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vous renseigner, quant à présent, au sujet de l'article qui a paru dans le Bien public du 20 de ce mois, mais je retourne immédiatement à la direction du journal, je vais procéder de suite à une enquête sur ce point et reviendrai dans la journée même vous apporter des éclaircissements. Lecture faite, a signé. Déjà entendu.

Dépose:

Je vous apporte le renseignement que je vous avais promis tout à l'heure. Il résulte de l'enquête que je viens de faire dans nos bureaux que notre article paru dans le numéro du 20 novembre a été inspiré par la lecture de la Gironde en date du 19 novembre, dont je vous apporte un numéro; vous pouvez y voir, dans la correspondance de Paris in fine, le renseignement que nous avons reproduit. Nous n'avous, quant à présent, aucun autre document positif à vous produire.

Lecture faite, a signé; rayé un mot nul.

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AMIGUES (Jules-Emile - Michel-Laurent,) né à Perpignan, le 10 août 1829.

A fait dans sa jeunesse plusieurs voyages à l'étranger. En 1860, il envoie d'Italie, au journal Le Temps, une correspondance sur les événements. En 1864, M. Drouin de Lhuys, ministre des affaires étrangères, lui confie la correspondance politique du Moniteur universel qu'Amigues n'accepte qu'à la condition de ne pas renoncer à sa collaboration au Temps; deux ans plus tard, il fournit aussi une correspondance à la Presse.

Décoré en 1867.

Quitte, en 1869, le Moniteur, devenu feuille in dépendante et publie, sous le titre La politique

d'un honnéte homme, un volume composé d'articles publiés dans divers recueils et de lettres sur la question romaine.

Tout en se déclarant républicain en théorie, il se déclarait disposé à reconnaître l'empereur comme l'élu du suffrage universel et être prêt à donner un concours loyal à la transmission des pouvoirs au prince impérial, à la condition que cette transmission serait préparée par de larges concessions libérales.

Vers la même époque il cherche à publier un journal intitulé La République; on lui refuse le récépissé de déclaration à la préfecture de police. On se souvient du rôle de M. Amigues pendant la Commune; voulant jouer au médiateur entre le Gouvernement et l'insurrection, il se rend à Versailles pour négocier, à la tête d'un groupe qui avait pris le titre de « Commission de conciliation du commerce, de l'industrie et du travail. » Le journal L'Avant-Garde publie, le 5 mai 1871, un manifeste de ce groupe, signé Amigues.

On se rappelle aussi la démarche tentée par Amigues où il se révèle comme agent de la propagande bonapartiste.

On apprend alors que M. Rouher, croyant le moment venu d'agir au point de vue démocratique, a eu de longues entrevues avec Amigues qui aussitôt a rédigé une brochure intitulée d'abord L'Avenir de la France par un bon citoyen, et dont le titre fut changé en celui de : A bas l'Empereur!

Vers août 1872, apparaît une autre brochure d'Amigues: Epitre au Peuple. Comment l'Empire reviendra. A cette occasion M. Franceschini Piétri lui écrit au nom de l'empereur, pour le féliciter.

En septembre, on le signale comme travaillant à deux nouvelles brochures: La France à refaire; La Commune. »

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A cette époque, Amigues déploie la plus grande activité dans son journal L'Espérance nationale, où il fait une campagne en vue d'amener une fusion entre le socialisme et le césarisme; il s'adresse surtout aux ouvriers, dans les nombreuses lettres au peuple qu'il publie alors et qui obtiennent surtout un succès de curiosité.

Au mois de novembre dernier, le bruit court déjà qu'Amigues a formé plusieurs comités plébiscitaires à Paris et aux environs.

A partir de cette époque, son attitude s'accentue; on le voit en compagnie de Rouffie, l'un des agents les plus actifs de la propagande bonapartiste.

Au commencement de décembre, Amigues, revenant de Chislehurst, où il a été reçu par l'empereur, entre en relations suivies avec l'an

cien préfet de police, et se met à écrire sa brochure intitulée : L'homme de Sedan.

Le 19 décembre, un renseignement confidentiel annonce que le club de l'appel au peuple se réunit chez Amigues, rue de Turbigo, et que l'on veut établir des comités correspondants, en province.

Le banquet des orphéonistes de Belleville et Ménilmontant a lieu, Amigues y assiste et saisit cette occasion de développer sa théorie de l'appel au peuple.

Amigues organise une députation ouvrière qu'il conduit à Chislehurst, aux obsèques de Napoléon III.

Un rapport confidentiel du 17 janvier apprécie comme suit le rôle d'Amigues :

« D'une incroyable activité, il ne perd pas une minute et, quand il n'est pas à son journal, on peut être sûr qu'il est dans quelque café ou brasserie à faire de la propagande. Il affectionne tout particulièrement les environs de l'Ecole militaire et c'est aux officiers qu'il vient s'adresser presque tous les soirs dans un établissement public (brasserie Wendling). Des officiers de tous grades se groupent autour de lui; il discute, il ébranle, il convainc les interlocuteurs. Quelque restreint, dit-il, que soit le cercle où chacun de nous s'agite, il peut rendre de bien grands services. Vous avez, vous, messieurs les officiers, de grands moyens d'action sur vos hommes, et vous devez les employer. Faites que vos soldats aient en horreur Gambetta et sa bande. Thiers n'est pas dangereux à cause de son âge. Sans l'armée, Gambetta est réduit à l'impuissance, il le sait, et c'est pour cela qu'il cherche et cherchera à corrompre les meilleurs d'entre vous, » etc.

Amigues paraît négliger le comité de l'appel au peuple pour se livrer presque exclusivement à la propagande parmi les ouvriers, surtout à Belleville. Il annonce d'ailleurs à ses amis que le nombre des adhérents augmente chaque jour et il recherche toutes les occasions de présider des réunions d'ouvriers. Le 6, il assiste à une de ces assemblées, tenue rue Croix-Nivert, et où l'on discute les bases d'un comité de quartier.

Le 12 mars, Amigues, accompagné d'un de ses acolytes, nommé Coindat, se rend à cinq heures du matin sur la place de l'Hôtel-de-Ville, où se tiennent les grèves d'ouvriers à embaucher. Amigues interroge d'abord les ouvriers peintres qui se plaignent de manquer de travail et accusent le Gouvernement de ne pas s'occuper d'eux; ils demandent à Amigues de prendre leur cause en main dans son journal. Il s'adresse ensuite aux maçons dont les plaintes sont encore plus amères; il leur rappelle que sous l'empire ils avaient toujours du travail et cherche à faire

naître en eux l'espoir du retour de l'ancien régime. Il emploie le même procédé à l'égard des terrassiers.

En mars, Amigues continue sa propagande à la brasserie Wendling, rue Chabert.

En avril, il publie, à propos des élections, sa brochure « Rémusat et Barodet. » Il fait afficher son excentrique déclaration, dont ci-joint un exemplaire. (Déclaration de Jules Amigues, candidat rare, qui ne veut point qu'on le nomme! tirée à 5,000) (1).

Le 25, Amigues convoque un certain nombre d'ouvriers dans un cabaret de la rue Richer et leur fait signer une adhésion à son manifeste placardé.

Le 31 mai, il est encore signalé comme étant l'un de ceux qui s'occupent de la création des comités de l'appel au peuple.

En juillet, Amigues reprend son ancien projet d'organisation par section dans les arrondissements de Paris, de groupes reliés à un comité central.

Il va à Chislehurst, à l'occasion du 15 août, et est reçu par l'impératrice.

A son retour, on le voit relevant le nom des marchands de vins dévoués à l'empire et chez lesquels on pourrait tenir des réunions.

Le 30 août a lieu chez Champeau, rue Ménilmontant, 27, le bal des jardiniers. Amigues, Rouffie, Grazzi et Consigné y entrent; ils sont attendus à la porte par deux jardiniers qui les présentent au président. On prie Amigues de rester pour le banquet et de prononcer un discours. Il décline cette invitation, disant que pour le moment il faut être calmes et chercher uniquement à se grouper pour être prêts au mois d'octobre. Amigues et ses compagnons changent souvent de table, allant de l'une à l'autre, préconisant l'appel au peuple, exaltant le régime impérial, prenant des notes sur la situation des ateliers et le nom des ouvriers occupés ou en chômage.

Au commencement de septembre, des renseignements confidentiels le représentent comme poussant à la constitution des groupes de quartiers. Ce seraient, dit-il, de nouveaux comités de l'appel au peuple, mais non pas tels qu'ils ont fonctionné avant la mort de Napoléon III. On se bornerait à prendre les noms et les adresses des membres, mais on ne les convoquerait pas en réunions et on n'exigerait pas d'eux qu'ils fussent bonapartistes... On commencerait par Belleville et Grenelle... on pousserait à des manifestations isolées, aux cris : « Vive l'appel au peuple!... >> Le 8 septembre, quatorze hommes et deux femmes rendent visite à Amigues, de huit à

(1) Voir ci-dessous.

onze heures du matin. Parmi eux, Rameau, Consigné, Bichot, Grazzi, etc.... On s'entretient de la propagande; Amigues leur renouvelle les recommandations déjà faites lors du bal des jardi

niers.

Le 10, Amigues assiste à une réunion tenue chez le marchand de vins Delphin et y fait signer une pétition à l'Assemblée pour l'appel au peuple (confidentiel).

Le 14, dans la matinée, nouvelles visites chez Amigues (Consigné, Brossel, Grazzi, etc...). La plupart emportent des listes à faire signer; il parle de l'élan qu'a pris l'idée de l'appel au peuple parmi les commerçants (confidentiel).

Le 16, réunion de l'appel au peuple chez Hannu, marchand de vins, boulevard de Grenelle, 213. Vingt-cinq personnes présentes. Amigues développe la théorie de l'appel au peuple, fait signer des listes d'adhésion, prend connaissance de celles qu'on lui communique (confidentiel).

Le 21, visites nombreuses chez Amigues (Soustrot, Rouffie, Consigné, Grazzi, etc.). Chacun est reçu en particulier, on dit qu'il y a environ 3.000 déclarations des droits du peuple écrites à la main, distribuées en différents endroits. Quant à celles qui sont lithographiées, l'imprimerie refuse d'en continuer le tirage... Les photographies du prince impérial sont prêtes; on parle de plus de 40,000 qui doivent être répandues. (Confidentiel).

Le 23 septembre, on reçoit d'une source toute confidentielle les informations suivantes :

Amigues est certainement le personnage le plus actif, le plus remuant et le plus redoutable du parti bonapartiste. C'est lui qui reçoit les adhérents, donne de l'argent et répand des brochures. Sur l'invitation de l'ex-président du Sénat, il a été chargé d'étudier le caractère et les intentions de certains personnages, et de s'assurer si leur dévouement à la cause était bien réel.

De concert avec un marchand de ferraille du quartier de la Roquette, Amigues cherche à organiser des réunions chez un marchand de vins de la rue du Pont-Louis-Philippe. L'administration avise ce dernier que, s'il se prête à ces manœuvres, son débit sera fermé. L'affaire n'a pas de suites.

Amigues ne parait pas étranger à l'emploi, comme moyen de propagande, du procédé de publicité inauguré par les magasins du Louvre, en collant de petites étiquettes sur la monnaie de billon. Les étiquettes adoptées par les bonapartistes portaient ces mots : « Tout pour le peuple et par le peuple. »

Le 2 novembre dans la matinée, Amigues reçoit une vingtaine de personnes auxquelles il recommande de presser la formation de comités

composés de vingt membres. « Ces comités, ditil, auront pour mission officielle de préparer les nouvelles élections; il faut tout faire au grand jour, pour que nos ennemis ne puissent pas dire que nous conspirons. >>

Il assiste à la messe dite le 10 à l'église SaintDenis-des-Batignolles pour le repos de l'âme de l'ex-empereur.

Le 25, il se rend à la réunion tenue chez Moureau et insiste avec énergie sur la nécessité de former de nombreux comités de l'appel au peuple. Il ne se calme que quand on lui annonce que, pour Grenelle seulement, il y a déjà trente comités qui fonctionnent parfaitement.

Il assiste à la réunion du 4 chez Moureau.

Le 7, Amigues, le colonel Piétri et autres, se rendent rue Lacépède, 5, chez un fruitier dont l'arrière-boutique devait servir à une réunion le même soir. Amigues déclare aux personnes qu s'y trouvent qu'il ne peut assister à ces sortes de réunions, qu'il faut agir avec prudence, ne pas compromettre l'anniversaire du 16 mars, etc., et se retire en recommandant de l'excuser auprès des personnes convoquées. (Confidentiel.)

Amigues assiste aux réunions tenues le 20 chez un sieur Fournier, 137, rue Oberkampf, et le 24 chez Moureau.

Le 26, il reçoit chez lui plus de 60 personnes, ouvriers pour la plupart, venant demander du travail et les moyens de se rendre à Chislehurst.

Il répond qu'on ne paye pas le voyage. Il fait la même déclaration, le soir, dans une réunion tenue chez Fournier.

Le 1er mars, Amigues reçoit une centaine de personnes qui viennent, pour la plupart, demander le passage gratuit pour Chislehurst. Il se montre très-ennuyé et accuse la préfecture de police de provoquer ces visites. (Confidentiel.)

Il assiste à la cérémonie du 16 mars à Chislehurst.

Amigues déclare qu'en ce moment il faut s'abstenir de toute propagande, être calmes. On verra dans un mois.

Il assiste au banquet bonapartiste donné le 12 avril à la Porte-Maillot.

En annonçant, le 23 avril, qu'il va s'absenter pour dix jours, Amigues recommande à ses amis de voir les comités, promettant de les visiter lui-même à son retour et disant qu'il faut se tenir prêt à tout événement.

Le 25 a lieu une réunion chez un sieur Ruy, fabricant de boutons, faubourg du Temple, 41, Amigues y assiste. (Confidentiel.)

C'est la première fois que le nommé Ruy est signalé; on ignore ce qui s'est passé dans cette réunion.

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Si tu te plais à ce métier de bête de somme, vote, à ton aise et au hasard, pour le candidat d'Arago, ou pour le candidat de Gambetta, car tu peux être assuré que l'un vaut l'autre, et que tous deux se moqueront de toi en de pompeux discours.

Si tu commences à trouver que le jeu devient long et que ton bénéfice y est mince, ne vote plus pour rien ni pour personne jusqu'au jour où l'appel au peuple, terminant le règne des bavards, te permettra de constituer directement le gouvernement dictatorial et populaire qui, appuyé sur la force irrésistible et indiscutable de l'assentiment national, pourra réaliser les vœux du peuple et achever enfin l'œuvre de la Révolution, en organisant la démocratie.

Tel est, ô peuple! l'humble avis d'un homme qui t'aime, qui te l'a prouvé, qui ne t'a jamais demandé rien et qui jamais ne t'a trompé.

24 avril 1873.

JULES AMIGUES.

ORDONNANCE DE SAISIE

Nous, Delahaye, juge d'instruction près le tribunal de première instance de la Seine;

Vu la procédure en instance contre les directeurs du comité de l'appel au peuple;

Vu les articles 87 et 90 du code d'instruction criminelle;

Ordonnons que, par M. Macé, commissaire de police de la ville de Paris, il sera procédé sans délai au domicile d'Amigues (Jules-Emile-MichelLaurent) et partout où besoin sera, à la saisie de tous registres, listes, fiches, correspondances, procès-verbaux, timbres et généralement tous documents quelconques de nature à établir l'existence et les agissements du comité dit de l'appel au peuple, et propres à révéler les noms des directeurs dudit comité et les affiliés.

Ordonnons en outre que, par le même commissaire de police, les objets saisis, scellés selon la loi, seront immédiatement transportés et déposés au greffe du tribunal du département de la Seine, pour y demeurer sous la main de la justice jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.

Il en sera dressé du tout des procès-verbaux qui seront transmis, dans le plus bref délai, à M. le procureur de la République,

Fait en notre cabinet, au Palais de Justice, à Paris, le 25 juin 1874.

Signé DELAHAYE,

PROCÈS-VERBAL

L'an mil huit cent soixante-quatorze, le vingtsix juin, six heures trente minutes du matin, Nous Gustave Macé, commissaire de police de la ville de Paris, plus spécialement chargé des délégations judiciaires, officier de police judiciaire, auxiliaire de M. le procureur de la République ;

Vu l'ordonnance de M. Delahaye, juge d'instruction à Paris, relative aux directeurs du comité de l'appel au peuple.

Nous sommes transporté rue du FaubourgSaint-Honoré, 262, où étant dans un appartement situé au 5 étage, du prix de 1,500 fr., et prenant jour sur la rue, nous avons trouvé le sieur Amigues (Jules-Emile-Michel-Laurent), ágé de 44 ans, né à Perpignan (Pyrénées-Orien❤ tales), le 10 août 1829, homme de lettres, auquel nous avons fait connaître notre qualité et le motif de notre visite; puis, nous avons procédé à une perquisition qui nous a fait découvrir et saisir :

1. Un carnet d'adresses que nous plaçons sous scellé n° 1 (1);

2o Des lettres, notes et pièces susceptibles d'examen, que nous plaçons sous scellé n° 2;

3o Un dossier de lettres écrites par des détenus au fort de Quélern, avec des listes d'adhérents au principe de l'appel au peuple.

(1) Ces pièces n'ont pas été communiquées à la commission.

Le sieur Amigues appose près de notre scellé son cachet en cire rouge avec initiales: J. A.

Il nous déclare ne faire partie d'aucun comité.

Nous opérons dans le logement situé au-dessus de celui du sieur Amigues et occupé par ses deux fils Amigues (Jacques-Jules-Léon-Guillaume), âgé de vingt-deux ans, né à Paris, le 11 juin 1852, employé d'assurances, et GeorgesJulien, âgé de dix-huit ans, né à Paris, le 24 février 1856, étudiant, une perquisition restée infructueuse.

Le sieur Amigues serait le secrétaire de la Société des Intimes, dont le siége est boulevard de Strasbourg, 8.

Nous joignons au présent l'article que le sieur Amigues écrivait à notre arrivée.

Le commissaire de police.

TEXTE D'UN ARTICLE ANNEXÉ AU PROCÈS-VERBAL DE SAISIE

Ces messieurs de la République française refusent de parler de l'histoire de la Commune avec M. Jules Amigues.

Refusent? La vérité est que je ne les y ai point conviés; mais je conçois qu'ils y répugnent. Pour moi, qui n'ai point là-dessus les mêmes raisons de me sentir embarrassé, je parlerai pour mon propre compte et de la Commune et de son histoire, et du rôle glorieux qu'occupent dans ces souvenirs ces messieurs de la République.

Le 4 septembre 1870, les gens que chacun sait font, au milieu et à la faveur de nos désastres publics, l'abjecte révolution que l'histoire ne pardonnera jamais à la France, qui n'aura le droit de se pardonner à elle-même que lorsqu'elle laura, de ses propres mains, effacée du livre de ses annales, ce qui d'ailleurs sera bientôt.

Une douzaine de politiqueurs et des scribes, aidés d'un général parjure et suivis de quelques centaines de ces forts en gueule, renversèrent ce jour-là un gouvernement national, que venaient de réclamer et de réaffirmer, quelques mois à peine auparavant, plus de sept millions de suffrages.

A dater de ce moment, il n'y avait plus d'autorité en France, plus d'ordre légitime, plus de commandement qui eût droit de prétendre à se faire accepter: la loi était fauchée par sa base, c'était l'émeute, la plate et vile émeute même le prestige de la lutte et l'honneur du sang versé qui triomphait et qui régnait.

sans

Aussi, à dater de ce moment, tout fut permis contre le pouvoir, et les gens que l'émeute avait mis en haut eurent contre eux, inévitablement, tous ceux que l'émeute avait laissés en bas.

Ainsi s'expliquent, et dans une certaine mesure se justifient, les tentatives avortées du 31 octobre et du 22 janvier, et la tentative réussie du 18 mars. On avait promis à quelques centaines d'aventuriers ou de coquins et à des centaines de mille de pauvres gens tout ce qu'ont coutume de promettre les arracheurs de dents de la politique, toutes les grâces et tous les bienfaits, toutes les jouissances et tous les trésors, tous les banquets et les ivresses que doit toujours verser à l'avidité populaire, cette corne d'or de la RSpublique, d'où ne coule jamais que du sang. Les jours, les semaines, les mois s'étaient écoulés et au lieu de cela les croyants de la première heure n'avaient eu que de bons horions et de mauvais traitements, un peu de famine et beaucoup de honte. Quoi d'étonnant s'ils se révoltaient à la fin, si Jocrisse en venait à faire des barricades?

Nous aurions peut-être été embarrassés vous et moi ou d'honnêtes gens comme vous et moi, si nous eussions été à la place des gens de septembre. Nous n'aurions rien trouvé à répondre à ces malheureux séduits et dupés par nous; nous aurions éprouvé peut-être quelque chose de saugrenu, comme du repentir ou des remords; et, impuissants à réparer le mal déjà fait, nous aurions eu peut-être la candeur de nous retirer du pouvoir pour n'en pas faire davantage. Nos hommes de septembre, cela va sans dire, n'étaient pas aussi niais que vous et moi. Après avoir, en renversant l'empire, outragé le droit populaire, infirmé le plébiscite national, ils firent, pour se soutenir eux-mêmes tant bien que mal, une manière de plébiscite parisien, et, pour un moment, ils se sauvèrent ainsi de la Commune.

Mais comme les principes outragés se vengent, cette impitoyable force ne pouvait manquer de tourner contre ses auteurs. Les anciens associés de Favre et de Simon ne se tinrent point pour battus: « De quoi! dirent-ils, de quoi, des plébiscites! On les fourre à l'eau, les plébiscites. Nous avons travaillé la chose ensemble le 4 septembre, ça nous connaît, on vous fera revoir le

tour. »

Et ce fut ainsi qu'en effet le 4 septembre, vainqueur le 31 octobre, fut vaincu le 18 mars.

Interrogatoire d'Amigues.

L'an mil huit cent soixante-quatorze, le dixsept juillet, etc.

AMIGUES (Jules-Emile-Michel-Laurent), quarante-quatre ans, homme de lettres, 262, faubourg Saint-Honoré, né le 10 août 1829, à Perpignan (Pyrénées-Orientales), fils de Guillaume et

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