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à leur aise, aux yeux de la postérité, de la plus insigne mauvaise foi par cette foule de libelles antinationaux qui, pour venger l'humanité, seront immortels comme la bible de Jacques Clément. Laissez-les se vautrer dans la fange impure de leurs sales compositions. Passez auprès d'elles comme le bloc de glace passe sans se fondre à côté du feu que les enfans allument sur la rive. Mais gardez de vous plaindre de leurs écrits, et voyez que c'est de leur part un attentat oblique contre la liberté de la presse; et c'est pour arriver jusqu'à elle qu'ils chercheront à corrompre vos mœurs; ils savent que, où règne la liberté de la presse, la liberté de la nation est toujours vierge: voilà pourquoi ils voudroient la détruire. Mais ils savent aussi que la pureté des mœurs, unique conservatrice de la liberté de la presse, assigne à chaque ouvrage la place qui lui convient; et voilà pourquoi les mœurs seront les premiers objets de leur attaque. En effet, chez une nation libre et vertueuse, quel homme oserait écrire ce que le dernier citoyen rougiroit de faire? Où les moeurs exercent la censure, il n'est bientôt plus de livres dangereux. Quand l'opinion publique a la vertu pour base, laissez sans crainte au pervers le droit d'écrire ce qu'il voudra: cette impunité est la plus grande des punitions. Nul homme n'a le droit d'empêcher un autre homme d'écrire, de publier ce qu'il lui plait; mais tout homme a le droit d'être fermé dans les principes du bien et si tous s'accordent dans la sévérité de leur pratique, que devient l'ouvrage licencieux ? Les livres n'ont de droit sur les mœurs que celui que l'homme leur concède; mais les mœurs ont un droit sur les livres qu'ils ne peuvent éviter.

Ainsi, dans une république où tout se meut en bien, la liberté d'écrire en mal n'est plus qu'une chimère. De là, par la pureté des mœurs, & peuple français vous vous conserverez la liberté de la presse, ce rempart de votre liberté nationale; et

sans qu'ils s'en doutent vous l'ôterez à vos ennemis cela vaut la peine d'y penser.

Les devoirs envers la patrie, voilà, peuple français, le premier chapitre du livre des moeurs. Le premier de ces devoirs est de lui consacrer votre temps, vos forces, votre génie. Toutes les portes de son service vous sont ouvertes; mais la théorie même de ce service vous est nouvelle. Où en retrouveriez-vous la trace, vous peuple qui ne trouveriez pas dans l'histoire une révolution aussi auguste que la vôtre ? Croyez-vous qu'une autre étude vous soit maintenant permise? Če vaste amas de loix, d'erreurs, de préjugés que quatre mille siècles amassèrent avec orgueil, s'est évanoui devant vous. Le 14 de juillet fut pour vous le jour de la création du monde. Etudiez donc la propriété des semences qui doivent fertiliser ce monde nouveau. L'ignorance des ressorts de l'administration, cette ignorance, dont l'heureux partage garantissoit jadis l'artisan modeste, le laboureur timide, de la douleur d'appré cier les manoeuvres perfides des satrapes de la France, cette ignorance aujourd'hui seroit un crime pour eux. Un jour, le salut d'une famille infortunée, d'une cité, d'un canton, de l'empire peut-être, dépendra d'eux; et se trouveroit-il maintenant un Français assez vil pour apporter dans les places une ineptie capable de rappeler à l'esprit le temps odieux de la vénalité des charges? Votre constitution, voilà, peuple français, l'unique science que vous devez approfondir! On sait tout quand on sait répondre à toutes les demandes que la patrie peut nous faire. Cette science amènera, ennoblira vos délassemens; c'est par elle que vous connoîtrez tous les charmes de la fraternité, tout l'enthousiasme des dévoùmens, et sur tout la douceur de former aux vertus cette génération naissante, dont la félicité vous a coûté tant de travaux, et que vous devez rendre assez grande pour sentir vos bienfaits. Et puisqu'il existe encore des hommes en France amoureux des distinctions, mettez entre leurs mœurs et les vôtres

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une si grande distance, qu'on les reconnoisse att premier coup d'oeil, et qu'on ne les confonde jamais avec le peuple français.

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Sur un mandement de l'évéque de Nancy.

Quelques-uns de nos parlemens se débattent encore au milieu des décombres de l'ancien ordre judiciaire, et le haut clergé, qui veut aussi mourir avec éclat, cherche à attiser le feu de la guerre civile avec des mandemens fanatiques. L'évêque de Nancy vient d'en donner un de sa façon au sujet des troubles qui ont affligé la capitale de son diocèse. La forme de ce mandement tranche singulièrement avec les principes de la révolution. Le prélat y prend le titre d'évéqué, par la grace du saint siege apostolique, conseiller du roi, primat du duché de Lorraine, etc. Le frontispice est décoré de deux larges cartels où sont tous les attributs de l'épiscopat, crosse, mitre, chapeau couronne, franges, cordons, croix, avec les armes et légende. Ces armes sont trois torches enflammées, et la légende lux nostris hostibus ignis.

Cet étalage, ridicule autant que contraire aux décrets de l'assemblée nationale qui proscrivent les armoiries est autres attributs féodaux, est parfaitement dans les principes de l'abbé de la Fare. Ce petit prélat, tout bouffi de vanité et d'arrogance, s'est essayé aux affaires publiques dans la place d'élu général de la ci-devant province de Bourgogne. Il a été absolument nul dans cette place; et l'on ne se seroit pas apperçu de son existence à l'assemblée nationale, sans quelques discours dans la cause du clergé, ouvrages de l'un de ses grands vicaires. On se rappelle la gradation insultante qui terminoit le sermon qu'il prononça dans l'église de Saint-Louis de Versailles, avant l'ouverture des états-généraux. Dieu qui protégez l'empire français, recevez les vœux du clergé, les prières de la noblesse, ET LES HUMBLES SUPPLICATIONS DU TIERSÉTAT! Quelle impudence! heureusement les temps sont bien changés!

De

De l'influence des habits bleus sur la révolution:

Le costume ecclésiastique occupa un moment l'assemblée nationale, et si l'on y décréta sa conservation, ce ne fut point à l'unanimité: plusieurs membres opinoient pour l'interdire aux prêtres hors de leurs fonctions. Les intéressés n'assitèrent pas de sang froid à ce débat. Is prévoyoient que les dépouiller de leurs habits de caractère, c'étoit leur enlever le seul point de rallîment qui leur restoit, et dont ils pouvoient tirer parti dans l'occasion. C'étoit détruire l'une de ces petites causes qui produisent de grands effets; c'étoit ôter à l'esprit de corps un des puissans moyens de se perpétuer. En un mot, c'étoit priver le clergé d'une ressource pour se maintenir toujours un ordre, en dépit de l'opinion publique et des décrets. L'assemblée nationale, effrayée ap paremment du nombre des mécontens que chacune de ses réformes grossissoit de jour en jour, crut devoir laisser cette petite satisfaction à une corporation d'Hommes, accoutumés cependant à profiter de tous leurs, avantages. Puissions - nous n'avoir pas bientôt sujet de nous en repentir!

L'uniforme militaire de la garde nationale, vient aussi de fixer un instant les regards de l'assemblée, qui n'a pas dédaigné à ce sujet de descendre aux détails les plus minces, et qui décréta jusqu'au mode du bouton,

C'étoit plutôt ici le cas de faire main-basse sur un Costume que les bourgeois aisés de la capitale (et non les citoyens) imaginèrent, sans prendre l'avis de leurs représentans, et sans consulter l'opinion publique, laquelle, depuis les premiers jours de la révolution, applaudissant à la prise d'armes, désapprouva constamment Tendossement des habits bleus.

Le général fut dans le temps l'un des plus ardens moteurs de l'uniforme parisien. Alors peut-être on pouvoit poser en question les avantages ou les inconvéniens de cet habit. Une expérience dune année nous met à même aujourd'hui de prononcer pour ou contre.

Quant aux avantages, on conviendra sans peine que la révolution n'est point due à l'habit, dit national. Elle étoit faite le soir du 14 juillet, et elle fut consolidée les 5 et 6 octobre, sans en être redevable aux habits D

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bleus, qui se laissèrent entraîner à cette seconde insurrection par leurs concitoyens sans uniforme.

Les deux plus brillantes époques de notre histoire sont donc l'ouvrage du peuple français dirigé par l'opinion, et ne portant pas encore la livrée de Mars.

Le jour d'une revue, il est agréable à l'œil de voir un bataillon parisien, vêtu d'un beau drap bleu de roi, et rivalisant le plus beau régiment de France sous l'ancien ministère.

Des groupes de citoyens, n'ayant d'autre signe de ralliment que la cocarde parisienne et le mot de l'ordre, n'offroient pas un coup-d'oeil aussi brillant, quand on les rencontroit pendant le mois qui suivit le 14 juillet, marchant en silence le long des rues de la capitale, faisant halte dans les carrefours, et se pénétrant des devoirs d'hommes libres, dont ils commençoient l'apprentissage.

C'est dans ces premiers jours de la révolution que nous étions véritablement tous frères. Les citoyens de Paris se gardant eux-mêmes ne formoient pas encore ce qu'on appelle aujourd'hui l'armée parisienne. Les citoyens, sous les armes, n'étoient pas encore divisés. en grenadiers, fusiliers et chasseurs. Il n'y avoit pas encore d'épaulettes, ni de panaches, de hausse-cols, ni de retroussis (1). Des dragonnes d'or n'étoient pas suspendues au pommeau ciselé de nos sabres élégans. Il n'y avoit point d'état-major, point d'aides de camp. Les patrouilles mettoient à leur tête, non pas l'individu le plus riche ou le plus vain, mais le patriote qui montroit le plus d'ardeur, ou qui avoit quelque expérience. L'artisan, en habit de travail, portoit sans rougir le mousquet à côté de son voisin, vêtu selon ses moyens ; le pauvre marchoit de front et sur la même ligne avec le riche. L'égalité étoit dans toute sa ferveur.

Les officiers de ligne, ces suppôts actifs du despotisme, tentés de rire à la vue de cette bigarrure de vêtemens, étoient bientôt rappelés à un autre sentiment,

(1) Malheur au corps législatif qui se compromet par des dispositifs ridicules et prêtant à la plaisanterie! On se doute que nous voulons parler des deux mots constitution et liberté, qu'un décret ordonne de tracer sur les retroussis de l'uniforme national.

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