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» Français n'avoient plus de religion, & ne reconnoiffoient » aucune loi ».

Le paffage fuivant doit mériter la plus grande confiance à nos patriotes fuiffes:

«La journée du 10 août ne peut ni ne doit rompre » l'union des deux peuples; car les tyrans feuls font » coupables. D'un côté, le peu de Suiffes qui existoit » dans les gardes a été facrifié par l'ariftocratie; de l'au»tre, le peuple français ne peut pas accufer le peuple » fuifle d'un crime commis par un petit nombre d'arifto» crates, & une horde de brigands étrangers à l'Helvétie. » Au contraire, les deux nations doivent être plus unies » que jamais un même intérêt les raffemble, celui de » la liberté ».

On doit cet écrit, où l'on défireroit un peu plus de détails, un peu moins de réflexions, au citoyen J. de Somna, fous-lieutenant dans la légion des Allobroges, président de la fociciété des patriotes fuiffes & allobroges. réunis, & auteur de la Correfpondance des nations.

Les notes à la fuite du texte ne font pas ce qu'il y a de moins piquant & de moins curieux. On en jugera par la onzième :

«Le procureur-fyndic du département, Roederer parut » lui-même au château. S'il faut l'en croire, il ne donna » aucun ordre; mais il s'apperçut bien d'un mouvement » extraordinaire parmi les Suiffes. Que fit-il? Il fe con» tenta, à ce qu'il affure, d'entraîner le roi & fa famille » à l'affemblée nationale; & pour cela, il prétend avoir "bien mérité de la patrie. Voyez fa juftification, p. 7.

Suite des lettres trouvées chez M. Delaporte, intendant de la lifie civile.

Paris, 17 mai 1792, rue de la Corderie.

Monfieur, adjoint pendant quelque temps à la rédaction du Journal de la Nobleffe, aujourd'hui (& pour caufe) Journal univer fel des cours, &c., je me fuis fait un plaifir de vous le faire adreffer; je préfume qu'il vous eft agréable, puifque vous continuez de le recevoir.

» Oferai-je, Monfieur, profiter de cette occafion, pour avoir Phonneur de vous rappeler qu'il vous a été renvoyé par le roi, Petfet de me faire juftice, au nom facré de fa majefté, un pla

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cet que je lui avois préfenté en octobre 1791. Il s'agiffoit de la levée d'une configne qui avoit été donnée au château par je ne fais qui, au moyen d'une méprife fans doute plus feinte que réelle. J'ai l'honneur de vous réitérer, Monfieur, que perfonne ne s'eft montré plus que moi attaché à la perfonne du roi, & que j'ai fait là-deffus des preuves qui ne peuvent être renvoyées en doute enfin, vous repréfentez la perfonne du roi, qui a daigné recevoir mon placet avec bonté; & j'attends toujours de vous à ce fujet la justice qui m'eft due.

"Je vous fupplie inftamment, Monfieur de m'honorer d'une réponfe. Un fujet dont l'attachement & la fidélité pour le roi ne fe font jamais démentis, & qui, pour cette raifon, a été outragé de la manière la plus fenfible, a fans doute quelques titres pour xer un inftant votre attention.

Je fuis avec refpect, Monfieur, votre très-humble & trèsobéillant ferviteur. Signé, D'ANLIBES.

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Autre lettre.

Prifons de la haute-cour, 4 août 1792.

Poupart-Beaubourg a l'honneur de préfenter fon hommage à M. Laporte, & de lui adreffer fa défenfe telle qu'il l'a articulée, texte & grande partie des notes jeudi, 2 de ce mois, jour où a été rendu le premier jugement de la haute-cour nationale en faveur de MM. Noirot, Varnier & Tardi, qui ont été acquittés aux cris de joie & aux applaudiffemens d'un peuple immenfe.

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Quinze cents exemplaires du manifefte circulent dès le 25 du mois dernier, & dans la ville & dans tous les départemens. Májeure partie des camarades d'infortune de Poupart - Beaubourg croyoient qu'il n'en reviendroit jamais; lui-même s'attendoit à périr fous les poignards des Jacobins du Loiret : il a joui, au contraire, d'une forte de triomphe; il a été couvert d'applaudiffemens deux fois, & cela étant aux prifes avec le grand procurateur Garrand, qu'il a forcé au filence, ainfi que le législateur, dénonciateur & faux témoin Bafire.... Les Jacobins d'Orléans font écrafés à jamais. Ici, le peuple éclairé & auffi jufte qu'a Paris il eft féroce, eft tout dévoué au roi; il aime la vérité & déteste celui qui Je flatte du moins il fe montre prévenu bien favorablement en faveur de tous les prifonniers de la haute-cour. Il est donc bien vrai que le danger n'eft jamais que pour les làches....".

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Autre lettre.

Craces au déplacement de M. d'Arboulin, mon très-cher, & pour ne pas expofer foi & fes amis à faire le voyage d'Orléans, on ne rifque plus rien par la pofte. Cette entrave eft le comble des chef-d'œuvres opérés dans la troisième & dernière année de Ja liberté. Cette lettre vous arrivera par Scévole dans une boëte mife au voiturier.

» Nos maux extrêmes finiront dans trente-quatre jours juftes.7 Mon ami, nous avons reçu cinq lettres de Coblentz, de Trèves

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de Bruxelles; une, entre autres, d'un officier général, homme. d'un vrai mérite, qui toutes s'accordent. C'eft pour nous la lon gueur d'un rigoureux carême ce terme eft bien court pour les Icélérats auteurs de nos malheurs ; encore trouveront-ils à le remplir de quelques nouvelles atrocités. Je ne puis vous dire combien j'ai été fenfible à l'aventure de M. Delaporte, depuis à celle de M. de Briffac & de fa troupe, mon pauvre Scévole y com pris; & quand je penfe à la douleur de notre infortuné maître, je n'y tiens pas, mais je n'ai point de frayeur pour lui: à mefure qu'on lui enlève fa garde vifible, l'invisible eft doublée; & fi quelque malheureux s'armoit pour le frapper, faifi d'aveuglement, il tourneroit fon poignard contre lui-même. Croyez, mon ami, que je ne vous parle pas fans fondement. Ignorans, comme nous le fommes, des détails qui doivent être le produit de ces événemens-ci, nous fommes affurés du fuccès général de la chofe.' Dieu intervient, comme fa majefté, & les loix lui permettent d'intervenir; & dès qu'il s'en mêle, rien ne fe fait à demi. Or, fi Louis XVI n'étoit pas fauvé, rien ne pourroit nous tirer de la confufion dans laquelle nous jetteroit une minorité de plus, Louis XVI eft appelé à régner fagement & glorieusement, à rétablir le culte divin dans toute fa fplendeur; mais il doit être en garde contre un de fes penchans; c'est la clémence. Le royaume, fouillé par tant de crimes, ne peut être purifié que par le fang des criminels: cela regarde la justice; c'est à elle à faire les facrificès. Qu'il fe garde bien d'arrêter le glaive; qu'il réfléchifle aux châtimens qu'ont éprouvés les chefs & les princes des Ifraélites qui ont ménagé des victimes défignées par le feigneur. L'homme ne fait ce qu'il fait, quand il veut épargner ce fang; fa compaffion dégénère en cruauté, dont les gens qu'il a voulu fauver deviennent les objets. Le plus grand bonheur qui puifle arriver à un criminel, eft d'être fupplicié fur la terre, parce qu'on ne paie pas deux fois, & qu'il eft terrible de tomber coupable & impuni dans les mains, ou fous la juftice du Dieu vivant.

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» Mais que de coupables à punir ! J'en vois bien d'autres, mon ami. A Paris tout eft criminel, depuis le falarié à 18 liv. du ma nège, jufqu'au ́rentier qui touche froidement fes rentes, tandis que fon roi, torturé de mille manières, fert d'ôtage à la sûreté de la ville, & de gage de fidélité aux engagemens publics. Cependant les femmes le parent, courent les fpectacles de toutes les espèces, ne refpirent que diffipation, tandis que nous, ternés & profternés, nous appelons la vengeance & la miféricorde. Les femmes de Paris me font odieufes, & je demande pour elles l'entière exécution du deuxième ou troisième chapitre d'Ifaie, dans lequel le prophète dit: Que quand Dieu aula rendu au » peuple fes princes & fes juges, toutes les femmes feront ra» fées». Je demande que la ducheffe de Bour..... foit à la tête, avec la demoiselle d'Auv...., la Larochef...., la Coig...., mon amie, & tant d'autres, en finiffant par les dames de la halle. Ce font les femmes amoureufes de l'indépendance & de la nouveauté, qui ont perdu les hommes; elles mériteroient le fouet; qu'on les rafe, & on obéit à Dieu.

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«La garde parifienne préserve les jours du roi ; mais elle travaille pour elle-même : c'est un roi conftitutionnel, & fon efclave qu'elle garde. Elle feroit défefpérée de voir le defcendant de St.

Louis fur le trône indépendant qu'a laiffé Saint-Louis à fes enfans.

»Paris ayant fon roi pour otage, attendra que les efforts de l'Allemagne viennent le lui arracher, & s'en fera un gage pour fe faire ménager. Quel horrible projet! De quoi menaceront-ils ? Le mettront-ils lui & fa femme fur la brèche

"Paris l'a laiffé dépouiller de fa garde, & mis, pour ainfi dire, Pétion fur le trône.

"Eft-ce affez de ne pas égorger, de ne pas laiffer égorger fon maître? Doit-on fouffrir qu'on l'infulte, qu'on le maltraite & l'hu milie à tout propos? Ah! canaille maudite, qui n'avez ni foi, ni lor, ni d'autres règles que votre intérêt mal entendu ! Dieu me donne foif & faim de la vengeance qui doit tomber fur vous; les éloges que l'on fait de votre fidélité à bien préserver le prifonnier dont vous avez forgé les fers, m'indignent. Je confentirois à être broyé dans un mortier, pour que vous fuffiez châtiés comme vous méritez de l'être.

Je m'échauffe, mon ami; mais le fujet le veut. Paffons à des chofes plus gaies. Croyez-vous que mon bel efprit fait la coqueluche de Coblentz : cela fait pafler des jours très-heureux à mon cadet qui y eft; mais la poésie n'empêche de mourir de faim, ni ceux qu'elle infpire, ni feurs defcendans.

» Mille complimens à madame Mary.

» Si les deux liards vont, donnez le volume à mon fils, qui me le fera parvenir par une occafion.

» Aimez les miens qui vous aiment bien.

» Je vous embraffe de tout mon cœur.

"A propos,

j'ai dit du duc d'Orl.... qu'il avoit tellement fouillé le crime, qu'il en avoit dégoûté pour un fiècle.

Le jour de la Fête-Dieu 1792.

»Il faut tourner la phrafe au dire d'un gourmet, le duc d'Or léans, tellement fouillé, &c.... qu'il en aura,

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Autre lettre.

&c.... ".

Ce 26 juin 1792.

Monfieur, j'ai oui-dire hier dans une fociété compofée de gens dignes de foi, qu'un valet-de-chambre du roi, nommé Rameau ou Ramond, a rapporté que le roi, la reine & madame Elizabeth, avoient gaiement, depuis la journée du 20, fait fauter des cocardes nationales avec ironie, & en mêlant des propos injurieux pour la nation. Que l'intention du roi étoit de s'en aller lorfqu'il auroit l'habit de garde national, &c., & autres abfurdités femblables. Ce valet-de-chambre a tenu ces propos chez le fieur Perthe, tailleur, rue Boucher, & de-là, ils ont circulé jufqu'à la fociété où je me fuis trouvé. Nous avons pensé qu'il étoit bon que vous faffiez inftruit de la moralité de l'homme en queftion, & je me fuis chargé de vous en prévenir. Il nous a femblé qu'un homme comme lui, indifcret ou calomniateur, ne

devoit pas refter plus long-temps auprès de la perfonne du roi; 04 qu'au moins il étoit bon que l'on fût instrait du danger qu'il y

avoit de le conserver.

» Comme je ne voudrois pas faire le rôle de dénonciateur,, que je ne connois en aucune manière le fieur Rameau ou Ramond, & que c'est par attachement pour le roi que je vous donne, cet avis, je vous prie, monfieur, de fupprimer ma lettre quand vous l'aurez lue; & cependant, pour que vous puiffiez croire à la vérité des faits qu'elle contient, je la fignerai.

» TRIPIER, l'aîné, rue Coquéron, no. 5 ».

Autre lettre.

Du 8

"Les Jacobins ont une rage inconcevable; leurs émiffaires tra vaillent le peuple par des motions, par de l'argent; ils emploient tous les moyens pour le foulever.

» La garde du roi eft un prétexte dont ils fe fervent, pout engager le peuple à une infurrection; ils veulent perdre les miniftres. Par-tout les monftres font diftribuer des piques; l'on ne peut. rendre les propos de ces fcélérats fans frémir.

Il est un nombre d'ouvriers qui fe refufent à leurs projets, & qui font leur poffible pour diffuader les autres; il eft question de marcher avec les canons de plufieurs fections, & de commencer la guerre civile; des gardes-françaifes payées, fans doute, à cet effet, foufflent le feu. Il est bien effentiel d'être fur fes gardes, & de veiller fur le pala s; de n'y laiffer approcher perfonne, que de bien connues, auprès du roi & de la reine. Les enragés font capables de tous les crimes i l'on n'avoit pas des hommes qui' barent leurs infames projets, par le peu de force qu'on leur a donné, le coup feroit déjà fait.

"Au moment où j'écris, j'apprends, à n'en pouvoir plus douter, ce que je n'ofois affurer, parce que je n'avance rien dont je ne fois certain, ( ex vifu) ou par des amis qui n'en impofent jamais.

"Le projet des Jacobins eft de détruire la gendarmerie, la' maifon du roi, & de former une garde nationele à leurs ordres ; ils recrutent tous les jours, à raifon de 1 livre 10 fous par jour. L'on eft certain qu'ils ont déjà deux cents hommes de bonnes troupes militaires: c'est un chevalier qui commande, & qui les paie; ils efpèrent, fous peut, monter un corps confidérable.

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Il y a une défertion confiderable dans la troupe du centre; ceux à qui l'on ne veut point donner le congé le prennent.

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11 eft parti des agens jacobites , pour féduire les troupes de ligne, & engager des foldats à venir à Paris avec leur armes & bagages, à raison de 1 livre 10 fous par jour. Bref, ils veulent monter une armée : l'on prétend que les fonds viennent de Londres".

No. 169. Tome 14.

La fuite à l'ordinaire prochain

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