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faire ne pouvoit être terminée que par les tribunaux ou par les armes. En conféquence, le prince fe préfenta au grod de cette ville pour y configner la plainte contre le maréchal; & fur le refus de. Ty recevoir, il la dépofa à celui de Czersk, ville peu éloignée de cette capitale. La réponse du prince Czetwertinski rappelle le défi entre le prince Antoine Sulkowski & le général de Loffow. Ce fameux cartel, tant annoncé, & pour lequel on avoit pris jour, n'a point fait couler de fang. Quelques papiers publics ont affuré que des amis communs étoient parvenus à réconcilier les deux parties; mais on apprend le contraire aujourd'hui. On dit que le prince polonois ne s'étant pas trouvé au rendez-vous, le général pruffien avoit réfolu de remettre en vigueur un ufage de l'ancienne chevalerie polonoife, nommée Galoperie, qui répond au cri de Haro des anciens Normands. Voici en quoi confiftoit ce fait d'armes. Lorfque deux gentilshommes avoient des prétentions fur le corps ou les biens l'un de l'autre,& qu'ils ne pouvoient s'accommoder,la loi permettoit que la partie léfée fit à cheval le tour des terres de fa partie adverfe, qui ayant assemblé le plus de fes adhérens qu'elle pouvoit, alloit audevant de fon ennemi, & le combattoir à toute outrance; de magnat à magnat, de gentilhomme à gentilhomme, & de payfan à payfan, on y alloit a toute rigueur; bientôt la terre étoit jonchée de morts & de bleffés. Le plus fort étoit cenfé avoir raifon, comme cela a lieu encore à préfent; il prenoit alors poffeffion du bien du vaincu, & en faifoit le tour à cheval pour avertir les voifins que l'ancien poffeffeur étoit deftitué. D'après ces ufages antiques de l'anarchie féodale, le général de Loffow, autorifé, dit-on, par le roi fon maitre, eft parti de Bromberg, le 28 Juin dernier, à la tête de 600 de fes bofniaques, a marché droit à la terre du prince Sulkowski, qui s'eft retiré fans

coup férir, & il y vit à difcrétion avec fa troupe, qui fe loue beaucoup de ce genre de guerre. On demande fi la chevalerie moderne approuvera cet ufage de l'antique chevalerie des peuples barbares, & fi elle autorise à dépouiller de leurs biens ceux qui n'ont pas envie de fe battre? Si cette maniere de tirer fatisfaction de fon adverfaire paffoit en loi, que de terres & de châteaux changeroient bientôt de maitres!

Les Srs. Jean Bohdanowicz & Elie Hotozkiewicz, tous deux archiprêtres des Grecs non-unis de Krafne & de Winnica au palatinat de Braclaw ont préfenté le II, au baron de Stackelberg des lettres de la cour de Pétersbourg, par lefquelles ce miniftre eft chargé de venir à l'appui de leur demande; il les a envoyés, avec un billet de recommandation, au grand-chancelier de la couronne, à qui ils ont préfenté une requête dont voici la fubftance. La violence, la perfecution & les ftratagémes de toute espece dont les Ruffo-Grecs-unis ont fait ufage pour introduire dans les provinces de Pologne une croyance pour laquelle on a tant de fois montré tant d'averfion, font les motifs qui ont occafionné toutes les révoltes en Ukraine. Le peuple,qui profelle le culte des non-unis, pour n'être plus troublé dans l'exercice de fa religion, ni par les évêques des Grecs-unis, ni par les feigneurs du rit romain, demande qu'il foit établi dans quelque ville de l'Ukrai ne un évêque fchifmatique pour le gouverner & le foutenir. Les deux députés déclarent publiquement que fi l'on ne fe prête pas aux defirs du peuple, il fera difficile de prévenir une fédition prète à éclater; écrasés fous le poids de la perfécution à laquelle ils font continuellement expofés, les habitans ont enfin réfolu d'abandonner le pays, pour aller s'établir dans les districts de la domination ruffe, ou de venger par l'effufion du fang une li berté de confcience qu'on leur difpute.

Septembre, 1774, ie, quinz, B

Le parti de la cour a triomphé des intrigues du maréchal Poninski, qui cherchoit à faire obtenir à fon gendre la place de maréchal du grand tribunal: tous les fuffrages fe font réunis en faveur du comte Malakowski.

On découvre chaque jour des traits qui prouvent combien le maréchal Poninski abuse de l'autorité dont des circonstances malheureufes l'ont rendu le dépofitaire. La famille d'Urbanowski, de la Grande- Pologne, avoit fait citer publiquement un feigneur du même nom, qui est établi dans le palatinat de Wolhynie, pour qu'il eût à prouver qu'il étoit de la même maison, ou à faire connoitre quelle étoit fon origine. Le Sr. Urbanowski, de Wolhynie, offensé de se voir obligé de juftifier fes titres, répondit qu'il y procéderoit par devant le tribunal du royaume. Le prince Poninski croyant le gentilhomme de Wolhynie fort embarraffé, & le connoiffant très-riche, conçut le projet d'attirer cette affaire à lui, c'eftà-dire au tribunal de la confédération dont il eft maréchal il fit infinuer en même tems au Sr. Urbanowski, qu'un léger facrifice de so mille fequins le mettroit en état de répondre facilement

la fommation qui lui avoit été faite. Celui-ci fit fçavoir au prince Poninski qu'il n'étoit pas dans l'ufage de faire des préfens, ni de porter au tribunal de la confédération une affaire qui n'étoit pas de fa compétence. Le maréchal irrité fit inferire cette caufe fur les regiflres de la confédération pour être jugée à fon rang; mais le roi informé de fa prétention vient d'en ordonner la radiation, & a décidé qu'elle feroit jugée au tribunal du royaume, à qui les loix en attribuoient la connoiffance.

Plufieurs de ceux qui ont acquis des biens des jéfuites n'en ayant pas encore pris poffeffion, la commiffion pour l'éducation a donné un univer

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fal portant, que ceux qui font dans le palatinat de Ruffie aient à fatisfaire à leurs engagemens dans 6 femaines, ceux de la petite Pologne dans 4 femaines, & ceux de la Grande- Pologne & de la Mazovie dans 3 femaines, fous peine de voir ces biens adjugés à d'autres perfonnes.

L'abbé Adam Narufewicz, ex-jéfuite, iffu de l'ancienne famille des fénateurs de ce nom en Lithuanie, très-verfé dans les sciences, & connu par fes talens pour la poéfie, vient d'obtenir du roi le bénéfice de Niemenczyn en Lithuanie, qui rapporte annuellement 12 mille florins polonois.

Toutes les troupes Ruffes qui fe trouvent en cette capitale, fe raffemblerent le 5 au matin, & marcherent en parade vers la Viftule, qu'elles pafferent en bateau pour fe rendre à Prag. Tous leurs drapeaux étoient ornés de couronnes & de feftons verds, & tous les officiers & foldats avoient des rameaux verds au chapeau. On célébra dans l'églife de campagne que les Ruffes ont établie à Prag, un fervice folemnel, pour rendre graces à dieu de la glorieufe paix qu'il a accordée à la Ruffie, après les fuccès les plus étonnans. Le lieutenant-général Romanius, qui avoit ordonné cette folemnité, y affifta avec le baron de Stackelberg, envoyé de Ruffie, & tous les officiers de leur nation. A une heure après midi on chanta le Te Deum; l'artillerie uffe fit une triple décharge, ainfi que infanterie. Le général Romanius donna enfuite un grand repas à toutes les personnes de diftinction qui l'avoient accompagné, & les fantés furent bues au bruit

du canon.

Le baron de Stackelberg eft fort occupé des préparatifs pour les fêtes qu'il fe propose de donner à la même occafion, au château de Wola, appartenant au maréchal Poninski; elles dureront 3 jours, & feront terminées par de fuperbes illu

minations, auxquelles on travaille actuellement. On n'a point encore reçu ici le traité de paix, qu'on attend avec impatience. Suivant les dernie res nouvelles de la Bulgarie, le maréchal de Romanzow tient toujours le grand-vifir enfermé à Schumla jufqu'à ce que la ratification du grandfeigneur foit arrivée.

THORN (le 15 Août.) Quelque confidérables que foient les dommages occafionnés par le débordement de la Viftule, qui vient de ravager nos campagnes, il nous refte encore à craindre un fléau plus redoutable; ce font des maladies contagieufes qui ne peuvent manquer de fe manifef ter par la puanteur exceffive des animaux morts & des fruits pourris, pouffés par l'impétuofité des eaux dans les terres fubmergées. Les eaux font d'une qualité fi âcre & fi corrofive, que ceux qui ont été obligés de s'y tenir pieds nuds pendant 5 à 6 minutes, ont les jambes couvertes de boutons, & de tumeurs malignes; on voit fécher & tomber les baies des fureaux qui en ont eu le tronc imbibé. Toutes les terres qui avoifinent les deux rives de ce fleuve font couvertes d'une prodigieufe quantité de poiffons morts, qui exhalent l'odeur la plus fétide; quoique des milliers de canards fauvages, & autres oifeaux carnaciers s'en nourriffent journellement, on n'en voit pas beaucoup diminuer le nombre. L'inondation qui nous caufe tant de dommages & d'alarmes, eft cependant moindre que celle qu'on éprouva en 1736. La même cause l'occafionna. Les neiges des monts Carpathiens, comme on l'a déjà dit, qui ne fondent que de 30 & même de 40 en 40 ans, n'ont pu réfifter aux châleurs exceffives du mois de Juillet. ALLEMAGNE.

MAMBOURG (le 25 Août. ) Nous apprenons

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