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Margueritte. Les affociés à cette entreprife demandent à être déchargés de plufieurs objets, parce que la quantité de bois qui leur a été livrée s eft trouvée de beaucoup moindre que celle qui étoit portée fur le contrat de vente.

Le maréchal de Richelieu eft arrivé-le 8 de ce mois de fon gouvernement en cette capitale. Il a deffein de poursuivre au grand criminel comme fauffaires les auteurs & complices des billets dont on a parlé, & qu'on fait monter atuellement à plus d'un million. On affure qu'il a des preuves du complot formé pour contrefaire fa fignature. D'un autre côté, la dame de qualité qui a entre fes mains les billets argués de faux, foutient qu'ils font vrais, & elle appuie cette affertion par des lettres du maréchal de Richelieu, qu'il défavoue. Cette étrange difcuffion jette les perfonnes impartiales dans la perplexité. Les deux parties font forcées de recourir aux tribunaux, & d'expofer au public ce qu'elles ont à dire pour juftifier leurs prétentions réciproques. Il y a déjà plufieurs perfonnes qui font décrétées.

On plaide actuellement au parlement de Paris une caufe dont voici le fujet. Une perfonne dont les affaires étoient dérangées, ayant appris qu'il y avoit dans fon département une jeune veuve très-riche, attaquée d'une maladie de nerfs fi biZarre qu'elle ne pouvoit voir perfonne, ni lui parler, imagina de l'époufer pour remettre fes affaires: il fuivit ce projet avec beaucoup de foin, & le fit réuffir; il eut foin de fe faire faire une donation par le contrat de mariage. La dame eft morte, peu de tems après, & a vu avant de mourir, toute fa fortune paffer aux créanciers de fon mari; elle laiffe une foeur qui attaque la donation qu'elle a faite, & qui s'eft pourvue en justice pour la faire caffer.

L'archevêque de cette capitale eft entierement

rétabli de la douloureuse opération qu'il a foufferte. Toutes les claffes des citoyens ont donné des témoignages de leur joie à cette occafion, & les plus diftingués d'entr'eux fe font portés en foule à l'archevêché pour y complimenter ce refpectable prélat. Lorfque les curés de cette capitale s'y rendirent en corps pour le même objet, le Sr. de Beaurecueil, curé de Ste. Marguerite, faifant les fonctions de doyen, prononça, en leur nom un difcours conçu en ces termes.

Les maux cruels dont votre grandeur reffentoit de fréquentes atteintes de uis plufieurs annees, nous caufoient les plus vives alarmes, elles étoient à leur comble, il y a peu de jours; le principe n'en exifle plu, & votre grandeur eft rendue à nos vœux. Puiffe cette faveur du ciel être auffi durable qu'elle eft précieuse pour nous! Nous ofons vous fupplier, Monfeigneur, de vous défier d'un courage & d'un zele laborieux que les forces du corps ne feconderoient pas. Votre repos fera un des plus preffans motifs de notre vigilance & de notre activité, Vingt-huic ans d'un gouvernement plein de force & de douceur, foutenu par l'éclat des plus éminentes vertus, ont donné à votre diocefe la perfection dont il eft fufceptible,& dont il ne fauroit décheoir fous vos yeux. Déformais, affis au gouvernail entre la gloire & la paix, il ne fera plus entre vos mains que pour leur Jervir d'appui. Jouiffez, Monseigneur, pendant une longue fuite d'années, du fruit de vos travaux. Nos vaux font ceux de la religion & de la patrie; nous aimerons à vous rendre fouvent les hommages de nos cœurs, & à recevoir de votre préfence feule les plus touchantes leçons de zele & de vertu. Ce calme majestueux devoit achever le tableau d'une vie traverfée par tant de follicitudes, d'épreuves, d'orages & de combats. Sans doute, Monfeigneur, comme le grund apoire, vous avez été choifi de dieu pour être un fpectacle au monde, au ciel & à la terre: le

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monde étonné reconnoit que dans vos combats le feigneur étoit avec vous; le ciel applaudit à votre fidélité, & les hommes dans l'admiration décernent à votre grandeur, dans les fiecles à venir, les hommages qui ne font dûs qu'aux plus héroïques vertus, On parle de nouveau d'aggrandir la place du palais royal, par la démolition des maisons qui compofent une partie de la rue Saint-Thomas du Louvre & de la rue Saint-Honoré jusqu'aux quinze-vingts. Par ce moyen, on dégagera toute la fa çade du palais royal, & on reculera le château d'Eau qui eft dans la place. Ce projet doit s'exécu ter inceffamment.

Lès anti-inoculateurs font devenus fourds & muets, & les inoculateurs ne peuvent plus fuffire au nombre étonnant des perfonnes qui veulent fe faira inoculer. Cette méthode falutaire a paffé de la cour à la capitale, & de la ville dans les provinces. On apprend du Béarn qu'une fille domef tique de la paroiffe d'Arnos, à 3 lieues de Pau, âgée de 18 ans & d'une figure intéreffante, ayant entendu parler plusieurs fois de l'inoculation, & n'ayant ni le moyen ni l'occafion de fe faire inoculer, conçut le projet de conferver sa beauté, en se faifant elle-même cette opération. Elle fe fit en effet avec la pointe de ses cifeaux une incifion dans la quelle elle inféra un grain de petite-vérole d'un des enfans de la maifon qui en étoit attaqué; cette expérience a eu le fuccès le plus complet.

On n'a appris que depuis quelques jours un fait affez fingulier concernant la petite-vérole. Dans les derniers jours de la maladie du feu roi, Mefdames fe promenant avec la reine dans une galerie du château, apperçurent des fenêtres la foule du peuple empreffé de fçavoir des nouvelles de S. M.: la reine, alors dauphine, tenoit un bulletin plus confolant que ceux qui l'avoient précédé; el le chercha parmi cette multitude quelqu'un qui fçar

Kre, & remarqua un abbé auquel elle remit le bulletin; il le lut en effet au peuple; cet abbé prit la petite-vérole, & l'on fuppofe qu'il l'a due au bulletin même imprégné des miafmes de ce mal dangereux; il en a été très-mal; mais il s'est rétabli. Alors il a adreffé une ode à la reine fous le titre de l'Inoculation par afpiration, dans laquelle il demande que, puifqu'il a été victime de la lecture du bulletin, on lui accorde une place de lecteur de Monfieur, ou de Mgr. le comte d'Artois; on croit que la reine s'intéreffera pour lui faire avoir quelque penfion fur un bénéfice.

On fçait combien les habitans de St. Tropez fe diftinguerent par leur fidélité & leurs efforts pour la cause de Henri IV. Cet homme roi les honoroit de fes lettres, ainfi que le duc de Sully, qui leur mandoit qu'il faifoit plus de cas de leurs cœurs que des fortereffes. Ils ont donné une marque publique de joie, d'amour & de reconnoiffance, en actions de graces de ce que notre nouveau monar que (qu'on fe plaît à comparer à Henri IV), & une partie de la famille royale ont évité, par Finocula tion, les fuites fâcheufes de la petite-vérole naturelle, qui a plongé la France dans le deuil. Ils ont fait célébrer le 25 du mois dernièr une messe solemnelle, fuivie du Te Deum; tous les pauvres qui y ont affifté, ont reçu d'abondantes aumônes ; 13 d'entr'eux ont été vêtus de noir, & trois filles ont été mariées & dotées aux frais de la ville.

Le Sr. Olivier, maire de la ville & docteur en médecine, & le Sr. Bœuf, conful & maitre en chirurgie, ont enfuite infcrit dans les regiftres de l'hô: tel-de-ville les réflexions fuivantes.

Nous regardons l'inoculation en gens de l'art comme une médecine de précaution qui nous préferve d'une maladie férieufe; & ce n'eft point de fon fuccès ordinaire que nous avons donné un témoignage public de joie:nous avons même configné fur nos regif

tres que les actions de grace que nous nous propofions de rendre au très haut, étoient moins de ce que le roi étoit heureufement forti du traitement de l'inoculation, que de ce qu'il avoit éloigné par une métho de fi fimple une maladie, très-fouvent mortelle ; il feroit a fouhaiter que l'exemple de S.M. fût fuivi de tous fes fujets qui font dans le même cas. L'amour du patriotifme nous arrache cet aveu, qui n'ajoute rien à celui de nos grands maitres, mais qui ayant l'ap probation générale, pourrait rendre commune une pratique fi fage..!!

Nos poëtes ont célébré le village de Salency la fête de la Rofer & la couronne qui fe donne tous les ans à la jeune fille la plus vertueufe & la plus fage. L'honneur de la couronner a fait naître une conteftation entre le feigneur & les habitans. Ceux-ci prétendent que c'eft à eux qu'appartient le droit de choifir les trois jeunes filles qui doivent difputer le prix, & au feigneur le droit d'élire & nommer celle qui doit le remporter. Le feigneur prétend à l'honneur de la choifir feul, fans le concours & la présentation de fes vaffaux. Cette caufe eft actuellement engagée au parlement. On retrouvera ici avec plaifir quelques anecdotes fur l'origine de cette fête.

St. Médard, évêque de Noyon, & feigneur de Salency, qui vivoit du tems de Clovis, voulut que tous les ans on donnât un chapeau de rofes & une fomme de 25 liv. à celle des filles de fa terre qui feroit reconnue par les habitans pour être la plus vertueufe: il détacha de fes domaines plufieurs arpen de terre qui forment aujourd'hui ce que l'on nomme le Fref de la Rofe, & l'on af¬ fecta le revenu au paiement des 25 liv.. & aux. frais du couronnement.

Ce faint prélat eut le bonheur d'entendre la voix publique proclamer Kofiere l'une de fes fours, & de lui donner lui-même le prix glo

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