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INTRODUCTION.

I.

Le XVIIIe siècle avait décapité le monde moral, et formé, entre le ciel et l'homme un nuage qui fit la nuit sur l'âme humaine, en interceptant les rayons divins et en étouffant la grande vie surnaturelle, source de toute grandeur et de toute espérance. Le sophisme triomphant ne tarda pas à produire le crime, son fruit naturel; et bientôt la France, en proie à l'erreur totale, vit se déchaîner sur elle toutes les furies de l'enfer travesties en messagères de la justice et de la fraternité. Sous leur souffle, tous les éléments sociaux furent ébranlés, renversés, confondus, et à la place de la vieille constitution française,

dont le sein progressivement agrandi allait enfin embrasser un peuple de frères, surgit un affreux chaos qui suinta le sang de toutes parts et où les plaintes des victimes égorgées furent étouffées par les rugissements des bourreaux.

Du sein de cet horrible tableau qu'on appelle la Révolution française, sur ce fond noir tissé de crimes, de bassesses, de lâchetés, se détachent, pour l'honneur et pour la consolation de la postérité, grand nombre de figures qui, à des titres divers, excitent l'admiration et touchent le cœur de celui qui les contemple; mais la plus grande, la plus touchante, la plus héroïque de toutes, c'est, à notre avis, celle du roi Louis XVI. Ouvrez les annales de la royauté, vous ne trouverez rien de pareil. Cette figure est unique dans l'histoire de l'humanité. Toutes les vertus rassemblées des plus grands rois de l'antiquité ne feraient pas une âme de Louis XVI. On trouve ici réunis tous les caractères qu'on attribue aux victimes expiatoires, et qui les rendent dignes d'être, si j'ose m'exprimer ainsi, des seconds christs, des christs sociaux.

Il fut chaste dans un âge, dans un temps et dans une cour où cette vertu était un objet de dérision et de mépris; il fut humble et modeste quand ses propres connaissances, son titre d'héritier présomptif de la couronne, la gloire du sang dont il était issu, quand tout ce qui l'entourait lui soufflait l'orgueil

par tous les pores. Un harangueur de province le complimentant un jour sur ses qualités précoces, il l'interrompit en lui disant: « Vous vous trompez, monsieur, ce n'est pas moi qui ai de l'esprit, c'est mon frère de Provence. » La sensibilité de son jeune cœur était telle que, quand on le salua du titre de Dauphin, après la mort de son père, il ne put contenir son désespoir. D'autres auraient pensé à leur prochaine grandeur, lui il ne pensa qu'à la perte que ce titre lui rappelait.

Mais de toutes les vertus qui le rapprochaient du divin modèle, la principale c'était son abnégation. En toute occasion, dans ses jours heureux aussi bien que dans sa royale passion, son âme ne cesse de se répandre, de se donner. Il pense à sa famille, à ses amis, à ses serviteurs, à son peuple; jamais on ne le surprend faisant un retour égoïste sur lui-même. Tous ses pas dans la vie et vers la mort sont marqués par le don de lui-même. Ordinairement les enfants sont glorieux quand on les félicite sur les progrès qu'ils font dans l'étude, ils se rengorgent, ils sont fiers d'eux-mêmes et se croient des petits prodiges. Or, voici la réponse que fit le duc de Berri à quelqu'un qui le félicitait sur la variété et l'étendue de ses connaissances. « Que je serais heureux, dit-il, si je pouvais apprendre à papa quelque chose qu'il ne sût pas!» Réponse d'une naïveté sublime et

qui nous découvre bien le fond de cette âme où Dieu mit premièrement la bonté ! Si telle fut la fleur, que devait être le fruit! Dans les moments les plus tragiques de sa lamentable vie, quand il est frappé dans sa dignité de roi, dans sa fierté d'homme, dans son cœur d'époux et de père, quand l'insulte, l'outrage, la menace pleuvent sur sa tête, sur qui pleure-t-il? Il pleure sur les maux de son peuple qu'on trompe et qu'on égare. Dans ces horribles journées du 14 juillet 1789, des 5 et 6 octobre de la même année, où une troupe d'hommes ivres, de femmes échevelées et de bandits armés de haches et de piques forcent l'entrée du château et massacrent les gardes-ducorps; dans celles non moins horribles encore des 20 juin et 10 août 1792, quelle est l'unique préoccupation du Roi? C'est d'empêcher résolument ses défenseurs de répandre le sang de son peuple, « de << ce bon peuple qu'on égare, écrivait-il à l'Assem<< blée le 4 février 1790, de ce bon peuple qui m'est << cher et dont on m'assure que je suis aimé, quand <«< on veut me consoler de mes peines. » Aux reproches du comte d'Artois sur sa faiblesse, il répond par cette lettre admirable qui donne tout le secret de sa conduite en dévoilant la profondeur de son amour: « Vous parlez de courage, lui dit-il, de ré<<sistance aux projets des factieux, de volonté.... << Mon frère, vous n'êtes pas roi! Le ciel en me pla

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