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Après sa disgrâce, la marquise, dit Saint-Simon, visita ses terres d'Antin. La vit-on, même un seul jour, à Montréal ou dans le manoir d'Ausson? Il n'est point resté le moindre souvenir de ce passage. Elle finit en 1713, comme on sait, dans les œuvres, les austérités, la pénitence, les fondations pieuses, en paix avec Dieu, mais avec le regret de n'avoir pu rentrer en grâce auprès du mari qu'elle avait certainement aimé, mais dont elle avait brisé la vie.

Louis Antoine, marquis d'Antin, son fils, avait passé son enfance et sa première jeunesse avec son père, au château de Bonnefont d'Antin. Mais tout le portait à la cour dont il respira l'air avec cette noblesse, cet art, cette souplesse d'esprit, cette grâce qu'il tenait de « la beauté de sa mère et du gascon de son père », dit Saint-Simon. Le 24 août 1687, il épousa Julie Françoise de Crussol d'Uzès. On connaît l'histoire de ce grand seigneur, fait duc d'Antin en 1713, et qui réalisa le type du courtisan le plus habile et le plus accompli. Constamment retenu, par ses charges et par son amour des grandeurs, auprès des majestés royales, il ne s'inquiétait guère de son marquisat de Montespan, n'aimait ses terres que pour l'argent qu'il en retirait, ne se souciait point de les visiter. Les archives locales ne nous apprennent pas qu'il ait jamais honoré de sa présence la ville de Montrejeau, le vieux Montréal de ses ancêtres, ni le manoir d'Ausson en ruines depuis plus de cinquante ans !

Après la mort du dernier duc d'Antin, l'héritage de Montespan passa dans l'illustre maison d'Uzès. En 1756, la ferme des terres d'Ausson donnait 700 livres. Le moulin était affermé mille livres.

Le droit de péage de Sainte-Colombe, qui remontait au temps des comtes de Foix, et dont avaient joui pendant cinq siècles les barons d'Espagne-Montespan, appartenant au duc et à la duchesse d'Uzès leurs successeurs, fut supprimé par arrêt du Conseil du Roi, le 13 juillet 1767'.

Dans le cadastre d'Ausson de 1772, folio 8, on trouve ce qui suit.

« Mgr le duc d'Uzès, seigneur dudit lieu d'Ausson, << tient et possède noblement audit lieu des mesures « où était anciennement le château, pré et champ « avec la chapelle Saint-Pierre; confronte du levant « église et cimetière et la rue, du midi chemin de << Camon, du couchant chemin, du septentrion ruis«seau de la Communauté; contient 55 journaux «< 4 mesures au premier degré, le reste au quatrième. << Monte l'estimation à 840 livres sols cinq 2.

Etat de section dressé en 1790 sur le Livre

de la communauté d'Ausson:

« Ce jourd'hui 26 février 1790, le sieur Sartor « s'est chargé des masures et terre inculte où était la « Grange, le tout estimé 11 livres 13 sols, 4 sols 6 de<<niers, dont M. le duc d'Uzès a été déchargé. »

Etat de section dressé en 1791.

<< M. le duc d'Uzès, cy-devant seigneur demeurant « à Uzès, possède masures, prés 55 journaux 2 me

1. Ex nostris, Cart. Mont., no 457.

2. Archives de la mairie d'Ausson.

3. Idem. Ce terrain en pré appartient à M. Bertrand Save dit Haoubés, d'Ausson.

<<sures 6 pugnères dont 25 journaux et demi de « pré'. >>

Le 12 fructidor an V, Charles Barres de Montrejeau est chargé, en décharge dudit d'Uzès, de 3 journaux 4 mesures de terre labourable et masures portés dans la section A, partie du numéro 1542. La famille Barres a vendu les masures et le pré, en 1868, à M. Cazeneuve, propriétaire actuel.

Ici finit l'histoire du château ou manoir d'Ausson et des seigneurs qui l'ont habité pendant trois siècles, telle que nous avons essayé de l'écrire, d'après tous les documents qu'il nous a été permis de recueillir. Si les archives locales interrogées par nous avaient été moins indigentes, cette modeste étude aurait gagné plus de relief, et peut-être excité plus d'intérêt. Dans tous les cas, il nous reste la conviction de n'avoir épargné ni les soins ni les recherches pour rendre quelques instants de vie à ces ruines abandonnées, dont l'emplacement sera bientôt recouvert par les herbes et la mousse qui verdissent sur les tombeaux !

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LES HUGUENOTS EN COMMINGES

D'APRÈS LES PAPIERS DES ÉTATS CONSERVÉS A MURET

INTRODUCTION

Diverses publications ont fait connaître, en ces dernières années, les ravages causés dans nos contrées, au XVIe siècle, par les guerres de Religion. Ainsi pour ne citer que quelques travaux MM. Ch. Durier et J. de Garsalade du Pont ont publié, en 1884, Les Huguenots en Bigorre. L'année suivante, M. A. Communay a donné Les Huguenots dans le Béarn et la Navarre. Plus récemment encore, M. le chanoine Douais ayant eu la bonne fortune de mettre la main sur une série de textes d'une haute importance (on sait qu'il est assez coutumier du fait), éclairait d'un jour nouveau Les Guerres de Religion en Languedoc.

Plusieurs fois, en parcourant ces érudites brochures, nous avons regretté que le Comminges n'eût pas sa part dans d'aussi heureuses recherches. L'histoire de ce comté, pour la seconde moitié du XVIe siècle, restait une des plus ignorées.

Non certes que les fouilleurs du passé aient manqué aux documents; mais la disparition, la destruction des documents paraissaient, à cause même de ce zèle, plus clairement établies et prouvées.

Les anciennes archives des chefs-lieux de châtellenies sont hélas! singulièrement dépourvues. Par bonheur, les papiers des Etats du Comminges n'ont pas complètement péri. Au point de vue spé cial qui nous occupe, ils nous permettent de combler un vide regrettable. Il faut même reconnaitre que la partie la plus abondante des Archives des Etats a trait aux guerres de Religion. Ce sera mettre ces documents à l'abri des injures du temps et de la malice des hommes que de les publier en entier'.

1. Le lecteur ne s'étonnera pas de ne point trouver ici des documents relatifs au sac de Saint-Gaudens et à la triple invasion de Saint-Bertrand. La première de ces villes appartenait au Nébouzan, la seconde au pays de Rivière, il ne faut donc pas chercher dans les archives des États de Comminges des pièces les concernant.

Il est aisé de l'examen des documents qui suivent, de dégager les caractères essentiels des guerres de Religion en Comminges. Les Huguenots ont souvent troublé le comté. Ils l'ont envahi partiellement quelques fois. Comme en d'autres régions, ils ont rançonné les habitants, ravagé les récoltes, pillé les maisons, détruit les églises; mais ils l'ont fait comme par surprise, traversant une portion du territoire à la manière d'un ouragan. Ils ne paraissent pas s'être jamais établis dans le pays: leur installation y fut toujours provisoire.

A la différence de ce qui se produit dans le comté de Foix, par exemple, où les Réformés sont en résidence et possèdent villes et châteaux forts, en Comminges ils ne se montrent que par occasion. Ils tombent à l'improviste sur les communautés, les pillent, brûlent ce qu'ils ne peuvent emporter et s'en vont.

C'est de ses turbulents voisins, les Huguenots des comtés de Foix et de l'Isle-en-Jourdain, que le Comminges a eu surtout à souffrir. Placés, de deux côtés, sur ses frontières, ils le menacent incessamment et pénètrent sans peine sur son territoire. Tandis que du Bourg, parfaitement établi à l'Isle-en-Jourdain, se moque des traités, rompt les trêves à plaisir, et enlève, par sa redoutable garnison, toute sécurité aux châtellenies de Muret, de Samatan et de l'Isle-en-Dodon, les Huguenots du comté de Foix sont à deux pas de la châtellenie de Salies, ainsi que des Aides du Comminges situées en Couserans.

Du côté de Foix et dans le Haut-Comminges, les communautés sont presque sans défense. Les hommes capables de former une garnison sérieuse sont groupés aux chefs-lieux de châtellenies. Que doit-on attendre, dans les hameaux dispersés, d'une poignée de villageois inhabiles, entièrement neufs dans un métier si peu en rapport avec leurs travaux ordinaires, placés subitement en face de troupes auxquelles la rapine à main armée est familière, que des succès évidents remplissent d'audace, que l'habitude des plus violents excès rend cruelles, et qui, d'ailleurs, n'attaquent qu'à bon escient? On sait, dans le pays, comment Montgommery a traité Montrejeau et Saint-Gaudens en 1569, comment Saint-Bertrand, ville d'un accès pourtant difficile, est tombé trois fois aux mains des ennemis. Aussi, la peur devient à peu près générale: on subit une sorte d'affaissement moral en face du danger.

Sans doute, les États multiplient leurs assemblées, mais c'est

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