Germain-en-Laye. L'abbé Syeyes fe tient coi, à Paris attendant le moment favorable de faire figner fon petit programme des deux ch mores, dont il fit, il y a un an, un effai malheure x. Beaucoup d'autres illuftres de l'affemblée conftituante font revenus incognito à leur pofte, pour, au premier coup de fifflet parti du château, chaf fer le corps législatif, & reprendre leur place. Duval Defpémenil ne devoit pas être des derniers; auffi le reconnut-on à fa phyfion me contre-révolutionnaire, & aux propos incendiaires qu'il tenoit tout le long de la terraffe des feuillans pour mettre aux prifes la garde nationale d'en-bas & le public d'en-haut. Aux uns il difoit: que ne fufiilez-vous cette canaille qui vous infulte? Aux autres que ne fondez-vous fur ces baïonnettes qui vous interdifent un jardin appartenant à la nation ? & en cela il avoit raison: car on affure que Louis XVI n'a point payé de contribution pour le jardin des Tuileries, attendu qu'il est public. L'intendant de la lifte civile fit cet avey; rendez à Céfar ce qui eft à Céfar, & au peuple ce qui eft au peuple. Mais revenons à ce malheureux Duval Desprémenil: il fut remarqué, reconnu, & bientôt entraîné par le peuple, qui fe rappela & les principes & la conduite de ce parlementaire républicain & royalifte tour à tour felon les circonstances. La garde du château ne put être raffemblée affez à temps. L'exdeputé conftituant fut trainé au Palais Royal; & quand M. Pétion accourut pour le tirer des mains de la nulfitude, il n'avoit plus figure humaine, tant il étoit maltraité. On le mit d'abord à l'abri dans un café; il étoit prefque nu, fans habit & fans culott e; le peuple les lui avoit mis en pièce, comme pour le punir d'avoir parlé avec mépris des honorables fans-culottes. Et voilà ce qu'on gagne à fervir la cour. La conduite injurieufe du roi à l'égard des citoyens peut être regardée comme la caufe première de ce qui vient d'arriver. Le peuple eft cruel dans fes vengeances; mais pourtant il eft juite. La journée du famedi a été beaucoup moins orageufe au jardin des Tuileries, parce qu'il y a eu beaucoup moins de bayonnettes. Aux deux efcaliers de la terraffe des Feu llans, un ruban tendu fut la feule barrière qu'on oppofa au public, & cette barrière fut beaucoup mieux respectée, parce qu'elle n'étoit pas injurieufe comme un cordon de gardes. Au haut de la terraffe, du côté du cheval Pégafe, le mot de Coblentz tracé fur le fable, en impofa bie n da 1 vantage encore. Le peuple fe gerda bien de mettre le pied fur une terre qu'il a en horreur. Ces traits qui con: traftent fi fort avec ce qui s'eft paffé la veille prouveront que la nation française, en devenant libre & févère contre les méchans, n'a point perdu de fon caractère généreux, & fenfible aux procédés dont elle eft fi digne. Si les tribunaux euffent fait leur devoir; fi le prêtre Langoiran, chef de tous les réfractaires du département de la Gironde, auteur de plufieurs libelles incendiaires qu'il alloit colportant dans les municipalités de campagne, & convaincu en outre de tenir des affemblées fec ètes où le ci-devant grand vicaire & fes complices fe co:certoient pour une contre-révolution; fi ce prêtre pertur bateur des familles n'eût point été renvoyé abfons & déchargé de toute accufation, le peuple indigné à la vue de deux fcélérats impunis, Langoiran & l'abbé Dupui, n'eût point repris cette affaire, ni fait périr par fes mains deux coupables dont la tête ne devoit tomber que fous le glaive de la loi. Ce fpectacle porta l'effroi dans Bordeaux, ville exempte jufqu'alors de toute exécution illégale, & occupée en ce moment à célébrer une fête, civique. Puiffe-t-elle être la dernière, cette leçon terrible donnée par le peuple à fes magiftrats & aux juges! Le tribunal criminel du département de l'Indre vient pourtant de condamner un abbé à deux ans de gêne, & à être expofé pendant quatre heures fur une place publique avec l'écriteau, prêtre feditieux. Depuis trois ans & demi des milliers de factieux tonfurés auroient dû fubir ce châtiment tout au moins. Nous aimions à croire que le patriotisme, la raison & la nature n'avoient pour ennemis que le clergé réfractaire, & nous nous en repofions fur la vigilance des tribunaux; mais il n'eft donc que trop motivé l'anathême porté contre tous les prêtres conftitutionnels ou non au moment qu'on nous dénonce les délits & le châtiment du grand vicaire infermenté Langoiran, nous avons la douleur d'apprendre qu'un de nos évêques de l'églife conftitutionnelle, qui fe trouva à la prife de la Baftille, & qui fiége à préfent parmi nos législateurs, que Claude Fauchet, enfn, quitte la tribune de l'aflemblée nationale pour aller au faubourg. des fans-culottes prêcher en propres termes : « Mes frères! » je dois vous prévenir que la religion vous défend bien » des chofes que la conftitution vous permet». Ceux Ceux qui connoiffent les habitudes du St. Augufliu (1) du Calvados auront peine à croire que ce paffage, plas digne d'un frère ignorantin que d'un pontife philofophe, a été débité dans la chaire de Sainte-Marguerite, à l'infigation du curé de cette paroiffe, & de quelques faintes bégueules du lieu, contre l'estimable M. Aubert, vicaire de cette églife, parce que ce prêtre s'eft fait homme & a pris femme. Il fied mal à l'évêque Fauchet, connu par fes moeurs moliniftes, d'afficher les principes du jansénisme c'est tout ce qu'on pourroit lui pardonner, s'il s'étoit foumis à l'opération des prêtres de Cybèle, & d'Origène. + En dépit des SS. Paul & Timothée, qui confeillent de choifir pour prêtre de préférence celui qui a femme - & enfans, on dit que l'évêque Gobet & d'autres prélats du nouveau régime font affez de l'avis de meffire Claude Fauchet, & forment une ligue contre les prêtres de leur département qui fe marient: peut-être même que le curé de Sainte-Marguerite ne marche fur leurs traces qué pour mériter un jour les honneurs de la mitre. Mais que ces meffieurs y prenent garde, & lifent leur condamnation dans l'arrêté de la fection de Montreuil, dont les citoyens, plus éclairés que leur paften, approuvent en tout point la conduite édifiante de leur vicaire, & du facriftain Bernard qui l'a marié; qué nos prélats citoyens y regardent à deux fois avant de heurter de front l'opinion publique, nous pourrions bien en venir à nous appercevoir que nous n'avons pas encore fait affez de réformes dans la cafte facerdotale. En effet, qu'avons-nous befoin d'évêques incontinens prêchant le célibát? d'évêques conftitutionnels, avertiffant leurs ouailles que la religion défend quelquefois ce que permet la conftititution? Faifons paffer les Alpes à cette doctrine ultramontaine, & aux docteurs qui la débitent de tous leurs poumons: il ne nous faut plus qu'un petit nombre de prêtres citoyens, époux & pères. En feroit-il de notre clergé comme de notre militaire? Les foldats (1) On fait que St. Auguftin, avant d'être évêque d'Hyppone, accrut la population de Carthage d'un petit bâtard, qu'il baptifa du nom de Dieudonné, Adodat No. 159. Tome 13. D & les prêtres font patriotes; il n'y a d'ariftocrates que les officiers & les évêques; on peut fe paffer de ceux-ci plutôt que de ceux-là. Mais la conftitution ne défend pas d'apostropher un prédicant qui hafarde en chaire des affertions inconftitutionnelles. Si le fans-culotte, rédacteur des belles adreifes du faubourg Saint-Antoine, alloit quelquefois au fermon de fa paroiffe, fans doute qu'il n'auroit pu s'empêcher d'interrompre l'évêque du Calvados, pour lui dire : arrête Claude Fauchet! après avoir fouillé la tribune du confeil. général de la municipalité par tes éloges de Lafayette après avoir fouillé la tribune du corps législatif par ta juftification de Narbonne, tu viens dans notre faubourg prêcher le célibat des prêtres, mettre aux prifes la religion avec la loi de l'état, & réveiller d'anciennes querelles qui ont fait couler tant de fang? Claude ! ne convertis pas le temple d'un Dieu de paix en une maison de fcandale; apôtre des canons de l'églife romaine, apoftat de la déclaration des droits de l'homme, defcends de cette chaire; nous t'avons cru trop long-temps citoyen;. va! tu n'es que prêtre. Un de nos abonnés nous a priés de publier l'article fuivant, & nous déférons à fa demande. Le paffé, le préfent & l'avenir. Les riches & les anciens puiffans confpirent feuls la ruine de la patrie; ils provoquent feuls les dangers qui la menacent, & les angoiffes de la mort leur feroient moins affreufes que le régime de l'égalité. Ils ne veulent de loix que celles qu'ils pourroient dicter; d'état focial, que celui qu'ils auroient organifé; de liberté, que celle qui leur feroit exclufivement perfonnelle; & de vertus, que celles dont ils conviendroient entre eux, & qu'ils auroient foin d'accommoder à leurs paffions comme à leurs intérêts; ils ne veulent pas que la claffe des hommes laborieux foit oppofée à la leur. Dans un équilibre honorable d'émulation & de rivalité immédiate, ils dédaignent, eux, qui marchoient, il y a quatre ans, à la tête des aggrégations fociales, de fe confondre, avec le peuple, & d'en devenir les membres. Il est donc vrai qu'autrefois le plaifir féroce d'opprimer & d'avilir la mul titude étoit goûté par des ames abjectes & ftupides, à qui la morgue, l'impudence, l'intrigue, tenoient lieu de talens & de vertus! Une envie démesurée, une vengeance implacable infpirent aujourd'hui toutes les aftuces de la perfidie à ces conjurés atrabilaires, moins fenfibles la plupart à la perte de leurs places, qui les environnoient d'une haute confidération, qu'à celle des honoraires immenfes qui accompagnoient ces emplois, toujours trop onéreux & jamais ailez uti es. Au fentiment d'une injurieufe jaloufie fe joignent les regrets de l'ambition humiliée de ce qu'un homme n'a plus le droit de dire à un homme; «Tu » rampes au-deffous de moi; tu es trop heureux, lorfque, » du haut de mon orgueil, je m'abaiffe à te regarder & » à te mépriser ». On a dit que la lâcheté avoit perpétué dans le peuple ce long état d'aflerviffement & de flétriffure. C'eft. au moins une observation très-inexacte: tous les efprits ont infenfiblement gravité, depuis 1760, vers la rupture de leurs fers, vers le fyftême d'indépendance adopté en 1789. Les lumières jaillies à flots de l'encyclopédie & des écrits immortels de Montefquieu, Voltaire, J. J. Rouffeau, Raynal, Mably, ont déterminé la majorité des vœux à détruire l'arbre de la féodalité, à rétablir entre les mains du corps focial l'autorité, fouveraine. Le prifme délicat de la raison a pénétré parmi le peuple, devenu dépofitaire de tous les talens, du goût, des graces & de la philofophie qui les couronne. Le génie tutélaire qui préLide aux fciences & aux travaux utiles fubjugua la cour aveuglée à travers les voluptés imbécilles, & perplée d'hommes nuls, en qui l'on faluoit alors à peine les ombres de leurs ancêtres; il arracha au milieu d'une calamité tumultueufe & du plus fcandaleux défordre de nos finances, le diplôme royal qui convoqua les états généraux. On vit donc paroître les repréfentans de la nation, & le contrat focial à la main, Paris reconnut en eux les libérateurs de la France, les dépofitaires de la fouveraineté du peuple. A la cour, douée d'une ineptie orgueilleufe, on ne crut rien voir de tout cela, on ne parut pas douter que les chaînes odieufes, qui pefoient alors toutes entières fur le tiers-état, ne fuffent une propriété héréditaire, |