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liminium rétablisзait à la vérité le prisonnier dans ses anciens droits, mais qu'il n'avait pas la force de le réintégrer dans ceux du mariage, à moins qu'il ne fût renouvelé par un consentement nouveau.

La nécessité de cette dernière formalité est l'objet de la quatrième proposition de la dame appelante, elle est déjà suffisamment prouvée par l'autorité du grand jurisconsulte qui vient d'être cité.

Cette condition, de renouveler un mariage nul, pour le rendre valable, n'est pas une nouveauté dans les annales du droit civil; l'intérêt public et les principes la recommandaient aux nations.

Le mariage en question étant infecté d'un vice radical, comme ayant été contracté par une personne incapable, il était indispensable qu'il fût renouvelé avant de pouvoir produire des effets civils en France.

:

L'intimé a reconnu lui-même la nécessité de renouveler son mariage, mais a-t-il accompli la loi? Non il s'est borné à faire transcrire, et à sa seule requête, son acte de mariage dans les registres de l'état civil de la Rochelle. Mais il est facile de se convaincre, qu'une pareille inscription, faite sans le consentement de la dame appelante, et après que la présente contestation était introduite, est insignifiante: par là, le mariage n'est pas renouvelé; l'intimé n'a pu, par cette escobarderie, satisfaire à ce qui est exigé par l'article 171 du code civil.

A tous ces moyens l'intimé répondait :

Que le mariage en question était valable, soit qu'on
Tome III, N.° 3.

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voulût le considérer comme sacrement, voulût l'envisager comme contrat civil;

soit qu'on

Qu'il avait été célébré dans la ville de Mittemberg, par-devant le curé des deux parties, qui étaient domiciliées dans sa paroisse depuis deux ans ;

Que les époux étaient majeurs et dégagés de toute puissance paternelle ;

Que la publication des bans n'avait pas eu lieu, mais que l'acte de mariage porte lui-même en toutes lettres, que la dispense des bans avait été obtenue : prævid, y est-il dit, dispensatione super consuetis promulgationibus, et tempore sacrato à reverendissimo vicariatu Moguntino;

Que cette dispense est en outre prouvée par un certificat délivré par le grand-vicaire de l'archevêque de Mayence, qui, sans doute, avait juridiction pour l'accorder, puisque les parties qui la sollicitaient, avaient leur domicile dans cet archevêché;

Que l'erreur qu'on reproche à ce mariage ne tombe ni sur la personne, ni sur la chose, mais sur les qualités accidentelles d'une des parties, et qu'il est connu en droit qu'une pareille erreur n'a jamais été regardée comme suffisante pour opérer l'annullation d'une convention quelconque, biens moins du contrat le plus sacré ;

Que les différentes manières d'écrire le nom de la dame appelante, et même les différens noms qu'on lui a donnés, ne rendent pas la personne douteuse; qu'il demeure constant que l'intimé a

épousé l'appelante, et que cela suffit pour qu'il y ait mariage entr'eux.

L'intimé a développé ensuite les moyens qui tendaient à établir la validité de son mariage considéré comme contrat civil; et pour réfuter les quatre propositions, énoncées dans le mémoire de la dame appelante, il a dit :

1.° Qu'il avait été reconnu en principe que l'inscription d'un individu sur la liste des émigrés, tenait, à son égard, seulement lieu d'acte d'accusation, qu'elle n'emportait que la suspension de l'exercice des droits politiques; que cette inscription n'avait pu l'empêcher de contracter mariage le 16 mars 1796; qu'elle l'avait placé au nombre des prévenus d'émigration, et non au nombre des émigrés; qu'ainsi la loi du 28 mars 1793 ne lui était pas applicable, parce qu'elle ne prononce la peine de la mort civile et de la confiscation, que contre ceux qui sont véritablement déclarés émigrés, et non contre ceux qui sont simplement prévenus d'émigration; que par les lois postérieures cette peine avait même été abolie, comme il résulte de la combinaison des lois du 25 brumaire an III, 3 brumaire an IV, du décret du 7 pluviôse an V, et de la loi du 8 messidor an VII; que la dernière législation sur les émigrés, contenue dans la loi du 12 ventôse an VIII, nous présente tous les individus quelconques, inscrits sur des listes d'émigrés, comme de simples prévenus d'émigration, jusqu'au 4 nivôse précédent, époque de la mise en activité de la constitution, conséquemment comme des personnes qui jusqu'alors ont pu jouir de tous les droits civils; à bien plus forte raison n'ont-ils pas

été privés de la jouissance du droit des gens et de la nature, ni de la faculté de faire des conventions uniquement fondées sur ce droit ;

, que

le ma

2.° Que c'était une erreur d'avancer riage d'une personne morte civilement ne pouvait produire d'effet civil; puisqu'il était connu, que le mariage est un contrat du droit des gens et de la nature, et qu'ainsi, il pouvait être valablement contracté par toutes les personnes capables de consentement, sur-tout lorsqu'aucune loi positive ne le leur avait défendu; que tel mariage, une fois valablement contracté, doit nécessairement produire tous ses effets civils, lorsqu'on est parvenu à faire cesser les obstacles, que des lois politiques et des circonstances avaient apportés à l'exercice des droits civils des époux ; que si l'intimé avait été empêché, pendant son absence, de jouir des droits civils attachés à sa qualité de mari, cela provenait de ce qu'une loi l'avait privé de tous les droits de citoyen français, mais dès que tous ces droits lui avaient été restitués par une loi plus douce, il en résultait que personne ne pouvait plus l'empêcher d'en avoir la pleine et entière jouissance, et d'exercer, en sa qualité de mari, tous les droits et tous les pouvoirs qui sont naturellement attachés à cette qualité;

Que l'article 25 du code civil, qui statue que la mort civile rend incapable de contracter mariage et qu'elle opère la dissolution d'un mariage antérieurement contracté, n'est pas applicable à l'espèce, puisque la prétendue mort civile, le mariage et l'amnistie sont tous antérieurs à la publication de cette loi;

3.0 Que pour réfuter la troisième proposition de la dame appelante, il suffisait d'observer qu'on y posait en fait, ce qui était en question; qu'on supposait le mariage nul au moment où il avait été contracté, et qu'ensuite on disait que l'amnistie n'avait pu le rendre valable; que ce raisonnement était vicieux; qu'on avait déjà prouvé de la part de l'intimé, que son mariage avait été valablement contracté ; qu'après cela il ne s'agissait plus que d'établir, que l'amnistie ne l'avait pas annullé, et n'avait pas dépouillé les époux de l'exercice des effets civils qu'il devait produire;

Que la preuve de cette vérité résultait du sénatus-consulte du 6 floréal an X, qui n'accorde pas une amnistie partielle et incomplète, mais pleine et entière; une amnistie qui renferme une réhabilitation des amnistiés dans l'exercice de tous leurs droits civils, et par suite dans ceux attachés à la qualité d'époux;

Que l'autorité de d'Aguesseau et d'autres n'était pas contraire à ces principes, puisque le mariage du duc de Guise était nul dès le commencement, comme n'ayant pas été célébré devant le curé des parties et avec le consentement du roi, qui était requis pour autoriser un prince français à se marier;

4.° Qu'un mariage valable n'a pas besoin d'être renouvelé; que l'obligation de ce renouvellement n'est qu'une pure subtilité, lorsqu'on veut l'appliquer à des mariages valablement contractés ; que cette formalité n'a jamais été observée que lorsqu'il s'agissait de purger un mariage d'un vice qui l'avait infecté dès le principe, et de rendre valable ce qui

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