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A la place de la maifon de ville, le bufte de La Fayette eft fufpendu à un réverbère, comme pierre d'at tente.

Le sentiment de la vengeance ne fait pas oublier au peuple ce qu'il doit aux honorables reftes des braves Marseillois & Bretons; ils, reçoivent aujourd'hui famedi les honneurs de la fépulture; des larmes vont couler fur leurs bleffures mortelles & glorieufes.

Les miniftres du roi font aujourd'hui remplacés par ceux que le peuple avoit défignés déjà au feu roi Louis XVI, de fanglante mémoire.

Nous terminerons ce récit rapide par rapporter le décret indiqué par la nation depuis plufieurs mois, & qui en nous délivrant d'un fot defpote indigne de régner fur un peuple libre, nous reporte à la déclaration des droits de Phomme, en nous invitant à une convention,,

«L'affemblée nationale confidérant que les méfiances contre le pouvoir exécutif, font la fource de tous nos maux, que ces méhances ont provoqué de toutes les parties du royaume le vœu de févoquer l'autorité donnée à Louis XVI par la conftition.

Que le feul moyen de concilier ce qu'elle doit au falut du peuple & à fon ferment de ne pas aggrandir fon autorité, eft de fe reporter à l'autorité fouveraine de la nation, décrète ce qui fuit.

Art. I. Le peuple français eft invité à former une convention' nationale. Le comité propofera demain un projet pour indiquer le modèle & l'époque de cette convention.

» II. Le pouvoir exécutif eft provifoirement fufpendu de fes fonctions, jufqu'au moment où la convention nationale aura décrété les mefures néceffaires à prendre pour maintenir l'indépendance nationale. Par amendement adopté, la lifte civile eft fufpendue & le comité indiquera la fomme que doit fixer le corps législatif pour la fubfiftance du roi & de fa famille.

» III. Les fix miniftres actuellement en activité exerceront le pou-* voir exécutif; la commiffion extraordinaire préfentera dans le jour un projet d'organisation du ministère.

IV. La commiffion extraordinaire préfenterá un projet de décret pour la nomination du gouverneur du prince royal.

» V. Le roi & la famille royale demeureront dans l'enceinte du

dérober à nos neveux ces honteufes platitudes de leurs ancêtres.

L'inauguration de ce bronze infolent eft du 14 juillet 1689; c'est-à-dire un fiècle, jour pour jour, avant la chute de la Baftille & du defpotifme en France. Ce bafard de date a fon prix.

Corps légiflatif, le département fera préparer, dans le jour, un logement au Luxembourg, pour y recevoir le roi & fa famille. » VII. Le roi & fa famille font placés fous la fauve-garde loi, & leur garde confiée à la garde nationale de Paris.

de la

» VIII. Tous fonctionnaires publics, officiers ou foldats, qui quitteront leur pofte feront déclarés infâmes & traîtres envers la patrie.

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IX. Le departememt de Paris fera proclamer, dans le jour, le préfent décret.

"X. Le préfent décret fera envoyé, daus le jour, aux quatrevingt-trois départemens par des courriers extraordinaires »...

Les fix miniftres font MM. Servant, an département de la guerre ; Roland, à celui de l'intérieur; Clavière, à celui des contributions; Danton, au département de la justice; Monge, à celui de la marine, & Lebrun à celui des affaires étrangères.

La nuit du famedi au dimanche à été affez tranquille; MM. les commiffaires des fections de Paris, réunis à l'hôtel commun de la ville, pour veiller au foin de la patrie en danger, ont fufpendu tous les comités de fections, ainfi que le directoire & le confeil du département de Paris, en ce qui concerne la ville de Paris.

On attend le rapport de la motion faite par M. Bazire, de licencier tous les officiers de l'armée, & de faire une nouvelle & générale promotion au choix des foldats.

M. Lacroix eft nommé vice-préfident, & l'affemblée a décrété en dernière analyfe la convocation de la convention nationale au 26 de ce mois. La diftinction des Français en citoyens actifs & non actifs eft fupprimée. Tout Français âgé de 21 ans, domicilié depuis un an, pourvu qu'il ne foit pas en état de domefticité, fera admis dans les affemblées primaires & électorales.

Louis XVI & fa famille étoient encore dimanche matin. aux feuillans.

Quelques gendarmes font venus déclarer à la barre qu'ils avoient reçu ordre de tirer fur le peuple.

Preuves de la coupabilité de Lafayette. Son abfolution.

L'hiftoire des fluctuations du corps légiflatif n'en offre peut-être pas de plus bifarre que celle de fa foibleffe au fujet de M. Lafayette. Ce général a d'abord écrit une lettre infolente où il menace le corps des repréfentans du peuple, où il se conftitue puiffance intermédiaire entre eux & le premier fonctionnaire public; il a enfuite

quitté fon pofte de général d'armée pour venir faire une pétition contre tous les principes militaires & conftitu, tionnels, dont il fait femblant d'être fi jaloux; & l'aifemblée nationale n'a pas trouvé dans ces deux attentats de quoi lancer fur lui le décret d'accufation; elle a même femblé préjuger que ces deux crimes politiques, qu'elle reconnoilloit comme tels, n'étoient pas de nature à le motiver, puifqu'elle paroiffoit portée, à rendre, une loi preffive contre ceux qui commettroient à l'avenir le même acte que s'étoit permis Lafayette; en déclarant que la loi n'exiftant pas encore à l'époque où l'accusé s'en étoit rendu coupable, elle ne pouvoit pas lui être appliquée, fous le prétexte qu'il n'y a pas de délit là où il n'y a pas de loi qui le reconnoiffe. Tel étoit l'état de la délibération, lorfqu'un membre de l'affemblée natio nale allégua que. Lafayette avoit propofé au maréchal Luckner de porter fon armée contre Paris, & que la propofition lui en avoit été faite par l'organe de M. Bu reaux de Puzy. Cette nouvelle allégation changea l'ordre de la délibération du corps législatif, qui ordonna que le fait avancé feroit vérifié avant de procéder à un décret définitif; en conféquence, que M. Bureaux feroit mande à la barre, & qu'il feroit refpectivement écrit au maréchal Luckner & au général Lafayette.

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Si nous n'avions à parler que le langage de la raifon & du fens commun, fi nous n'avions, affaire à des hom mes prévenus, & la plupart complices du fieur Lafayette, S'il ne fe trouvoit dans l'affemblée ni des Dumas, ni des Vaublanc, ni des Paftoret, fi l'affemblée n'étoit com pofée que de dignes représentans du peuple, nous dirions que ce décret interlocutoire eft nul, & que la pétition de Lafayette & fa comparution à la barre font des faits plus que fuffifans pour le faire condamner; nous dirions qu'un général d'armée qui menace le corps législatif menace la nation, nous dirions que de telles menaces font une rebellion caractérisée à l'exercice de la fouveraineté du peuple, & nous attendrions avec affurance que les repréfentans de ce même peuple lui fiffent juftice d'un factieux, d'un infolent confpirateur; mais comme nous ne devons rien attendre de l'affemblée nationale que ce qu'on lui arrachera, pour ainfi dire, de force, nous allons plaider la caufe du peuple contre Lafayette, comme on plaide la caufe d'un particulier pardevant un tribunal; nous allons refpecter ie miférable interlocutoire rendu fur la propofition de

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M. Lafource; nous allons même le prendre pour bafe de la difcuffion.

Où est la preuve de l'allégation du nouveau fait imputé au général Lafayette ? Elle eft dans les certificats de plufieurs membres de l'affemblée nationale remis au comité des 21, & dont la teneur eft ainfi : « Quelques » membres de l'affemblée nationale ayant eu occafion

de voir M. le maréchal Luckner le 17 juillet au foir »'chez M. l'évêque de Paris, & lui ayant demandé s'if » étoit vrai qu'on lui eût propofé, de la part de M. La

fayette, de marcher fur Paris avec fon armée, après » l'événement du 20 juin, M. le maréchal Luckner a » répondu en ces termes: Je ne nie pas; c'eft M. Bu reaux de Puzy, celui qui a te je crois, trois fois préfident de l'affemblée nationale. Je lui ai répondu: Monfieur, je ne mènerai jamais l'armée que je commande que contre les ennemis du dekors. Lafayette eft le maître de » faire ce qu'il voudra; mais il marche fur Paris, mot je marcherai fur lui, & je le DAUBERAI. M. Bureaux de Pury me dit alors: mais la vie du roi eft en danger voilà ce qu'il m'a dit, & ils m'ont fait d'autres propofi tions qui font bien plus horribles.

» Telles font les propres expreffions du maréchal Luck»ner que nous avons entendues & que nous atteftons. Signes, Briffot, Guadet, Genfonné, Lafource, Lar marque, Delmas ».

Dans un autre certificat, M. Hérault ( de Séchelles. attefte également qu'il a recueilli de la bouche de Luckner ces propres paroles M. Lafayette m'a envoyé M. Bureaux-Pury, qui m'a fait de fa part des propofitions horribles. Signé HÉRAULT.

Or, ces certificats ne devoient-ils pas fuffire à l'af femblée nationale pour lui faire porter le décret d'accu fation? Par fon décret interlocutoire, elle a néceffairement préjugé que s'il étoit vrai que Luckner ait dit telle chofe de Lafayette, ce dernier feroit accufé par elle. Le fait eft prouvé par la dépofition conforme de repréfentans du peuple. Ce genre de preuve eft auffi légal qu'il eft impofant. Quel eft donc la caufe de cette obftination étrange à ne vouloir pas prononcer fur un coupable?

Dira-t-on que le certificat des membres de l'affemblée nationale peut être infirmé par le dire de M. Bureaux

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Le XI Aout 1792, les parisiens reprennent une mesure qu'ils avoient eu tort de ne par mettre a execution le 20 Juin 1791. Ils abbatirent les Statues de Louis XIV, Place des victoires, et place vendime.

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