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de ce rival qui a toujours évité une affaire ma jeure, & dont toute la gloire & les principes confiftoient à empêcher que l'ennemi ne l'entamåt..

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Quoique la eut n'ait rien fait publier fur la retraite du général Howe, c'est un fait fur lequel on ne forme plus de doute; il eft confirmé par une lettre d'un officier du 63me. régiment en garnifon à New-Yorck, & dont voici l'extrait. «Le 22 Juin le général Howe fe mit en marche pour les Jerfeys, où fe fit la jonction de fon armée avec celle du lord Cornwallis. Ces forces combinées s'avancerent vers les retranchemens du général Washington, & refterent quatre jours en préfence, fans qu'il fe foit tiré un coup de fufil de part ni d'autre. Le général Howe fit affembler un confeil de guerre, où il fut décidé qu'il ne falloit pas attaquer les rebelles dans leurs retranchemens; en conféquence, le cinquieme jour nous nous repliâmes fur NewYorck; pendant cette retraite, les rebelles attaquerent notre arriere-garde,& nous tuerent quelques hommes; j'y reçus moi-même une balle dans la joue, cette bleffure n'a eu aucune fuite »>.

Une lettre de Philadelphie, du 5 Juillet, nous. apprend la deftination de l'embarquement fait le 10 Juin, de la divifion aux ordres du général Erfkine, & confirme en même tems la retraite des troupes du roi. Elle eft conçue en ces termes : « Le 25 du mois dernier, une flotte formidable parut dans la baie de la riviere Delaware. Cette nouvelle jetta tous les habitans de Philadelphie dans la plus grande confternation; on frémiffoit de voir cette ville réduite en cendres. Tous les poftes avancés furent rappellés, & tout hom→ me en état de porter les armes fut fommé de prêter fon fecours. On ne peut donner trop d'éLoges à l'empreffement que chacun témoigna dans cette occafion, à l'activité avec laquelle

on fe prépara à foutenir un fiege dans le cas où il auroit lieu; les quakers mêmes marquerent le plus grand zele, on dépêcha un exprès au gé néral Washington, qui détacha 3000 hommes pour couvrir la ville, & garnir les batteries, redoutes, & autres fortifications; le 26, une partie de la flotte commença à pointer le canon vers deux de nos petits forts, conftruits fur l'une & l'autre bord de la riviere, le feu fut vif, & dura plufieurs heures, & les ennemis lançoient de tems en tems quelques fufées à deffein, fans doute, d'avertir le lord Cornwallis de leur arrivée ; ce qui fervit à nous confirmer dans cette opinion, c'est que nous apprîmes, les deux jours fuivans, que fon armée étoit en mouvement; mais le 28, il fit plier fes tentes, & décampa fans que nous en ayons encore pu apprendre la raifon. Dans fa retraite,le lord Cornwallis fit abattre les pontons qu'il avoit jettés fur la riviere Rariton, & fit combler les retranchemens. Le 30, la flotte leva l'ancre, & difparut fans avoir fait d'autre mal que de détruire un des forts qui fervoient à défendre l'entrée de la riviere. De notre côté, nous nous fommes apperçus que la flotte avoit été fort maltraitée par nos batteries. Nous ignorons quelle eft maintenant fa deftination. Je ne puis vous donner une idée de la joie qui éclata fur les vifages de nos concitoyens, dès qu'ils apprirent que la flotte s'étoit éloignée, & avec quelle chaleur chacun fe félicitoit d'avoir échappé, du moins pour cette fois, à l'horreur d'un bombardement ».

Cette nouvelle, qu'on ne donne pas pour certaine, paroît néanmoins d'autant plus vraifemblable, qu'elle s'accorde parfaitement avec le projet qui avoit été formé de pénétrer par les branches de la Delaware à Philadelphie, tandis que les généraux Howe & Cornwallis viendroient attaquer cette place par terre.

De quelque maniere que les chofes fe foient paffées, on entrevoit fans effort, que les tentatives fur Philadelphie ont été infructueules & l'on paroît avoir renoncé à la conquête de cette place. Les généraux anglois (c'eft la nouvelle du jour) ont changé leur plan d'attaque; ce n'eft plus dans les Jerfeys qu'ils doivent agir, c'eft la Nouvelle-Angleterre qui va devenir le theâtre de leurs opérations. Ces provinces de Jerfeys,en effet, n'offrent que des champs dévastés, & une armée américaine campée dans des retranchemens inexpugnables; il n'y a là à gagner qu'un pen de gloire, beaucoup de mifere & de coups. Mais un objet plus digne d'exercer les talens militaires, c'eft la ville de Bofton, que l'on suppose dégarnie de fes forces, tant par les détachemens qu'elle a envoyés, que par les expéditions de mer qu'elle a entreprifes. Un fuccès dans cette partie de l'Amérique feroit bien plus avantageux, puifque cette ville eft depuis quelque tems le centre des richeffes & des reffources desAméricains, que le commerce & les armemens y font aborder. D'après ces confidérations', on va exécuter ce plan, qui, dit-on, étoit formé depuis longtems.

Avant de rien tenter dans le fud de l'Amérique, on fe propofe de faire la conquête des provinces fuivantes: Rhode-Ifland, Connecticut, la Nouvelle-Hampshire, & la baie de Maffachuffer. Comme cette partie de l'Amérique s'eft le plus diftinguée par fon acharnement contre le gouvernement, on fe promet de lui faire fentir plus particulierement la vengeance d'un maître irrité: les troupes angloifes doivent s'y comporter comme en pays ennemi; les terres feront diftribuées aux vainqueurs, lorfque ces provinces auront été réduites, &c. &c. Les habitans connus par leurs principes républicains en feront chaffes, & difperfés dans les autres parties de l'Améri que, &c. &c.

Peut-être exagere-t-on en donnant cette éten due aux defleins de la cour; mais enfin, l'on affure que la confifcation fera le 'moindre des maux que l'on prépare à ces provinces; & ceux qui fe feront le plus diftingués, feront les mieux récompenfés. Tel eft, dit-on, le fecret des opérations de cette campagne, & c'est à cette seule caufe que l'on doit attribuer la lenteur apparente du général Howe, & l'inaction dans laquelle il a tenu fon armée jufqu'à préfent.

La jonction du général Burgoyne eft effentielle pour remplir ces différentes vues, & l'on ne doit s'attendre à rien de nouveau qu'elle n'ait été effectuée; c'eft alors que les deux armées réunies fe porteront vers la ville de Boston, qui fera inveftie de toutes parts, & fi les habitans refufent de fe rendre, lorfqu'ils en feront fommés, on eft décidé à paffer la garnison au fil de l'épée.

Les feules nouvelles pofitives qu'on ait du Canada, ont été apportées par le lieutenant Baikie, arrivé le 6 de ce mois de Quebec. Lors de fon départ, le général Burgoyne n'étoit plus qu'à 6 mille de Ticonderago. Cet officier ajoute que, d'après le rapport de quelques déferteurs on pouvoit croire que le général n'a pas tardé à fe rendre maître de cette place, où la garnifon 'étoit pas,à beaucoup près,fi forte qu'on l'avoit d'abord annoncé. Une lettre antérieure au départ de M. Baikie de Québec fournit les détails fuiyans: « L'armée du général Burgoyne, fous lequel j'ai l'honneur de fervir, eft fur les lacs; malgré l'avantage que donne la nature au pofte de Ticonderago, nous préfumons que les Amé-ricains l'évacueront, comme ils abandonnerent Crown-Pont l'année derniere. Une partie de nos troupes eft fur le lac Champlain, le refte nous y joindra bientôt, cependant notre flotille a pris les devants, fous les ordres du capitaine Lut

widge, à bord de la frégate le Triton. Nos forces maritimes font confidérables, nous n'aurons guere occafion de nous en fervir avant que nous parvenions à la hauteur de Ticonderago, où les rebelles opposeront, fans doute, leurs vaiffeaux aux nôtres. Le colonel St. Léger fe rendra inceffamment vers Ofwego, & la riviere Mawhawk il a ordre de tâcher de pénétrer jufqu'à l'armée du général Howe; je ne crois pas que l'on ait pu choisir un officier plus capable de faire un coup de main fi hardi; il doit commander dans cette expédition un corps compofé de chaffeurs, 120 hommes du 34e, régiment, 100 du 8e., 300 Canadiens, les compagnies franches du chevalier Johnson, & 2000 Indiens ».

Des avis poftérieurs, & reçus par une voie indirecte, portent que le général Howe, ayant fait un détachement de 5000 hommes pour une entreprise fecrette, ce corps avoit manté la riviere de Hudfon, & s'étoit rendu bientôt,par des marches forcées jufqu'au lac George, où il furprit la garnifon américaine du fort Edouard, & inveftit enfuite le fort Guillaume; que l'armée du général Burgoyne étoit à 4 milles de Ticonderago, & que, par cette manoeuvre, les Américains fe trouvoient fort refferrés, que, dans cette conjoncture, le général Arnold avoit détaché de fes troupes pour aller renforcer le général Gates, & fe propofoit de s'avancer lui-même avec le gros de fon armée, au fecours de cet officier à Ticonderago. D'après cet avis, on eft porté à croire que les troupes du roi auront franchi les lacs du Canada vers le 7 Juillet dernier.

Le général Carleton eft refté à Quebec, trèsmécontent, dit-on, de fe voir fuppléé dans le commandement, par le général Burgoyne, & en attendant pour retourner en Angleterre, qu'on lui ait nommé un fucceffeur.

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