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mais le château eft fur la défenfive; il s'attend à une attaque vain espoir ! Ce même peuple qui, le jour de la fête de la liberté, avoit fait la police du cortege tout le long de la route, avec un épi de bled au bout d'un bâton, remplace cette fois-ci par un cordon de foie la haie de baïonnettes de la veille; il fe tient fur fa terraffe étroite, fans éprouver de privation à la vue d'une promenade vafte & délicieuse dont il avoit la jouiffance, & donne le premier l'exemple de la foumiffion aux loix de la propriété la plus équivoque.

La cour n'étoit pas préparée à cette fageffe de mefure qui dérange plus d'un projet. Nos fougueux ariftocrates en font déconcertés, & ne voient plus fi clair dans l'avenir qu'auparavant. On ne fera pas ailément faire des fottifes à un peuple qui fe possède à ce point. Ce château isolé, & femblable à ces maifons où l'on renferme les peftiférés, ce beau jardin désert, abandonné, comme s'il étoit peuplé de ces arbres à poifon dont nous parlent les voyageurs modernes, & qu'on fuit une lieue à la ronde, rien ne pouvoit mieux défigner l'opinion publique à l'égard de la cour. Le peuple n'a ja mais mieux marqué l'averfion & le dédain qu'il porte à tout ce qui la touche ou lui appartient. Qu'elle s'épargne les frais d'une grille de fer & l'entretien d'une garde; une barrière de rubans eft tout ce qu'il faut pour interdire toute communication entre elle & le peuple. Jadis nous faifions quatre lieues pour aller faluer nos maîtres & nous promener dans leurs jardins.

Comme les, mefures les plus fimples font fouvent les

efficaces! On ne pouvoit guère donner au roi une leçon plus forte que celle écrite fur ce ruban qui le fépare de la nation. S'il favoit y lire toute fa deftinée s'y trouve. Ce ruban en dit plus que toutes les adreffes venues des départemens pour remettre Louis XVI à fa place, c'est-à-dire, hors de la conftitution d'un peuple libre dont il n'eft pas digne d'être le chef. Ce cordon de foie indique affez qu'il nous eft devenu tout-à-fait étranger; il fe tranfporte à Coblentz. Ah! ah! Louis! tu te fortifies dans ton château, comme les émigrés dans les leurs. Tu fais élever des grilles entre toi & nous; tu nous menaces des baïonnettes & du canon. A l'exem

ple de Dieu, qui, du doigt, traça, dit-on, jadis fur le rivage des limites à la mer en furie, en lui difant tu

n'iras pas plus loin, nous avons tracé fur le fable du jardin des Tuileries une ligne de démarcation, où déformais tout defpotifme viendra expirer. Ce ruban tendu fur la terraffe des feuillans te dit affez, prince ingrat & perfide , que tu ne rentreras plus dans le cœur de la nation. I t'annonce ta déchéance dans notre estime. Nous ne te faifons plus l'honneur de te craindre. Ce ruban eft le cercle qui te retient à la diftance où nous voulons dorénavant que tu fois devant nous. Tyran! promène-toi tout feul dans ton jardin fouillé d'un côté par l'appareil de la défiance. Paie des efclaves pour te faire applaudir fur ton paffage: mais regarde de l'autre côté, au-delà de ce cordon de foie, vois le peuple qui te retire fes bénédictions. A quoi te fervent tes barreaux & tes pointes de fer, tes baïonnettes & tes canons? Un mur d'airain ne te mettroit pas à l'abri des leçons du peuple. Frofite plutôt de celle qu'il te donne dans un autre genre. Il te redoute fi peu, il eft tellement maître de fes mouvemens, qu'un fimple ruban lui fuffit pour le tenir en garde contre lui-même & contre toi. Apprends par ce feul trait à le connoître, à l'eftimer, à le refpecter. Sache auffi quelle différence il y a entre le defpotifme & l'amour des loix, entre l'ariftocratie & le patriotisme. Il faut aux defpotes, aux ariftocrates, des remparts d'airain, des verrous & des grilles; au citoyen patriote, une barrière de ruban fuffit.

ATIONA

ASSEMBLÉE NATIONAL E.

Séance du vendredi foir 27 juillet 1792.

L'affemblée a paflé à l'ordre du jour fur une lettre de M. la Reynie, qui fe plaint des inculpations dirigées contre lui par M. Thuriot.

Une pétition de plufieurs gardes nationaux qui demandent le rapport du décret concernant la terraffe des feuillans a été renvoyée au comité. Une autre de jeunes gens qui demandent à former une compagnie franche pour aller combattre fous les ordres de Luckner a été très-accueillie & recommandée au miniftre.

L'affemblée a paffé à la difcuffion d'un article additionnel fur la contribution foncière. Il est décrété que les débiteurs des rentes ou champarts retiendront à ceux à qui ils les doivent, ou à qui ils les ont payés, la différence qui existe entre leur contribution de 1792 & celle de 1791.

Seance du famedi 28. Les adminiftrateurs du département de la Meurthe, féant à Nancy, ont adreffé à l'affemblée l'expreffion de l'enthoufiafme que fait naître en enx le fpectacle du civisme de leurs compatriotes. Ils s'enrôlent en grand nombre, & ceux qui font trop âgés pour fuffire aux fatigues de la guerre contribuent de leur fortune à la défenfe commune.

M. Duhem a préfenté à l'affemblée une pétition d'un citoyen d'Arras, arrêté pour avoir énoncé fon opinion, & détenu, quoique les juges aient déclaré n'avoir à appliquer aucune foi à la circonftance dans laquelle il eft placé. Ce citoyen demande fon élargiffement, & il figne: citoyen libre dans les fers. Renvoyé au comité de légiflation.

La commiffion des douze à laquelle l'affemblée avoit renvoyé la pétition des patriotes Belges & Liégeois, pour obtenir des armes & la jufte indemnité due à leurs travaux, a fait rapporter à l'affemblée, par M. Lemonteix, fon opinion fur cette demande; elle propofe de remettre pour eux, par forme de provifion; entre les mains du miniftre des affaires étrangères, une fomme de 500,000 livres. La propofition eft adoptée à l'unanimité; l'affemblée décrète en outre que les Belges & Liégeois qui combattent fous nos drapeaux, feront aux ordres de nos généraux, foit fur le territoire français, foit fur le territoire ennemi. Ils ne feront point défunis ni divifés en petits corps, ils combattront enfemble.

M. Sedillez, au nom de la commiffion des douze, a lu la rédaction du décret fur le refus de paffe-ports. 11 a été adopté dans les termes fuivans:

«L'affemblée nationale, confidéranr que dans les dangers de la patrie, tous les citoyens font en état de réquifition continuelle, & qu'il est néceffaire d'empêcher qu'aucun d'eux ne puiffe fe fouftraire au devoir facré de marcher au fecours de la patrie, lorsqu'il en eft requis dans les formes légales, décrète qu'il y a urgence.

» L'affemblée nationale, après avoir décrété l'urgence; & dérogeant à l'article 5 de fon décret du premier février dernier, décrète ce qui fuit:

Art. I. « Jufqu'à ce que l'affemblée narionale ait déclaré que la patrie neft plus en danger, il ne pourra plus être délivré de paffe-ports pour fortir du royaume, à aucun citoyen français. Les paffe-ports qui auront été accordés jufqu'à ce jour, pour fortir du royaume, & dont il n'auroit point été fait ufage, font déclarés nuls.

II. » Il pourra néanmoins êrre délivré des paffeports, conformément au décret du premier février dernier, à ceux qui ont une miffion du gouvernement ainfi qu'aux perfonnes de leur fuite, compofée feulement d'un fecrétaire, deux domeftiques, fes femmes & enfans; aux gens de mer, aux négocians & à leurs facteurs, notoirement connus pour être dans l'ufage de faire, à raifon de leur commerce ou de leurs affaires des voyages chez l'étranger; aux cultivateurs, pour l'exploi tation de leurs héritages & la vente de leurs denrées.

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III.» Les paffe-ports continueront d'être exclufivement délivrés par la municipalité ; & les miniftres n'en pourront délivrer aux citoyens qui fe présenteront devant eux, qu'en vifant dans celui qu'ils donneront celui délivré par la municipalité.

IV. » Ceux qui, fans paffe-ports, ou en vertu de paffe-ports fuppofés, feroient convaincus d'être fortis du royaume, feront réputés émigrés, & comme tels foumis aux difpofitions de toutes les loix rendues contre les émigrés.

V. Les difficultés qui pourroient s'élever fur la va lidité des paffe-ports, ou fur le refus d'en délivrer, conformément aux difpofitions de l'article 2 ci-deffus, feront décidées administrativement par les directoires de département, fur l'avis des directoires de diftri&.

VI.» Les prépofés des douanes, les gendarmes nationaux, les gardes nationales, les troupes de ligne, font chargés d'exiger des voyageurs leurs paffe-ports ».

M. Quinette, chargé du rapport de la pétition faite pour la clôture des Tuileries, a déclaré à l'affemblée que l'avis du comité, qui a été confulté, eft la perfévérance dans le décret qui a précédemment déclaré que la terraffe adjacente au mur de la falle dépend de fon enceinte extérieure, & qu'elle y a la police. Après de lé

gers débats, l'affemblée décrète, 1°. que les infpecteurs de la falle font autorifés à faire afficher dans le lieu où ils le jugeront néceffaire, l'acte du corps législatif qui déclare que la terraffe dite des feuillans eft immédiatement contigue au lieu de fes féances. 2°. Que les infpecteurs de la falle arrêteront, dans le premier jour, les mefures de police qui affureront le bon ordre & la tranquillité dans l'enceinte des féances de l'affemblée nationale. 3°. Que le comité des domaines fera, fous trois jours, un rapport fur la queftion de favoir fi' la jouiffance du jardin des Tuileries appartient exclufivement au premier fonctionnaire public ».

Séance du famedi foir. M. Hoffmann a dénoncé les miniftres de la juftice & des contributions publiques, comme ayant refufé le remboursement de quelques droits payés pour l'importation des toiles en pays étrangers. Décrété que le pouvoir rendra compte de l'exécution de la loi à cet égard:

M. Duhem a fait la troisième lecture du projet de décret fur la révifion du tarif des droits de douane. L'affemblée en a adopté tontes les difpofitions.

Sur le rapport de M. Letourneur, il a été décrété que la trésorerie nationale remettra au miniftre de la marine la fomme de 745,000 liv. pour la continuation des travaux du port de Cherbourg.

Séance du dimanche 29. L'affemblée, après avoir reçu plufieurs offrandes patriotiques, a renvoyé au comité des finances les réclamations de plufieurs départemens frontières, qui demandent un dégrèvement de contributions, en raifon des maux que la guerre, dont leur pays est -le théâtre, leur fait fupporter.

La queftion préalable a été adoptée fur la propofition de fufpendre la vente des biens dépendans de l'abbaye de Valgrace, dans la ci-devant Alface, & l'affemblée a mandé à la barre le procureur-fyndic du département de la Mofelle , pour rendre compte des motifs de fon oppofition à la vente de ces biens.

M. Bureaux Puzy a paru à la barre, pour rendre compte du projet attribué à M. Lafayette d'amener fon armée & celle de M. Luckner à Paris pour en faire le fiége. Il a lu une longue juftification, dans laquelle entroient diverfes lettres de M. Luckner à M. Lafayette, & vice versa: nous en parlerons ailleurs en détail. L'affem

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