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POLOGNE.

WARSOVIE (le 3 Mai. ) Le roi vient d'accor der la place de Stolnick de Lucho à M. Jofeph Ledochwski, fon chambellan, & celle de grand notaire de Pologne, vacante par la démission de M.. Raczynski, à M. Maniecki.

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On commence à lever un coin du voile qui nous cache les événemens auxquels ce royaume-répu blique doit s'attendre. Une lettre que le comte de Stackelberg a remife au roi de la put de l'im pératrice de Ruffie, jetre un grand jour fur les réfolutions du cabinet de Pétersbourg & confond le parti qui s'attendoit à la fuppreffion du confeil permanent. Cette lettre eft conçue en

ces termes.

MONSIEUR MON FRERE "

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Mon ambaffadeur eft chargé, à fon retour, de témoigner à V. M., combien j'ai été fatisfaite de la lettre que vous m'avez envoyée. Il doit vous affurer de ma part que je fuis auffi ferme dans l'amitié que j'ai conçue pour V. M. que` dans la réfolution que j'ai fait éclater plus d'une fois de contribuer au bien général de fes états, & d'en affurer la tranquillité. V. M. eft convaincue, & toute la nation doit l'être avec elle que, pour part venir à ce but, il n'y a pas de moyen plus effi sace que de foutenir la forme de régence que vous avez établie, conjointement avec la nation, par ma participation & celle de mes alliés.

V. M. n'ignore pas non plus que tout établiffement, quelque néceffaire & avantageux qu'il foit, a toujours à combattre dans fa naissance des vues d'intérêt, ou des préjugés qui font une fuise d'un certain ordre de chofes, ou des abus qui régnaient. Il n'eft donc pas furprenant que le confeil permanent,.. en qui réfide Vautorité du royaume, tandis qu'il ne fe tiens point de diete

éprouve quelque réfiftance dans l'exécution de ce pouvoir; conféquemment il ne fe trouve encore rien dans les difficultés qui fe font élevées, & qui pourroient durer quelque tems, qui doive diminuer la confiance & l'espérance de V. M., comme celle de la nation, en un établissement fur lequel font fondés la tranquillité & le bien général de l'état.

Mon ambaffadeur aura à fon retour des ordres qui s'étendront fort loin, afin d'être à même de foutenir la nation dans toutes les conférences qui fe tiendront pour fon affermiffement. J'ai cru qu'il étoit de mon devoir d'en avertir d'avance V. M., afin de détruire tous les faux bruits qui pourroient induire à croire le contraire, & afin qu'aucune spéculation, ou infinuation, quelle qu'elle foit, qui fe propoferoit toute autre chofe que de maintenir l'ouvrage établi en Pologne, par ma coopération & celle de mes alliés, ne puiffe trouver accès ni auprès de V. M., ni auprès de la nation.

Je vous prie de croire que c'est moins la gloire, qui n'aime guere à reculer dans fon cours, qui me fait perfifter fi fermement dans ma réfolution, que l'entiere convidion où je fuis que la Pologne ne fçauroit être heureufe qu'au moyen de cette forme de régence, & avec ce tribunal mis actuel¬ lement en adivité, & duement respecté.

"

Après une déclaration fi fincere de mes vœux & de mes vues, j'attends de V. M. qu'en toute occafion elle manifefte à M. l'ambaffadeur, à qui feulje donne mes ordres, & qui, par conféquent, a feul le droit de parler en mon nom, toute la confiance dont il a befoin pour opérer dans l'affaire en queftion tout le bien que je fouhaite; & ce n'eft que par-là que vous pourrez me mettre en état de vous témoigner en particulier l'eftime fince re, & l'amitié parfaite avec lefquelles je fuis, &c. Signé CATHERINE.

- D'après cette lettre, on n'a plus de doutes fur le parti que le comte de Stackelberg embraffeTa à la prochaine diete. Depuis le II du mois dernier, époque de l'arrivée de cet ambaffadeur, jufqu'au 17, il a eu régulierement avec nos miniftres des conférences, à l'iffue defquelles il a dépêché à Pétersbourg M. de Krudner, fon fecrétaire de légation; ce ne fera qu'à fon retour que l'on pourra fçavoir les articles qui feront agités dans l'affemblée nationale. Cependant les partifans du confeil permanent augmentent chaque jour depuis qu'on eft affuré de la continuation de fon existence: c'est la marche ordinaire de l'efprit humain, qui mesure le degré d'eftimé qu'il doit accorder aux objets que la haute faveut établit ou confolide. La veille du retour de l'ambaffadeur ruffe on improuvoit encore hautement les délibérations de ce tribunal,qui ne s'étoit occupé, dit-on, que de matieres frivoles, & qui n'avoit prononcé que des décifions contradictoires, nuibfiles au bien général, ou oppofées aux décrets de la derniere diete; on ajoutoit qu'il falloit le diffoudre, & employer les fommes immenfes destinées aux honoraires des membres qui le compofent, à foudoyer une armée prête à défendre les droits de la république. On tient aujourd'hui un langage tout différent. On dit que ce confeil vraiment utile à la fplendeur de l'état, a travaillé fans relâche à rédiger un grand nombre de conftitutions, qui feront préfentées & adoptées par la prochaine diete; que le refus qu'ont fait les comtes Branicki & Oginski de reconnoitre l'autorité du conseil permanent, démontre la néceffité urgente de borner le pou voir dangereux des grands généraux; qu'enfin la formation de l'armée eft non-feulement irutile parce qu'elle feroit toujours impuiffante, euégard aux forces redoutables des princes yoifins 5

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mais qu'elle eft impraticable dans l'état d'épuifement où fe trouve la Pologne.

Le 25, plufieurs officiers françois que le ba ron de Rullecourt a déterminés à prendre de l'emploi dans la nouvelle légion de l'évêque de Wilna, arriverent ici de Cracovie, & continuerent leur route vers la Lithuanie avec un tranfport de recrues. Comme ils côtoyoient vers le foir, les bords de la Viftule ou quantitité de perfonnes fe promenoient, en entendit des cris & des plaintes qui y attirerent la garde, Loin que fa préfence en impofât à ces étrangers, ils firent réliftance, & blefferent un grenadier. D'autres patrouilles furvinrent ; & s'étant jointes à la gar, de, elles pourfuivirent les François, qui fe trouverent arrêtés à la tête du pont par les troupes qui y étoient poftées. Malgré l'impoffibilité & le danger de chercher à s'échapper, un d'entr'eux voulant fauter dans un bateau, tomba dans l'eau, & difparut, fans qu'on ait encore pu le retrou ver. Les autres furent enveloppés, & conduits chez le comte de Bruhl, gouverneur de la plas ce, qui leur fit une réprimande convenable, & les renvoya le lendemain à leur colonel. On attribue cette bagarre aux geftes. familiers avec lefquels les François ont jugé à propos d'aborder les femmes polonoifes qui étoient à la pro menade.

Un accident du même genre a failli de caufer un tumulte à Dubno. Un officier polonois mal¬ traita un fergent ruffe de la garnifon à coups de canne. La garde de cette nation accourut, & conduifit l'officier aux arrêts. Quelques foldats polonois s'attrouperent, & délivrerent le prisonnier à force ouverte. Le général Szyrkow com mandant ruffe, informé de cette infulte, & s'appercevant que le nombre des Polonois s'augmentoit à tout moment, t battre l'allar

me, pointer le canon, & envoya un gros déta chement pour reprendre le premier auteur du défordre, & l'amener à la garde du château. Les Polonois, voyant que l'affaire devenoit férieuse, fe diffiperent, & la tranquillité fut rétablie.

Le 26, le prélat Archetti, nouveau nonce du St. fiege en cette cour, eut fa premiere aucience du roi. Il remplace le prélat Garampi, qui, après 4 ans de réfidence ici, va remplir les mêmes fonctions à la cour de Vienne.

Le 27 au matin, le régiment ruffe de Naffebourg, infanterie, fortit de cette ville, où il fut remplacé, l'après-midi, par la légion de Pétersbourg.

Le même jour, vers les 5 h. du foir, le régiment des gardes lithuaniennes fe mit en marche pour fe rendre en Lithuanie, où l'on fçait qu'il a été rappellé par le général comte Oginski. Quoique rien n'ait paru s'oppofer ici au départ de ce corps, quelques perfonnes prétendent qu'il rencontrera en route des obftacles qui le forceront à retrograder. Il regne toujours beaucoup de fermentation parmi les grands de Lithuanie; il eft à craindre que les diétines qui fe tiendront pour l'élection des nonces à la prochaine diete, ne foient marquées par des fcenes fanglantes. On dit que le comte de Stackelberg ayant eu connoiffance d'une lettre très-forte du comte Oginski, a mandé ce grand général en cette capitale.

M. de Bénoir, miniftre de Pruffe, a enfin déclaré à la république, que le roi fon maitre renonçoit à étendre les palleflions en Pologne ; qu'à l'exemple de fes alliés, il s'en tiendroit an traité de partage, & qu'il s'uniroit avec la RufLe pour rétablir l'ordre & la tranquillité dans, ce royaume. D'après cette déclaration, nos miniftres font en conférences ouvertes depuis le

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