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saisir pour les exagérer, les livrer aux plu mes satyriques et aux exécutions populaires. Peu importe que la religion en gémisse, et dévoue les coupables à des vengeances d'un tout autre genre, peu importe que des fautes personnelles soient contre-balancées par les titres de tout un corps, que la justice et la société réclament, que la philosophie elle-même demande grace, que la patrie rappelle des services antiques, que la pos térité s'avance pour répéter sa part d'un hẻ ritage sacré, la fureur n'écoute rien; un peuple ignorant et crédule se laisse mener par-tout où l'on veut ; de la haine des hommes, il tombe bientôt à celle de la doctrine elle-même ; et l'heure est venue, où quiconque se mêle aux persécuteurs, croit servir la cause de Dieu.

Ajoutez que bientôt on se fait un parti dans le cœur de certains hommes que fatigue le poids de leurs chaînes; et ces vices là même contre lesquels on crioit avec tant d'emportement, on cesse de les voir avec des yeux aussi sévères, du moment où ils se présentent pour être les appuis de la ré forme.

Depuis qu'un Jovinien au quatrième siè

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cle a donné le funeste exemple de se soulever contre les conseils évangéliques, ce qu'il y a eu d'esprits superbes et chagrins, s'est empressé pour la plupart à s'étayer de cette homicide doctrine. L'oeuvre de Satan n'eût pas été aussi triomphante, si Julien, un apostat, n'en fut devenu dans son tems le protecteur par ses perfides édits. L'ignorant Vaudois la transmet à Wiclef, c'est sous les cendres de ce dernier que Luther et Calvin viennent en recueillir les étincelles, qui depuis ont allumé un si grand incendie, et voilà, si Dieu le permet, voilà les précurseurs des agens de la réforme dans l'église gallicane; avec de tels ancêtres nous avons certes le droit de dire après Tertullien; nous nous glorifions que la chaîne de nos accusateurs remonte et s'étende à ces hommes-là: Tali dedicatore damnationis nostræ gloriamur.

Atteintes portées aux droits du siége apostolique. N'anticipons rien; mais observons qu'autant de fois que l'ancien ennemi de l'église a voulu engager contr'elle de cos combats qu'il appelle des réformes, il a commencé par l'attaquer dans son chef et celui-ci d'abord dans ses droits honori

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fiques. Toute redevance suppose un maître, et l'orgueilleux satan a dit qu'il ne serviroit pas. La suppression des annates a été en quelque sorte le manifeste de tous les schismes. Nommons les principaux dans les âges plus rapprochés de nous. C'est par-là que les Luthériens d'Allemagne, Henri VIII en Angleterre, Gustave, 'Anderson en Suede, sont entrés dans la carrière. On s'essaye contre le temporel, avant de porter des coups plus graves. L'art des gradations n'a donc pas été, comme on le voit, le secret particulier de nos modernes régénérateurs.

Mais pourquoi ces éternelles conspirations contre la chaire apostolique? « Je ne m'en étonne pas, à répondu au siècle dernier M. Bossuet: (1) tous ceux qui veulent diviser l'église, ou la surprendre, ne craignent rien tant que de la voir marcher contr'eux sous un même chef comme une armée bien rangée. Nous prenons ici à témoin la conscience de nos législateurs théologiens. Dans ce siècle malheureux où tant de sectes impies tâchent de sapper peu-à-peu les fondemens

(1) Avertiss, sur l'expos. de la doctr. chrét. pag. 12 édit. in-4.0, Paris 1743.

du christianisme, et croient que c'est assez d'avoir seulement nommé Jésus-Christ pour ensuite introduire dans le sein de la chrétienneté l'indifférence des religions et l'impiété manifeste; qui ne voit l'utilité, c'est trop peu dire, la nécessité d'avoir un pasteur qui veille sur le troupeau, et qui soit autorisé d'en haut pour exciter tous les autres dont la vigilance se relâcheroit ?>

Telles étoient les reflexions, tels les souvenirs des vrais catholiques. Leurs allarmes ne tardèrent pas à prendre tous les caractères de la certitude, lorsqu'on vit l'assemblée nationale établir dans son sein un tribunal de réformation du clergé, où parmi trente membres, on comptoit à peine deux évêques, et quelques ecclésiastiques, dont plusieurs étoient connus par la haine qu'ils avoient vouée au clergé. En avoit - elle le pouvoir? Toute souveraine qu'elle vouloit qu'on la crût, les choses de la religion étoient-elles soumises à son empire? Depuis quand avoit-il manqué quelque chose à l'autorité de l'église? Depuis quand l'épouse de

(1) V. opinion de M. l'abbé Maury, sur la constitution çiyile du clergé.

Jésus-Christ, impassible, immortelle, toutepuissante comme son fidèle époux, étoitelle devenue tributaire de César, et falloit-il donc, après dix-sept cens ans, effacer de notre croyance ces vérités jusqu'alors réputées fondamentales; que le don céleste que l'ordre. apostolique a reçu par l'imposition des mains, ne nous a pas été seulement accordé pour annoncer la sainte parole, ou pour sanctifier les ames par les sacremens, mais encore pour policer les églises, pour établir la discipline, pour appliquer les canons inspirés de Dieu à nos saints prédécesseurs. (1)

Eh! combien des évêques, des prêtres dignes de ce nom devoient se trouver déplacés au milieu d'une cabale à laquelle on ne pouvoit opposer qu'une résistance vaine et peut-être dangereuse; c'étoient les défenseurs de la foi de Nicée dans les conciliabules de Tyr et de Seleucie. Leur retraite et les motifs qui l'avoient rendu nécessaire ne laissoient à ce comité ecclésiastique qu'un nom illusoire. Des laïcs se trouvèrent succéder à des pontifes dans la discussion de matières purement religieuses, et dont la

(1) Bossuet crais. fun. de Michel Le'Tellier.

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