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nayant peu de confiance en leur parole, fit mettre à la mer deux frégates sous le commodore W. Walpole, avec ordre de suivre les transports et d'empêcher leur débarquement en Portugal, à Terceira, et sur tout autre point où ils pourraient commettre des hostilités. En effet, les Portugais arrivés le 16 janvier devant l'ilede Terceira y trouvèrent à l'entrée du port le commodore Walpole qui leur barra le passage, et comme le bâtiment qui portait le général Saldanha continuait à manœuvrer pour entrer dans le port, le commodore Walpole lui fit tirer un coup de canon à boulet qui tua un homme de sa chaloupe et en blessa un autre. Le général Saldanha étant forcé d'amener, le commodore lui fit demander par un de ses officiers dans quel but il abordait l'ile; à quoj le général répondit qu'il avait l'ordre de sa souveraine de conduire à l'ile Terceira gouvernée en son nom et occupée par ses troupes, une partie des Portugais qui avaient passé volontairement en Angleterre, et qu'il exécuterait ses ordres à ses risques et périls; à quoi le commodore répliqua qu'il avait aussi ses ordres de ne pas le laisser passer à Terceira ni dans aucune des Açores, ni même de le laisser dans le voisinage, et qu'il emploierait la force au besoin pour l'empêcher; le général Saldanha se rendit ensuite lui-même à bord de la frégate du commodore et protesta contre ce qu'il appelait une violation du droit des gens, lui déclarant qu'obligé de céder à la force il se regardait lui et ses gens comme prisonniers de guerre. De son côté, le capitaine Walpole déclinant toute autre justification, lui laissait la liberté de suivre avec son expédition telle direction qu'il lui plairait, mais sous l'escorte des deux frégates anglaises, aussi loin qu'il lui semblerait nécessaire d'après ses instructions. Enfin, après bien des pourparlers, le général Saldanha se décida à quitter la rade de Terceira et à annoncer au capitaine Walpole que son intention était de se diriger vers la France. Les transports reprirent en effet la mer dans cette direction suivis des deux frégates du commodore Walpole qui les quitta le 26 janvier au matin, à la hauteur du cap Finistère, pour retourner à sa station de Terceira; et les quatre bâtimens entrèrent le 30 janvier dans le port de Brest où les réfugiés portugais reçurent les secours d'une génércuse

hospitalité (r). Le récit et la protestation que le général Saldanha fit publier en débarquant firent grande sensation en France, et surtout en Angleterre où le ministère, attaqué vivement à ce sujet dans le parlement (Voyez chapitre suivant), avoua hautement les ordres qu'il avait donnés au commodore Walpole, et soutint qu'il ne s'était point écarté en cela des règles de la plus stricte neutralité; d'ailleurs il ne prétendait pas épouser pour cela la cause de don Miguel, et rappelait que ses traités avec le Portugal n'obligeaient l'Angleterre à intervenir que contre une agression étrangère.

Cependant Don Miguel ne tira pas moins avantage de cette circonstance, comme si c'était un préliminaire de la reconnaissance qu'il sollicitait avec tant d'instance.

Ces tentatives faites à l'extérieur et à l'intérieur pour le renverser, les proclamations répandues contre lui jusqu'aux portes de son palais malgré la surveillance et les rigueurs de la police, augmentèrent encore l'irritation des partis. La commission de Porto reçut ordre de presser le jugement de tous les individus compromis dans l'insurrection de 1828, et plusieurs d'entre eux furent exécutés ou envoyés aux galères; mais un décret ordonna de mettre en liberté les soldats dont tout le crime était de ne pas avoir rejoint leurs corps (17 mars). On semblait vouloir ménager les classes inférieures mais dans la bourgeoisie les arrestations se multiplièrent et s'étendirent à plusieurs femmes de distinction soupçonnées d'entretenir des correspondances avec les réfugiés. On institua des cours prevôtales dans les provinces pour satisfaire plus promptement des veangeances de parti; ce qui n'empêcha point le peuple de se porter à des excès envers les détenus, comme il arriva à Villa Viciosa où soixante-dix officiers et bourgeois que l'on conduisait de Lisbonne

:

(1) Comme ils se trouvaient sans ressources, ils sollicitèrent des secours da gouvernement qui les fit placer dans des cantonnemens, où ils recurent une solde régulière à raison de 3 fr. par jour pour les officiers, et de 1 fr. pour les sous-officiers et soldats, jusqu'au mois d'octobre. Mais le nouveau ministre en fit embarquer une partie pour Ostende, et répartir le reste dans diverses provinces où on devait continuer les secours dont ils jouissaient depuis le mois de janvier, du moins à ceux qui seraient reconnus en avoir besoiu.

L

* au fort d'Elvas, furent tués ou blessés mortellement dans une émeute * suscitée par les moines à leur passage; atrocités souvent renouvelées et toujours impunies.

Les journaux du temps sont remplis d'anecdotes plus ou moins fondées, mais qui donnent la plus affreuse idée de la situation du Portugal à cette époque, et de l'effet de l'esprit de parti dans la plus haute classe. On a dit que don Miguel, soupçonnant sa sœur Isabelle, l'ex-régente, d'entretenir une correspondance avec les réfugiés portugais, agens de don Pedro, et de leur faire parvenir de l'argent, était entré dans l'appartement de la princesse pour lui demander des éclaircissemens, et qu'il s'était emporté jusqu'à lui tirer un coup de pistolet, dont la balle était allée frapper un domestique. Don Miguel, pour démentir cette anecdote, affecta de se montrer avec sa sœur aux solennités de la semaine sainte; mais on n'en persista pas moins à croire à la réalité du fait. Tout ce qui ne partageait pas la violence de ses haines lui était odieux.

C'est vers ce temps aussi (18 mars) que M. de Silva, consul-général du Brésil en Portugal, reçut l'ordre de quitter le royaume sous prétexte qu'il était impliqué dans toutes les intrigues révolutionnaires.

Au milieu de ces embarras de l'intérieur, le gouvernement de don Miguel s'occupait des préparatifs d'une expédition destinée contre Terceira. Quelques bâtimens avaient commencé par établir une espèce de blocus devant cette île, et deux divisions étaient déja débarquées à Saint-Michel, point de réunion des troupes destinées à cette entreprise; la troisième mit à la voile, le 16 juin, à bord de deux frégates, deux corvettes et plusieurs bâtimens inférieurs, et arriva heureusement comme les deux autres à SaintMichel, d'où elles devaient se porter ensemble sur Terceira...

De leur côté les conseillers de la jeune reine en Angleterre n'avaient pas perdu de vue le projet de secourir cette île; et, malgré la croisière du commodore Walpole et le blocus de don Miguel, ils y avaient envoyé des armes et des munitions. Le comte de Villaflor, se dévouant lui-même à la défense de cette île, en accepta le commandement sous le titre de capitaine général, et réussit à y

débarquer (le 22 juin) avec quelques soldats qui avaient déja servi sous lui dans sa campagne contre le marquis de Chavès, et dont il fit le noyau d'un bataillon de volontaires de Dona-Maria. On voit dans la proclamation qu'il adressa en arrivant (23 juin) aux habitans des Açores, qu'il y avait des divisions dans l'île, et qu'il ne comptait pas absolument sur le dévouement de la population pour la cause de dona Maria; mais il n'en mit que plus de zèle à organiser ses moyens de défense. La junte, composant le gouvernement provisoire de l'île, lui remit ses pouvoirs ; il passa la revue de ses troupes évaluées à 2,000 hommes, auxquels il donna un drapeau brodé des mains de la jeune reine; il fit placer des batteries sur les points abordables, et attendit l'ennemi.

L'expédition réunie à Saint-Michel, à la fin du mois de juin, y resta plus d'un mois sans se mettre en mouvement. On a attribué ce retard à des dissentimens qui se manifestèrent entre l'amiral Rosa, chef de l'escadre, le colonel Lemos, commandant des troupes de débarquement, et l'amiral Prego, nommé gouverneur des Açores, qui prétendait avoir en cette qualité, la direction suprême de l'expédition, ce qui força les contendans de renvoyer à Lisbonne demander de nouveaux ordres. Le ministre de la marine, comte de Basto, parent de Prego, fit décider la chose en sa faveur, et celui-ci, investi de toute l'autorité, changea le plan d'attaque, et en substi Lua uu nouveau dont le résultat ne fut pas heureux.

Le 29 juillet, l'escadre migueliste, composée d'un vaisseau de ligne (le Jean V1), trois frégates, quatre corvettes, six bricks et quatre transports marchands, ayant 3,500 à 4,000 hommes de troupes à bord, se présenta devant l'île de Terceira déja bloquée par deux bricks, et se tint en vue du port pendant douze jours dans l'attente d'une révolution prochaine ou d'un soulèvement des habitans, que des émissaires avaient annoncé.

Cette espérance déçue, l'escadre s'approcha de l'île, le 11 août, a la pointe du jour, du côté de l'anse Saint-Mathieu, qu'elle trouva trop bien fortifiée pour y tenter un débarquement, et ensuite de Ja baie de Villa-da-Praïa où elle entra sans opposition, et débarqua à la fayeur d'un brouillard épais qui cachait ses mouvemens, une

première brigade de 1,000 à 1,200 hommes. Le brouillard s'étant dissipé, le feu s'engagea des deux côtés des forts, des batteries et des vaisseaux. La colonne migueliste, quoique assaillie en front et sur ses flancs, n'en poussa pas moins vigoureusement sur le fort du Saint-Esprit, d'où elle parvint à déloger le bataillon des volontaires de Dona-Maria; mais l'avantage ne fut pas de longue durée. Ceux-ci encore maîtres d'une crête de rochers qui domine le fort, continuèrent le feu; d'autres troupes, arrivées de Villa-da-Praïa avec huit pièces de canons, coupèrent les communications de la flotte avec ce détachement qui se trouvant bloqué sans espoir de secours, ayant perdu son commandant (le lieutenant-colonel Azeredo) et beaucoup de monde, se rendit et prit même parti dans les troupes de Villaflor.

L'amiral tenta un second débarquement sur la droite de la baie; mais l'artillerie de campagne que Villaflor y fit porter, ayant coulé la première des embarcations, les autres, effrayées de la violence du feu des batteries, de la multitude d'ennemis qui se présentaient sur la côte, des cris de victoire, et de la hauteur de la marée, n'osèrent aborder. L'amiral rallia ses bâtimens et disparut à la faveur de la nuit.

Tel fut le résultat de cette expédition préparée à grands frais, qui coûta environ 1,000 hommes tués, noyés ou prisonniers (1), et dont les bâtimens rentrèrent en mauvais état à Lisbonne, surtout le Jean VI.

Le général de Villaflor publia ensuite une proclamation, dont le but était de soulever les îles voisines; mais sans effet: les chefs de l'expédition manquée avaient eu soin de renforcer les garnisons.

Il est remarquable, qu'au moment où la troisième division expéditionnaire quittait Lisbonne (le 15 juin), l'empereur don Pedro instituait une régence composée de trois membres (le marquis de Paimella, le comte de Villaflor, D. J. Ant. Guerreiro), pour administrer le royaume de Portugal et des Algarves au nom de dona

(1) Le rapport, publié dans la Gazette de Lisbonne avoue 473 tués os plessés.

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