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que

argumens que nous avons employés pour prouver qu'il falloit la nation ratifiat en personne les loix rédigées par l'assemblée nationale, s'appliquent à la nécessité de consulter la volonté de tous les membres de la commune individuellement, nonseulement pour l'organisation n unicipale,mais pour les loix ou les réglemens qui portent sur les choses dont l'usage est commun à une certaine quantité d'individus réunis par cet usage même, qui donne à ces associations partielles le nom de commune.

Examinez d'après cela le code municipal qu'on vous propose, vous y verrez que la volonté géné rale ne doit jamais être consultée pour les régiemens municipaux, ni sur les cas généraux qui intéresseront la commune.

La commune sera divisée, d'après le plan proposé, en soixante parties, sous le nom de sections. Ces sections ne s'assembleront qu'une fois l'an, L'objet des assemblées ordinaires sera d'élire les officiers municipaux, les notables et les officiers des comités subordonnés à la municipalité, pour l'exercice de la police. Il est défendu aux sections de demeurer assemblées après les élections faites. Les convocations extraordinaires auront pour objet

méro 17, page 2 jusqu'à 20, et numéro 21, page 2' jusqu'à 19. Le développement que nous avons donné à nos raisons contre la ferme donnée par l'assemblée nationale ́ aux municipalités, ne sauroit qu'être affoiblie par des répétitions. Nous avions porté défi aux créateurs du systéme de la représentation absolue, tant nationale que municipale, de nous réfuter. Ils ont prudemment gardė, le silence; la discussion fait briller la vérité d'un nouvel éclat, et ternit les beautés qui ne sont qu'appa

rentes.

Il est malheureux que la santé de M. de la Harpe ne Jui ait pas permis de s'occuper de la réfutation qu'il avoit promise, soit que nos principes fussent restés intacts, soit qu'il les cût réfutés, la vérité et le bien public n'au¬ roicnt pu que gagner à cette discussion.

le remplacement des officiers morts ou destitués. Dans toutes ces assemblées, il est défendu de s'oc-. cuper d'aucune autre affaire que des élections et et des prestations de serment.

Elire et payer, payer et élire, voilà à quoi se réduisent,, d'après le plan municipal, toutes les fonctions des citoyens actifs : il reste à savoir si on est libre quand on ne fait que payer et élire.

J'ai démontré ailleurs (1) que cette organisation du petit état municipal étoit une violation ouverte des droits de l'homme et du citoyen. J'ai dit que la volonté des habitans d'une commune ne pouvoit pas plus être représentée par un conseil général, que la volonté d'une nation ne pouvoit l'être par des députés. J'ai dit, avec J. J. Rousseau que, s'il étoit possible que la volonté du corps représentatif se rencontrát avec celle de tous les représentés, c'étoit un effet du hasard; que la commune entière pouvoit être d'un avis différent que les deux ou trois cents hommes les plus sages de la commune, et que, dans ce cas, la volonté de ceux-ci, loin de représenter la volonté générale, lui étoit diamétralement contraire.

Il n'y a point d'homme si borné, qui ne sente bien que, quand on ne lui a pas demandé son opi nion sur un réglement, il n'a point concouru à ce réglement; et que, s'il est forcé d'obéir au régle ment auquel il n'a pas participé, il est esclave dans toute la force du mot, puisqu'il obéit à une autre volonté que la sienne, qui doit toujours être conforme à la volonté générale.

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Pour rendre ceci bien sensible, parcourons tous les cas qui sont réservés par le décret de l'assem blée nationale, et par l'article VI du chap. IV du titre III du plan, au conseil général de la com

mune.

Acquisitions ou aliénations d'immeubles. Pour

(1) Fide N°. 21, page 8.

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que la commune acquière un immeuble il faut que chaque individu paye une portion de cette acquisition; chaque individu doit donc voter pour savoir si cette acquisition doit être faite, puisqu'il sait lui seul s'il veut ou s'il ne veut pas payer pour qu'elle le soit.

Supposons une acquisition faite, et que l'on Vienne me demander ma quote-part, je me dis que pour acquérir une portion dans un objet commun, il faut que j'aye voulu l'acquérir. Or, pour que je l'aye voulu, il faut que j'aye été consulté, ainsi que tous mes co-propriétaires. Ou j'aurois voté pour l'acquisition, ou, après avoir voté contre, je me serois soumis à la majorité de mes concitoyens, qui vouloient l'acquisition : dans l'un et l'autre cas, je sens que je paye librement ma quote-part du prix d'achat, parce que j'ai voulu que cette acquisition se fit, ou la majorité de mes concitoyens l'a voulu pour moi, et je veux toujours ce que veut la majorité.

Mais si je n'ai point concouru à décréter l'achat, et qu'il l'ait été par un conseil municipal, lorsqu'on vient me demander ma quote part, je me dis: je ne suis point libre, puisque je paye pour une acquisition à laquelle je n'ai consensi ni immédiatement par ma volonté propre, ni médiatement en confondant ma volonté particulière dans la volonté générale.

On feroit le même raisonnement pour une aliénation: je ne suis point libre si je puis être privé, sans le concours de ma volonté dans la portion que j'ai dans un immeuble qui appartient à la com

mune.

Les impositions extraordinaires pour dépenses locales sont aussi des attentats à ina liberté, si je n'ai point voté ces dépenses. L'impôt a trait à la propriété, je dois donc voter. l'impôt; et s'il est reconnu que c'est un droit inhérent à la nation de voter l'impôt, c'est une conséquence nécessaire que les dépenses locales soient votées par les com

munes. C'est dans ce point sur-tout qu'il est aisé de sentir que la volonté du conseil général écarteroit souvent la volonté générale. Il se pourroit que ce conseil fût d'avis et décrétât que l'imposition seroit prise sur les entrées, tandis que, si l'on avoit consulté la volonté des citoyens, ils auroient dẻcidé que cet impôt seroit levé directement par tête,

ou tout autrement.

Même raisonnement sur les travaux à entreprendre. Fera-t-on un pont, ne le fera-t-on pas, pour joindre les faubourgs Saint-Antoine et SaintMarceau? laissez discuter cela à un conseil général; il fera sa volonté propre, il se dirigera par l'esprit de corps, selon que ce pont seroit ou ne seroit pas utile au plus grand nombre d'entr'eux; au lieu que la commune ne se décideroit jamais pour ou contre que d'après le bien public, et c'est à elle à la décréter, parce que ce seroit elle et non pas le conseil général qui payeroit les travaux.

Or, pourquoi faire décider les cas généraux par un conseil général plutôt que par la commune ? Où est l'avantage de cette organisation? Il y a toujours moins de rectitude dans un corps où les volontés particulières prédominent nécessairement que dans l'universalité des citoyens dont les volontés ne peuvent se réunir sur un même point que par l'évidence du bien; il est tout simple que la commune fasse mieux ses propres affaires, qu'un corps de délégués qui, après tout, songent toujours à leurs intérêts quelqu honnêtes qu'ils soient.

Il est clair aussi qu'il se formeroit facilement une coalition entre le conseil général et le corps administratif. Or, ces deux corps une fois réunis et conjurés contre la commune, l'accablant de fais inutiles, et impositions, divertissant les fonds publics par des fêtes, par des mémoires combinés, par des gaspillages, quel autre moyen restet-il aux opprimés, qu'une insurrection et une lanterne ?

Mais si les habitans de la commune exercent le

droit qu'ils ont de statuer sur les cas généraux; plus de fausses dépenses, à moins qu'elle ne les ait votées, plus de vexations, plns d'insurrections. Les municipaux, qui ont toutes les forces de la commune entre les mains, ne peuvent plus les tourne contre la commune elle-même.

Le bon o:dre, la paix, la liberté individuelle et publique, le pacte social; voilà les titres des habitans, pour être eux-mêmes le conseil général de la commune.

Il n'y a pas de milieu: ou le conseil général do't représenter la commune, et sa volonté, la volonté générale, ou c'est l'aristocratie pure qu'on veut établir. Mais n'est ce pas une dérision de dire que la volonté de deux cents quarante citoyens représente celle de deux cents mille citoyens actils? N'est-ce pas se jouer, sans pudeur, d'une commune, que de la représenter, lorsqu'elle est présente?

On dit au peuple qu'il est libre, et qu'il n'est point constitué aristocratiquement, puisqu'il élit librement ceux qui votent pour lui. Mais élire ne suffit pas. L'aristocratie elective n'en est pas moins une aristocratie; et, selon J. J. Rousseau, c'est l'aristocratie proprement dite (1). On abuse encore le peuple, en lui disant, que, s'il voto't luimême les loix, il seroit constitué démocratiquement. Il ne faut point se lasser de le répéter, les mots monarchie, aristocratie, démocratie, se rap. portent uniquement à la forme du gouvernement; c'est-à-dire, à l'organisation du pouvoir exécutif on administraiif, selon qu'il est entre les mains d'un seul, de plusieurs ou de tous. Mais le pouvoir législatif ou réglementaire, appartient toujours à la totalité, ou des sujets de l'état ou de la commune, parce que la loi doit toujours être l'expression de la vo o. té générale..

Le plan municipal proposé est donc essentiel

(1) Chap. 5, liv. 3.

lement

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