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Nous ne ferons qu'abréger le procès-verbal des événemens, foufcrit par la municipalité, le diftrict & plufieurs membres du département.

Depuis longtems Caen étoit le rendez-vous de tous les ennemis de la Révolution des départemens voisins. Ils y affectoient la confiance la plus infolente, &, par une feinte pitié pour les prêtres non affermentés, ils captoient la bienveillance des fanatiques & des fuperftitieux. Ils abuferent d'une lettre dans laquelle le miniftre de l'intérieur prêchoit la tolérance Ja plus illimitée; & profitant du départ du rẻgiment d'Aunis, ils réfolurent d'éclater.

Le prêtre Bunel, ci-devant curé de SaintJean, entouré d'un nombreux cortege de ci. devant nobles, de leurs émiffaires & de leurs valets, alla dire la meffe dans l'églife paroiffiale. Cette déma che & les difcours de Bunel exciterent de la fermentation. Pour l'appailer, la municipalité l'invita à ne pas officier le lendemain, il le promit; mais le lendemain, fes partifans fe réunirent en plus grand nombre dans l'églife, & chanterent le Te Deum.

Dans la vue fans doute d'engager une querelle, les valets infulterent des Gardes Nationaux, & furent foutenus par leurs maîtres. Ceux-ci, qui étoient toujours armés de piftolets, firent feu fur la Garde Nationale, qui ripofta à grands coups de fabres.

L'affaire ne tarda pas à s'engager dans les rues. Les Ariftocrates faifoient feu par leurs fenêtres. C'eft furtout devant la maifon d'un de leurs chefs un fieur Durofel, que le combat fut le plus fanglant.

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Cependant la municipalité déploya le drapeau rouge, &, foutenue d'un détachement nombreux de la Garde Nationale, elle parvint à rétablir la paix dans plufieurs quartiers. De leur

côté, les Ariftocrates s'affembloient; ils s'étoient rendus fur la place St-Sauveur, au nombrę de 82; mais ils furent bientôt enveloppés, faifis, conduits à l'hôtel-de ville, & là défarmés & interrogés féparément. Des papiers trouvés fur deux de ces fcélérats, firent faifir le fil de leur trame abominable; on découvrit qu'il exiftoit un vafte fyftême de conjuration qui avoit pour but d'allumer la guerre civile dans l'intérieur du royaume, par le moyen des prêtres fanatiques, tandis que les émigrés l'attaqueroient au dehors; on découvrit que des juges, des adminiftrateurs des lieutenans-généraux, devoient diriger la partie de cette contre-révolution dont Caen devoit être le théatre. La municipalité prit les mefures les plus actives pour déjouer ce complot infernal; une des premieres fut de faire renfermer les 82 conjurés dans le château de Caen.

Ces nouvelles exciterent l'indignation de l'Affemblée. M. Cambon propofoit de convoquer furie champ la Haute Cour Nationale. M. Boidut demandoit qu'on rendît un décret d'accufation contre les individus nommés dans le procès-verbal de la municipalité. M. Ifnard appuyoit ces mesures; il exhortoit l'Af femblée à n'avoir d'autre fentiment que celui de fes forces, à ne pas s'effrayer de la grandeur des mesures qu'elle avoit à prendre; il lexhortoit à faire punir les grands coupables envers la patrie. « Alors, ajoutoit-il, vous verrez les autres ronger en frémiffant le frein de la loi, mais s'y foumettre ».

M. Ducaftel, craignant que l'Affemblée ne fe laiffât entraîner par trop de précipitation dans des mesures qui la forçaffent en uite de revenir fur fes pas, demandoit qu'avant de

porter le décret d'accufation, on fit venir de Caen les pieces originales mentionnées dans le procès-verbal de la municipalité.

Cet avis étoit fage. Pour être retardée, la vengeance n'en fera pas moins éclatante; elle n'en fera pas moins fûre, puisque les coupables font fous la puifiance de la loi.

L'Affemblée a donc décrété qu'elle attendroit les pieces manufcrites annoncées par la munipalité de Caen, & qu'elle chargeoit le pouvoir exécutif d'expédier ce foir un courrier pour les apporter.

Du 12.

Une pauvre femme, âgée de 61 ans, eft dévenue groffe. Cette nouvelle Sara demande à l'Affemblée Nationale de l'aider dans fa mifere; fa pétition a été renvoyée au comité des fecours.

Une forme d'examen eft déterminée par les décrets de l'Affemblée Nationale Conftituante pour être admis au grade d'enfeigne non entretenu qui correspond à celui de capitaine marchand dans l'ancien ordre de chofes. Des marins qui étoient en mer, des hommes forts en expérience, mais foibles peut-être en théorie, fe trouveroient exclus par cette loi févere. Úne pétition en avoit demandé la fufpenfion pour cette année. L'Affemblée Nationale y a eu égard, & a décrété que d'ici au Ier. Janvier prochain, on n'exigeroit pas pour admettre les marins au grade d'enfeigne non entretenu les formalités prefcrites par la loi, & elle a autorifé les examinateurs à en difpenfer les éleves.

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M. Bazire, après avoir annoncé qu'il avoit à entretenir l'Affemblée d'un objet important, a lu une lettre bien faite pour commander Pattention au Corps Législatif. Elle eft d'un

Sr. Varnier, adreffée au Sr..., demeurant à Auxonne, département de la Côte d'Or. En voici à peu près le contenu.

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« Recevez mon compliment fur l'adreffe avec Jaquelle vous faites paffer nos employés fur les frontieres. Je vous invite à continuer ; mais furtout ne faites pas paffer hors du royaume des hommes mariés qui pourroient con fier notre fecret à leurs femmes. Les foixantetrois employés arrivés à Coblence y ont été bien reçus; on en eft fort content. Faites croire à ceux que vous enverrez qu'ils vont fur les frontieres ; & comme ces hommes là fe conduifent par l'intérêt, dites-leur qu'ils feront de bonnes prifes & qu'elles feront toutes vendues à leur profit; que les fermiers-généraux n'y ont plus rien. On eft fort content de M. Tardy, qui fait paffer ses employés fur les frontieres avec beaucoup d'adreffe; il ne leur donne de l'argent que lorfqu'ils n'en ont pas pour faire leur route. Je compte que la mifere & la faifon rigoureufe nous en donneront beaucoup. Si vous trouvez de beaux hommes à qui il en manque, il faut leur en faire donner. Je vous envoie 500 liv. en 7 affignats; c'eft ce que j'ai pu obtenir pour le moment. Si on parvie à réunir à Coblence une armée de 25000 hom◄ mes les connoiffeurs affurent que les Girdes Nationales fuiront bientôt jufqu'à Paris. Elles y feront étrillées pendant que les princes entreront dans les provinces qui font dif pofées à fe remettre fous la prote tion du roi. Tout affure que la contre-révolution s' ffe tuera. L'Affemblée Nationale eft dans le plus grand difcrédit, & n'attendra pas, pour fe féparer, qu'elle foit chaffée », &c. Signé, VARNIER.

« Je fens, a dit M. Bazire après cette Premier Décembre. 1791, No. XXXIV. B

lecture, que j'aurois pu remettre cette lettre aux tribunaux; mais j'ai mieux aimé taiffer cu coupable le rems & la facilité de s'é vader que de laiter plus longtems ignorer à des hommes foibles qu'il abuloit, le piege funefte qu'on leur tendoit ».、

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C'est un tourment douloureux que d'être environné de complots & d'en chercher inuitement les auteurs, de promener paisible ment fes foupçons fans fçavoir fur quelle têre les repofer. M. Bazire fembloit attacher l'AL femblée Nationale à cette incertitude, en lui défignant un coupable, & en lui remettant une preuve les lumieres qu'il lui donnoit ne pouvoient qu'être bien accueillies. La lettre, paraphée par lui & par les officiers de l'Allemblée, a été remife fur le bureau: il a feulement demandé la permiffion de taire la maniere dont elle étoit parvenue.

Un crime de leze-Nation, une conjuration contre l'Etat, étoit dénoncée à l'Affemblée. Le premier pas qu'elle eût à faire étoit fans doute de qualifier le délit, & de prononcer La compétence. Cette formalité a échappé au patriotisme empreffé dans fes alarmes de s'afLurer du coupable & de l'entendre. MM. Cou. thon & Lacroix ont demandé & obtenu qu'il fût mis en arreftation & conduit à la barre. Le décret eft remis aux officiers de la Gendarmerie & de la Garde Nationale. Ils partent pour aller l'exécuter; & l'Affemblée, fortement émue pendant fa délibération, conferve encore l'agitation dont un Corps délibérant nombreux peut difficilement fe défendre dans quelques occafions.

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A ce mouvement moins impofant fans doute qu'un calme profond, une fenfation nouvelle arapidement fuccédé. M. le président annonce

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