motif de cette différence, c'est que la causa liberalis, c'està-dire l'affranchissement des esclaves, est plus favorable que l'exécution des fidéicommis simplement pécuniaires (Paul, L. 39, Princ. De fid. lib., XL, 5). CHAPITRE II DE L'ERREUR SUR LA PERSONNE SECTION I. De l'erreur du testateur sur lui-même. Le testateur peut se tromper sur sa propre personnalité juridique, ignorer son état et par suite sa capacité. S'il croit avoir la factio testamenti, alors qu'il en est privé, il est évident qu'il ne fait pas un testament valable mais ce qui se comprend moins facilement c'est que le droit romain exige, non seulement que le testateur soit capable, mais encore qu'il connaisse sa capacité d'une façon certaine. Le testament est nul, si le testateur se croit incapable; au point de vue juridique la capacité n'existe qu'autant que le testateur en a la parfaite connaissance : « De statu suo dubitantes, vel errantes, testamentum facere non possunt (1). (1) L. 14 et 15 au Dig., XXVIII., 1; Bartole, glose sur ces lois. Cujas, opera, t. I, p. 1046. B. Pothier, Pandectes, t. II, p. 173. Accarias, no 327. Maynz, t. III, p. 216, 4°. Ulpien, XX, § 11. Sur ce point, voici quelques espèces : Un testateur affranchit son esclave dans son testament d'une façon directe (Stichus heres esto). A la mort de son maître, l'esclave n'est pas immédiatement libre, mais il acquiert la liberté de plein droit au moment où l'héritier fait adition. Croyant que l'héritier a fait adition, cet esclave fait son testament: cet acte est évidemment nul, comme étant l'œuvre d'un esclave, personne incapable. Cette solution n'a rien que de très rationnel; mais ce qui est digne de remarque, c'est que le testament serait également nul, alors que l'adition aurait eu lieu, si l'esclave ignorait cet événement. En fait, cependant, il est devenu libre: mais l'ignorance où il se trouve au sujet de sa liberté et de la capacité qui en résulte pour lui, suffit pour faire considérer le testament comme nul, absolument comme s'il émanait d'un incapable (L. 14 et 15, au Dig., XXVIII, 1). A fortiori, le testament ne vaudrait certainement pas, si le testateur ignorait non seulement que l'héritier eût fait adition, mais encore qu'il eût été lui-même affranchi. Un père de famille meurt en voyage. Son fils, qui ignore ce décès ou qui du moins n'en a pas la parfaite certitude, fait son testament. Ce testament est nul quoique, en réalité, le testateur soit sui juris; mais il n'en a pas connaissance ou il est dans le doute sur son état: cela suffit pour faire obstacle à la validité du testament (Ulpien, XX, § 11). Un citoyen romain sui juris est fait captif par des pirates. Il ne devient pas esclave, comme dans le cas où il aurait été fait prisonnier par les ennemis ; en droit, il reste libre (1). Mais, ne sachant pas si ceux qui l'ont fait prisonnier sont des ennemis ou des pirates, il se trouve dans l'incertitude sur sa capacité : est-il demeuré libre, est-il devenu esclave? Il l'ignore. Dans ces conditions, il ne peut valablement tester. Titius, fils de famille, dont le père est prisonnier des ennemis, fait son testament. Il ne sait s'il est capable ou non. Si son père revient, Titius sera censé n'avoir jamais cessé d'être alieni juris et, par suite avoir testé en état d'incapacité (2). Si, au contraire, le père meurt apud hostes, d'après l'opinion qui prévalut définitivement (3), il est réputé mort au moment même où il a été fait prisonnier; dès lors, Titius, devenant capable à partir de ce jour, aurait dû acquérir le droit de tester. Le doute, dans lequel il se trouve par la force même des choses au sujet de sa capacité, empêche son testament de valoir. Titius, frappé d'une condamnation à une peine capitale, peine qui emporte servitude, interjette appel et fait son testament; puis il meurt dans le cours de l'instance (1) L. 19, § 2; 21, § 1. De captiv., XLIX, 15. Cujas, ibidem. (2) § 5, Instit. I, 12. (3) Accarias, no 118, 3°, in fine et la note. d'appel, ou avant la décision nouvelle, qui infirme la première sentence et prononce l'absolution. Le testament est-il valable? Il y eut controverse sur ce point entre les anciens commentateurs du droit romain. Accurse admettait la nullité du testament. Le testateur est-il ou non capable? On ne le sait pas sa situation est en suspens et dépend de la sentence à rendre. Si le jugement de condamnation est infirmé, le testateur sera censé avoir conservé la plénitude de ses droits; s'il est maintenu, l'appelant sera tenu pour servus pœnæ, du jour où la première condamnation est intervenue. L'état du testateur est douteux: il n'a plus la factio testamenti. Cujas considérait le testament comme bon. L'appel, dit-il, met la condamnation à néant. Provocatione extingui, écrit-il, non suspendi judicatum verius est. S'il en est ainsi l'état de l'appelant n'est pas en suspens; la condamnation étant comme non avenue, l'appelant a conservé le droit de tester. Sans doute si, sur l'appel, une décision, semblable à la première, est rendue, son testament tombera, deviendra irritum par l'effet de la capitis deminutio; mais si l'appelant est absous ou meurt avant la nouvelle décision, son testament est valable, car il était capable et n'avait aucun doute sur sa capacité au moment où il a testé. Cette opinion trouve un argument décisif dans la loi 6, § 8, D., XXVIII, 3 (1). (1) Voy. aussi L. 2, § 2, Dig., XLVIII, 19. |