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49°. DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

RÉVOLUTIONS

DE PARIS, DÉDIÉES A LA NATION

ET AU DISTRICT DES PETITS-AUGUSTINS,

Avec gravures et cartes de départemens de France. QUATRIÈME ANNÉE

DE LA LIBERTÉ française.

TREIZIÈME TRIMESTR E.

Les grands ne nous paroiffent grands que parce que nous fommes à genoux. Levons-nous

ARIS-SELL

PRUDHOMME

DU I AU 8 SEPTEMBRE 1792.

La justice du peuple.

DIMANCHE, 2 feptembre, vers les deux heures

après midi, le canon d'alarme du Pont-Neuf fit entendre fes trois coups, le tocfin fonna, & le tambour battit la générale dans toutes les fections de Paris.

Qu'est-il donc arrivé? fe demandèrent les citoyens fortis de leurs maisons. Verdun eft-il pris tout-à-fait ? No. 165. Tome '3.

A

Les ennemis font-ils à Châlons? Demain feront-ils à nos portes ?

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Verdun n'eft pas pris, la citadelle du moins. Châlons eft menacé peut-être de la préfence, des troupes prufLiennes, l'ennemi du nord n'eft pas à nos portes; mais nous en avons un au milieu de nous, dont la mine infernate doit éclater. la nuit prochaine. Avant d'aller audevant des ennemis du dehors, déjonons le complot horrible des fcélérats, qui ce foir peut-être incendieront Paris, après l'avoir mis au pillage.

Et en effet, les prifons régorgeoient de monde; on en conftruifoit de nouvelles, qui, au train dont alloient les tribunaux, euffent bientôt été infufifantes encore. D'infortunés pères de famille que la difficulté des temps mettoit dans l'impuiffance d'acquitter une dette facrée, le lait de leurs enfans, fe trouvoient entaffés pêle-mêle avec les fcélérats & complices de la journée du 10, avec des prêtres s'avifant, pour la première fois de leur vie, de parler de leur conscience, avec des prélats perturbateurs & contre révolutionnaires couvant fous la cendre dans leurs ci-devant diocèfes les feux mal éteints du fanatifme religieux & royalifte, avec des officiers militaires défignant à l'ennemi l'entrée la plus facile dans leur patrie, avec quantité de fuppôts des maifons de jeu & de contre-facteurs d'affignats, ipéculant leurs fortunes fur la ruine du crédit national & des mœurs.

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Un de ces miférables, condamné à dix ans de chaîne, & attaché famedi premier feptembre au poteau infamant, en place de Grêve, y porta l'audace jufqu'à infulter au peuple français, & crier fur l'échafaud même: vive le roi, vive la reine, vive M. Lrfayette, au f....._la_nation! Le procureur de la commune l'entendit, & le fit ramener devant les juges qui l'envoyèrent dimanche matin à la guillotine. Voici l'horrible confpiration que ce criminel, prêt à être fupplicié, révéla, comme pour fe venger par des menaces, qui n'étoient que trop bien fondées, & appuyées d'ailleurs par plufieurs dépofitions faites dans des fections.

Vers le milieu de la nuit fuivante, à un fignal convenu, toutes les prifons de Paris devoient s'ouvrir à la fois; les détenus étoient armés en fortant avec les fufils & autres inftrumens meurtriers que nous avons laiffé le temps aux aristocrates de cacher en publiant plufieurs

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jours d'avance une visite domicilière; les cachots de la Force étoient garnis de munitions à cet effet.

Le château de Bicêtre, aufli malfaifant que celui des Tuileries, vomifloit à la même heure tout ce qu'il renferme dans fes galbanums de plus déterminés. On n'oabhoit pas non plus de relaxer les prêtres prefque tous chargés d'or, & dépofés à Saint-Lazare, au féminaire de Saint-Firmin, rue Saint-Victor, à celui de Saint-Sulpice, au couvent des Carmes-Déchauffés & ailleurs.

Ces hordes de démons en liberté, groffies de tous les aristocrates tapis au fond de leurs hôtels depuis la SaintLaurent, fous le commandement des officiers traîtres envoyés à l'Abbaye, commençoient par s'emparer des poftes principaux & de leurs canons, faifoient main-balle fur les fentinelles & les patrouilles dont la plupart étoient fans cartouches par une imprévoyance incroyable des fections, & mettoient le feu dans cinq à fix quartiers à la fois, pour faire une diverfion néceffaire au grand projet de délivrer Louis XVI & fa famille. La Lamballe, la Tourzelle & autres femmes incarcérées euffent été ren dues auffi-tôt à leur bonne maîtreffe. Une armée de royaliftes qu'on auroit vus fortir de deffous les pavés, eût protégé l'évafion rapide du prince, & fa jonction à Verdun ou Lonwy, avec Brunsvick, Frédéric & François; les magiftrats & les plus patriotes d'entre les légiflateurs probablement égorgés, fi l'on eût pu, fans fe retarder & courir de trop grands rifques au réveil du peuple.

Le fuccès d'un coup de main auffi hardi étoit dou teux fans doute. Mais la commotion qu'il eût faite, même en ne réuffiffant pas, pouvoit caufer le plus grand dé ordre, & favorifer l'invafion des frontières dans tous leurs points. Le peuple qui, comme Dieu, voit tout, eft préfent par-tout, & fans la permiffion duquel rien n'arrive ici bas, n'eut pas plutôt connoiffance de cette confpiration infernale, qu'il prit le parti extrême, mais le feul convenable, de prévenir les horreurs qu'on lui préparoit, & de fe montrer fans miféricorde envers des gens qui n'en euffent point eu pour lui. Ils avoient bien choifi leur temps; ils favoient qu'à la première mauvaise nouvelle des frontières, l'élite de Paris quitteroit fes foyers pour fe porter au lieu du péril. De ce moment cette ville, dénuée de fes principales forces, & réduite

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à fes piques, leur fembloit comme un vafte champ de bataille abandonné au pillage.

L'inftinct droit du peuple déconcerta toutes ces mefures. Aux termes d'un décret de la furveille, les barrières avoient été rendues libres dimanche matin. A trois heures, le canon d'alarme les fit refermer. Beaucoup de perfonnes en avoient profité pendant toute la matinée. Les traîneurs font arrêtés; plufieurs carroffées furent obligées de rebrouffer chemin, & conduites au comité de la fection des Quatre - Nations. De vingt-un individus qu'elles contenoient, trois furent maffacrés en route, fur des indices plus que fufpects. Des dix-huit reftans, quinze fubirent le dernier châtiment, fur les degrés même de la falle où on les interrogea d'abord. Plufieurs prêtres déguifés fe trouvèrent du nombre; tels que l'archevêque, d'Arles & le vicaire de Saint-Fériol de Marfeille. Parmi les effets qu'on inventoria fur eux, après leur mort, on remarqua de petites images en papier repréfentant deux cœurs percés de flèches dans une couronne d'épines, & furmontés d'une croix. Au bas on lifoit:

Cœurs facrés,
Protégez-nous.

C'étoit un figne de ralliment, une efpèce de mot d'ordre que la Lamballe & autres femmes de la cour portoient auffi fur elles, mais brodés fort proprement fur des morceaux de drap de diverfes couleurs ; les prêtres immolés dans les différens dépôts en étoient munis.

Ils avoient en outre dans leurs poches ou dans leurs bréviaires une prière à la très-fainie Vierge, que les per fonnes pieufes font invitées à réciter tous les jours pour le roi. Ce n'eft par un morceau d'éloquence, tant s'en faut; la diction répond au fujet: nous allons la transcrire ici comme pièce curieufe.

Prière à la très-fainte Vierge, que les perfonnes pieufes font invitées à réciter tous les jours pour le roi..

Divine mère de mon Sauveur, qui dans le temple de Jérufalem avez offert à Dieu le père, Jéfus-Chrift fon fils & le vôtre, je vous offre à vous-même notre

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roi bien-aimé Louis XVI. C'eft l'héritier de Clovis, de faimte Clotilde, de Charlemagne ; le fils de la pieute Blanche de Caftille, de St. Louis, de Louis XIII, de la vertueuse Marie de Pologne, & du religieux prince Louis dauphin, que je vous préfente. Ces noms fi chers à la religion n'auront-ils pas auprès de vous la même vertu qu'eurent tant de fois auprès du Dieu d'Israël les noms d'Abraham, d'Ifaac & de Jacob?

Confidérez, Mère très-pure, Vierge remplie de clémence que ce bon prince n'a jamais été fouillé par celui de tons les vices que vous avez le plus détefté; qu'il n'a été ni un homme de fang, ni le tyran de fon peuple, Vierge toute-puiffante, le canal de tous les dons & de toutes les vertus, c'est par vous que fes mœurs font pures qu'il aime la droiture, la probité, & que la bonté de fon ame s'est toujours refufée à permettre que l'on répandit le fang d'un feul homme pour mettre fa propre vie à couvert.

chéri.

Reine du ciel, reine de l'églife catholique, reine de nos rois & de la France, foyez-la de ce monarque Adoptez-le comme vous adoptâtes au pied de la croix le chafte & bien-aimé difciple de la douceur & de la charité, & prouvez-lui que vous êtes fa mère.

O MARIE, si vous êtes pour lui, qui fera contre lui? Régnez en fouveraine fur fa perfonne, fur fon cœur & fur les actions. Confervez, prolongez fes jours & rendezles heureux. Augmentez & perfe&ionnez fans ceffe fes vertus chrétiennes & fes vertus royales. Sanctifiez furtout les épreuves & fes facrifices, & faites-lui mériter une couronne plus brillante & plus folide que les plus belles couronnes de la terre.

J'unis ma prière à celles que vous font en ce jour dans l'étendue de la France tous ceux qui craignent le Seigneur, qui font remplis d'une vive confiance en vous, & qui aiment le roi. Je joins mes foibles mérites, mes communions & toutes mes oeuvres aux leurs, afin de faire une fainte violence à votre cœur maternel, & de la faire par vous à votre divin fils. Mère de Dieu, vous voyez la droiture de mon cœur & la pureté de mes vœux : parlez Jefus pour le fils de St. Lonis & pour fon peuple. A-t-il jamais rien refufé à vos demandes ?

Rendez vos prières efficaces par l'aumône.

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