Page images
PDF
EPUB

inviolable & remife à la difpofition du roi; on ofa vou-o leir traiter le corps législatif comme les douze parlemens. Un lit de juftice fut tenu avec effronterie au milieu des législateurs; l'on refufa de voir, dans la perfonne de chaque membre, la représentation de 30 mille Français, & l'on avoit perfuadé à celui qui tient le fceptre de la! loi qu'il avoit le droit d'en impofer au corps puiffant & veritablement délégué du peuple. Un lit de juftice !› quelle avance impolitique & mal-adroite pour une nation frère & laffe des flétrilures du defpotifme! Ainfi, fous Louis IX, un vieux profeffeur de Sorbonne croyoit avoir le privilege pédantefque de faire' infliger à un difciple de 25 ans le châtiment correctionnel qui convient àl Penfance. M'fut tenu ce lit de juftice; toute la France s'en ind gna, & vingt-un jours après la fouveraineté nase tionale ordonna au monarque de ne plus s'affeoir fur fon tròne antique, entre les perfidies du pouvoir arbitraire & les bouches traîtreffes d'une bande de délateurs fa-I tellites. Le prince inclinant fa tête fuperbe obéit en filences Vingt-fepe milions de Française rangèrent autour de l'autorité naifante, enfant adute & précoce qu'ils ve noient de créer, & dont ils espèrent le bonheur. Il eft fr naturel au coeur humain, loquil fouffre depuis long temps, de fe porter tout entier, & avec un rapide! élan, vers les objets dé juftice & de bienfaifance qu'il imagine deflinés à le foulager, d'après le vœu ou de la raifon ou de la nature, femblable en cette perplexité à› l'héliotrope, qui obéit à la voix de l'aurore pour le tourner vers le lever du foleil.

[ocr errors]

Avions-nous été affez accablés? Les contributions pu bliques n'étoient employées qu'à foudoyer des oppref feurs. Un defpotifme atroce, que la religion avoit en queique forte fanctifié, ofoit nous faire un flétriffant hon neur de la honte de nos fers. Un égoïlme impérieux, empoisonnant les lumières, a long-temps retardé l'explo fion du volcan, que l'impatience du joug vouloit allu mer, & qui cependant ne pouvoit être falutaire qu'autour & fous les aufpices d'une autorité nouvelle légalement inftituée. Les noms faints de liberté & d'égalité ont paffé dans tous les coeurs; là, la voix de la taifon l'a fait retentir au fond des ames éclairées; ici, la tyrannie les a offertes au peuple comme les objets à jamais refpectables d'un culte fuprême & civique. Tous les Français la

borieux ont levé une tête altière, autrefois courbée sous des lettres de cachet, vils carreaux de papier, & les baguettes des Barigels, mis en quête par les lieutenans. de police. La philofophie, ayant à la main le talifman céleite des confciences défintéreflées, a dicté plufieurs de nos loix, répandues çà & là dans la collection volumineufe des travaux trop fouvent découfus des deux légif latures. Ges, loix fuffifent pour offrir à la raison l'efpoir. confolateur de certains développemens qui tendront à identifier dans: fon code, dans celui de la nature, les loix. civiles & pénales. Ce bien fait deviendra une, con-. quête commune à tous, lorfque les ruines, de nos loix gothiques une fois enlevées & anéanties, une aire unie fe préfentera à la fagelle, du lég flateur, Jorique tous les préjugés, effacés, de la morale, ou traditionnelle ou imprimée, laifferont tous les efprits fe balancer, en paix, les vapeurs des illufions diffipées entre la vérité qui, chérit: la nature & la nature qui fe confie à la vérité.

[ocr errors]

Ces difpofitions: honorablement combinées annoncent la chûte inévitable des preftiges, auliques, non-feulement, à. Paris, mais encore dans les autres capitales de l'Europe. Le traité de Pilnitz paroît être l'écueil fecret, autour du-) quel les tyrans de cet hémisphère accumulent les orages & les foudres de toutes les espèces, pour détruire les phares de philofophie politique qui éclairent aujourd'hui lastravestéesde notre vie, & pour conduire, avec le gouvernail du machiavelifme, les vaiffeaux des étais à travers un océan inconnu, ténébreux, couvert de nuages enfanglantés, & où les paffagers qui oferoient fe plaindre de l'impéritier ou de la cruauté des pilotes feroient ré-patés coupables & précipités à l'inftant au fond de l'abîme. Les tyrans, à l'exemple desi bêtes féroces ne laiffent quelquefois échapper leurs proies qu'en recevant la

mort.

[ocr errors]

Il eft impoffible de ne pas croire que les princes Français aient tranfigé, dans le traité de Pilnig, fans l'autorifation de Louis XVI; il eft impoffible qu'ils entretiennent une cour, finon brillante, au moins nombreuse & militaire, fans l'or de la lifte civile, il eft impoffible, après les lenteurs, les prétextes, les airs d'incertitude qui caractérisent le pouvoir exécutif, de donner quelque croyance à la prétendue fincérité.: souvre

L'ennemi, aux bords du Rhin couvre les démarches in

fidieufes du voile épais du mystère; il a établi tous les artifices de la perfidie comme les refforts principaux de la coalition armée contre nous. La lâcheté des expédi tons germaniques eft tellement traîtreufe & infâme, tel lement injufte & oppreffive, que les alliés de la maison d'Autriche, Roferocix Guillaume II, les électeurs, Victor Amedie & le Napolitain Ferdinand IV n'oferont jamais avouer à la face de l'univers, fans craindre le murmure Je l'indignation générale, le frémiffement involontaire de toutes les épaules que provoque le fentiment du mépris, les motifs d'iniquité, les raitons calomnieufes qui les autorifent à déclarer une guerre, non moins barbare contre nous, que pour la portion malheureuse du genre humain qu'ils appellent leurs fujets. Enkn, ne diroit-on pas qu'aux ves du Rhin les Germains, peuple acceffible à toutes; les vertus de la fociabilité, devenu aujourd'hui une ar mée de traîtres, ont oublié à notre égard les loix de l'honneur & de la loyauté, parce que nous avons brité : nos fers, & qu'ils portent encore les leurs ? Ah! ils font égarés par leurs defpotes, ardens à couvrir d'impoftures! toutes les pages de notre hiftoire, écrites en allemand. O combien de noirceurs fi atroces doivent augmenter nos! courages, & nous rendre chers le caractère magnanime la grandeur vertueufe que nous communique le génie lau guite de la liberté!

Quel est donc notre état ? Le même que celui des Belges en 1790. Ce peuple avoit expulfé de fon territoire le tyran Jofeph M, ou plutôt fes agens fubalternes. Alors deux partis s'élevèrent dans la Belgique fur le mode des nouvelles formes à introduire dans le gouvernement, pour opérer la félicité publique au fein d'une nation libre & jaloufe de fes droits. Mais le clergé, la nobleffe, la bourgeoife foutinrent leurs priviléges. Ne font-ce pas là Les feuillans? Ceux-ci, à l'ombre de la conflitution, ne défirent-ils pas les deux chambres, l'une composée de propriétaires, & l'autre de citoyens,artiftes & induf trieux? N'eft-ce pas ici la même querelle que dans le Brabant, où le peuple, toujours ami de l'égalité, avoit fenti que les claffes privilégiées n'ont que des chaînes à préfenter infidieufement aux hommes indépendans & laborieux', qui n'ont pour unique & fainte propriété que le falaire de leurs peines? Les artifans Belges voulurent une nouvelle convention ; & cette volonté, dictée par

la voix éternelle de la nature, ramena les riches à la baffefle inconcevable de lui préférer le joug autrichien. O honte de l'humanité ! il eft des Français prêts à te transformer en vertu, plutôt que de confentir au moindre facrifice!.

Nos propriétaires, aveuglés par l'intérêt, craignent, dit-on, Texplofion de la loi agraire. Quelle vaine terreur! ils favent bien que le peuple a des mœurs pures & une probité auftère; mais le calomnier, le transformer en bande de brigands, feindre néanmoins d'aimer l'acte conftitutionnel, tout cela remplit un but qui mène à la traîtreule néceffité d'établir une différence injurieuse entre celui qui poffède un domaine, & l'honnête homme qui, ami du travail, fe tert, pour gagner fa vie, de fes bras ou de la tête.

Le vœu des feuillans rempli, l'égalité ceffe, puifqu'on diftinguera le citoy en poffeffeur d'une glabe d'avec fan egal qui n'en a pas. Anfi l'adjectif propriétaire eft une pomme de difcorde, jetée adroitement au milieu de nous. Comme la conftitution en favorise l'influence, cette feule raifon détermine les feuillans à vouloir que le peuple foit fait pour fuivre à la lettre & à la rigueur les maximes les plus imparfaites de la conftitution, maximes qui, repofant fur des principes, n'arrivent pas enfuite à de juftes conféquences, but d'autant plus difficile à remplic en morale, qu'il faut s'exercer à lancer mille traits avanc de venir à bout d'en percer la timide colombe élaneće dans les plaines de l'air. Les jacobins penfent au contraire que la conflitution doit être faite pour le peuple; elle eft à la liberté ce que font les ailes à tous les oifeaux; mais comment efpérer que de pareilles vérités faififfent tous les efprits? Dès le premier janvier 1789, les opu-" lens ont defapprouvé la préfence des reprétentans nationaux. Il est tout fimple qu'une aggrégation vicieufe, exgraillée de toutes les espèces d'abus, ne, dut pas voir d'un bon ceil une foule d'hommes revêtus de la puilfance overaine, la faulx de la réforme à la main, couper fans ménagement toutes les plantes paralytes, qui, imbibées de fang & de larmes, le transformoient enfuite préjudice de tous, & pour le bonheur de quelques individus. S'il n'eût tenu qu'à la cafte des riches, l'alemblée nationale n'auroit pas même été, convoquée; is craignoient avec uftice la révolte bien légitime des

en or au

1

opprimés contre les oppreffeurs; il étoit fi comntode de vivre aux dépens du peuple qui travaille, parce qu'on imaginoit avoir le droit de le dévorer, comme l'inilinct fiévreux du tigre indique à fa dent déchirante tous les animaux forestiers plus foibles que lui.

Il y a dans tout ceci une grande, méprife qui, pour être éclaircie, n'a besoin que d'une courte analyse. La clafle des propriétaires eft-elle le peuple? Non, fans doute, c'est tout au plus une aggrégation dans le peuple. On ne lui conteftera pas qu'elle ne faffe partie du louverain, mais partie non féparée, non placée dans un rang plus haut; ce n'eft que confondue avec le corps focial qu'elle a le droit de procéder à des actes de fouveraineté. Une raifon bien fimple appuie la jufteffe de cet argument., Il eft clair qu'un citoyen, qui avec fon travail fe procure 1500 livres d'honoraires annuels, fait repofer fur fon intelligence ou ies facultés virtuelles un capital de 30 mille francs. De ces 1500 livres il achète ce qu'il confomme; c'est par le confommateur, c'est par fes befoins mis à contribution que le propriétaire trouve fi aifément le revenu, qui produit fon aifance & fa richesse; alors une activité mutuelle honore & celui qui achète & celui qui vend les productions; an parfait équilibre s'établit de l'un à l'autre, les mêmes droits doivent donc leur être communs.

J'oferai dire davantage; je diftingue le propriétaire qui fait cultiver d'avec celui qui cultive lui-même. Le premier femble avoir beaucoup moins de droit que le fecond; l'un fait recueillir, & ce font les fueurs de fes ouvriers qui ont trempé fes récoltes. Plongé dans une oifiveté voluptueufe, il devroit ne rien être dans le corps focial, fi par fes vertus & fes lumières il lui arrive de ne pas fervir la patrie. L'autre eft mille fois plus refpectable; un foc péniblement dirigé par fes mains a ouvert les fillons fertiles où vous voyez onduler cette mer d'épis; il va moiffonner lui-même une richeffe fi glorieufe; les premiers feux du jour colorent l'horifon. Je me trouve au bord de fon champ, je vois arriver ce bon cultivateur avec fon intéreflante famille; je lève mon chapeau avec refpect; une douce émotion remplit mon être & m'attendrit ; j'honore, je révère dans ce père vertueux le favori du ciel & le prêtre de la nature.... Que manque-t-il à fon bonheur? Son ame eft en paix au milieu du champ qu'il a embelli, & auprès de ceux qui l'aiment,

Le

« PreviousContinue »