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davres gifloient encore le lendemain dans la place Ven dôme, lieu de l'exécution.

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Une autre fauffe patrouille, forte de deux à trois cents hommes avec du canon, roda toute la nuit auxenvirons du Théâtre Français: elle devoit fe joindre à un détachement du bataillon d'Henri IV, au Pont-Neuf, pour al ler égorger Pétion & les Marfeillois, campés fur le pont Saint-Michel. Les affemblées de fection en activité arrê tèrent que le maire de Paris feroit configne dans la falte du confeil, avec une garde d'honneur de 400 citoyens qui répondroient de la liberté & des jours de ce digne magiftrat. Elles ne s'en tinrent pas là. Mandat, commandant-général de la garde nationale, avoit outragé d'une manière odieufe M. Pétion, en defcendant du château des Tuileries pour paffer au corps législatif. Il fut arrêté, & fur le champ mis en prifon. Les fections adminiftrèrent provifoirement la commune par des commiffaires lui nommèrent Santerre pour fucceffeur provifoire, & procédèrent à la réorganisation de l'étatmajor. Il faut dire que l'ancien corps municipal & la commune, à l'exception du maire, de Manuel & de fon collègue, venoient d'être renouvelés comme par acclamation.

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Pendant qu'on prenoit ces mefures fages & fermes, les citoyens en armes, de toutes fortes, accouroient de toutes parts par petits détachemens qui fe mirent en marche de divers côtés, ensemble & en bon ordre, car ils étoient fans leurs chefs. L'infurrection devenoit univerfelle; les bataillons fe formoient, les canons à leur tête. Celui de Henri IV parut vouloir fe féparer de la caule commune, & alla jufqu'à pointer une partie de fon artillerie fur la rue Dauphine & du côté des Marfeillois; on y prit garde à peine; de plus grands intérêts occupoient les efprits. Déjà la place du Carrousel se rempliffoit. Les Marfeillois y étoient arrivée des pre miers, par la rue Saint-Honoré, où l'on tira fur eux, de plufieurs fenêtres, des coups de fufil dont ils ne daignèrent pas s'appercevoir.

La cour crut ne devoir pas attendre que le raffemblement fût complet & fous fes yeux. Louis XVI, que nous n'appellerons plus le roi des Français, ne s'étoit point couché. Le foir de la veille, on avoit remarqué quantité de voitures dans la cour du château. Toute la

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nuit s'étoit påffée à combiner apparemment un plan de défense ou plutôt de retraite. On avoit tenu Pétion le plus qu'on avoit pù hors de fon pofte, tant on craignoit l'influence d'un feul homme fur l'univerfalité des citoyens ! Des grenadiers & des chafleurs avoient été commandés pour garder le château. Ceux-ci toute la nuit firent l'exercice & la manœuvre en grommelant entre leur dents : : qu'ils viennent les b..., nous les attendons pour les bien recevoir: ils parloient des fans-culottes & des Marfeillois, joints aux Bretons. Les grenadiers plus prudens attendoient la pointe du jour pour s'évader, craignant de fe trouver entre deux feux, c'eft-à-dire, entre les chevaliers du poignard & les fans-culottes. Les ci-devant envoyoient à chaque inftant les émiffaires dans les faubourgs pour en connoître le degré de température. Dès les 6 heures du matin Louis XVI defcendit dans la cour des princes pour haranguer les grenadiers, qui le portèrent en triomphe jufque dans fon appartement, en criant vive le roi; mais à huit heures ils défertèrent leur pofte à l'arrivée des faubourgs. Les canonniers pafsèrent avec leurs canons du côté des patriotes On diftribua un certain nombre d'écus de fix livres tout neufs & force bouteilles d'excellent vin aux Suiffes dont on étoit à-peu-près sûr, & dont la garde étoit triplée. Louis XVI les palla lui-même en revue, & leur trouva bonne conenance. Mais la journée du 20 juin qui n'étoit pas effacée du fouvenir de la cour la détermina à ne pas attendre l'arrivée du peuple. Louis, fa Médicis, leurs enfans & la prude Elifabeth, fans oublier la Lamballe prirent, à travers le jardin des Tuileries encore fermé à ce moment, le chemin de l'affemblée, escortés de la garde nationale & de tous les Suiffes, criant tous vive le roi. Quand ils eurent déposé leurs maître & maîtreffe au fein du corps législatif, les Suiffes fe rendirent à leurs poftes. Mais plufieurs volontaire's nationaux, à l'exception des grenadiers (1), ne restèrent pas long-temps au leur,

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(1) Il fout nommer leurs bataillons: Filles Saint-Thomas, dn Louvre, des Petits-Pères & de Henri IV; ils avoient promis aux Suiffes de les foutenir, & ils lâchèrent pied. Le dire&toire pourtant avoit donné des ordres pour repouffer la force par la force.

indignés d'un petit incident qu'il faut bien fe garder de paffer fous filence, il eft trop important, & prouve fans réplique que la cour avoit de fon côté un grand deffein, & vouloit, pour ainfi dire, rifquer le tout pour le tout. Avant l'arrivée des Marfeillois & des faubourgs au Catroufel un groupe affez nombreux de citoyens s'étoit présenté pailiblement à la porte de la cour des princes défendue en dedans par une barrière pofée la veille. Des Suiffes demandèrent ce qu'on vouloit : - Nous voulons entrer. Vous ne pouvez entrer, répliquèrentils, que vous ne promettiez de crier vive le roi; nous vous donnerons même des fabres, Ce fait atroce jette un grand jour fur la journée du 10 août.

Cependant le tocfin qui fe faifoit toujours entendre, les têtes coupées qu'on promenoit déjà, la marche de tour Paris debout & armé, la préfence du lâche & perfide Louis XVI, venant fe mettre, pour ainfi dire, à la merci du corps légiflatif, la contenance fière des tribunes, toutes ces circonftances en impoferent tellement à l'affemblée nationale, qu'elle fe hâta de décréter fur un rapport de M. Vergniaud, la fufpenfion de Louis XVI. (Voyez plus bas le décret.) Un bruit fe répandit fur la terrafle des feuillans, couverte de monde, que la déchéance venoit d'être décrétée par acclamation. Il n'en étoit rien, Louis XVI n'étoit que fufpendu; il affifta, pour ainfi dire, à la délibération de ce décret, qui ne fut pas longue, placé avec fa famille dans la loge des tachigraphes où on le fit aller, ne pouvant refter à la barre, encore moins à côté du préfident. Il y avoit débuté par une grande calomie qui ne fut point relevée: Je fuis venu ici pour éviter un grand crime. Le faint homme de roi! mais le peuple avoit la bonhomie de ne vouloir que fa déchéance. Plufieurs coups de canon qui fe firent entendre ce moment, complétèrent l'illufion où étoit la terraffe des fenillans. Il y eut un battement de mains univerfel; c'eft, dit-on, en réjouiffance du décret qui vient

en

d'être rendu.

La vue d'un bleffé fit bientôt ceffer l'erreur. « Nous » fommes trahis. Aux armes ! aux armes ! les Suiffes ti» rent fur les citoyens. Ils ont déjà couché par terre cent >> Marfeillois ».

Et cela n'étoit que trop exact: vers les dix heures & demie tout Paris fe trouvoit, pour ainfi dire, raffemblé dans le Carroufel & heux adjacens, les Marfeillois en tête. Ceux-ci demandent qu'on ouvre les portes de la cour des princes; les portes s'ouvrent fans difficulté: ils entrent, & s'avancent huit de front. Ils font accueillis, fêtés par les Suiffes, rangés en haie fur plufieurs files; ils en reçoivent même des cartouches en ligne d'amitié; ils avancent encore, fuivis du bataillon des Cordeliers. Arrivés à dix pas du château, un feu roulant part de droite & de gauche à la fois, & même à travers les croifées du château, fuivi d'une décharge de canons chargés à mitraille & mafqués. Prés de 200 hommes tombent à cette décharge inopinée & perfide; leurs camarades fe replient en bon ordre, & rebrouffent chemin fans fe débander, foutenus par les Bretons; le feu ne ceffoit point; ils y furent expofés prefque feuls, & pendant près d'une heure, attendu que les bataillons parifiens, mal approvifionnés de munitions, avoient à peine de la poudre & trois coups à tirer. Les Suiffes ne ceffoient de fufiller du dedans de leurs cafernes, où ils fe cachoient après le coup, pour recharger leurs fufils tout à l'aife, fort peu incommodés par les volontaires; on tiroit en même temps fur le peuple de chaque fenêtre du pavillon de Flore & de la grande galerie le long du quai. Plufieurs citoyens, fur-tout des femmes & des enfans, n'évitèrent les balles qu'en fe précipitant par-deffus les parapets dans la rivière; on tiroit en même temps & du côté du jardin, & du côté de la ville; on tiroit & des combles & des foupiraux. Il paroît que le mot étoit donné au château de faire une feconde journée de la Saint-Barthélemi; mais le 10 août 1792 étoit encore plus affreux que le 24 août 1572, & Louis XVI bien autrement monftre que Charles IX. Celui-ci, du moins, qui fur un balcon du Louvre, une arquebufe en mains, canardoit les proteftans, s'expofoit à la repréfaille; mais Louis XVI, le matin, fait boire les Surffes, leur diftribue de l'argent, les paffe en revue, & après leur avoir donné, ainsi qu'à fes chevaliers du poignards, le mot d'ordre d'affaffiner bravement le peuple à travers les croifées de fon palais, auffi lâche que perfide, il va fe cacher au fein du corps législatif, & demande un afile aux repréfentans de cette même

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