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» Ainsi c'est à lui à régler tout ce qui concerne la Religion.

» Un des plus grands objets du droit public de chaque Etat, c'est l'administration de la justice; mais tout ce qui y a rapport n'appartient pas également au droit public: il faut, à cet égard, distinguer la forme et le fond, les matières civiles et les matières criminelles.

» La forme de l'administration de la justice est du droit public, en matière civile aussi-bien qu'en matière criminelle; mais en général la disposition des lois au fond pour ce qui touche les particuliers en matière civile est du droit privé.

>> Pour ce qui est de la punition des crimes, elle est certainement du droit public.

» Le droit public de chaque Etat a encore pour objet tout ce qui dépend du gouvernement des finances, comme l'assiette, la levée des impositions, etc. (1). »

Sur le passage que nous venons de citer, il importe de remarquer qu'en énumérant les différentes matières qui rentrent dans le domaine du droit public, l'auteur s'est écarté de la définition qu'il avait d'abord donnée; ou que du moins il a omis de faire une distinction importante, entre les lois politiques fondamentales, qui sont les bases de l'organisation politique, et les lois qui règlent cette organisation, et qu'on appelle à juste titre lois organiques; telles sont, par exemple, celles qui règlent les cérémonies publiques, les formes, mais seulement les formes de l'administration et de la justice; cette distinction est établie et développée avec autant de clarté que de précision par un jurisconsulte moderne:

(1) Voyez aussi Encyclopédie méthodique, au mot Droit.

« Les lois politiques sont celles qui règlent les droits et les obligations dans les rapports de prince à nation, ou de souverain à citoyens et sujets. Les lois politiques fondamentales sont la condition essentielle et respective du pouvoir et de l'obéissance.

>> Les lois politiques constitutives sont l'ensemble des institutions principales qui forment l'essence d'un gouvernement, son caractère distinctif, ses analogies et ses différences avec tous autres.

» Les lois politiques institutives sont l'ensemble des institutions secondaires ou organiques, plus ou moins nécessaires au maintien et à la perfection des institutions principales.

>> Les lois politiques circonstancielles sont l'ensemble des dispositions qui règlent généralement et indéfiniment, eu égard à l'ensemble des besoins et des moyens, tous les modes d'exercice du pouvoir, tous les priviléges de ses agens, tout ce qui importe à la conservation et au maintien du patrimoine public, des établissemens publics et de la police générale ; comme aussi toutes les garanties, tous les moyens de justice, de conservation ou d'indemnité pour les droits privés en souffrance contre les abus du pouvoir; ce sont là proprement les lois administratives (1). »

Dirigés par cette classification lumineuse, après avoir recueilli les lois fondamentales de chaque Etat, nous avons eu soin de réunir les lois organiques, et d'indiquer les dispositions diverses ou qui consacrent quelques règles fondamentales, ou qui modifient sur des points importans l'organisation générale. Ainsi,

(1) Sirey. Recueil gén. des Lois et Arréts, t, xx, 2o p., p. 78.

pour la France, nous faisons remarquer, par exemple, que, si la procédure par jurés est consacrée en principe par la Charte (art. 65), l'organisation du jury tient au droit public, et nous indiquons les bases de cette organisation. En général, les lois pénales de tous les Etats ont été l'objet d'un examen sérieux; car c'est de la bonté des lois criminelles que dépend principalement la liberté des citoyens (1); et, sous ce titre de lois criminelles, nous comprenons, comme on doit bien croire, non-seulement les lois qui caractérisent les délits et qui déterminent les peines, mais encore celles qui règlent la forme et la composition des tribunaux, et qui garantissent à l'accusé l'exercice de tous ses droits.

On sent que ce n'est qu'avec de longs travaux et de pénibles recherches, que nous sommes parvenus à réunir les élémens de l'ouvrage que nous publions. Nous n'osons nous flatter d'avoir complètement réussi; mais, quel que soit le succès de nos efforts, nous espérons qu'on rendra justice à nos intentions, et qu'on ne confondra pas entièrement cette Collection avec les compilations pour lesquelles on n'a eu à consulter que l'ordre alphabétique et chronologique.

Toutefois, cet ouvrage n'atteindrait pas le véritable but que nous nous sommes proposé, s'il offrait les monumens de la législation, entièrement isolés de l'histoire des peuples. Comme nous l'avons déjà dit, la plupart des historiens, en retraçant les événemens, ont négligé de les montrer dans leurs rapports avec les institutions; ou ils ne l'ont fait que d'une manière insuffisante: cependant, c'est peut-être sous ce point de

(1) Montesquieu, Esprit des lois, liv. x11, chap. 2.

vue, que l'histoire mérite le plus d'être étudiée. Ainsi, sur chaque fait, on doit surtout remarquer quelle a été son influence sur la forme du gouvernement, et, réciproquement, en quoi la forme du gouvernement a influé sur les faits; il faut enfin considérer les événemens et les institutions politiques, tour-à-tour comme causes et comme effets, les uns à l'égard des autres. Nous savons d'ailleurs que pour bien apprécier les institutions d'un peuple, il faut connaître leur origine, les modifications successives qu'elles ont éprouvées, les circonstances dans lesquelles elles ont été élevées, et avoir des notions exactes sur les mœurs, les usages, les habitudes et le caractère national de chaque peuple.

Dès-lors, nous avons cherché à retracer, dans des précis historiques, placés en tête de la constitution de chaque peuple, les diverses révolutions qu'ont éprouvées ses lois et la forme de son gouvernement. Ce travail en suppose un autre qui d'ailleurs était indispensable, c'est celui de rechercher et de recueillir les règles fondamentales, les usages constitutifs, consacrés par le temps et les mœurs des peuples, qui ont servi de bases aux lois positives, aux institutions actuelles, et qui même en ont tenu lieu pendant long-temps chez plusieurs nations; usages qui formaient ce qu'on peut appeler la constitution non écrite, et qui étaient en droit politique à peu près ce qu'étaient dans le droit civil nos anciennes coutumes. Pour présenter le résultat de nos recherches sur ce point, d'une manière plus frappante et qui en fit mieux apprécier l'ensemble, nous avons rédigé cette constitution non écrite, en la divisant par articles, en ayant soin d'indiquer toujours un grand nombre d'autorités, et en conservant les ex

pressions consacrées par l'usage, par les lois ou par les auteurs anciens.

Jusqu'ici, cette manière de présenter les règles fondamentales de chaque Etat, n'a point encore été employée; elle épargne les recherches; elle donne un résultat positif, et facilite la solution des points controversés, en rapprochant les opinions différentes. Cette partie de notre travail, mérite peut-être quelque attention; car, ainsi que l'a dit un ancien : « Les lois qui sont imprimées » dans les mœurs du peuple, ont bien plus d'autorité, » et sont d'une tout autre importance que les lois » écrites (1). »

On doit bien croire que nous avons mis un soin particulier à réunir tous les élémens du droit public de notre pays. Nous avons donné au précis historique relatif à la France un peu d'étendue; et cela devait être ainsi, car le reproche adressé par nous aux historiens en général, s'applique surtout aux historiens français. Nous osons ajouter que nos publicistes ont plutôt écrit des systèmes ingénieux, que montré la vérité sur plusieurs points importans; c'était donc pour nous un devoir de présenter un tableau plus étendu et plus complet des révolutions survenues dans nos institutions politiques, depuis l'origine de la monarchie, jusqu'en 1789, et de bien indiquer l'état des choses, à cette époque si mémorable.

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On a dit que les savantes recherches sur le droit public ne sont souvent que l'histoire des anciens abus, et qu'on s'est entété mal à propos, quand on s'est donné

(1) Arist. pol., liv. 1, chap. 17.

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