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vance à tout, que pouvons-nous craindre? L'impofture facerdotale trouva bien des légions de foldats invinci bles, ou de martyrs réfignés, & la liberté n'auroit pas les fiens! De pieux énergumènes oferent bien renverfer des dieux étrangers au leur de deffus les autels, & la liberté, ne trouveroit point d'homines capables de frap per les defpotes fur leur trône ou dans leurs camps! On faifoit l'impoffible pour plaire aux idoles de cour, & le patriotifme n'auroit point les miracles! I eft temps que la liberté ait auffi fon culte & des facrificateurs, des victimes ou des martyrs.

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Il importe à la sûreté de l'empire que les départemens qui ne voient Paris qu'à travers un nuage plus ou moins épais, connoiffent en ce moment de crife la véritable fituation morale de cette ville, travaillée à la fois par les agens fecrets de nos ennemis, & livrée à des menées ténébreufes qui neutralifent fon patriotisme.

Concitoyens des quatre-vingt-deux départemens, fachez donc l'état au vrai de Paris, & comptez fur l'impartialité & l'exactitude du compte rendu que nous vous rédigeons fommairement ici. Paris, n'eft pas encore une ville pure; il s'en faut : elle renferme dans fon enceinte tant d'élémens hétérogènes & rivaux! L'efprit du peuple y est toujours excellent comme par-tout il faut le voir, il faut l'entendre répéter en choeur le refrain du chant de guerre des Marfeillois, que des chanteurs placés devant la ftatue de la Liberté, dans le jardin des Tuileries, lui apprennent chaque jour avec un fuccès nou

veau:

Aux armes, citoyens! formez vos bataillons :
Marchez ! qu'un fang impur abreuve nos fillons!

Mais en même-temps & au même lieu, d'autres harángueurs, apoftés là dans de finiftres intentions, femblent prendre à tâche de familiariter la multitude avec le meurtre, & la provoque, du gefte & de la voix, à de nouvelles fentences de mort.

Les arts, languiffent; mais les artifles ne fe font jamais fi bien montres on ne les regardoit que commé des Sybarites; le premier cri de la patrie en danger en a fait des Spartiates. Peu de citoyens font pénétrés aurant qu'eux de cet efprit public, qui tôt ou tard nous fera

triompher. Les fpectacles fur-tout ont manifefté un civilme rare; ils pourront en donner des leçons aux foldats de ligne. Veftris le danfeur, au lieu de fe joindre à fes camarades pour aller aux frontières, étoit en route pour paffer en Angleterre. Il fut atteint à Rouen, & ramené à la queue de la compagnie franche, en tête de laquelle il auroit peut-être eu l'honneur de marcher. Prefque tous les artifans veulent être foldats; on devoit s'y attendre; la révolution eft leur ouvrage.

Quant aux femmes, la majorité eft encore ariftocrate, & c'est tout fimple; le nouvel ordre de chofes les remet à leur place; le temps feul leur apprendra qu'elles ont tout à gagner fous le règne des mœurs & de l'êgalité.

Beaucoup de gens de commerce ont abandonné leur comptoir, pour voler où la patrie appelle fes enfans en état de la fervir; l'égoïfme même & l'appât du gain -n'ont pu tenir contre l'enthoufiafme général; des citoyens fortunés n'ont pas attendu qu'on aille à eux; ils fe font offerts, & ont quitté fans regrets leurs lits d'édredon, pour coucher fous la toile ; d'autres ont pris parti dans ces légions franches fur lefquelles il eft bon d'avoir l'œil; car l'aristocratie expirante, qui, dans fon impuiffance, fait arme de tout, fpécule fur les enrôlemens dont elle a déjà accaparé la plupart des chefs.

Voilà Paris fous un point de vue affez fatisfaifant. Le revers de la médaille l'eft un peu moins. Depuis le 10 août, les bons citoyens ont reparu à leurs fections, espérant y retrouver cet efprit public qui caractérifa les premiers momens de la révolution de 1789; ils l'ont en effet reconnu dans la maffe des affiftans; mais l'homme inftruit & modefte a de la peine à placer fon mot à la tribune affiégée, envahie par des petits intriguailleurs fans talens comme fans logique, mais fiers de leurs poulmons & forts de leur impudence: quelques prêtres ont voulu s'en mêler auffi; plufieurs curés ont ouvert la bouche, mais pour prêcher pour leur chapelle; l'un a réclamé fes vafes facrés; l'autre a défendu les grilles de fer qui interdisent l'entrée du fanctuaire aux profanes : tout cela n'est que ridicule & importun. Mais des orateurs plus dangereux s'y font écouter; ce font des hommes nouveaux qu'on n'avoit encore ni vus, ni entendus ; ils s'emparent de la parole, & à l'aide de quelques mots

confacrés

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confacrés par le patriotifme & débités avec charlatanerie, ils corrompent l'efprit public, en portant leur auditoire à des arrêtés peu fages, & capables d'amener la déforganisation. Ces gens-là font du nombre des émiffaires lâchés au milieu de nous par nos voisins, pour leur fervir d'efpions & d'agitateurs. Leur miffion eft de porter le peuple à des mefures irréfléchies. On trouve de ces mêmes individus dans tous les groupes populaires, devenus depuis quelques femaines moins nombreux. Ces gens-là infinment à la multitude que tous les coupables ne font pas encore punis, & ne le feront pas de longtemps, fi elle ne s'en mêle encore une fois.

Ils ont railon; il eft encore de grands criminels à frapper; & ce feroit peut-être un fervice rendu à la tranquillité publique que de défigner les lieux qui les recèlent; mais ces émisfaires officieux, gagés par les fcélérats fur le trône coalifés contre nous, ne provoquent la justice du peuple que parce qu'ils la regardent comme un pas de plus fait vers l'anarchie.

Ce font eux auffi qui, par des menées fourdes habilement conduites, cherchent à indifpofer les claffes indigentes contre la cafte des riches. Si ce moyen perfide venoit à réuffir, il feroit plus expéditif & plus certain que plufieurs armées combinées. Nos ennemis chanteront victoire quand on leur apprendra que Paris eft devenu le théâtre d'une infurrection contre la propriété. Déjà les citoyens ne fe rencontrent plus fans fe mefurer des yeux, fans chercher à fe pénétrer & à fe deviner: déjà on fait difparoitre l'argenterie. Habitans aifés de Paris! que faitesvous prenez-y garde, ces mesures de précaution calomnient le pauvre & compromettent la probité du peuple. Toujours il a refpecté le tien & le mien ; & fa morale a toujours été ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrois pas qu'on te fit. Il fait d'ailleurs que ces reffources pour T'avenir, fagement ménagées par vous dans les temps d'abondance, auront leur emploi au premier cri du befoin. Il compte bien que vous ferez les premiers à en faire l'offrande à la patrie.... au lieu que dilapidées par une multitude mal confeillée, elles ne feroient d'aucun profit à la chofe publique. Et vous honorables indigens, que les mal intentionnés méconnoiffent à deffein, qu'ils apprennent de vous que la faifon n'eft pas venue encore N°. 167. Tome 13.

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de frapper l'aristocratie des riches. Un jour viendra, & il n'eft pas éloigné, ce fera le lendemain de nos guerres; un jour le niveau de la loi réglera les fortunes. Aujour d'hui elle ne peut et ne doit qu'impofer les riches en raifon des befoins de la patrie.

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Les premiers jours de feptembre furent enfanglantés par une profcription, néceffaire pour éviter de plus grands maux auxquels n'auroit point fu parer une affemblée nationale qui n'avoit d'énergie que celle qu'on lui donnoit.

A ces falutaires exécutions on vit fuccéder avec autant de furprife que d'effroi, des arreftations arbitraires; & ces incarcérations clandeftines & fans écrou, effectuées au nem de la commune, étoient, dit-on, à la difcrétion de Marat... Quoi! il exifte des magiftras du peuple, capables d'en confier la bache & les faisceaux aux mains de Marat (1)! Ses haines, fes vengeances, fes listes de profcription l'ont trop fait connoître. Au titre de fes placards les bons citoyens ont effacé celui d'Ami du Peuple; ils ont gémi de voir les noms d'hommes généralement eftimés, fervir d'étais à la réputation croulante de Marat. Ils ont vu avec douleur celui qui s'eft caché dans les momens périlleux, défigner aujourd'hui comme des factieux & des fcélérats ceux qui ont fait tête au defpotifme pendant les jours de fa puiflance. Ils ont vu avec étonnement celui qui jadis dédia des livres à Monfeigneur comte d'Artois, mendier fous le règne de l'égalité, 15 mille francs à un prince français, pour faire imprimer trois ouvrages de fa façon. Marat, fongez-y, vous voilà à la convention nationale, le peuple a les yeux fur vous; vous allez être jugé à votre tour: juftifiez fon choix, ne dégradez ·

(1) A l'une des dernières affemblées du confeil général de la commune, ii fut queftion un moment de Marat; M. Pétion l'y dénonça comme un infenfé; M. Panis en parla comme d'un prophète, comme d'un autre faint Siméon Stylite. Marai a demeuré fix femaines fur une felle dans un cachot; ce font les expreffions du plaifant & courageux défenfeur de Marat. MM. Pétion & Panis, ne font divifés d'opinion qu'on le croit bien au fujet de cet homme. prophète n'étoit-il pas jadis le fynonyme de fou?

pas autant

plus l'honorable titre de légiflateur, & travaillez à faire de bonnes loix plutôt qu'à provoquer des affaffinats.

Mais c'est trop long-temps nous occuper de ces feènes tragiques. La juftice du peuple eft enfin fatisfaite, & l'affemblée nationale vient de rendre un décret qui déjouera complétement les fpéculations que des ennemis Cachés du bien public & leurs échos faifoient déjà fur ces actes terribles, exigés par des circonftances impérieules. Les profcriptions de Sylla ne fouilleront point la révolution du 10; déformais la loi feule décidera de la vie ou de la liberté des citoyens, & fes miniftres auront feuls le droit de la mettre à exécution. L'homme innocent, le coupable lui-même dont on violera l'afile, fans l'aveu de la loi, eft autorifé à repouffer la violence par la force. Ainfi donc, tranquillifés fur de nouveaux mouvemens inteftins, fufcités pour faire diverfion aux grands intérêts de la patrie en danger, payons d'abord un tribut de reconnoiffance aux fociétés populaires pour le bien qu'elles ont fait & pour celui qu'elles ont voulu faire. Remercions le club des Jacobins de la furveillance active qu'il a exercée ju qu'à ce moment. Félicitons le club des Cordeliers fur fes tyrannicides qui n'ont encore tué perfonne. Mais enfuite, pour être tout entiers à l'événement du jour, faifons main-baffe fur tous les partis; fermons l'oreille à tous les chefs d'opinions; ferrons-nous & fans diftinction antour du palladium de la liberté, entretenons avec un foin religieux cet efprit public, dont le feu de Vefta étoit l'emblême; tant qu'il brûla, les Romains ne défefpérèrent point du falut de l'empire. Ajournons après la convention & guerre nos petites querelles, nos débats domeftiques; avant & par deffus tout foyons Français, tous nos devoirs font renfermés dans ce mot.

Premières opérations de la convention.

Des hommes ont été choifis pour combiner les deftinées d'un grand empire, pour propofer au peuple français les loix les plus propres à faire le bonheur d'une immenfe fociété. Plus fages que les premiers conftituans, leur projet n'eft pas fans doute d'affeoir une feconde fois fur le fable les bafes du gouvernement. La volonté fouveraine de ce peuple a fait difparoître pour jamais le

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