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classes à des prix différens, vous verrez bientôt tel savetier dans la première classe, si ce n'est par dignité, ce sera par orgueil. Nous soutenons qu'il ne faut qu'une classe et des prix différens selon les lieux; cette échelle, qui n'attaque point l'égalité, aura bientôt mis chaque homme et chaque fortune à sa place.

Après ces deux modes d'impôt direct, il resteroit, pour le complément de l'impôt, les douanes aux frontières, la poste aux lettres, la poste aux chevaux, les forêts, le contrôle, qu'il faudroit modifier à un prix unique et nécessaire à tout écrit légal, les barrières des grandes routes, etc.

Les idées que nous proposons ne sont pas certainement à l'abri d'une juste critique; heureux si elles peuvent servir à en produire de meilleures: notre intention est d'aider au bien, et sur-tout de pousser hors de la patrie et de toutes nos forces T'hydre fiscale, ce monstrueux impôt indirect, qui, de telle façon qu'on s'y prenne, sera toujours et par-tout l'arme du despotisme et le fléau de la liberté.

Troubles de la ville d'Haguenau.

Les anciens municipaux d'Haguenau, conjointe ment avec le sieur de Pons, commandant de la place, tous suppôts et créatures du pouvoir ministériel et féodal, avoient fait, dans ce qu'ils ap pellent leur bon temps, des emprunts illégaux et arbitraires. Les deniers provenant de ces emprunts avoient été en partie dilapidés, en partie soustraits, et les sommes, dont l'emploi semble justifié, frauduleusement appliquées.

La nouvelle municipalité, dès les premiers jours de son administration, délibère et énonce le vœu d'un apurement des comptes des anciens munici paux. L'habitude de l'ancien pouvoir, l'influence robinocrate, la force militaire prévalent, et la maréchaussée jette dans les cachots une partio

des

des magistrats constitutionnels, et disperse le reste. L'assemblée nationale, indulgente, passe l'éponge sur les torts des oppresseurs, sur les souffrances des opprimés, brise les fers des prisonniers, rappelle les fugitifs, annulle une élection qu'on prétendoit suggérée et frauduleuse, en ordonne une nouvelle, et les mêmes magistrats sont élus de nouveau.

L'apurement des comptes est ordonné par la municipalité nouvelle. La gestion des précédens municipaux so montre évidemment inique. Les fripons, ou ceux qui craignent de passer pour tels, prennent la fuite, et quelques magistrats anciens, ainsi que le sieur de Pons, commandant, ne sont plus dans Haguenau. Pour assurer le recouvrement des deniers volés, le procureur syndic est autorisé à asseoir une saisie mobiliaire contre les fugitifs; le conseil souverain, d'Alsace annulle la saisie, permet aux fugitifs la prise à partie contre leurs juges naturels, c'est-à dire, contre la municipalité; et les anciens municipaux, ainsi que le sieur de Pons, rentrent victorieux dans Haguenau.

Ces protégés de la justice de Colmar cherchent alors à se former un parti. Les vingt ou trente échelons de l'état-major, la hiérarchie fiscale et praticienne, les valets, les sbires féodaux des princes allemands, et les prêtres sont accaparés. On prend jour pour la contre-révolution ; une fête est donnée au peuple, des boissons dangereuses sont versées avec profusion dans une promenade publique, le peuple s'enivre. Pendant cette orgie, les contre révolutionnaires désarment et maltraitent la garde nationale de la maison commune. Le greffe est enfoncé, les papiers dispersés, nombre de pièces de la comptabilité soustraites, le dépôt des armes de la garde nationale enlevé. Les brigands s'érigent en garde nationale, nom: ment un état-major et des officiers, créent un No. 68.

D

comité militaire. Le sieur de Pons, comme de raison, en est élu président; la violence se manifeste contre l'autorité légale, et les officiers municipaux prennent la fuite.

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L'assemblée nationale, instruite des faits, décrète que les officiers municipaux rentreront dans leurs fonctions, que main forte leur sera donnée, que la prétendue garde nationale insurgente sera dissoute. Le décret sanctionné, le régiment chasseurs de Picardie marche vers Haguenau, et protége les officiers municipaux. Avant la rentrée de ces officiers, le décret est proclamé dans la ville. Le sieur de Pons fait enlever l'huissier et le tambour publiant le décret. Les' factieux s'ameutent, sortent de la ville, et vont jusque dans une abbaye voisine pour y chercher et mettre à mort les officiers municipaux. Le sieur de Contades, colonel des chasseurs, se conduit en brave officier, et protége les magistrats. Jour pris pour entrer dans Haguenau, le sieur de Pons s'empare des postes qu'il refuse de céder aux troupes de ligne; il y place sa prétendue garde nationale, et fait charger les armes à plomb coupé et à mitrailles. Les magistrats entrent environnés du peuple, qui a été au-devant d'eux, et le régiment en queue. Dès l'avancée, quatre factieux couchent en joue les municipaux ; quelques citoyens qui se trouvent à côté les désarment: le cortége entre; à vingt pas du corps de-garde de la place, la prétendue garde nationale, sans provocation, sans rixe, fait feu sur le peuple; quatre citoyens tombent morts, vingt sont blessés, et le feu des partisans du sieur de Pons part des toits, des croisées et des caves. Heureusement les chasseurs de Picardie viennent à toute bride, et le massacre cesse.

Les officiers municipaux, rentrés dans leurs fonctions, demandent que les assassins soient arrêtés; le sieur de Pons s'y refuse, et propose de s'arranger à l'amiable. La municipalité, saisie de droit

du pouvoir judiciaire, civil et criminel, veut, J'exemple récent de la ville de Strasbourg, intimider les brigands, et ordonne qu'une potence sera dressée sur la place; l'exécuteur de la justice reçoit un ordre secret de désobéir. Le sieur de Pons fait arracher, par le major de la place, les affiches et ordonnances de police proclamées par la municipalité en disant que nul ne peut ordonner ni agir sans ses ordres. La même nuit, un capitaine de la fausse garde nationale assassine d'un coup de tranchet un véritable garde national : une sentinelle est placée à la porte de l'assassin; arrêt de la justice de Colmar, qui ordonne le déplacement de la sentinelle, et permet au meurtrier la prise à partie contre la municipalité. :

Cependant le comité de la prétendue garde nationale, et cette même garde, loin de se dissoudre, conformément au décret de l'assemblée nationale, obtiennent une ordonnance du directoire du département, qui annulle la publication de ce même décret. Cette ordonnance est proclemée avec une cavalcade, précedée d'un trompette; et le peuple, à l'aspect de ce faste, croit que le décret de l'assemblée nationale n'est qu'un décret supposé. A force de protestations sur la validité du décret, la commune s'assemble. Pour obéir à la loi, la véritable garde nationale, pour se reformer et recevoir les factieux par incorporation, dépose le peu d'armes qui lui reste et ses drapeaux au greffe. Mais la fausse garde refuse de déposer ses armes, prétend conserver tout son état-major, tous ses officiers, et le sieur de Pons les appuye; mainforte lui est demandée, il la refuse, et les seuls factieux restent armés.

Le sieur de Pons et adhérens parviennent à se faire envoyer une commission du directoire du département, pour administrer les affaires inunicipales. Deux anciens baillis, et le chancelier du cardinal de Rohan leur sont envoyés. A peine sontils arrivés, qu'ils font enlever et transporter chez

eux les armes et les enseignes de la véritable garde nationale. Les caloninies ou les prières de toute espèce arrivent de leur part au comité des rapports de l'assemblée nationale, et ce comité adresse à la municipalité UNE LETTRE, par laquelle la fausse garde nationale se trouve MAINTENUE, et la véri table REPRIMANDÉE. Cette lettre, imprimée dans les deux langues, est distribuée avec profusion. La municipalité de Strasbourg, instituée par lettres patentes, pour informer des troubles de Haguenau, est déclinée de prime-abord; les commissaires du département et le sieur de Pons choisissent d'autres juges; le prévôt de la maréchaussée se saisit de l'information. Les blessés, dans le massacre, nomment en mourant leurs assassins, leurs meurtriers personnels; et ce sont ces meurtriers, ces assassins, que le prévôt appelle en témoignage contre les officiers municipaux. Refus d'ouïr ceux qui pourroient dire vrai, les preuves en existent. La municipalité entière doane sa démission; la commune alarmée la refuse; les adhérens du sieur de Pons, escortés de la maréchaussée, apposent les scellés au greffe de la municipalité, et les contre- révolutionnaires administrent et gouver

nent.

La commune entière envoye de nouveau des députés vers l'assemblée nationale; ces députés pressent en vain un rapport depuis trois mois ; le rapporteur (M. Regnier) les amuse d'une manière indigne. Cette affreuse menée s'évente au club des Jacobins. On y dénonce LA LETTRE du comité des rapports, contradictoire au décret de l'assemblée nationale. L'auteur de cette lettre, M. de Broglie (fils du maréchal et jadis prince d'empire) est instruit de cette dénonciation, et se rend aux Jacobins. Pour légitimer sa conduite, il débite des personnalités contre un des députés d'Haguenau, et finit par le dénoncer comme décrété de prise de corps par la municipalité de Strasbourg. Remar quons qu'on apprit quelques jours après que eè

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