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forcée, dispose-t-il : « Quel que soit le mode d'aliénation, l'ordre ne peut être provoqué s'il y a moins de quatre créanciers inscrits. » C'est au nombre des créanciers, d'après cela, qu'il faut avoir égard, et non pas au nombre des créances; et nous estimons qu'il ne faut compter que pour un tous les cohéritiers ou co-intéressés compris dans la même inscription (1). Il serait ridicule de faire une procédure d'ordre quand il n'y a qu'une seule inscription prise au nom de quatre personnes.

<< Après l'expiration des délais établis par les art. 750 et 772, la partie qui veut poursuivre l'ordre présente requête au juge spécial, et s'il n'y en a pas, au président du tribunal, à l'effet de faire procéder au préliminaire du règlement amiable, dans les formes et délais établis en l'art. 751. » L'ordre amiable doit donc toujours être tenté; car, moins il y a de créanciers, et plus il a chance d'aboutir. Mais s'il n'aboutit pas, ce n'est plus la procédure de l'ordre judiciaire qu'il faut suivre. « A défaut de règlement amiable, la distribution du prix est réglée par le tribunal jugeant comme en matière sommaire, sur assignation signifiée à personne ou à domicile, à la requête de la partie la plus diligente, sans autre procédure que des conclusions motivées. Le jugement est signifié à avoué seulement, s'il y a avoué constitué. En cas d'appel, il est procédé comme aux art. 763 et 764. » (Art. 773, § 3 et 4.)

Il résulte clairement du dernier paragraphe de l'art. 773, qu'en cas d'appel la procédure à suivre devant la cour, quand l'ordre a été réglé directement par le tribunal, est absolument la même que celle qui s'observe quand il s'agit de l'ordre ordinaire. Mais devant le tribunal de première instance, il en est tout autrement. Rien n'autorise ici l'application des règles écrites dans l'art. 762, auquel l'art. 773 ne renvoie en aucune sorte. Point de rapport obligé du juge, par conséquent pas de conclusions obligées non plus du ministère public, à moins que l'affaire ne soit communicable pour une autre cause. Nulle obligation pour l'avoué poursuivant de signifier le jugement dans les trente jours de sa date; nul motif pour écarter l'opposition (2) ou la jonction du défaut, ni pour écarter la règle Nul ne se forclot soi-même; nulle raison non plus pour restreindre le délai de l'appel à dix jours, ni pour déclarer nul l'appel signifié au domicile réel de l'intimé au lieu de l'être à son avoué (3), ou qui ne contiendrait pas l'énonciation des griefs

(1) C'est l'opinion de tous les auteurs. V. Chauveau, quest. 2614. (2) Aix, 4 août 1871 (D. P. 71. 2. 103).

(3) Cass., 16 juillet 1866 (D. P. 66. 1. 324. - S. 66. 1. 428. - P. 66. 1172).

Nous n'ignorons pas que, sur la plupart de ces points, il a été rendu beaucoup d'arrêts en sens contraire; mais ces arrêts sont, à nos yeux, des erreurs évidentes. Ils ont eu le tort, qui n'est pas mince, d'avoir méconnu cette règle écrite dans le code de la logique et du bon sens: Exceptio firmat regulam in casibus non exceptis. Si, en appel, l'opposition est irrecevable, c'est que la loi a supposé le procès bien élucidé déjà et bien préparé par le jugement de première instance. Mais quel danger n'y aurait-il pas à fermer l'opposition contre un jugement qui aurait pu être rendu complétement à l'insu de l'une des parties! car l'art. 773 n'exige nullement que l'assignation soit donnée par huissier commis, et l'art. 750 ne prescrit de commission d'huissier que pour les sommations de produire, précisément parce qu'elles entraînent des déchéances rigoureuses.

SECTION VI

DE L'EFFET DES OMISSIONS OU NULLITÉS COMMISES DANS LA PROCÉDURE D'ORDRE

C'est un point très-délicat et très-important que celui de savoir quelles sont les conséquences des omissions ou nullités commises dans la procédure d'ordre, quand elles n'ont jamais été couvertes. Est-ce à dire que l'ordre devra être refait en entier? et, si l'ordre est maintenu, qui devra supporter les conséquences de l'omission ou de la nullité? Refaire toute la procédure d'ordre nous paraît une chose impossible et tout-àfait contraire à l'esprit du Code, et encore plus de la loi de 1858, qui veulent que les nombreux intérêts engagés dans les procédures d'ordre ne restent pas trop longtemps incertains. Mais alors contre qui le créancier lésé par l'omission ou la nullité devra-t-il se pourvoir? Sera-ce contre le créancier ou les créanciers derniers colloqués en rang utile ou contre le poursuivant, ou enfin contre l'adjudicataire?

Autoriser un recours quelconque contre les créanciers colloqués les derniers en rang utile, nous paraît contraire aux principes généraux du droit, puisque ces créanciers n'ont jamais contracté aucune obligation personnelle vis-à-vis des créanciers omis ou mal appelés; ces derniers ne peuvent donc avoir que l'action hypothécaire contre l'adjudicataire, ou l'action en dommages contre le poursuivant ou toute autre personne qui aurait commis l'omission ou la faute dans le cours de la procédure. Qu'ils aient dans tous les cas ce dernier recours, la chose est pour nous évidente; car, en cas d'opposition d'intérêts, il n'y a pas d'hésitation possible entre une personne qui n'a commis aucune faute et une autre qui en a commis quelqu'une : c'est évidemment celle-ci qui doit supporter toutes les conséquences fâcheuses de sa faute, même très-légère.

La seule question délicate est donc, à nos yeux, celle de savoir si le créancier omis ou mal appelé ne conserve pas son action hypothécaire contre l'adjudicataire, sauf à celui-ci son recours, en supposant qu'il en existe d'utile, contre les auteurs de l'omission ou de la mauvaise procédure. Il est certain pour nous qu'un droit quelconque ne peut disparaître que par l'une des causes d'extinction réglées par la loi; or, nous ne trouvons dans la loi aucun texte qui dise que la clôture de l'ordre éteint par elle-même les droits réels. La clôture de l'ordre amène, il est vrai, la radiation de tous les créanciers non produisants ou non utilement colloqués, mais la loi n'a évidemment en vue que les créanciers valablement sommés. Nous estimons donc finalement que ceux-ci peuvent poursuivre l'adjudicataire par l'action hypothécaire, à moins que celui-ci, légalement subrogé qu'il est aux droits de tous les créanciers qu'il a payés, ne prouve clairement que l'action hypothécaire ne peut avoir contre lui d'effet utile et ne constitue qu'une pure tracasserie.

SECTION VII

DE L'INFLUENCE D'UN ORDRE CLOS SUR UN ORDRE OU UNE
DISTRIBUTION ULTÉRIEURS

Quand un créancier a été colloqué dans un ordre sans aucune réclamation de la part des créanciers postérieurs ou du saisi, ce n'est pas à dire que ceux-ci soient obligés de lui reconnaître le même rang ou les mêmes droits dans un ordre subséquent. Les créanciers postérieurs peuvent n'avoir pas réclamé, soit parce qu'ils n'espéraient pas, même en réclamant, qu'il pût rester des deniers pour eux, soit parce qu'ils avaient l'espoir d'être payés ailleurs. Le saisi pareillement peut avoir gardé le silence parce qu'il n'attendait en aucun cas de reliquat. Mais l'intérêt à réclamer peut se faire sentir vivement dans une autre distribution, et la réclamation ne peut alors être écartée comme irrecevable. Il ne saurait y avoir chose jugée, puisque la difficulté n'a pas même été soulevée dans le premier ordre; et il n'y a pas non plus d'acquiescement absolu, mais seulement une sorte d'acquiescement partiel restreint au prix alors en distribution.

Le silence des créanciers dans le premier ordre doit donc produire seulement le même effet que s'ils n'y avaient pas produit du tout, cas auquel il est certain que leurs droits pour une autre distribution demeurent saufs; et le silence du saisi, qui est communément celui qui a le moins d'intérêt à contester, ne doit pas produire plus d'effet que celui des créanciers.

Il n'existe donc pour nous de difficulté que lorsqu'une contestation a été jugée dans un premier ordre, et qu'une autre, absolument semblable, s'élève dans un nouvel ordre entre les mêmes personnes. Nous avons enseigné ci-dessus, page 68, que, dans ce cas-là même, l'autorité de la chose jugée n'existe pas à nos yeux, l'objet du litige nous paraissant différent. L'autorité de la chose jugée ne nous semblerait exister que s'il y avait eu débat entre les mêmes personnes, non pas seulement sur le rang, mais sur l'existence même de la créance.

Quand un ordre a été fait entre les créanciers inscrits sur un immeuble, il n'y a pas lieu, du reste, de le réputer non avenu si l'adjudicataire ne remplit pas ses obligations et qu'il y ait lieu à folle-enchère. L'art. 779 dispose en effet : « L'adjudication sur folle-enchère intervenant dans le cours de l'ordre, et même après le règlement définitif et la délivrance des bordereaux, ne donne pas lieu à une nouvelle procédure. Le juge modifie l'état de collocation suivant les résultats de l'adjudication, et rend les bordereaux exécutoires contre le nouvel adjudicataire. » Cette ordonnance rectificative est évidemment susceptible d'opposition dans les délais et formes réglés par l'art. 767.

Le plan de notre ouvrage ne nous permet pas de plus grands développements sur une procédure importante, où sont engagés des intérêts habituellement considérables, et que les auteurs de la loi de 1858 nous semblent avoir, dans son ensemble, sagement réglée.

CHAPITRE X

De l'emprisonnement.

Avant la loi du 22 juillet 1867 qui a aboli la contrainte par corps en matière civile et commerciale, l'emprisonnement était un mode d'exécution fréquemment employé, et que le Code de procédure avait réglementé avec sagesse. Aujourd'hui ce mode d'exécution est devenu extrêmement rare, puisqu'il n'existe plus que dans les matières criminelles pour le recouvrement des amendes, dommages-intérêts et frais auxquels les auteurs d'un méfait puni par les lois pénales ont été condamnés. La manière d'exercer la contrainte se trouve réglée pour ce cas par les art. 2 et suiv. de la loi du 22 juillet 1867, que nous jugeons inutile de reproduire vu la rareté d'application de ces textes. Nous nous bornons à constater que la loi de 1867, art. 18, ne prononce l'abrogation des lois antérieures relatives à la contrainte par corps que pour les matières qu'elle a elle-même réglées, d'où résulte cette conséquence très-importante, que le titre de l'emprisonnement dans le code continue d'être la loi régulatrice de ce mode d'exécution, pour tous les cas dont la loi de 1867 ne s'est pas occupée.

CHAPITRE XI

Des référés.

Le Code de procédure termine le livre V de la première partie, consacré aux procédures d'exécution, par un titre bien court, mais dont l'importance est bien grande: c'est celui des référés. Que de services, dans les grandes villes surtout, ne rendent pas à la société les magistrats chargés de cette fonction importante! Que de secrets par eux protégés, que d'intérêts sauvegardés, que de familles sauvées! Ce n'est pas ici seulement le juge de paix qui parle, c'est l'homme sage qui conseille, et ses conseils ont presque autant d'autorité que ses jugements. C'est aux présidents des tribunaux civils que la loi confie cette délicate mission (1).

Les art. 806 et 807 C. pr. disposent à cet égard : « Dans tous les cas d'urgence, ou lorsqu'il s'agira de statuer provisoirement sur les difficultés relatives à Rexécution d'un titre exécutoire ou d'un jugement, il sera procédé ainsi qu'il va être réglé ci-après (806): l'affaire sera portée à une audience tenue à cet effet par le président du tribunal de première instance, ou par le juge qui le remplace, aux jour et heure indiqués par le tribunal (807).» Il n'y a donc pas d'autre juge des référés que le président du tribunal civil ou le juge qui le remplace (2).

Les juges de paix d'abord ne peuvent jamais être saisis en référé: cela fut expressément reconnu dans les Chambres, lors

(1) Un édit du mois de juillet 1685, qui permettait au lieutenant civil du Châtelet de Paris de régler provisoirement les différends des parties dans plusieurs cas déterminés par l'art. 76 de cet édit, a servi de type à notre juridiction des référés.

(2) Nous ne pensons pas que ce juge soit obligé, à peine de nullité, de mentionner l'empêchement du président, qui nous semble se présumer naturellement. Il y a pourtant de nombreux arrêts en sens contraire. V. Chauveau, quest. 2754 ter, et Supp.

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