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chacune des trois puiffances; on a déjà marqué leurs logemens tant dans la ville que dans les faubourgs. Les Pruffiens ont pris poffeffion de la fortereffe de Czenftochau, que les Ruffes viennent d'évacuer. Ceux-ci occupent encore Cracovie & Lublin, capitales des deux Vaivodies de ce nom; mais leurs difpofitions font préfumer qu'ils ont deffein d'abandonner ces deux places. On ignore fi les Autrichiens les y remplaceront, & s'ils feront valoir leurs prétentions.

On a lu, avec le plus grand étonnement, le manifefte que le Sr. Sobolewski, notaire terreftre du diftrict de Warfovie, a déposé au grod de cette capitale, & par lequel il exhorte tous ceux qui ont placé des fonds à la chancellerie, des les retirer fans délai. On forme beaucoup de conjectures fur cette démarche, dont on ne trouve point d'exemple dans les tems les plus orageux de la république. Les Ruffes font fort occupés du dénombrement des habitans de leurs nouvelles poffeffions. Il comptent établir enfuite une capitation de 15 florins (20 liv. 5 f.) par chaque payfan & de 10 pour fa famille & fes domeftiques (13 liv. 10 f. en tout 33 liv. 15 f. ) Les habitans des villes donneront le double. Les propriétaires des terres paieront 25 pour 100 de leurs revenus. Le roi de Pruffe vient de lever 40 mille hommes de recrues dans la nouvellePruffe, dont 16 mille font deftinés à former les nouveaux régimens de garnifon qui s'affembleront à Graudentz. Les lettres de la grande-Pologne font toujours très-affligeantes. L'affemblée que prince Sulkowski, palatin de Gnefne, avoit indiquée, à Pofnanie, aux membres de fon affociation, dans le même tems que le général Loffow, commandant le cordon Pruffien, avoit convoqué dans la même ville la nobleffe des Palatinats de la grande-Pologne, n'a pas eu l'effet que ce

le

magnat s'en étoit promis. La plupart des mem bres de l'affociation, ayant à leur tête le caftellan de Pofnanie, fe font oppofés aux deffeins de ce prince, & lui ont annoncé leur réfolution de fe féparer de lui. Ce fénateur a employé en vain tous les moyens pour calmer & ramener les efprits, jufqu'à faire intervenir dans fa querelle le général Pruffien; mais tout a été inutile: ce général lui-même l'a abandonné; le prince Sulkowski n'a confervé que 5 ou 6 adhérens; tout le refte s eft diffipé. On eft convenu auparavant, des contributions à fournir au général Loffow; mais elles font fi fortes, qu'on défefpere d'y pouvoir fatisfaire, & l'on s'attend à de cruelles exécuti

ons.

Deux couriers arrivés dernierement de Péterfbourg, ont apporté des dépêches qu'on dit être relatives à la tenue du prochain Senatús-Confilium, & à la reftitution des biens de plufieurs feigneurs, qui avoient été mis en féqueftre par les Ruffes. Le prince de Radziwil, palatin de Wilna, n'aura point de part à cette faveur, s'il eft vrai, comme on l'affure, qu'il ait réfolu de ne point fe trouver ici à l'affemblée du confeil du fénat. La plupart des magnats que cette circonftance y a attirés, conviennent que la conftitution de leur patrie eft défectueufe à bien des égards; ils avouent même que la médiation des puiflances étrangeres eft néceffaire pour y apporter remede. Mais la maniere violente & arbitraire dont cette opération fe fait, jointe au démembrement qui l'accompagne, leur paroit ne pouvoir être affez déplorée par les vrais patriotes, qui voient avec les plus vifs regrêts, que l'on fe difpofe à anéantir jufqu'aux moindres traces de l'ancienne liberté. Ces fentimens font régner un morne fi→ lence à la cour, & dans tous les cercles de chaque ordre des citoyens.

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Dans ce moment de crife, plufieurs magnats ont réfolu, dit-on, de fe démettre de leurs charges. On compte, parmi eux le comte Wielopolski, maréchal de la cour, le Sr. Soltyck, palatin de Lenczicz, & le comte de Bruhl, grandMaitre de l'artillerie, qui eft déjà parti de Dresde pour fe rendre ici par la route de Vienne. On efpere que le prince-primat, qui a été malade viendra ici pour affifter à la prochaine affemblée du fénat. Le comte de Weffel, grand - tréforier de la couronne, veut fe retirer de nouveau; mais on employe tous les moyens poffibles pour le faire refter ici, où fa préfence fera néceffaire pour la tenue du Senatûs-Confilium.

Les miniftres étrangers tinrent, le 2 de ce mois, une conférence chez l'envoyé de Ruffie; & le foir, ils remirent au miniftere un mémoire de la part de leurs cours refpectives, dans lequel on représente qu'il eft néceffaire que l'ouverture de la diete fe faffe le 18 du mois d'Avril prochain, & la clôture le 8 du mois de Juin fuivant, Cette piece donne matiere ici à beaucoup de conjectures.

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On apprend de Dantzig que le général Stuterheim, le préfident de Domhard, & le confeiller privé de Rhode, font attendus à Langefuhr, village à peu de distance de Dantzig. On ignore s'ils reprendront avec le magiftrat, les négociations entamées par le fieur Reichard, ou fi leur voyage a quelque autre objet.

Les lettres de Cracovie portent que les Autrichiens ont déja établi un péage aux portes de cette ville, où ils font payer de gros droits d'entrée fur toutes les marchandifes & les vivres qu'on y tranporte.

Fin du projet pour la nouvelle forme du gouverne ment en Pologne

14. On ôtera aux artifans & bourgeois les terres &

biens-fonds dont ils jouiffent, afin de les obliger de s'appliquer à leur métier & au commerce. 15°. On établira des magafins royaux de vins de France & d'Hongrie, dans les villes de Warsovie, Petricau, Posnanie, Kalisch, Grodno, & Wielun. On érigera auffi des magafins de boiffons étrangeres, avec défense à chacun d'acheter ces boiffons que dans lefdits magafins. 16. Il n'y aura que des perfonnes, à ce autorifées par la loi, qui pourront diftiller, en des endroits fixés à cet effet, de la bierre, du Wisniak, du melnik, de l'hydromel, & de l'eau-devie. 17°. Dans tous les palatinats, la noblesse fera réduite à un nombre déterminé; mais elle ne pourra plus jouir du privilege de nie-pozwalam ou du liberum veto. 180. Les payfans feront affranchis de la fervitude; & dans toutes les paroiffes ils fe choifiront leurs propres juges, defquels l'on pourra appeller premierement au feigneur territorial, & de celui-ci au gouverneur du diftri&t ou au grod. 190. L'arpentage de tous les diftricts & terres fe fera par des arpenteurs-jurés du roi ; & chaque terrein fera fixé à 500 pas géométriques en quarré. 20. On caffera les huffards; & à leur place il fera érigé des corps d'infanterie, de cavalerie, ainfi que de troupes de cavalerie légere, jusqu'à la concurrence de 30 mille hommes. Le roi fournira à ces troupes les munitions, & les habitans du royaume la folde & le refte du néceffaire. 21. Les troupes de L. M. l'empereur des Romains & l'impératrice de Ruffie, au* nombre de 5 mille hommes de chaque puissance, reftant à la folde de leurs maîtres refpectifs, mais féjournant encore fur les terres de la république, auront leurs quartiers dans les places, que le roi & les états de Pologne. leur affigneront. 22. Il ne fera plus permis d'entretenir des troupes dans les terres des nobles: mais chaque gentilhomme fera obligé d'entretenir dans fon château un foldat avec les armes & l'équipement néceffaire, pour le fervice du roi. 230. Il fera fait un réglement concernant les habits, que chacun portera felon fon état & fa condition, ainfi que fur le nombre de domeftiques & de chevaux qu'il fera permis de nourrir.

Ce qui eft projetté ci-deffus fera plus particulierement expliqué, dans toutes fes parties, à la prochaine diete, & mis à exécution en vertu d'une nouvelle forme de conftitution.

MITTAU (le i6 Janvier.)Voici quelques détails hiftoriques fur la vie du duc de Eiren, plus étendus

que ceux qu'on a déjà donnés. Ce prince a été un exemple mémorable des viciffitudes de la fortune. La Courlande appartenoit autrefois aux chevaliersporte-glaives de Livonie. Le dernier grand-maître de cet ordre, Gotthard Kettler, ayant embraffé le luthéranifme, & s'étant fécularifé, obtint, dins le XVI. fiecle,laCourlande, en fief & à titre de duché, de Sigifmond-Augufte, roi de Pologne. Au commencement de ce fiecle, le Duc Fréderic-Guillaume, rétabli dans fes états par le Czar, époufa, à Pétersbourg, en 1710, la princeffe Anne, fille du Czar Iwan-Alexiowitz; mais il mourut fubitement, l'année fuivante, fans poftérité, & laiffa fon duché à fon oncle paternel le duc Ferdinand. Ce dernier ne put cependant entrer en poffeffion de la Courlande, parce que le Czar maintint dans la jouiffance de ce duché la princeffe Anne, à cause de fon douaire. Les états du pays, voyant leur duc fans enfans & fans fucceffeur naturel, élurent, pour lui fuccéder, en 1726, le comte Maurice de Saxe, qui depuis s'eft rendu fi célebre en fervant une nation qui l'avoit adopté pour un de fes héros, & parmi laquelle il eft mort couvert de gloire & honoré des plus grands regrets d'un fouverain qui fcut apprécier & fon mérite & fes talens. Cette élection fut contestée par la Ruffie & la Pologne, & caffée l'année fuivante. Il fut arrêté que, dans la fuite, le pays feroit partagé en deux palatinats, deux ftarofties & quatre châtelainies. Les états protefterent contre cet arrangement. La princeffe Anne étant montée fur le trône de Ruffie, le duc Ferdinand entra enfin en poffeffion, & mourut à Dantzick, en 1737. Jean-Erneft, comte de Biren, courlandois, chambellan & favori de l'impératrice parvint, par la protection de cette princeffe, fe faire élire, par les états, Duc de Courlande & de Sémigalle, & cette élection fut confirmée par Février, 1773. ae. quinz.

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