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& à tous venans. Ceux qui avoient fait des payemens depuis l'Arrêt du 21. Mai, intenterent des procès, prétendant la reftitution du cinquième de réduction, que celui du 27. rétablissoit; & les caufes & les inftances fe multiplioient à tel point, que les affaires que ces deux Arrêts occafionnoient, obligerent les Juges Confuls à fiéger jour & nuit.

L'Arrêt du 29. Mai 1720. qui donna cours aux anciennes efpeces d'or & d'ar gent, non plus que celui qui permettoit à toutes perfonnes d'avoir en leur poffeffion & de garder en efpeces telles fommes qu'elles jugeroient à propos, n'apporterent aucun changement dans les maux que celui du 21. Mai avoit caufés au public. Cependant, après la réduction des Billets de Banque, portée par ledit Arrêt du 21. Mai, les particuliers refufoient de fe faire raifon, quoiqu'il eût été revoqué par celui du 27. de forte qu'il falut y pourvoir par un autre Arrêt, qui ordonna que celui du 27. Mai feroit exécuté, & en confequence, que tous les particuliers qui auroient reçu des Billets de Banque fur le pied de la réduction portée par l'Arrêt du 21. précedent, feroient tenus de reftituer l'excedent, jufqu'à

dome, au- cer les dépenfes où le fafte & les plaifirs trement les avoient jettés; d'autres tendoient à Louis le gagner de quoi payer ce qu'ils devoient

dite de

Grand.

fur des immeubles qu'ils avoient acheté quatre fois la valeur, & même plus: mais voici l'époque fatale de leur entiere défaite qui approche. Pour ne point les perdre de vûë, fuivons-les dans la place de Vendome, qu'on venoit de leur accorder pour y porter les débris de leur fortune. Voyons ce qui s'y paffe; & fi les mouvemens qu'on s'y donnera, y feront naître quelque fortune femblable à celles qu'on a vû faire à la faveur de ceux de la rue Quinquempoix.

Cette place fait l'ornement du plus beau & du plus riche quartier de Paris. Quoique fa fituation foit à l'une fe fes extrêmités, fon plan octogone est formé par de magnifiques maifons qui la renferment; elles font toutes à un étage, avec un Attique au deffus d'une architecture reguliere. Ces maifons, ou pour mieux dire, ces Hôtels ne font occupés que par des Seigneurs ou des Financiers du premier ordre. L'Hôtel du Chancelier, & celui qui y fait face, font bâtis d'un goût différent des autres: ils font fitués précisement au milieu de la place,

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avec une fimmétrie admirable. tue équestre de Louis XIV. qui en fait le plus bel ornement, y a été élevée à la gloire de ce grand Monarque; & fi on la nomme ici place de Vendome. c'eft pour se conformer aux termes dont les Négocians fe fervirent lorfqu'ils s'en emparerent. On y entre par deux endroits. L'un aboutit à la ruë neuve des petits Champs, où l'on voit en face le frontifpice de l'Eglife des Capucines; l'autre aboutit à la rue St. Honoré, en face du Couvent des Peres Feuillans dont le frontifpice figure parfaitement à celui des Capucines. Une fi fuperbe place fut accordée à l'ardeur que ce refte de Négocians témoignerent pour ranimer la circulation. Son engourdiffement avoit extrêmement empiré, depuis qu'on avoit défendu l'affemblée de la ruë Quinquempoix, & qu'ils erroient par les rues & les Caffés. On les y autorifa même par le rétablissement d'une garde, à l'inftar de celle qui avoiť été autrefois établie dans la ruë Quinquempoix. Les nommés Gobillard & Lembotte, Selliers de la rue du Temple, revêtus chacun d'une charge d'Exempt, poferent dans cette place leurs corpsde - garde, en confequence des ordres Tome III.

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qu'ils en avoient reçus. Les Hôtels de la place n'étant point destinés ni convenables à l'établiffement des bureaux, les Négocians furent obligés de camper; & la grande chaleur qu'il faifoit, leur fervit de prétexte pour y faire dresfer plufieurs tentes. Les unes fervoient à des Négociations, celles-ci, à des lieux de Rafraîchiffement, celles-là, à des parties de Quadrille que l'on jouoit dans les intervalles des mouvemens qu'on donnoit au Papier : il y avoit même des Traiteurs qui venoient y travailler lorfqu'on vouloit y donner quelque repas. Le Sexe de toutes claffes s'y rendoit auffi; on y tiroit des Lotteries de Bijoux par le moyen des cartes en un mot, la belle faifon invitoit bien du monde, particulierement certaines Dames, à y venir fe promener le foir, comme à une foire, & malgré le férieux des affaires d'un Syftême abandonné par fon auteur, on peut dire que la place de Vendome avoit alors quelque rapport à la Foire de Beaucaire qu'on prétend être la plus célèbre du monde, & qui fe tient dans la même faifon. Toute forte de pierreries & de bijoux y abondoient; & s'il n'y paroiffoit pas, comme à celle de Beaucaire,

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des Indiens, des Perfans & des Americains, il eft certain qu'à l'exception de ces Nations fi éloignées, l'affluence des Négocians de divers Royaumes & Etats de l'Europe, ainfi que des Provinces de France, y fut trèsgrande. Les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Anglois, les Hollandois, les Danois, les Suedois, les Allemans, les Suiffes de tous les Cantons, & fur-tout les Genevois, les Provençaux, les Dauphinois, les Languedociens, les Gafcons, les Xaintongeois, les Lyonnois, les Lorrains, les Poitevins, les Angevins, les Orleanois, les Champenois, les Bourguignons, les Picards, les Manceaux, les Normans, &c. tous y abordérent. On y apportoit de toutes parts une quantité prodigieufe d'effets, qui confiftoient en argenterie, étoffes, riches meubles & autres nippes précieuses, le tout pour trafiquer; mais l'or & l'argent monnoyé n'entroient dans la circulation qu'en faveur de l'efcompte des Billets de Banque, qui perdoient toûjours beaucoup. Plufieurs les voyant ainfi tomber, en acheterent pour acquitter leurs dettes', ou pour offrir des rembourfemens qu'on ne pouvoit leur refuser; ainsi beaucoup

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