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tout aussi bien au cas de la faillite qu'à celui de la déconfiture.

Il faut ajouter que cette interprétation, qui paraît s'imposer dans l'état actuel de notre droit, me paraît très critiquable au point de vue législatif.

Il semble assez difficile de justifier le véritable privilège qu'on accorde ainsi au preneur, qui n'est qu'un créancier chirographaire. C'est tout au moins ce qu'on pensé les rédacteurs de certaines lois nouvelles, et nous verrons plus loin que notamment les législations allemandes, hongroises et suisses n'accordent pas au preneur le véritable privilège que nous sommes forcés de lui reconnaître.

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Les droits du bailleur contre la faillite de son locataire ne sont plus du tout aujourd'hui ce qu'ils étaient sous l'empire du Code civil et du Code de commerce. Une loi du 12 février 1872 est venue réglementer la matière d'une façon toute nouvelle, et il est indispensable, pour bien comprendre les motifs qui ont inspiré cette loi, de connaître la situation que la jurisprudence faisait au bailleur avant 1872. Nous examinerons donc : 1o Les droits du bailleur avant la loi du 12 février 1872; 2° les droits du bailleur sous l'empire de cette loi.

A. Les droits du bailleur avant 1872. - Deux textes visaient spécialement les droits du bailleur.

C'était (a) l'art. 2102 qui le range au nombre des créanciers privilégiés; (b) l'art. 450, C. co., qui restreignait en cas de faillite les droits du bailleur privilé gié, en lui interdisant toutes poursuites avant le délai d'un mois.

Le bailleur se présente donc dans la faillite à un double titre. Il est créancier synallagmatique et il est créancier privilégié.

Nous allons rappeler ses droits de créancier synallagmatique et montrer dans quelle mesure le privilège venait les renforcer avant la loi de 1872.

D'après notre théorie générale, il a comme créancier synallagmatique le droit à la résiliation suivie de dommages-intérêts, à moins que les syndics ne s'offrent à exécuter le bail. Mais si les syndics optent pour cette exécution, elle devra avoir lieu, avonsnous dit, comme s'il n'y avait pas eu faillite. Rien ne sera changé aux modalités, quelles qu'elles soient, des obligations de chaque partie et particulièrement l'art. 1188 n'est pas invocable, à condition toutefois que les syndics donnent garantie suffisante de l'exécution de leur engagement.

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Mais en matière de bail, une garantie suffisante de l'engagement du locataire, c'est que les lieux loués restent garnis de meubles.

Nous dirons donc comme créancier synallagmatique, abstraction faite du privilège le vendeur aurait droit à la résiliation, à moins que les syndics

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loi, est différente, suivant que le bail a ou n'a pas de date certaine.

S'il n'y a pas date certaine, il y aura privilège pour le prix des loyers d'une année à partir de l'année courante. Ces termes ont donné lieu à quelques discussions; mais aujourd'hui l'accord est à peu près fait et presque tous les auteurs reconnaissent avec la jurisprudence que le privilège s'étend en outre à tous les loyers échus et à celui de l'année courante.

S'il y a date certaine, le bailleur est privilégié pour tout ce qui est échu et pour tout ce qui est à échoir.

En quoi ce privilège change-t-il la situation du bailleur? Faisons pour répondre à la question cette remarque générale qu'un privilège donne au privilégié un droit de préférence et un droit de suite, mais qu'il laisse intacts les droits de résolution ou de non résolution que peuvent avoir les contractants. Remarquons en outre qu'un privilège est toujours l'accessoire d'une créance, et qu'il est forcément limité au montant des droits du créancier.

Nous dirons en conséquence: le privilège du bailleur laisse au point de vue des questions de résolution, le bail dans les conditions que nous avons étudiées en dehors de lui. Partant, les syndics ont

toujours le droit de non résolution, le droit d'exécuter dans les conditions fixées par le contrat. Or, d'après la convention leurs loyers ne sont dus qu'aux termes et vouloir appliquer dès la faillite le privilège aux loyers futurs, ce serait vouloir l'appliquer à une créance qui n'existe pas encore comme exigible. Ce serait vouloir une impossibilité.

Nous dirons donc d'abord: Malgré l'art. 2102, malgré l'existence du privilège, si les syndics veulent l'exécution intégrale et la garantissent par exemple en laissant des meubles, le bailleur ne peut pas s'opposer à cette exécution intégrale dans les conditions du contrat. Il n'a pas le droit de demander la résolution, qui ne peut provenir que du défaut d'exécution. Il n'a pas le droit non plus de vouloir appliquer son privilège aux créances des loyers à venir, puisque le contrat subsiste, et que d'après le contrat ces créances ne sont pas exigibles. Si au contraire les syndics ne veulent pas garantir l'exécution du bail, le bailleur peut demander la résolution, c'est le droit commun; mais cette demande en résolution le échus. Elle n'opère que pour l'avenir. Sans le privilège le bailleur, pour ces loyers échus, serait payé au marc-le-franc. Grâce à l'art. 2102 il aura un droit de préférence. Du reste la demande de résolution est facultative. Le bailleur peut aussi s'en tenir à la demande d'exécution du contrat, et c'est ici encore qu'intervient le privilège! Si le bailleur

laisse créancier des loyers

n'était pas privilégié, cette demande d'exécution n'aboutirait pour lui qu'à un tant 0/0, le tant 0/0 de tous les chirographaires. Grâce au privilège, il prélèvera le montant intégral de sa créance de propriétaire. Pour quelles sommes? L'art. 2102 répond : pour les loyers échus et ceux à échoir, s'il y a date certaine; pour les loyers échus et ceux d'un an à partir de l'année courante, s'il n'y a pas date certaine; et j'arrive à cette conclusion: Le bailleur a les droits de tous les créanciers. Si l'exécution n'est pas assurée, il peut demander la résolution et il restera alors créancier des loyers échus pour lesquels il sera privilégié. S'il opte pour l'exécution au lieu d'être un simple chirographaire, au lieu de n'avoir qu'un tant 0/0 il est payé par privilège de tout ce qui lui est dû (loyers échus et loyers à échoir); mais en contre-partie de cette faveur faite au locateur, l'article 2102 admet un avantage pour les locataires : c'est qu'ils pourront toujours relouer quand bien même le bail ne leur en donnerait pas le droit. Avec une telle doctrine, nous appliquons exactement la théorie générale esquissée au début de cette thèse. Cette théorie est modifiée seulement par la plus grande force que le privilège vient naturellement apporter aux droits du bailleur.

En pratique nous aboutissons à des résultats fort acceptables! Il est vrai que le bailleur peut dans certains cas être payé de tous ses loyers à échoir, toucher grâce à la faillite plus qu'il n'aurait touché

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