Page images
PDF
EPUB

JURISPRUDENCE GÉNÉRALE.

RÉPERTOIRE

Méthodique et ALPHABÉTIQUE

DE LÉGISLATION,

DE DOCTRINE ET DE JURISPRUDENCE

EN MATIÈRE DE DROIT CIVIL, COMMERCIAL, CRIMINEL, ADMINISTRATIF,
DE DROIT DES GENS ET DE DROIT PUBLIC.

TOME XVIII

demander ses dernières conséquences. Et c'est de ce travail immense, universel, si religieux dans son but, si grand par les efforts qui y concourent et par les résultats qu'il promet, mais en même temps si douloureux et si rude, que dérive en grande partie l'état cruel d'agitation et de trouble où, pour longtemps encore, se trouvent les sociétés.

5. Telles sont, en simple aperçu, les principes de cette école nouvelle dont les adeptes aspirent à changer, avec les idées de droit reçues jusqu'ici, les bases de la société. La charité, la sociabilité, voilà les fondements sur lesquels ils prétendent fonder un droit nouveau. La tentative, si elle n'est pas illusoire, est digne de nobles efforts. Puissent ces nouveaux adeptes ne pas oublier que c'est lentement, insensiblement, en passant par le domaine des faits, et jamais par une irruption soudaine et violente, que les doctrines parviennent à dominer les sociétés! Or, dans l'ordre des faits, quelles sont les entreprises de charité, les vastes associations qu'ils ont déjà créées ? On n'en voit encore aucune trace. Il y a plus: l'histoire de ces dernières années prouve que, pour un grand nombre de ces prétendus réformateurs, les souffrances de l'humanité servent de masque à leurs projets ambitieux. Quand le christianisme vint opérer une révolution sociale, il accepta l'humanité telle qu'elle était et respecta les faits légitimes produits par le développement de la civilisation, enseignant à chacun le sacrifice et l'abnégation: aussi contribuat-il puissamment à accélérer la marche de l'esprit humain et l'amélioration matérielle des peuples. Les doctrines socialistes ont, au contraire, pour point de départ, la satisfaction des appétits; elles sèment la division et l'envie en invoquant la fraternité, et menacent, si la société ne se hâte de les combattre par la pratique sincère des vertus chrétiennes, de nous replonger dans l'état de barbarie d'où nous sommes sortis après tant de siècles de pénibles labeurs. V. à cet égard, ce qui est dit v° Économie politique; V. aussi les mots Grains, Impôt, Industrie, Propriété, Secours publics, Féodalité et Lois; V. encore t. 1, notre Essai de l'histoire du droit, et plus loin v° Droit constitutionnel.

6. Le droit ne doit être confondu, ni avec la législation, qui n'en est que l'expression littérale, ni avec la jurisprudence, qui est l'interprétation des textes législatifs. Il se divise en droit naturel et droit positif. On nomme droit naturel l'ensemble des règles que la raison révèle à tous les hommes pour les diriger dans leur conduite; et droit positif, celui dont les pouvoirs sociaux établis chez chaque peuple garantissent l'exécution. Ces deux droits ne sont point différents par leur principe; le second ne doit être que la consécration et le développement du premier.-V. Droit naturel; V. aussi Droit civil, no 46.

7. Le droit naturel appliqué aux nations considérées comme êtres moraux et collectifs, prend le nom de droit des gens (V. Droit naturel et des gens).

8. Le droit positif est celui qui fixe les règles de conduite en tout ce qui concerne le bien général de la société et les droits respectifs de chacun de ses membres. Il est divin ou humain, suivant qu'on le considère comme venant de Dieu ou des hommes. Les livres sacrés contiennent les préceptes révélés aux hommes par Dieu lui-même. Les lois qui nous régissent composent le droit humain.

9. Le droit civil, jus civitatis, est le droit propre à chaque cité, à chaque peuple. Dans leur sens véritable, ces mots désignent la collection des lois particulières à chaque peuple, que ces lois aient pour objet de régler les rapports des membres de la cité entre eux, les intérêts privés, ou qu'elles traitent de l'organisation de l'État et des rapports des gouvernés et des gouvernants. C'est en leur donnant cette signification que les Romains employaient les expressions jus civitatis par opposition au jus gentium (Instit., de jure naturali et gentium). — Mais les peuples modernes entendent les mots droit civil dans un sens beaucoup plus restreint, et peu exact, il faut en convenir. Les jurisconsultes des quinzième et seizième siècles opposèrent d'abord le droit civil, au droit canon, pour distinguer les lois de l'État des lois de l'Église, et dès le dix-septième siècle on considéra les termes droit civil comme synonymes de ceux de droit privé, de telle sorte qu'on ne comprend aujourd'hui, sous cette dénomination, que le droit d'après lequel sont réglés les intérêts privés des particuliers. On oppose ainsi le droit civil ou privé de!

chaque peuple au droit public de ce même peuple (V. Droit civil). Le droit canonique est la collection des lois de l'Église. — V. Culte et Lois; V. aussi l'Essai hist. du droit, t. 1 de cet ouvrage.

10. Puisque le droit civil a pour objet immédiat l'intérêt particulier des individus, il comprend les lois qui régissent les contrats, les donations et les testaments, les successions et les differentes manières d'acquérir ou de perdre la propriété. Il devrait aussi s'entendre, même en le prenant comme synonyme de droit privé, des règles comprises dans la loi commerciale, dans le code forestier et dans les lois maritimes. Toutefois, comme ces lois réglementent des branches importantes du droit privé, on appelle droit commercial, droit maritime et droit forestier, les divers droits dont traitent ces lois, réservant la qualification de droit ciml aux règles comprises dans le code civil et dans le code de procédure civile. On voit que de dérogations en dérogations on s'est singulièrement écarté de l'interprétation donnée par le droit romain du jus civitatis.

11. Dans le droit public sont comprises les lois protectrices de la morale, du bon ordre, de la sûreté et celles qui ont pour objet immédiat l'organisation du corps politique : ainsi, les lois de police, celles qui statuent sur la séparation des pouvoirs, celles qui placent la femme sous la dépendance de l'autorité maritale, etc., sont des lois de droit public. On subdivise le droit public en droit public, proprement dit, en droit constitutionnel ou politique et en droit administratif.-V. Droit constitutionnel et Droit public. 12. On appelle droit maritime celui qui régit la navigation, le commerce maritime et les cas de guerre maritimes. Il fait partie du droit public lorsqu'il a pour objet immédiat l'intérêt de la nation; il rentre dans le droit des gens quand il règle les rapports maritimes entre deux ou plusieurs nations, et dans le droit privé quand il statue sur l'intérêt des particuliers (V. Droit marit. et Organ. marit.; V. aussi Droit public et Droit naturel et des gens, Prise marit., Traités internat.).

13. Dans la législation romaine on opposait le droit écrit au droit non écrit. Le premier était celui que chaque peuple avait rédigé en loi et promulgué; le second comprenait les usages et les coutumes qui n'avaient pas été promulguées, mais auxquelles on se conformait par tradition. Dans notre ancien droit, on appelait du nom de droit écrit, le droit romain, qui, dans l'origine, était la seule loi écrite qui existàt; et on désignait comme pays de droit écrit, ceux où le droit romain avait force de loi. — Par opposition, on distinguait sous le nom de droit coutumier celui qui consistait dans l'observation des coutumes. Les pays coutumiers étaient ceux qui étaient régis par les coutumes. Les juges étaient tenus de juger conformément aux articles des coutumes dans les pays coutumiers (Ferrière, Dict. de droit, vo Droit coutumier). Mais les juges souverains pouvaient interpréter les lois particulières des lieux, puisqu'ils avaient l'autorité de juger souverainement et sans appel. Le roi seul pouvait déroger expressément aux coutumes par les ordonnances (Brodeau sur Louet, lettre D, ch. 25, Ferrière, vo cit.).

14. On disait le droit commun coutumier pour désigner le droit établi par le plus grand nombre de dispositions, qui se trouvent dans les différentes coutumes, sur une même matière ou sur une même question. Ce droit commun coutumier se rapportait presque toujours à la coutume de Paris. C'est ce que fait remarquer Ferrière, v° Droit. On appelait droit commun de la France les ordonnances royales pour les pays de droit écrit et pour les pays de coutumes. Dans le silence des ordonnances, les lois romaines formaient le droit commun pour les pays de droit écrit, et chaque coutume, dans l'étendue de son ressort, pour les pays de droit coutumier. Mais on demandait quel était le droit commun de la France coutumière, au défaut des ordonnances et de la coutume du lieu? Ferrière enseignait que le droit romain devait servir de loi au défaut des ordonnances et des coutumes, quand il s'agissait de décider une question qui n'était pas purement de droit coutumier. Cet auteur reconnaissait, au surplus, qu'on n'était obligé de suivre le droit romain en pays coutumier, qu'autant qu'il était conforme à la raison et à l'esprit des coutumes. En conséquence, on pouvait, suivant lui, s'écarter de ses dispositions, lorsqu'elles n'étaient point fondées en raison, ou qu'elles étaient fondées sur une raison qui n'avait point de lien dans le pays coutumier. La jurisprudence décidait générale

« PreviousContinue »