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Peet profond qui est dû Au sóUVERAIN. L'assemblée nationale elle-même ne sauroit se dispenser de ce devoir, et tous les principes politiques seroient renversés, si elle traitoit avec le peuple français d'égal à égal, ou de souverain à sujet. Elle n'est qu'un corps représentatif du souverain; elle n'est que l'organe du souverain; elle doit donc à tous les Français collectivement la même mesure d'egards et de soumission que chaque Français individuellement lui doit à elle-même.

Il est nécessaire que tout acte d'un simple citoyen, envers l'assemblée nationale, porte les caractères du respect, afin qu'elle jouisse de cette force d'opinion qui anéantit toute résistance particulière.

Il est nécessaire que tout acte de l'assemblée nationale envers la nation porte les mèmes caractères, afin que la nation jouisse de sa propre dignité, de sa souveraineté, et que toutes les ames s'éièvent à la fois à ce degré de grandeur et de sagesse qui convient aux membres du souverain.

C'est parce que le sénat et le collége des tribuns ne parloient jamais à la nation romaine qu'avec des formes respectueuses, c'est parce que les consuls faisoient baisser les faisceaux devant le peuple assemblé, que les simples citoyens de Rome avoient le juste et noble orgueil de se croire les égaux des

rois.

Il circule dans ce moment, en France, une adresse de l'assemblée nationale aux Francais, il s'en faut bien que nous puissions applaudir à la forme sous laquelle elle a été publiée.

Avant de nous expliquer à ce sujet, nous devons observer que nos réflexions sur les opérations de l'assemblée nationale ne tendent jamais à les déorier, mais à rectifier les idées d'après lesquelles ciles ont été conçues; jamais à exciter la désobéissance, mais à semer les bons principes d'après lesquels elles doivent être un jour réformées.

Aussi nous osons croire que les critiques que

nous nous sommes permises sur les décrets de l'assemblée, d'après le droit que nous en avons, comine citoyens, n'ont pas rendu notre patriotisme douteux, et que, si quelque récompense civique étoit réservée à l'ouvrage qui a été le plus utile à la révolution, nous aurions quelque droit d'y pré

tendre.

Nous devions cette explication aux citoyens peu éclairés, parce que les aristocrates se servent pour les tromper de nos argumens contre les travaux de l'assemblée. La différence qu'il y a entre leur doctrine et la nôtre se trouve dans les conséquences. Ils concluent de ce qu'un décret de l'assemblée est contraire au droit naturel ou aux principes politiques, qu'il ne faut point l'exécuter, et que l'assemblée ne travaille point pour le bonheur du peuple ; nous ne cessons de dire, au contraire, qu'il faut toujours commencer par exécuter les décrets jusqu'à ce qu'ils puissent être réformés, et que les erreurs de nos représentans ne doivent poiut altérer la confiance que nous leur avons accordée.

Lorsque l'assemblée nationale crut nécessaire d'exposer à la nation les motifs qui l'avoient dé cidée à voter la contribution patriotique du quart, selon le plan du ministre adoré, elle publia un écrit qu'elle intitula: Adresse de l'assemblée natio nale à ses commettans. Cet intitulé seul prouvoit que l'assemblée se regardoit comme tenue de rendre compte de ses opérations à la nation française; l'adresse qu'elle vient de publier porte seulement: l'assemblée nationale aux Français.

La différence est frappante, et peut faire naltre des idées dangereuses. « Quoi! se diront les Français, l'assemblée nationale ne nous regarde-t-elle plus comme ses commetrans ? Les triomphes qu'elle a remportés sur le despotisme et l'aristocratie lui auroient-ils fait oublier qu'elle n'a d'autre foree la nôtre, et que le seul droit qu'elle ait est de nous représenter »?

que

Ces idées se présentent d'autant plus naturellement, qu'on sait qu'il existe, dans le nombre des députés patriotes, un certain nombre de partisans outrés de la représentation absolue; c'està-dire, de la souveraineté de l'assemblée nationale. Ces mem res, dont les talens ont une certaine influence sur les travaux de l'assemblée, regardent-ils le peuple comme incapable d'apprécier le mérite d'une loi? ou bien pensent-ils que, si la représentation absolue s'établit, ils pourront faire, sous le nom de l'assemblée nationale, ce que les ministres faisoient sous le nom du roi? C'est ce qui ne nous est pas connu; mais ce qui n'est pas douteux, c'est qu'ils trouveront dans les francs patriotes une résistance invincible contre l'établissement de la représentation absolue; que l'on suivra attentivement leurs pas dans la carrière qu'ils parcourent, et qu'on marquera de la manière la plus frappante l'époque à laquelle ils cesseront de s'occuper de l'intérêt général pour leur avantage particulier.

Si quelques-uns de ceux auxquels nous donnons un avis qu'il importe à leur gloire de ne pas négliger, eussent pris la peine d'élever la voix, et de demander qu'on mit du moins, dans le titre de l'adresse, un mot qui rappellât la souveraineté de la nation, le corps des députés patriotes auroit accueilli cette motion, et le titre de l'écrit qui nous est adressé réveilleroit en nous une foule de sentimens qu'il falloit intéresser à sa lecture, pour qu'elle produisit de grands effets.

Qu'on ne dise pas que cet écrit n'est pas adressé au corps de la nation, mais à chaque Français en particulier; on voit, par ce qu'il contient, que l'assemblée parle à ses commettans ; et il n'étoit pas indifférent qu'elle leur donnât ce titre (1).

(1) Je renvoie ceux qui ne sentiroient pas la différence qu'il y a du titre de Français à celui de citoyens ou de commettans, à la première phrase du N°, 21.

L'assemblée nationale rappelle tout le bien qu'elle a fait; elle répond à toutes les objections; elle explique tout ce qui lui reste à faire.

Les bases de la constitution, la déclaration des droits de l'homme, la substitution d'une assemblée nationale à des états-généraux, l'égalité des droits aux places et offices, l'extinction des ordres et des priviléges, la destruction du régime féodal, des intendans et des lettres-de-cachet, la création des municipalités, une division régulière du royaume, l'abolition de la vénalité des charges, la responsabilité des ministres, la garantie des dettes publiques, l'adoucissement de la gabelle, la réduction des pensions, d'immenses économies dans les finances; voilà l'ouvrage de l'assemblée nationale.

L'adresse comprend dans cette énumération, le droit de décréter les impôts et les loix, que la nation avait perdu, et qui lui a été restitué. Cet article contient deux erreurs singulières. Jamais une nation ne peut perdre le droit de faire les loix et de décréter l'impôt. Lorsqu'elle en est privée par le despotisme, par l'aristocratie, ou par l'anarchie, la privation est toujours de fait; mais le droit est inhérent à la nation; il ne peut jamais être perdu. Une si grave erreur dans la bouche des législateurs ne peut que nuire au développement des vraies notions politiques.

C'est également par erreur que l'assemblée se flatte de nous avoir rendu ce droit. Si c'est la convocation des députés des bailliages qui nous a rétablis dans l'exercice de ce droit, cette convocation n'est pas son ouvrage; si-c'est la révolution, elle est l'ouvrage de quelques patriotes qui n'avoient pas l'honneur de siéger dans l'assemblée nationale. Au reste, elle a tant de droits à la confiance publique, par tous les autres titres qui viennent d'être rappelés, qu'il est inutile d'y ajouter ce qu'elle n'a pas fait.

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L'assemblée passe ensuite aux objections que font contre elle les ennemis du bien public. Elle a tout détruit. C'est qu'il falloit tout reconstruire. Elle a agi avec trop de précipitation. Ce n'est qu'en attaquant tous les abus à la fois qu'on peut s'en délivrer. Ses assemblées sont tumultueuses. Qu'importe si ses délibération › sont sages? Elle a aspiré à une perfection chimé. rique. Les idées utiles au genre-humain ne seroient-elles donc destinées qu'à orner les pages d'un livre? Il est impossible de régénérer une nation vieille et corrompue. Une nation rajeunit le jour où elle a résolu de renaître à la liberté. Elle n'a encore rien fait pour le peuple. Ih! chaque abus qu'elle a détruit ne pesoit-il pas sur le peuple? Il ne se plaignoit pas. L'excès de ses maux étouffoit se plaintes. Elle a détruit e pouvoir exécutif. Non, c'est le pouvoir ministériel. Le roi est sans force contre la loi; mais en sa faveur il sera plus puissant que jamais. Le peupl s'est armé par-tout; il en a résulté des malheurs. Peut-on les imputer à l'assemblée nationale? Eile a voulu les prévenir ou les arrêter par toute la force de ses décrets.

Il est impossible qu'un bon esprit ne sente pas la justesse de toutes ces réponses; mais il est une entre objection: L'assemblée a passé ses pouvoirs. Cette réponse: il étoit impossible de faire une constitution sans la plénitude des pouvoirs, est admissible. Mais faut-il adopter cette explication? «Les adresses, les félicitations, les sermens patriotiques,sont la confirmation de nos pouvoirs »? Non, ron, non. Ces témoi nages sont des preuves que nous approuvons le zèle de nos députés; que nous applaudissons à leurs efforts: mais ils ne peuvent jamais tenir lieu du mandat impératif, ou de la ratification nationale, sans lesquels il est impossible de concevoir que la volonté des députés représente la volonté générale.

L'assemblée, après avoir réfuté les objections

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