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Sur la nouvelle de la prise de Verdun par les pruriens, les Parisiens croyant déja voir le Roi de prure à leurs portes forment un Camp depuis Clichy jusqu'à Montmartre.

Du camp fous Paris:

On fe rappelle avec quelle ardeur tous les citoyens; tous les ouvriers payés ou non payés travailloient au champ de Mars pour préparer la grande fête de fa confédération des Français; tous les bras étoient en moivement; une activité vraiment civique régnoit par-tout; tout le monde travailloit comme fi de cet ouvrage eût dépendu le falut de l'empire. Dès le moment qu'on eut fait parquer au Temple la race de Louis-Néron, ce fut une gloire & une noble émulation parmi les ouvriers de paliffader le plus promptement poffible l'enceinte de ce tigre enchaîné, de creufer les foffés, de le cerner pour qu'il ne pût s'échapper; leur zèle infatigable fembloit le renouveler fans ceile.

Aujourd'hui les brigands font chez nous, il s'agit de faire un camp qui leur défende d'approcher de Paris; on veut barricader les portes intérieures: pourquoi donc voit-on tant de négligence dans l'exécution de ces travaux, une fi grande tiédeur parmi les ouvriers?

En examinant ces travaux du camp fous Paris, Pilluminé Frédéric Guillaume, ne peut-il pas fe dire: il faut que mon nom ait imprimé bien de la terreur aux Parifiens? Enfermé dans le centre des armées françaises réduit à la plus grande mifère, mangeant des chevaux fourbus, fur le point de demander grace à genoux, je teur fais encore peur, & comme s'il étoit poffible que Pallaffe jufqu'à Paris, ils croient déjà m'avoir fur leurs talons, ils en font aux dernières précautions; fous un roi defpote les Français ont tenu tête à toute l'Europe; nous ne fommes que deux puiflances armées contre la France, & la voilà qui tremble jufque dans l'intérieur de les foyers; après les plus grands revers, ils n'ont jamais cru qu'un ennemi pût pénétrer jufqu'aux murs de feur capitale; aujourd'hui à peine ai-je reçu par trahison une ou deux villes, ils s'imaginent que toute la Lorraine, toute la Champagne, toute l'ile de France font déjà en mon pouvoir.

Sous François premier, deux fois l'Autrichien entra en France par Verdun; Paris n'étoit pas alors plus loin de Verdun qu'aujourd'hui, les Français plus dignes d'euxmêmes, plus affurés de leur courage, n'entourèrent point N°. 169. Tame 14.

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la capitale de lignes & de redoutes, ils marchèrent à l'ennemi comptant bien revenir vainqueurs, & les troupes de Charles renverfées, bloquées, affamées, battues, payèrent bientôt par une fuite honteufe leur folle témé rité. La France république eft-elle moins que la France monarchie?

Il eft vrai qu'auffi-tôt après la reddition de Longwy; ne voyant par-tout que des traîtres dans les agens d'une cour infernale, étourdis de ce coup nous ne pûmes dans ce premier moment de furprife calculer nos forces & nos reffources, & fi l'on peut excufer l'affemblée nationale d'avoir eu peur, voilà fon excufe; mais un peu plus de réflexion & d'expérience fur-tout auroient dû nous faire départir du projet d'un camp fous Paris. Nos ennemis ne nous attaquoient pas; ils fe tenoient toujours à une distance refpectueufe de nos armées même les plus foibles; ils avoient toujours le deffous dans les efcarmouches; on faifoit juftice des traîtres, & il n'y avoit plus de roi que pouvions-nous craindre ?

D'ailleurs, pourquoi ce privilége en faveur de Paris? La capitale eft-elle toute la France? L'affemblee nationale, le pouvoir exécutif, un million d'ames, fi l'on veut y habitent: mais l'affemblée nationale, & le pouvoir exécutif, & le million d'habitans de Paris, feront d'autant plus tranquilles, que l'ennemi trouvera plus d'obftacles loin de Paris. Et nos frères des départemens, & ces bons cultivateurs qui nous nourriffent, ne valent-ils pas autant que nous la peine d'être protégés, défendus par un camp? Ce n'étoit pas à Paris, mais à Meaux ou au-delà qu'il falloit transporter ce camp pour couvrir une immenfe campagne, pour ne pas expofer nos frères à toutes les horreurs de la guerre. On femble ne s'occuper que du camp de Paris: fi celui de Châlons eût été mieux défendu, mieux fourni d'hommes, d'armes & de provifions, Dumourier n'eût pas été obligé d'ordonner aux habitans de cette ville d'en déferter les murs, & d'en couper les ponts. Heureusement l'ennemi n'a pas eu le temps d'y venir.

Une fauffe mesure entraîne toujours de grands maux, & pour le moment, préfent & pour la fuite. On doit fentir que quand même le camp de Paris ferviroit, ce feroit pour la ruine de Paris même. S'il fervoft, c'eft que nos troupes n'auroient pas pu arrêter les Praffiens; c'eft que l'ennemi

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feroit maître de la plus grande partie du terrain entre nos frontières & nous c'eft que toutes les productions du fol feroient à lui, que toutes les campagnes intermédiaires feroient dépouillées & pillées; c'eft que les richeffes de la Brie, de la Champagne, de tous ces départemens fertiles feroient interceptées, & que nous, bloqués par l'ennemi qui affiégeroit Paris, nous ferions bientôt affamés, que toute l'adreffe des brigands couronnés qui nous investiroient, confifteroit à éviter le combat, & à nous laiffer en proie à la faim & à la rage: oui, encore une fois, c'eft hors de Paris qu'il faut défendre Paris: s'il falloit foutenir un fiége, le nombre feul de fes habitans le perdroit.

Paris, à caufe de fa morftrueufe population, a un befoin journalier des productions de la campagne qui l'entouré, & ce fel doit être extrêmement ménagé, parce que fon étendue eft très-circonfcrite, & que fon fonds est trèsmauvais. A peine dans la plus grande étendue du terroir de Paris trouve-t-on fix pouces de terre végétale. Ce camp l'a toute bouleversée dans une longueur immenfe. Qu'on l'eût fitué au milieu d'une bonne terre, après la guerre la bèche, le hoyau & la charrue applaniroient aifément tous ces travaux, remettroient tout à fa place, & cette terre ainfi remuée n'en feroit que plus féconde. Mais au milieu de ce remuement général, que fera devenu le peu de terre productrice qui couvroit la furface de notre maigre campagne? Une partie de notre terroir, fertilifée depuis longtemps à force d'engrais, fera condamnée de nouveau à être long-temps inculte; & ce camp inutile nous fera payer cher les denrées de première néceffité.

Voilà peut-être ce qu'on a fenti, & ce qui caufe le découragement & la tiédeur; c'eft à la convention & à la commune à pefer ces raisons, & à y faire droit, fi elle les croit bonnes.

Les crimes du 10 août dévoilés par les patriotes Suiffes:

Les procès-verbaux du corps législatif, féance du 10 août & fuivantes, devoient fuffire fans doute pour faire connoître à l'Europe les caufes & la nature des événemens de cette nouvelle révolution; mais, comme on dit vulgairement: il n'eft pire aveugle que celui qui refute de voir. Des Suiffes séjournant à Paris, & témoins des

horreurs de la Saint-Laurent, n'ont pu s'empêcher de rendre un hommage public à la vérité des faits, dans un écrit qui circule en ce moment à Paris & par toute la France. P.iffe-t-il pénétrer au fein des montagnes helvétiques, plus ariftocratifées peut-être que Paris luimême la veille encore du 10 août !

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«Garder plus long-temps le filence, difent ces bons » patriotes fuiffes & allobroges réunis, feroit pour nous » un crime: nous devons à la nation française, à nos concitoyens, à l'Europe entière un éclairciffement ». Nous ne ferons qu'extraire les circonstances les moins connues qu'on trouve dans cette feuille, intitulée : Les Crimes du 10 août dévoiles par les patriotes fuiffes, & les efforis qu'ils ont faits pour les prévenir, avec cette épigraphe heureufe:

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Ce qu'on pourroit traduire proverbialement ainsi :

Par cet échantillon, amis, jugez du reste.

Les patriotes Suiffes remontent d'abord jufqu'au 14 juillet 1789, & prouvent que le fyftême foutenu de la cour & des officiers fuiffes a été de mettre les foldats aux prifes avec le peuple.

<< Lacolombe, (difent-ils entre autres anecdotes ) La» colombe, aide-de-camp de Lafayette, ne fut-il pas » dans les cafernes des Suites, de la part de fon maître, » pour les menacer des forces de la capitale, s'ils n'o » béiffoient pas aveuglément à leurs chefs ».

C'étoit ici la place de rappeler les voyages incognito de Médicis-Antoinette à Courbevoie & à Ruelle pour animer par fa préfence, par fes promeffes & des pourboires, les foldats fuiffes à exécuter ponctuellement les ordres de leur état-major.

Aucun moyen, continuent-ils, n'a été épargné. Le » pape lui-même a fervi d'inftrument. Une bulle incen»diaire a été lue dans les églifes & commentée par » des prêtres fanat ques qui dio:ent hautement que les

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