faire accompagner d'un avocat ou d'un avoué; mais les honoraires du conseil, comme ceux du mandataire, restent à sa charge, et ne peuvent, en aucun cas, être prélevés sur la somme en distribution.

Le délai pour la tentative de règlement amiable est d'an mois à partir du jour de la réquisition d'ouverture du procès-verbal, lorsqu'il existe un juge spécial, ou de la nomination du juge-commissaire. Si la première réunion est infructueuse, le juge en indique une ou plusieurs autres, sans nouvelles convocations et sans frais.

En l'absence d'un créancier, il apprécie s'il convient de renvoyer l'assemblée à un autre jour ou de la tenir immédiatement, sauf à régulariser ultérieurement le procès-verbal par l'adhésion que le créancier peut fournir dans le mois.

Les créanciers à hypothèques légales qui n'ont pas pris d'inscriptions doivent, s'ils veulent être colloqués, déposer au greffe leurs titres avec acte de produit, et faire mention de ce dépôt sur le procès-verbal d'ordre.

Il en est de même des créanciers chirographaires qui ont intérêt à surveiller la distribution du prix.

La réunion a lieu sous la présidence du juge-commissaire. Après l'appel des personnes convoquées, l'avoué poursuivant expose l'objet de la réunion. Chacun des créanciers justifie de son identité, fait connaître ses prétentions et dépose ses titres à l'appui.

Au surplus, la loi n'a prescrit aucune forme, n'a tracé aucune règle spéciale. Le juge auquel elle confie la direction du débat suit la marche qui lui paraît de nature à concilier tous les intérêts. Ne s'élève-t-il aucune difficulté, il dresse procès-verbal de la distribution du prix, ordonne la délivrance des bordereaux aux créanciers utilement colloqués, et la radiation des inscriptions qui ne viennent pas en ordre utile.

Mais, si des contestations surgissent, il appelle l'examen sur chacune d'elles et cherche à rapprocher les parties; son expérience, l'autorité de son caractère, lui assurent une influence qui, dans la plupart des cas, rend son intervention efficace et décisive.

Rien ne s'oppose à ce que le règlement amiable ne soit que partiel, car il est dans le vœu de la loi de håter, par tous les moyens légitimes, le moment où les créanciers recevront leur payement. Lors donc que tous les membres de l'assemblée sont d'accord pour reconnaître la justice des prétentions des créanciers premiers inscrits, et qu'il ne s'élève de difficulté qu'à l'égard des inscriptions postérieures, le juge arrête l'ordre pour les créanciers non contestés, et ordonne à leur profit la délivrance des bordereaux de collocation.

Il a même la faculté, selon les circonstances et quand les contestations ne s'adressent qu'à un nombre limité de créances, de régler l'ordre et de l'arrêter à l'égard des créanciers dont les demandes sont unanimement admises, à la condition toutefois de réserver somme suffisante pour désintéresser, suivant les éventualités du procès, ceux qui ne peuvent être dès à présent colloqués.

Cette manière d'opérer, que l'art. 751 n'interdit pas, a le double avantage de procurer à ceux dont les droits sont établis un remboursement immédiat et sans frais, et de permettre en même temps aux créanciers contestés, lorsque leur nombre n'excède pas trois, de procéder par voie d'attribution de prix, au lieu de recourir aux formalités longues et dispendieuses de l'ordre judiciaire. Quant aux créances conditionnelles ou indéterminées,

(14) C'est ce que la Cour de Caen vient de décider par 200, un arrêt du 29 mars 18:9, que l'on trouvera à la page 2e partie de notre Recueil.

elles sont réglées conformément aux principes du droit en cette matière.

Le règlement ne souffre aucune difficulté lorsque le créancier, mineur ou incapable, reçoit son payement intégral; mais s'il ne doit obtenir qu'un remboursement partiel, ou s'il ne vient pas en ordre utile, le règlement amiable peut-il aboutir?

Le représentant de l'incapable, qui n'a qualité que pour les actes d'administration, peut-il l'accepter sans recourir aux formalités prescrites pour les transactions? C'est une question que la jurisprudence aura à résoudre. Constatons seulement que la commission du Corps législatif a paru considérer le consentement au règlement amiable, beaucoup moins comme une transaction que comme un acte d'administration; en se bornant à reconnaître l'exactitude d'un fait dont le magistrat seul est appelé à tirer les conséquences, le tuteur n'abandonne ni ne compromet les intérêts dont la gestion lui est confiée.

Le juge, dans l'ordre amiable organisé par l'art. 751, n'est pas seulement chargé de constater l'accord des parties et de donner l'authenticité à leurs conventions. Bien qu'investi d'une mission de conciliation, il n'en conserve pas moins son caractère propre. Les créanciers sont convoqués devant lui pour se régler amiablement entre eux, c'est-à-dire pour établir ou contester contradictoirement et sans formalités de procédure la réalité de leurs droits et le rang qui appartient à chacun d'eux.

Mais c'est le juge seul qui procède à l'ordre, et il ne donne sa sanction à l'arrangement des créanciers qu'autant qu'il le trouve conforme aux règles de la justice.

Le procès-verbal qu'il rédige, le greffier tenant la plume, relate l'exposé des faits présentés par l'avoué poursuivant sous sa responsabilité, la convocation des créanciers, l'annexe du bulletin de chargement, la comparution des parties, l'accord des créanciers, et, suivant les circonstances, renvoie les parties à l'audience, ou contient la distribution totale ou partielle du prix.

Il est signé par le juge et par le greffier, car c'est un acte du juge, et ne diffère point du règlement qui met fin à l'ordre judiciaire. Le conservateur des hypothèques est tenu d'exécuter l'ordonnance qui le termine.

A défaut d'ordre amiable, le procès-verbal n'est clos qu'à l'expiration du mois.

Il constate les incidents qui se sont produits et qui ont empêché la conciliation, et ce n'est qu'à ce moment que le juge prononce l'amende contre les non-comparants. Il agit, d'ailleurs, sans nouvelle réquisition du poursuivant, déclare l'ordre ouvert, et commet un ou plusieurs buissiers à l'effet de sommer les créanciers de produire. Pour empêcher le retour d'anciens abus, l'art. 752 déclare expressément que cette partie du procès-verbal ne pourra être expédiée ni signifiée.

L'état des inscriptions reste au greffe, car il est nécessaire au Tribunal pour statuer sur la demande en attribution de prix, s'il y a moins de quatre créanciers inscrits, ou au juge-commissaire pour procéder au règlement de l'ordre judiciaire.

L'art. 753 fixe le délai (huit jours) dans lequel l'avoué poursuivant est tenu de dénoncer l'ouverture de l'ordre à l'avoué de l'adjudicataire, et de faire, à chacun des créanciers inscrits, sommation de produire. Cet acte relate les circonstances principales de la poursuite, et contient, en outre, l'avertissement spécial que, faute de produire dans les quarante jours, le créancier sera déchu.

L'original en est remis au juge, qui en a fait mention sur le procès-verbal, et qui s'assure que les huissiers commis ont accompli leur mission.

Le délai de la production, qui n'était que d'un mois, d'après le Code de procédure, est porté à quarante jours par l'art. 754. Il court, pour chaque créancier, à partir de la sommation qui lui est faite.

Les créanciers à hypothèques légales qui n'ont pas fait inscrire leurs droits, mais qui veulent profiter du bénéfice de la disposition du nouvel art. 717, déposent au greffe leurs titres avec acte de produit signé par leur avoué et contenant demande en collocation. Mais ce dépôt, dont il est fait mention sur le procès-verbal, ne peut plus être effectué utilement, lorsque le dernier créancier sommé a encouru la déchéance.

Aux termes de l'art. 755, les créanciers non prodnisants dans le délai sont déchus de plein droit. Aucune latitude n'est laissée au juge. A l'expiration des quarante jours, il constate la déchéance immédiatement et d'office sur le procès-verbal.

Le délai ne peut être prorogé sous aucun prétexte.

Ainsi se trouvent supprimées ces productions tardives qui, dans l'ancienne procédure, entravaient si souvent la marche des ordres et en empêchaient la conclusion.

Cette déchéance encourue par les créanciers non produisants dans le délai, dit M. Riché dans son rapport au Corps législatif, est l'une des plus graves innovations du projet de loi. Elle a excité des réclamations de la part de quelques officiers ministériels. Votre commission a pensé, avec le Gouvernement, que l'efficacité de la loi était surtout au prix de cette déchéance. L'expérience a condamné l'inconséquence du Code actuel qui, après avoir prescrit la production dans le mois de la sommation, permet en fait de ne produire qu'après ce délai, et même qu'après la confection de l'état de collocation... La seule sanction sérieuse du délai est la forclusion. »

Il est prescrit au juge-commissaire de dresser l'état de la collocation dans les vingt jours qui suivent l'expiration du délai de production. Mais c'est là un maximum qui ne doit être que rarement atteint; et, dans la plupart des ordres où les créanciers sont peu nombreux et qui ne présentent pas de questions délicates, le travail peut être promptement terminé.

Une procédure d'ordre doit toujours être conduite avec célérité; le bien public l'exige autant que l'intérêt des justiciables. Ce n'est, d'ailleurs, qu'en donnant l'exemple de l'activité que le juge stimulera le zèle des officiers ministériels et imprimera aux procédures une marche rapide.

La confection de l'état de collocation, qui doit être le résultat de son travail personnel, exige, de sa part, autant d'attention que de prudence. « La matière des hypothèques et la procédure d'ordre qui en est la mise en œuvre, disait au Sénat M. Delangle, sont au nombre des plus compliquées et des plus difficiles qu'offrent nos lois civiles. Pour s'y mouvoir avec rapidité et certitude, il est nécessaire de joindre, à une science vraie, des idées d'application que donnent seules l'habitude et l'expérience.

[ocr errors]

Le juge ne peut donc abandonner ce travail aux soins du greffier ou de l'avoué poursuivant; si de semblables abus s'introduisaient dans quelques-uns des Tribunaux de votre ressort, vous auriez à m'en rendre compte immédiatement. C'est un point que je confie à votre vigilance et à votre sollicitude.

Dans les dix jours de la confection de l'état de collocation, l'avoué poursuivant la dénonce aux créanciers produisants, ainsi qu'à la partie saisie, sous peine d'être déchu de la poursuite (art. 776).

L'art. 756 tranche une question controversée en déclarant que le saisi sera forclos comme les créanciers produisants, à défaut d'avoir contredit l'état dans les trente jours.

L'art. 2192 du Code Napoléon, prévoyant le cas où plusieurs immeubles ont été aliénés volontairement pour un seul et même prix, décide que le prix de chaque immeuble, frappé d'inscriptions particulières et séparées, sera déclaré dans la notification du nouveau propriétaire qui veut purger, par ventilation du prix total exprimé dans le titre.

Mais, lorsque l'adjudication a lieu à la suite d'une saisie immobilière, il faut déterminer, après coup, la portion de prix afférente à chacune des parcelles qui sont grevées d'hypothèques différentes (art. 2211, Code Napoléon).

Le Code de procédure ne contenait aucune règle spéciale pour la ventilation, ce qui amenait dans la pratique beaucoup d'hésitation et d'incertitude. La loi du 21 mai 1858 trace une procédure sommaire qui permet au juge de réunir avec rapidité des éléments d'appréciation, et de résoudre la difficulté.

Sur la réquisition des parties, ou d'office, par une ordonnance inscrite sur le procès-verbal, il nomme un ou trois experts, fixe le jour où il recevra leur serment et le délai dans lequel ils devront déposer leur rapport.

L'expert qui ne remplirait pas sa mission, après avoir prêté serment, s'exposerait à une poursuite en dommages-intérêts conformément à l'art. 316 du Code de procédure.

Le rapport, qui est rédigé d'une manière sommaire, et qui est annexé au procès-verbal, ne peut être levé ni signifié; mais la partie qui n'en accepte pas les conclusions peut contester l'état de collocation dans les points qui lui font grief.

L'art. 757 ne s'applique pas au cas où la ventilation est requise après la dénonciation du règlement provisoire et par voie de contredit consigné au procès-verbal. Le juge-commissaire qui ne peut plus modifier l'état de col

location, renvoie les parties à l'audience, et la ventilation est ordonnée, s'il y a lieu, par le Tribunal.

Plusieurs améliorations résultent de l'art. 758.

10 Tout contestant motive son dire, qui est daté et signé par son avoué et qui tient lieu de ses conclusions (art. 761).

Il produit toutes pièces à l'appui, c'est-à-dire qu'il les dépose au greffe.

Désormais c'est le juge-commissaire qui fixe le jour où les contestations seront vidées, et commet un avoué pour suivre l'audience. Les contestants figurent seuls dans le débat avec les contestés et l'avoué du dernier créancier colloqué.

Ces mesures empêcheront des contestations irréйlóchies, des lenteurs et des frais inutiles.

2o Avant de renvoyer les contestants à l'audience, le juge pourvoit à l'intérêt des créanciers dont les collocations ne sont point attaquées, comme il le faisait déjà sous l'empire du Code de procédure; il arrête l'ordre et ordonne la délivrance des bordereaux de collocation pour les créances antérieures à celles contestées.

Le nouvel art. 758 l'autorise, en outre, à faire un règlement définitif pour les créances postérieures, en réservant une somme suffisante pour désintéresser les créanciers contestés. Mais c'est là une faculté dont le juge-commissaire usera avec prudence et lorsque la me¬ sure lui paraîtra sans inconvénient.

Ces règlements particls présentent des avantages réels, puisqu'ils assurent le remboursement immédiat des créances légitimes, et qu'ils simplifient notablement l'ordre, dans lequel on ne voit plus figurer que ceux dont les prétentions ont donné lieu à des contredits.

L'art. 759 détermine le délai dans lequel le juge-commissaire est tenu de faire la clôture de l'ordre, lorsqu'il ne s'est élevé aucune contestation.

En chargeant ce magistrat de liquider les frais de radiation et de poursuivre l'ordre, aussi bien que ceux des créanciers colloqués en ordre utile, il reproduit presque textuellement l'ancien article du Code de procédure.

Il importe que les avoués déposent promptement au greffe leurs états de frais, afin de ne pas entraver le travail du juge-commissaire.

Quant à l'art. 761, il a pour objet de mettre un terme à l'abus des remises sollicitées sous prétexte de recherche ou de production de nouvelles pièces. Il décide, en outre, une question jusqu'alors très controversée, en déclarant que les contestations sont jugées comme affaires sommaires, et régies, en ce qui touche la taxe des dépens, par l'art. 67 du décret du 16 février 1807. La procédure se borne à un simple acte signifié à la diligence de l'avoué commis, contenant avenir pour l'audience fixée par le juge, et à des conclusions motivées de la part des contestés.

Les art. 762, 763, 764, tranchent plusieurs questions importantes, mais ne comportent aucune explication particulière. Vous remarquerez seulement que la procédure devant la Cour est sommaire, comme elle l'est en promière instance.

[ocr errors]

L'époque du règlement définitif de l'ordre est déterminée par l'art. 765. A ce moment, disait M. Riché au Corps législatif, les intérêts dus par le saisi cessent, et font place aux intérêts dus par l'adjudicataire ou par la caisse des consignations. C'est ce que votre commission, dont la rédaction est devenue plus substantielle entre les mains du Conseil d'Etat, a exprimé par une disposition moins équivoque que celle de l'ancienne loi, qu'avait copiée le projet. »

L'art. 766 introduit d'excellentes réformes: Les dépens des contestations étaient souvent employés en frais d'ordre, et retombaient ainsi à la charge du dernier créancier colloqué; désormais, ils ne pourront être pris sur les deniers provenant de l'adjudication, à moins qu'il ne s'agisse d'un créancier dont la collocation, rejetéo d'office malgré une production suffisante, a été admise par le Tribunal, ou de l'avoué chargé de représenter les créanciers postérieurs aux collocations contestées. A part ces deux exceptions, le principe est absolu.

Lors même que le contredit profiterait à la masse commune, le mobile de ce contredit n'en étant pas moins l'intérêt du contredisant, celui-ci supporte les frais du procès qu'il a soulevé et qu'il a perdu.

L'article va plus loin et autorise le Tribunal à condamner aux dépens celui qui obtient gain de cause, s'il est établi qu'il a mis de la négligence dans la production des pièces disposition sévère, mais juste, puisque en fournissant dès l'abord ces pièces décisives, le créancier aurait évité le contredit et le jugement.

Enfin, les frais à la charge du contestant téméraire sont prélevés sur sa collocation.

On s'était demandé, sous le Code de procédure, s'il existait un recours contre l'ordonnance de clôture de l'ordre. Tout le monde s'accordait à refuser aux créanciers qui n'avaient pas contesté le règlement provisoire, le pouvoir de remettre en question les bases de ce règlement, l'existence, la quotité, le rang des créances. Mais il n'était pas impossible que des erreurs se fussent glissées dans le règlement définitif, ou que le juge-commissaire eût excédé ses pouvoirs.

La jurisprudence était profondément divisée sur le point de savoir si l'ordonnance de clôture devait être attaquée par la voie de l'appel ou par la voie de l'opposition, et dans quel délai ce recours pouvait être exercé.

La nouvelle loi « rend un triple service aux justiciables (pour employer les expressions de M. Riché) en tranchant la difficulté, en choisissant le mode d'opposition devant le Tribunal même, comme le plus économique, et en organisant une procédure assez simple pour la uger. Le poursuivant dénonce l'ordonnance de clôture dans les trois jours de sa date par acte d'avoué à avoué. L'opposition est formée, à peine de nullité, dans la buitaine de la dénonciation; elle est jugée dans la huitaine suivante, comme affaire urgente et sommaire.

Bien que l'art. 767 ne s'explique pas sur ce point, l'opposition est faite au greffe par un dire consigné au procès-verbal.

D'après l'art. 769, c'est l'avoué poursuivant qui fait radier les inscriptions des créanciers non utilement colloqués, et, pour assurer l'accomplissement de cette formalité, l'article suivant défend au greffier de délivrer le bordereau des frais de poursuites avant que l'avoué ait fourni les certificats de radiation, qui demeurent annexés au procès-verbal.

Vos substituts, en vérifiant chaque mois les minutes du greffe, tiendront la main à ce que ces prescriptions soient ponctuellement exécutées.

Prévoyant le cas d'une aliénation volontaire, l'art. 772 autorise non-seulement l'acquéreur et le créancier le plus diligent, mais le vendeur lui-même, à requérir l'ouverture de l'ordre. Néanmoins, ce dernier ne peut user de cette faculté qu'autant que le prix est exigible.

Aux termes de l'ancien art. 775, l'ordre pouvait être provoqué après l'expiration des trente jours qui suivaient l'expiration des délais prescrits par les art. 2185 et 2194 du Code civil; le nouvel article ne permet de l'ouvrir qu'après l'accomplissement des formalités prescrites pour la purge des hypothèques.

La commission du Corps législatif a considéré la purge des hypothèques inscrites comme le précurseur de l'ordre. Mais, disait M. Riché dans son rapport, pourquoi forcer l'acquéreur, surtout l'acquéreur d'un petit immeuble, à purger les hypothèques légales, si l'intérêt de sa sécurité ne lui paraît pas l'exiger, ou s'il recule devant les frais de cette purge assez rare dans la pratique ? »

Quoi qu'il en soit, les termes généraux et absolus dans lesquels la disposition est conçue ne paraissent pas admettre de distiction; c'est une question que la jurisprudence aura à trancher.

Dans sa disposition finale, l'art. 772 réserve, sous certaines conditions, aux créanciers à hypothèques légales, qui n'ont pas fait inscrire leurs hypothèques, le droit de préférence sur le prix.

L'art. 773 n'autorise pas l'ordre judiciaire lorsqu'il y a moins de quatre créanciers inscrits; le Code admettait déjà ce principe, mais seulement à la suite d'une vente volontaire; désormais, quel que soit le mode d'aliénation, la distribution du prix sera faite directement par le Tribunal, après une procédure économique dont la forme est tracée avec précision.

L'instance en attribution de prix n'a lieu, dans tous les cas, qu'à défaut de règlement amiable.

L'un des objets principaux de la loi du 21 mai 1858 est d'imprimer aux procédures d'ordre la rapidité qui leur a manqué jusqu'à présent. Mais, pour atteindre ce but, il ne suffisait pas de fixer des délais et de les enchaîner, après en avoir restreint l'étendue, dans une exacte limite; il fallait encore imposer aux avoués la vigilance et l'activité.

C'est à cette fin que l'art. 776 substitue à la subrogation, dont l'expérience avait démontré l'inefficacité, une déchéance, sans sommation ni jugement, contre l avoué qui n'a pas observé les formalités et les délais prescrits par les art. 753, 755, § 2, et 769, et contre l'avoué commis qui n'a pas rempli les obligations à lui imposées par les art. 758 et 761.

ce,

Cette mesure, que le juge-commissaire est autorisé à prendre, sur la réquisition d'une partie ou même d'offiest une sanction rigoureuse des dispositions de la loi. Le zèle que les officiers ministériels apportent habituellement aux affaires qui leur sont confiées en rendra, sans doute, l'application peu fréquente; mais, si des négligences se produisent, le juge ne doit pas hésiter à y recourir; sa tolérance ou sa faiblesse engagerait sa responsabilité.

L'avoué poursuivant et l'avoué commis ayant à remplir certaines formalités, à la suite de divers actes du juge-commissaire, le greffier, au nom et sous la surveillance de ce magistrat, donnera avis, par lettre chargée à la poste: 1o à l'avoué poursuivant, de l'ouverture du procès-verbal d'ordre, de la confection de l'état de collocation provisoire, et de la clôture de l'ordre; 2o à l'avoué commis, du renvoi à l'audience avec indication du jour fixé.

Aux termes des art. 777 et 778, il suffit à l'acquéreur qui veut faire prononcer la radiation des inscriptions avant la clôture de l'ordre, de consigner volontairement son prix:

« C'était là, disait M. Delangle dans son rapport au Sénat, une occasion naturelle, et la loi l'a sassie, de trancher une question indécise, celle de savoir si la consignation, en cette matière, devait être précé'ée d'offres réelles. Le prix étant irrévocablement fixé par la purge de toutes les hypothèques, les offres étaient une formalité complétement inutile; la loi nouvelle, fidèle à la pensée qui l'inspire, a évité ces frais aux créanciers. »

est superflu de retracer ici la procédure simple et économique qui est prescrite; il convient seulement de rappeler que, dans le cas où l'ordre n'est pas ouvert, l'acquéreur ou l'adjudicataire qui veut consigner est tenu d'en requérir l'ouverture.

Le Code ne s'était pas expliqué sur l'effet d'une revente sur folle enchère intervenant dans le cours de l'ordre, et même après le règlement définitif et la délivrance des bordereaux. L'art. 779 met fin aux difficultés que cette lacune avait fait naître, et décide qu'il n'est pas nécessaire de recommencer l'ordre; que le juge-commissaire doit se borner à modifier l'état de collocation, suivant les résultats de l'adjudication, et à rendre les bordereaux exécutoires contre le nouvel adjudicataire.

Telles sont, monsieur le procureur général, les observations que m'a suggérées la loi du 21 mai 1858 et les mesures que j'ai cru devoir prescrire pour en faciliter et en assurer la complète exécution. Les changements que le législateur a voulu introduire dans le règlement des ordres ne sont pas seulement une réforme utile de procédure; ils ont, vous le savez, un intérêt plus général et plus élevé. Vous aurez donc à faire appel à la vigilance des magistrats, comme au zèle des officiers m.nistériels de votre ressort.

Je compte sur votre concours le plus actif pour donner à cette partie du service, qui est particulièrement confiée à votre surveillance et à votre sollicitude, une vigoureuse impulsion; et je ne doute pas que les principes nouveaux, maintenus dans une sage limite, mais appliqués d'une manière large et ferme, ne produisent d'excellents résultats.

Je désire que désormais vous fassiez connaître dans la mercuriale les mesures que vous aurez adoptées pour favoriser l'application et le développement de ces principes

Vous voudrez bien entin me tenir exactement informé de tout ce qui intéressera l'exécution d'une loi sur laquelle le Gouvernement de l'Empereur fonde de légitimes espérances d'amélioration et de progrès.

Je vous prie de m'accuser réception de cette circulaire, dont je vous transmets des exemplaires en nombre suffisant, pour que vous puissiez en adresser à M. le premier président de la Cour, aux présidents, aux procureurs impériaux et aux juges spéciaux de votre ressort. Recevez, monsieur le procureur général, l'assurance de ma considération très distinguée.

Le Gorde des sceaux, Ministre de la justice, E. DE ROYER. TITRES NOBILIAIRES.-SOUVERAINS

ÉTRANGERS. RAPPORT A L'EMPEREUR sur les titres conférés à des Français par des Souverains étrangers. (5 Mars 1859.)

SIRE,

Le droit de conférer des titres, a soit pour ré

« compenser de grauds services, soit pour exciter

<< une utile émulation, soit pour concourir à l'éclat « du Trône (1)», est un des droits essentiels et un des priviléges de la souveraineté. Les distinctions de cette nature doivent, sauf de rares exceptions, avoir une origine et une cause exclusivement nationales.

Aux termes d'une ordonnance du 31 janvier 1819, non insérée au Bulletin des lois, les titres honorifiques conférés à des Français par des Souverains étrangers ne peuvent être portés en France sans une autorisation du Chef de l'Etat; mais les dispositions de cette ordonnance, qui a été plusieurs fois appliquée de 1819 à 1848, ont besoin d'être fortifiées et complétées.

Un procès récent a jeté de tristes lumières sur les abus qui se mêlent trop souvent à la recherche et à l'obtention de certaines distinctions étrangères. La loi qui punit les usurpations de titres doit s'attacher avec une égale vigilance à éviter que des titres obtenus à l'étranger, à des conditions et pour des causes non vérifiées, viennent se confondre avec des titres décernés par le Souverain de la France et mérités par des services rendus au pays.

J'ai, par vos ordres, Sire, soumis la question à l'examen du conseil du sceau des titres, et le résultat de cet examen s'est formulé dans un projet de décret que j'ai l'honneur de présenter à la siguature de Votre Majesté.

Comme l'ordonnance de 1819, le nouveau décret dispose que les titres conférés à des Français par des Souverains étrangers ne peuvent être portés en France qu'avec l'autorisation de l'Empereur; mais il pose en principe que cette autorisation, qui sera précédée d'un avis du conseil du sceau des titres, ue sera accordée qu'exceptionnellement et pour des causes graves. La prohibition doit demeurer la règle.

Les demandes seront l'objet d'une instruction attentive, dans le cours de laquelle le ministre des affaires étrangères devra être consulté.

Les articles z et 3 de l'ordonnance du 31 janvier 1819 n'assujettissaient les lettres patentes contenant autorisation de porter un titre étranger qu'au tiers du droit de sceau exigé en France pour la coliation du titre correspondant. Votre conseil du sceau des titres, Sire, n'a pas cru devoir maintenir cette inégalité. Il n'a pas pensé que l'autorisation de porter un titre, dont l'origine étrangère disparait le plus souvent dans l'usage, dût être soumise a un droit moindre que l'investiture d'un titre obtenu en France et décerné par l'Empereur. La règle adoptée pour les décorations étrangères, que le decret du 10 juin 1853 (2) soumet a des droits de chancellerie plus élevés que ceux perçus pour les brevets de la Légion d'honneur, aurait pu autoriser, par analogie, la perception d'un droit supérieur; mais il a paru que l'égalité des droits était suffisante et qu'elle répondait plus exactement à l'esprit général du décret.

Votre Majesté conserve, dans tous les cas, la faculté de remettre, en tout ou en partie, les droits de sceau auxquels le décret d'autorisation est soumis. Je suis avec le plus profond respect, Sire, etc. Le Garde des sceaux, Ministre de la justice, Signé E. DE ROYER.

DÉCRET IMPÉRIAL qui dispose que les titres conférés à des Français par des Souverains étrangers ne pervent être portés en France qu'avec l'autorisation de l'Empereur (Bull. off. 670, no 6278.)

[blocks in formation]
« PreviousContinue »