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eelle d'informer des mouvemens; cette conduite, néanmoins, toute loyale et honorable qu'elle est, me fait pér r sur l'échafaud; elle me laisse au moins la paix de l'ame, et la tranquillité de la conscience. Elle soutient mon adversité. Je ne doute point que les témoins imposteurs soient reconnus. Je demande leur grace. Que personne n'appréhende la suite d'un complot imaginaire. Que chacun examine, sur mon mémoire, les dépositions des témoins, elles y sont par-tout une, à l'exception de quelques faits matériels et sans preuves, cités verbalement, et presque toujours contradictoirement, par les deux auteurs d'une dénonciation prétendue de complot qui m'assassine. Je leur pardonne, je le repète. Je plains les égaremens de la justice, comme pouvant être attribués, en partie, à ces bruits accrédités dans le peuple, par lesquels il a été trompé, et qui lui font désirer en ce moment ma mort; ce n'est qu'une vie que je rendrai un peu plntôt à l'Etre-éternel qui me l'a donnée, et qui, s'il me fait grace, m'accordera, peutêtre, dans sa justice, un dédommagement personnel à l'infamie du supplice qui termine mes jours. Je recommande ma mémoire à l'estime des honorables citoyens qui m'entendent. J'y recommande mon épouse trop infortunée, que des adversités, relatives à la religion catholique qu'elle professe, ont éloignée du sein d'un père et d'une famille, dont l'alliance ne déshonoreroit pas nos rois. Je recommande deux malheureux enfans, que je laisse à l'attention de ceux qui, dans quelquesunes des circonstances de leur vie, croiront pouvoir les dédommager de la perte d'un père si nécessaire à leur éducation et à leur fortune. J'ai fait cette déposition uniquement dans l'intention de me laver des taches criminelles de complet, dont ma conduite cachée a pu donner lieu à suspicion. Une grande consolation pour moi, ce sont les soins généreux de M. le curé de SaintPaul, mon respectable pasteur, que j'ai appellé auprès de moi dans ces momens cruels pour calmer les sollicitudes de mon ame, des qu'elle va être détachée de mon corps; je demande à justice de permettre que ce dernier lui soit remis, pour qu'il reçoive la sépulture de tous les catholiques apostoliques et romains, Dicu me faisant la grace de mourir dans les sentimens d'un vrai chrétien, de la fidélité que je dois et que j'ai jurée à mon roi, d'emporter avec moi l'espoir que la nouvelle

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Constitution française rendra les peuples de cet empire aussi heureux que je le désire. J'ose prier M. le curé de Saint-Paul de réclamer mon corps, dès qu'il ne sera plus que matière, de me donner les soins de l'amitié qu'il me témoigne dans ces derniers momens, en l'honorant d'une sépulture convenable; j'ai satisfait à justice, par l'amende honorable à laquelle elle m'a condamné, et que j'ai faite devant l'église de Notre-Dame. Il appartient à tous et un chacun de commencer par lui obéir.. Mais, avant de remettre mon ame dans les mains de Dieu, je proteste n'avoir fait aucun projet pour emmener le roi à Péronne ni ailleurs; n'avoir jamais prémédité la destruction de l'assemblée nationale, et encore moins des violences envers elle, ni aucun de ces membres; n'avoir jamais eu en pensée des assassinats affreux dont on m'a inculpé, comme projet d'attenter aux jours de trois principales têtes de cet empire; que je n'ai jamais voulu porter la famine dans cette ville, et que je ne conçois pas même ce qui a pû donner lieu à une inculpation si étrange. Que, si j'ai parlé des mécontentemens de province, j'en ai parlé comme de choses connues et publiques, même imprimées, mais auxquelles je n'ai jamais donné lieu, en quelque manière que ce soit; que les troupes étrangères, que je suis accusé avoir voulu faire entrer dans le royaume, seront, aux yeux de tous les princes étrangers à qui elles appartiennent, et qui doivent savoir que jamais je n'ai rien tenté de semblable, négocié directement ni indirectement vis-à-vis d'eux, une preuve évidente de mon innocence sur ce dernier fait. Enfin, puisqu'il faut une victime, je préfère qu'elle soit tombée sur moi, par préférence sur tout autre, et suis prêt à me rendre à l'échafaud où la justice m'a condamné, afin d'y expier des crimes que je n'ai pas commis, mais dont le peuple me croit coupable, après avoir élevé à Dieu la dernière de mes pensées dans ce moment si terrible, qui fait frémir la nature.

Sommé de déclarer le nom du seigneur dont il a parlé dans la présente déclaration.

A dit que ce seigneur ne lui ayant jamais paru que pénétré de crainte sur les dangers où s'est trouvée la vie du roi, ou du moins dont il a paru être fermement persuadé que le roi étoit menacé, sans que ledit seigneur lui ait jamais témoigné rien propre à faire suspecter ses intentions, ni à faire croire qu'il puisse être cons

pirateur; son nom ne paroit d'aucune utilité à déclarer. Sommé de déclarer s'il a su quelles étoient les personnes que le seigneur, dont il a parlé, désignoit pour être connétable et commandant-général de la garde nationale parisienne.

A dit qu'oui; que ces deux personnes lui ont été nommées; mais qu'il croit également inutile de les citer, vu que l'on en pourroit déduire quelqu'idée de sa part, contraire à ce qui se doit au moment où son ame ya paroître devant Dieu; que d'ailleurs ces élévations particulières, espérées, disoit - on, du consentement du roi, n'ont point été indiquées comme devant opérer une contre-révolution nuisible à l'ordre présent des choses, mais uniquement comme moyens de faire reprendre au roi une autorité légitime qui seroit agréable au peuple: déclarant en outre qu'aucune de ces deux places éminentes ne devoit être occupée par aucun des princes du sang royal, qui, dans tout ceci, ne sont rien, mais. seulement, comme je l'ai dit, d'autres familles puissantes qui ont joué, depuis long-temps, un grand rôle à la cour. Que ces révolutions n'ont été faites, de ma part, que comme indices certains de ce qui a mu mes démarches trop malheureusement interprétées; que justice ayant prononcé l'arrêt de ma mort, qui ne peut plus se différer, l'aveu même de celui qui m'a donné ces diverses connoissances, ne pourroit plus retarder ni faire changer ce jugement; que je le crois assez loyal pour penser que, si cet aveu devoit me rendre la vie, et avec elle l'honneur qui m'est encore plus cher, cet appareil qui environne mon échafaud, ne lui permettroit pas de balancer à convenir de faits véritables qu'il m'a dits; mais que, si par malheur quelque considération le retenoit sur cet aveu, je pourrois, par cela seul, être taxé, d'impostures; ce à quoi je ne m'exposerai pas: quant au moment de perdre la vie ignominieusement, je puis, par mon silence, la perdre en quelque manière glorieusement. J'atteste qu'un seul de ces deux personnages a conversé avec moi sur ces indignités; que l'autre ne m'en a point parlé; que même je n'ai jamais eu avec lui aucune relation; que seulement les deux noms m'ont été nommés, et, comme je l'ai dit, en présence d'une tierce personne. Tout se découvre, tout s'apprend; mais ce n'est pas moi qui en donnerai l'ouverture, cela me paroissant, comme je l'ai dit, d'une inutilité parfaite,

Je me permettrai, avant de clore ma déclaration, de demander à M. le conseiller-rapporteur, s'il sent son ame émue par ce que je viens de dire en faveur d'une justification qui pouvoit être plus complète en ma faveur, si je n'avois éprouvé un déni de justice sur des témoins que j'ai crus nécessaires à l'iustruction de mon procès, s'il croit que l'aveu des noms qu'il m'a demandés pouvoit changer quelque chose à la sentence sous laquelle je me trouve opprimé, et s'il pense que l'aveu de tout ce que j'ai dit ici, dont je n'ai point parlé au procès, par la persuasion où j'étois qu'aucun témoignage ni preuve n'étoient complets ou suffisans pour faire perdre la vie à un homme qui, dans le fort de sa conscience, se sentoit innocent: je lui demande, dis-je, s'il pense que ces dénonciations auroient porté un plus grand jour à mon innocence, et retenu le bras de la justice qui me tranche les jours? S'il le pense, je le supplie de représenter à la cour qui m'a jugé, qu'une de ses victimes souhaite de venir pour elle un sujet de circonspection qui la fasse balancer à prononcer des jugemens de mort, s'il se présente à ses yeux quelqu'autre accusé, aussi extraordinairement impliqué que je l'ai été dans une cause surnaturelle, qui tient du roman et de la féerie. Je prie, dis-je, et en cas de besoin, je somme, si cela m'est permis, M. Quatremere, ce digne conseiller, de vouloir bien, d'après sa conscience, répondre à ces interpellations de ma part. Sa sévérité n'a fait aucun tort, vis-à-vis de mei, à la droiture de sa façon de penser et de son cœur, en remplissant un devoir pénible; je me complais à croire qu'il a déploré ma position, vu la circonstance qui, peut-être, a aggravé et précipité mon jugement.

Lecture faite, ledit condamné a persisté, et a signé avec nous et notre greffier, après nous avoir demande la publicité du présent par la voie de l'impression : bas de chaque page, comme en fin du présent, est ainsi signé Mahy de Faveras, Quatremere et Drié.

Ensuite est écrit: Nous soussignés, reconnoissons que le cadavre de Thomas de Mahy de Faveras, exécuté à' mort ce soir, nous a été à l'instant remis pour le faire inhumer en la manière accoutumée, dont décharge. Fait en l'hôtel-de-ville de Paris, le vendredi 19 fevrier 1790. Signés, Guillaume-François Mahy, baron de Cormeré, son frère; Charles-Louis Mahy de Chitenay, son frère. Collationné conforme à la minute, DRIE.

Nous

Nous permettons au greffier de faire imprimer et rendre public le présent testament de mort. Fait au châtelet de Paris, ce 22 février 1790.

Signés, TALON, de Flandre de Brunville,

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du mardi 16 février.

M. l'évêque d'Autun a été proclamé président. I avoit pour concurrent M. l'abbé Syeyes.

A f'ordre du jour, l'assemblée a décrété la division géné rale du royaume.

L'abondance des matières ne nous permettant pas de rendre compte de ce décret, nous le donnerons en entier dans le numéro prochain.

Il a été fait lecture d'une lettre de M. le garde-desSceaux, annonçant la sanction de plusieurs décrets, ainsi que d'un mémoire rédigé au nom du roi, contenant le détail de l'émeute arrivée à Beziers. Sa majesté demande qu'il soit fait un réglement pour contenir les séditieux.

M. d'Emery a observé que ce réglement, quelqu'urgent qu'il fût, ne devoit pas être fait avec précipitation; il a demandé que le comité de constitution fût chargé de faire un projet de réglement pour le présenter incessamment à l'assemblée.

M. de la Fayette, M. l'abbé Grégoire, ont appuyé la motion de M. Emery, qui a été décrétée.

Séance du soir. Après l'annonce des dons patriotiques, M. Pison du Galland a proposé, au nom du comité des domaines, de décréter que les expéditions en forme de tous les échanges des biens domaniaux, notamment du comté de Sancerre, ainsi que toutes autres pièces et titres dont le comité pourroit avoir besoin, seroient remises au comité sous le récépissé de MM. les secrétaires.

M. Bouche a proposé d'examiner les conditions de la vente du comté de Clermont, en Beauvaisis, vendu au roi la somme de 36 millions, et dont sa majesté ne retire, a-t-il dit, que 60,000 livres de rente.

La proposition de M. Pison du Galland a été décrétée. M. Camus a proposé de réformer l'ancienne légende du sceau de l'état, qui ne s'accordoit plus avec le titre décrété par l'assemblée nationale, et de remplacer ces remplacer No. 33.

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