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quatre heures : c'eft fort bien; mais pourquoi leur chef; prifonnier de guerre dans les tours du Temple, eft-il encore à être jugé ? Pour appaifer notre jufte mécontentement, voilà que vous vous entourez de gardes, comme fi Paris étoit pour vous ce que Coblentz trop long-temps a été pour nos frontières. Cette conduite de votre part n'eft pas raffurante : nous nous attendions à plus de fraternité.

Votre commiffion des neuf & votre comité militaire vous font dire par Buzot que cette garde confervera l'unité & fervira de lien moral.... Légiflateurs! l'inverfe eft bien plus vraisemblable. Si Buzot a déjà pour lui fon département, ne comptez pas de même fur toutes les autres fections de la république; craignez au contraire d'avoir jeté au milieu d'elles une pomme de difcorde : nous en favons plus d'une qui au lieu de vous en

voyer des gardes, fe propofent de vous dire, dans une adreffe rédigée par des hommes libres Mandataires du peuple, ne vous êtes-vous hâtés de déchirer la pourpre royale que pour vous en diftribuer les lambeaux ?

Terminons cet article, dans lequel nous craignons d'avoir donné trop d'importance à un projet de loi dont l'abfurdité faute aux yeux, par redire à nos frères des départemens que l'intention de Paris n'eft pas de prendre un afcendant quelconque fur le refte de la France; encore moins, quoi qu'en dife Buzot dans fon infidieux rapport, de fe ménager une influence quelconque fur la convention, Fidèle aux principes, Paris n'a pas oublié qu'il n'eft que l'un des quatre-vingt-trois départemens, quoiqu'il forme à lui feul la vingt-cinquième partie de la population de la France; Paris fait très-bien que les représentans de toute une nation, fourds aux confidérations locales, ne doivent faire des loix que pour la nation entière.

Mais Paris fait auffi toutes les imputations calomnieufes qu'on ne ceffe de hafarder contre lui, pour aliéner les autres départemens, & rompre le lien de fraternité qui ne devroit faire qu'un feul faifceau de toutes les fections de la république. Comme par-tout ailleurs, & cela eft inévitable, quelques individus ont compromis, par leur conduite imprudente ou coupable, le civilme inaltérable de cette grande ville, que l'ariftocratie, en expirant, voudroit bien entrainer avec elle dans le précipice. L'égoifme n'eft point le vice de Paris. Cette vafte cité a fait des facrifices proportionnés à fes grands moyens; mais tout en fe glorifiant d'avoir été utile, elle avoue,

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avec la même candeur, qu'abandonnée à elle-même;
elle ne pourroit garder long-temps l'attitude qu'elle a
prile, trop heureufe, en profitant des lumières qu'une
grande mafie d'hommes lui apporte fans ceffe, d'être
à meme de furveiller les repréfentans de la république,
& de fervir, pour ainfi dire, de fentinelle à les frères.
Ce fervice n'est pas le moindre de tous
arendus à la patrie.
ceux qu'elle

Sur la nomination de Pétion à la mairie.

C'est une chofe fingulière que cet engoûment fuperf tueux que les Parifiens confervent, en dépit de tour pour certains perfonnages. Dès qu'un homme a bien rempli une place, dès qu'ils font une fois attachés à lu, c'en eft fait ils ne voient que lui, ne jurent que par lui; ils s'imaginent qu'il n'y a pas d'homme en France qui puiffe le remplacer; & quand même cet heureux mortel feroit appelé à des fonctions plus éminentes & plus honorables, n'importe, ils veulent le remettre encore en fon premier lieu; ils veulent qu'il occupe à la fois & le pofte le plus important & celui cù ils le croient unique dans fon efpèce. Ce n'eft point par un fentiment de foibleffe & d'idolatrie que les Parifiens fe conduifent ainfi; même avant la révolution il y avoit dans leur fociété plus de liberté & d'égalité que partout ailleurs, & nulle part on ne fentoit mieux la dignité des hommes que dans cette grande ville. A Paris, comme on le difoit même alors, un homme de quelque état qu'il fût, étoit un homme; ailleurs, c'étoit fimplement un homme de tel état : c'eft uniquement par une forte de pareffe & de nonchalance dans le caractère qu'ils agiffent de la forte; ils ne veulent pas fe donner la peine de chercher un fecond homme de mérite quand ils en ont déjà un, & de tranfporter leur confiance d'un objet à l'autre enchaînés par leurs habitudes, ils ne veulent pas en contracter de nouvelles, & ils trouvent bien commode d'avoir un choix tout fait un homme tout coanu, & qu'ils foient accoutumés à voir dans te! pofte.

Pétion, nommé à la convention nationale, avoit abdiqué, avec raifon, la place de maire; mais quand on lui dit que les fections jetoient encore les yeux fur lui, il fe défendit foiblement; il ne refufa point tout net; de forte qu'au temps des élections le bruit courut dans Paris que Pétion avoit promis d'accepter: il paroît qu'en

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effet Pétion étoit bien-aife d'avoir la gloire d'être renommé; & cette vanité puérile n'eft pas digne d'un républicain. Il devoit d'avance refufer franchement, & he pas compromettre ainfi, par un refus tardif, la dignité de toute une ville. Voici la lettre qu'il a écrite au confeil général de la commune, depuis fa nomination.

«Citoyens, j'avois eu l'honneur de vous prévenir qu'appelé à la convention nationale j'avois accepté cette iniffion importante; que je ne pouvois ni ne devois accumuler deux fonctions, & je vous avois priés de vouloir bien procéder à la nomination d'un nouveau maire. Vous m'avez une feconde fois honoré de vos fuffrages; rien n'eft plus glorieux pour moi, & les termes me manquent pour vous exprimer toute ma reconnoiffance : mais je ne puis regarder ce choix que comme un témoignage d'amitié, que comme une marque de fouvenir des fervices que j'ai pu rendre à cette cité: il m'est bien douleureux de ne pouvoir pas répondre à cette confiance, à laquelle j'attache un li grand prix. En rentrant au pofte de repréfentant de la république ; j'obéis aux principes; je crois bien fervir ma patrie: agréez mes fincères regrets & l'affurance de mon entier dévouement, votre concitoyen. Signé, PÉTION ».

Pétion a raifon de dire qu'ea refufant il obéit aux principes; & les Parifiens, fans le vouloir, les avoient violés tous. Pétion fe devoit à fon département encore plus qu'à nous, à la république entière beaucoup plus qu'à Paris ainfi il eût été abiurde de fa part de quitter la convention nationate pour la mairie. Vouloit-on qu'il gardât l'une & l'autre place? Mais d'abord il eft contre les principes de cumuler deux places fur une feule tête, quand même elles ne feroient point incompatibles; & celles-ci l'étoient. Un légiflateur ne peut exercer habituellement les fonctions du pouvoir exécutif; car alors tous les pouvoirs feroient confondus. Si la convention réunit tous les pouvoirs, ce n'eft pas pour les exercer elle-même, mais pour les déléguer à fon tour, pour les diftribuer elle a droit de propofer toutes fortes de loix conftituantes & réglementaires, d'organifer tous les pouvoirs, mais non pas de s'en faifir, & elle l'a avoué elle même, en déclarant les fonctions de député & celles de miniftre incompatibles. Un maire fait partie du pouvoir exécutif comme un miniftre: il ne peut donc pas plus que celui-ci être en même-temps député?

Jufqu'où peut aller le délire de l'enthoufiafme! Sans faire tous ces raifonnemens qui cependant étoient bien

fimples, fuffifoit aux Parifiens de fonger que le jour n'a que vingt-quatre heures. Un député a befoin de toute fa journée; un maire n'a pas un inftant à lui. Comment veut-on qu'un homme réunifle deux fonctions, dont une feule eft plus que fuffifante pour l'occuper tout entier? Et parce que Bailly étoit à la fois mauvais maire & mauvais conftituant, veut-on qu'un autre fe double comme lui?

L'exemple de Lafayette & de ce Bailly n'auroit-il pas dû nous détourner de lafler trop long-temps les hommes en place? Il y a deux mille ans qu'on l'a dit : les honneurs changent les mœurs. Pétion, il eft vrai, joignoit à des talens & à du patriotisme, de l'expérience. Etoit-ce une raifon de le continuer cette année? Non, ou bien c'en feroit une de le continuor jufqu'à fa mort; car dans deux ans il en auroit eu encore davantage, & ainfi de fuite.

Actuellement que Pétion a refufé, nous fommes moralement sûrs que, par un effet de leur caractère, les Parifiens vont porter leurs fuffrages fur Manuel on dit même aujourd'hui qu'il préféreroit la place de maire à celle de député. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'elle paroit plus faite pour la nature de fon efprit. Manuel réusfit dans les détails & s'y plaît; mais il ne paroît pas avoir un vafte enfemble dans les idées; fa tête n'eft peut-être pas affez conftituante; & fous ce rapport feroit vraisemblablement plus à fa place à la mairie.

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Mais il eft un principe qu'il faut établir; c'est que nous ne devons arracher à la convention nationale aucun des membres qui y ont été nommés. Ce principe regarde Panis, Billaud-Varennes, Treillard, Héraut, &c. tout auffi bien que Manuel & Pétion.

Lorfque par l'organe de nos électeurs nous avons nommé les membres de la convention, lorfque nous avons difcuté ces choix & que nous y avons confenti, qu'avons-nous prétendu faire? Nommer pour gérer les affaires de la république entière les hommes qui étoient les meilleurs & les plus propres à la chofe. Nous avons été cenfés dire il s'agit de l'intérêt de toute la France; il faut le confier à ce qu'il y a de mieux dans toute la France ceux que nous ne choififfons pas à cet affet, ne font pas, felon nous & pour le moment, fufceptibles d'une fi grande confiance: ainfi la gradation des choix a montré véritablement une confiance pareillement graduée. Les députés fuppléans ne l'ont pas au même degré que les députés en exercice; ils ne nous ont pas paru fi bons

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qu'eux. Qu'arrivera-t-il fi l'on nomme aux fonctions da pouvoir exécutif les membres de la convention ou même d'une légiflature? Vous violerez deux principes, vous reftreindrez aux affaires d'une portion de la république des hommes chargés des intérêts de la république entière; vous aurez l'air de préférer votre chofe particulière à la chofe publique; vous ferez pis que fi vous nommiez un des miniftres maire de Paris; vous vous oppoferez autant qu'il fera en vous à l'intention & à l'utilité générale; car en déplaçant ce député, vous lui donnerez néceffairement pour fucceffeur fon fuppléant, qui n'a pas le même dégré de confiance que lui, qui n'a pas paru fi propre à fiéger dans l'affemblée nationale à la place d'un bon, vous mettez un homme qui eft cenfé moins bon; & vous, petite portion d'un département, par pur égoïfie, vous contredites le vœu de tout un départe

ment.

Les mêmes raifonnemens font applicables aux députés fuppléans, & les excluent de la même inanière.

Ne fongeons donc plus à nommer ni les députés, ni les fuppléans de la convention; laillons-les à leur pofte; ils doivent être là & ne doivent être que là. Que deviendroit la plus belle affemblée de l'univers, fi chaque ville, chaque commune avoit, comme nous, la manie d'y prendre fon maire & fon procureur-fyndic. Si les députés acceptoient, elle feroit bientôt difloute, & les intrigans ne chercheroient qu'à les faire nommer pour les difféminer ainft. S'ils refufoient, le temps fe perdroit en affemblées primaires. Les autres communes feroient plus excufables que nous; car elles auroient le droit de nous dire Quoi! Parifiens! vous qui avez une population immenfe, qui vous regardez comme le centre des lumières, vous les premiers nés de la liberté, fi vous n'avez perfonne parmi vous capable de remplir ces places importantes, fi vous êtes obligés d'aller chercher des hommes dans la convention, devez-vous être furpris qu'avec fi peu de moyens, nous éprouvions la même difette? Heureusement que les communes des autres départemens fe montrent plus fages que les Parifiens; elles ne vont pas troubler leurs mandataires dans leurs fonctions.

Ce qui excufe les Parifiens, c'eft que pour l'intérêt de la république entière, il faut à la tête de la commune des magiftrats qui réuniffent le patriotifie le plus éprouvé, la probité la plus reconnue & les plus grands talens. Malheur à nous fi l'on portoit à ces places des homines No. 171. Tome 14.

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