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Le système politique de Platon est calqué, terme pour terme, sur la Genèse du premier révélateur. L'être social, l'être actif, qu'enfanta la parole, du premier Révélateur, fut constitué par lui màle et femelle, creavit illos masculum et feminam; c'est-à-dire que la femme lui fut attribuée comme un second corps vivant sous l'activité une de l'homme; mais ce fut la famille, et non pas le rapport des familles entre elles, qui reçut la forme androgynique. Qu'a fait Platon? Il a pris l'androgyne pour type social; sa république est la théorie de l'androgyne abstrait. S'il était passé au second révélateur, au second chapitre de la Genèse (nous citons la Bible), il aurait vu que pour la seconde fonction, la femme fut séparée de la côte de l'homme. Qui ne connaît, parmi les chrétiens, la naissance de la femme ?

D'ailleurs Platon enseigne que son androgyne, sa république, choisira entre ses enfans, ceux qu'elle doit élever. Les êtres sociaux de Platon naissaient donc inégaux, puisqu'ils légitimaient un choix.

Aristote est clair et dogmatique. Il faut ne pas avoir lu les premières pages de sa Politique, pour ignorer qu'à ses yeux, il n'y a de société qu'entre les hommes de même nature originelle; qu'à ses yeux le maître et l'esclave sont de deux natures différentes.

Ceux qui ont trouvé l'égalité originelle des hommes dans Aristote et dans Platon, les ont lus comme ils nous lisent nous-mêmes. Ils ont lu leur propre science dans ces philosophes, comme ils ont lu leur christianisme dans le nôtre. Nous les adjurons ici d'administrer une preuve quelconque de leurs gratuites affirmations.

Passons. La parole du troisième Révélateur fut: Tous les êtres actifs, tous ceux qui parlent, hommes, femmes, enfans, esclaves, tous sont enfans de Dieu; non pas d'un père matériel, les engendrant selon la hiérarchie de ses membres, mais d'un père spirituel et un, les créant selon son unité active. La fonction qu'il proposa fut : L'unité humaine par le dévoûment. Il appela l'humanité, son église ; il dit qu'il en était la tête et que son corps spirituel, l'unité humaine, serait édifié par le dévoûment: il dit que les hommes qui représenteraient sa tête, jusqu'à la consommation de l'unité humaine, porteraient sa croix ; et que d'épaules en épaules, sa croix serait portée par ceux qui conduiraient les hommes à l'unité.

Ainsi la troisième fonction de l'acte humain, eut l'égalité pour origine et l'unité pour but. Or, l'unité humaine résulte nécessairement de fonctions hiérarchiques, dont la plus élevée appartient au serviteur de toutes les autres, à l'homme qui prend Jésus-Christ pour modèle. Ainsi donc, les hommes partent de l'égalité d'origine; ils sont également libres de choisir parmi les fonctions qui leur sont offertes, et s'y classent selon leur dévoûment; ils partent de l'égalité, et ils aboutissent volontairement à l'un des degrés de la hiérarchie, d'où résultera l'unité. Nous ne savons pas sur quoi certains de nos adversaires se sont fondés, pour accuser le christianisme d'avoir enseigné la fraternité dans le ciel, et non pas sur la terre. Il a précisément enseigné le contraire, car il a dit : Les hommes commencent par être enfans de Dieu, et finissent par être les fils de leurs œuvres ; ils vont de l'égalité à l'inégalité. Cette parole est de JésusChrist: Il y a plusieurs demeures, dans la maison de mon père !

Le verbe du troisième Révélateur fut-il de lui ou de Dieu ? Pour ne

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pas entrer dans des détails auxquels notre préface ne suffiraient pas , nous dirons : Jésus-Chrit seul le savait; il affirma qu'il était le fils de Dieu fait homme, et qu'il venait sceller de son sang, la nouvelle qu'il nous apportait de la part de son père. Cette nouvelle , c'était l'égalité d'origine, et l'unité de but. - Qui osera dire qu'il n'était pas le fils de Dieu? qui, parmi ceux qui professent l'égalité d'origine et l'unité de but ?

Parce que le sacrifice fut le moyen particulièrement imposé par Jésus-Christ pour réaliser la troisième fonction, il ne faudrait pas en conclure que le sacrifice n'était pas le moyen des deux premières. Ce moyen est relatif comme les fonctions qui divisent l'acte humanitaire, mais il est constant et un, comme l'acte lui-même; voici ses relations :

Il est évident que, lorsque le but était la parole, le plus grand sacrifice que l'homme pût faire, était d'enseigner å parler; son devoir était donc de se conserver , et de détruire par la violence, tous les obstacles de l'ordre muet. Lorsque le but fut la multiplication, il est évident encore, que le moyen de ce but, le chef d'une race, reçut pour devoir de se conserver lui-même, et de sacrifier à son but lout obstacle de l'ordre stérile.

Mais aujourd'hui que le but est l'unité humaine, le plus grand devoir que l'homme puisse remplir, est de conserver la fonction qu'il a librement voulue. Pour la conserver, il fant qu'il la transmette, et le meilleur moyen de la transmettre, c'est de mourir pour elle. L'héritage d'on martyr engendre des héritiers. L'homme du droit, le fédéraliste, ne peut jamais être martyr, car mourir pour soi est un non-sens.

Telles sont nos idées sur l'humanité. Dans notre préface du neuvième volume , nous avons traité du rapport général des êtres, du mouvement considéré selon la loi logique. Ici, nous avons exposé ce même rapport, du point de vue de ses deux principes. Nous y avons procéde' par voie d'affirmation, les posant comme dogme, les appelant création et but. Nous les avons ensuite prouvés , par l'absurde. On peut maintenant vérifier les révélations, les créations successives que nous avons indiquées dans l'humanité, par la formule logique, le progrès, et l'on verra qu'elles sont conformes à celte formule. Opposition d'origine, hiérarchie d'origine, égalité d'origine, sont en effet trois initiales en série progressive.

Avant d'entrer sur le terrain de nos adversaires, nous rappellerons en deux mots notre définition de la nationalité française. Nous disons, depuis quatre ans , que la nationalité française est une fonction chrétienne , et qu'elle est la première dans l'ordre de réalisation de l'unité humaine. Nous avons démontré sur pièces que cette fonction fat proposée à Clovis par les évêques des Gaules, acceptée par lui et acceptée par son armée. La nation française est née de ce choix. Pour vivre elle doit porter sa fonction au but ; pour vivre, elle doit marcher toujours vers l'unité humaine à la tête des nations ; être la servante des servantes de Dieu.

Le grand cri contre notre doctrine le voici. Notre formule générale affirme que le christianisme est; nos adversaires soutiennent qu'il n'est pas ou qu'il n'agit plus, ce qui revient au même : leur preuve c'est qu'o:1 n'y croit plus. Sans nommer et sans compler ici ceux qui n'y croient plus, nous ferons une réponse décisive.

Si l'on ne croit plus au christianisme dans le monde, de deux choses l'une, ou les peuples qui étaient fonction de son but, les peuples qui ont eu foi en Jésus-Christ, ont renoncé à leur fonction, ou ils ont accompli le christianisme.

S'ils ont renoncé à leur fonction, nécessairement le principe antérieur, le principe de la race les a tous conquis, et leur a donné une fonction et un nom selon son but.

S'ils l'ont accomplie, l'unité humaine est, l'humanité est prête : elle peut agir comme un seul homme; elle attend son initiateur pour la quatrième et dernière fonction, pour son but absolu, pour réaliser dans la création son acte final, et conquérir ainsi sa mémoire éternelle. — Où est l'humanité? pouvons-nous, comme le poète, saluer la France reine du monde ?

Mais nous voulons bien admettre une absurdité, admettre que le christianisme soit fini avant d'être fini, que la fonction soit remplie avant que le but soit atteint. Il faut que celui qui dit cela sache un mot qui ne découle point comme conséquence de l'un des trois principes enseignés à l'humanité ; il faut qu'il soit révélateur. Si, par hypothèse, le progrès continu est ce mot, le révélateur de ce mot n'aura même pas besoin de faire l'œuvre logique; à l'instant ses élèves la feront, et parleront en vertu de la parole générale qu'il leur aura enseignée, la quatrième et dernière fonction de l'humanité. — A l'œuvre!

La doctrine du progrès continu pense qu'elle aboutira à une religion, par les mêmes raisons que Platon, Aristote et les Alexandrins ont engendré Jésus-Christ. Notre réponse est plus haut.

Afin que nos lecteurs sachent d'une manière nette la différence qui nous sépare de cette doctrine, nous devons une fois les mettre en regard. L'une affirme que le progrès est continu, c'est-à-dire qu'il n'a point un principe ni une fin assignable, c'est-à-dire qu'il n'est ni un rapport ni une loi, mais une substance une, l'être absolu.

Nous, nous affirmons que le progrès est le Verbe, le rapport général d'activité absolue à passivité absolue. Elle affirme que Dieu a créé progressivement le monde, et que les révélateurs créent l'humanité selon la loi de création, parce que l'humanité consent librement à être créée, parce qu'elle réalise par ses créations progressives, le plan, la raison qui lui a été donnée par chaque révélateur. On remarquera qu'un tel progrès est continu aussi, seulement il a une cause toujours assignable et une fin toujours assignable; seulement il n'est pas un être, mais un rapport.

Appliquant leur théorie à l'histoire, les philosophes du soi-disant progrès continu pensent que la certitude historique c'est la tradition immédiate manifestée par le consentement immédiat. Cela suppose que la tradition est unitaire, qu'elle est un signe, qu'elle a un nom. Si en effet la tradition immédiate était une pluralité, elle aurait autant de signes qu'elle renfermerait de différences, et si ces différences étaient des contradictions, jamais elles ne pourraient recevoir un signe un; il faudrait donc choisir pour consentir. Ainsi, par hypothèse, si la tradition immédiate, celle du dix-huitième siècle, est la tradition à laquelle consent le progrès continu, il faut qu'il choisisse, car la philosophie du dix-huitième siècle se présente à elle sous forme de deux signes contradictoires, le fédé

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ralisme et l'unité, Voltaire et Rousseau. S'il choisit l'unité, il accuse directement la paternité de Jésus-Christ, et il a la certitude; s'il choisit le fédéralisme, il suppose que les êtres actifs relatifs ont mu la passivité absolue par leur volonté générale; s'il choisit le fédéralisme et l'unité, il choisit le néant. C'est cependant là le problème social que s'est dernièrement proposé de résoudre un écrivain d'un talent incontestable; il l'a posé ainsi: Liberté et association.

Toutes les doctrines qui font venir le devoir du droit posent ce problème d'une manière identique; toutes se font cette question: trouver la loi selon laquelle les égoïsmes puissent librement agir, puissent librement se toucher sans que leur contact soient jamais douloureux. Il ne devrait donc y avoir qu'une solution si la logique intervenait. Or, il y a la force révolutionnaire, le droit absolu d'insurrection, qui résout le problème en l'affirmant purement et simplement; il y a la solution qui définit l'homme, une unité ayant en elle deux aptitudes organiques, l'égoïsme et le dévoûment, d'où il suit qu'une organisation une peut être le résultat de deux organes aussi essentiellement contradictoires que l'égoïsme et le dévoûment. Il y a, enfin, la doctrine de l'industrie attrayante, dont l'auteur a découvert en effet le moyen de concilier l'égoïsme et le dévoûment, le droit et le devoir; il a affirmé que le travail était un plaisir. Aussi l'un des écrivains dont nous parlions tout-à-l'heure l'a-t-il appelé le géant Fourrier.

Toutes ces doctrines sont fédéralistes. Ainsi, l'une d'entre elles a beau dire droit social. Ou ce droit vient du droit absolu et il est une obéissance de la part de la société, il naît d'un devoir; ou il vient du droit relatif, et il procède de l'homme.

Toutes ces doctrines sont tellement fédéralistes, elles affirment à tel point ce que nous venons d'affirmer qu'elles disent que la société part des individus et qu'elle aboutit aux individus; qu'elle a pour principe la volonté de ses membres et pour but le bonheur de ses membres.-Si la société des êtres actifs relatifs à un tel but,comme la passivité absolue est le seul obstacle qui se manifeste fatalement contre ses membres par la maladie et par la mort, le premier but relatif d'une telle société étant le moyen de son but, elle doit trouver la médecine absolue avant de parler de bonheur.

Nous l'avons déjà dit, la philosophie de ces philosophies, la théorie générale de ces fédéralistes, est le panthéisme saint-simonien, qui s'appelle aujourd'hui le progrès continu.Il affecte certaines réminiscences Enfantinistes (1), telle que la tradition vivante, la vie, le vivant, mots dont nous savons le sens.

Elle a prétention de s'appuyer sur un système de formation animale présenté déjà plusieurs fois, et qui a été dernièrement exposé à l'acadé

(1) Les Saint-Simoniens, obligés de soutenir par suite de leurs idées sur la vie que le vivant ne mourait pas, avaient affirmé à priori qu'il avait toujours sur le globe un égal nombre de vivans. Ils ont même, notre connaissance, essayé des statistiques pour le démontrer à posteriori. Ils expliquaient cela en disant le vivant saisit le mort, réciproque de cette proposition fameuse au Palais : le mort saisit le vif. Le père Enfantin prétendait avoir saisi trois morts, Moïse, Mahomet et Jésus-Christ. La théorie du progrès continu vient de là.

mie des sciences sous un nouvel aspect. Nous ne partageons pas cette opinion scientifique, mais nous n'avons pas à nous en occuper ici, car elle ne prouve nullement le panthéisme que nous combattons; elle le nie. Les deux théories n'ont de commun que le son matériel de la lettre progrès continu. Le savant admet deux forces, deux êtres différens l'un de l'autre, dont la forme de l'un est le milieu, et la forme de l'autre l'animal, et il dit que ces deux êtres agissent l'un sur l'autre, et que de leur action réciproque résulte leur transformation réciproque.-Le panthéiste n'admet qu'un être, la loi vivante. Il ne doit pas intervenir dans les sciences naturelles à moins qu'il n'en fasse directement lui-même, ou à moins qu'il n'interroge le savant dans la langue dont nous avons tracé plus haut la syntaxe.

Dieu, dévoûment, fraternité, égalité d'origine, libre arbitre, unité humaine, progrès, tous les mots enfin de la langue morale, de la langue des obligations, nous sont communs', de la même manière, avec le progrès continu.

Il y a long-temps que Bayle l'a dit : Pour l'homme il n'y a de vrai que la révélation. S'il n'y croit pas il ne peut croire à rien.

Nous croyons à celui qui inventa la parole; à celui qui inventa le signe de l'unité matérielle, le système des castes; à celui qui lui a succédé et qui a inventé le signe de l'unité spirituelle, la fraternité par le dévouement. Telle est notre foi.

Notre foi ne promet à personne le bonheur; elle impose le sacrifice jusqu'au martyr. Nous sommes sûrs que la lutte des chrétiens de notre âge sera l'analogue de celle qui vainquit l'Arianisme. Viennent donc un Saint-Athanase et un Arius généraliser cette lutte. Dans une prochaine préface nous reprendrons cette même question du point de vue politique; nous traiterons du signe social, ou de la candidature.

FIN DE LA PRÉFace.

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