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DU

CODE PÉNAL

CHAPITRE LXXXIII.

DES CONTREFAÇONS LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES.

(Commentaire des art. 425, 426, 427, 428 et 429 du Code pénal.)

2461. Objet de ce chapitre.

2462. Caractères du délit de contrefaçon.

2463. Le premier élément est la reproduction de l'œuvre.

2464. Les dissemblances n'empêchent pas qu'il y ait contrefaçon.

2465. Les emprunts et les citations ne suffisent pas pour constituer le

délit.

2466. La reproduction diffère aussi de l'imitation.

2467. Caractères du plagiat distinction qui doit être faite sur ce point. 2468. La reproduction est entière ou partielle.

2469. Dans quels cas la reproduction partielle peut être incriminéc. Des

citations.

2470. Dans quels cas les emprunts prennent le caractère d'une contre

façon.

2471. Est-ce reproduire un livre que d'en publier l'abrégé ?

2472. A quels ouvrages s'applique la contrefaçon. Elle s'applique à toutes les productions de l'esprit.

2473. Des œuvres de sculpture, de peinture et autres.

2474. Le fait de la fabrication suffit-il, et indépendamment de la mise en vente, pour constituer le délit ?

2475. Outre la reproduction, il faut qu'il y ait un préjudice causé par cette reproduction.

2476. Lois et décrets qui établissent les droits des auteurs.

2477. Lois des 3 août 1844, 28 mars 1852 et 8 août 1854, qui modifient la durée de jouissance des auteurs. (Loi du 18 juillet 1866.)

2478. Ces droits s'appliquent à toutes les créations de l'esprit.

2479. Ils s'étendent aux traductions, aux abrégés.

2480. Ils s'étendent aux commentaires et aux additions.

TOME VI.

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2481. Aux compilations, aux articles, aux titres des ouvrages.

2482. Droits des évêques sur les livres d'église publiés dans leurs dio

cèses.

2483. Quel est leur droit sur les livres d'église qu'ils n'ont pas composés, mais dont ils ont la surveillance?

2484. Droits des orateurs et des professeurs sur leurs discours.

2485. Distinction entre la reproduction des discours et le droit d'en publier la collection.

2486. Même distinction à l'égard des leçons d'un professeur.

2487. Application aux compositions artistiques.

2488. Le fait de traduire une œuvre d'art en employant les procédés d'un art différent est-il une contrefaçon ?

2489. Le délit cesse-t-il si l'œuvre imitée n'a pas la même destination que l'œuvre originale ?

2490. La contrefaçon est-elle permise, si l'œuvre originale n'est que la reproduction d'un type commun?

2491. Est-elle permise si le mode d'exploitation diffère essentiellement ? 2492. De l'appréciation des droits des auteurs par les juges du fait. 2493. Le droit de plainte est-il subordonné à la formalité du dépôt? 2494. Quelles sont les formes du dépôt ?

2495. Le dépôt prescrit par la loi du 19 juillet 1793 est-il indépendant dụ dépôt ordonné par les lois postérieures ?

2496. A quels ouvrages il s'applique.

2497. Nécessité d'un préjudice matériel appréciable pour constituer le

délit.

2498. Nécessité d'une intention frauduleuse.

2499. La bonne foi fait disparaître le délit, mais laisse subsister les dom

mages-intérêts.

2500. Pénalités applicables au délit.

2501. Du débit d'ouvrages contrefaits.

2502. L'exposition en vente assimilée à la vente.

2503. Il faut que le débit ait été opéré avec connaissance.

2504. De l'introduction en France d'ouvrages contrefaits à l'étranger.

2505. De la représentation des ouvrages dramatiques.

2506. Droits des auteurs dramatiques de s'opposer à la représentation de

leurs œuvres.

2507. Renvoi de quelques questions mixtes.

2461. La contrefaçon est une atteinte portée aux droits de l'auteur sur son invention, de l'écrivain sur son écrit, du peintre, du sculpteur, du dessinateur sur ses tableaux, ses statues, ses dessins, du musicien sur sa composition musi

cale. Ce délit est donc complexe; il suppose l'existence des droits de l'auteur sur son œuvre, et le fait de la violation de ces droits.

Les règles qui déterminent les droits des auteurs, leur étendue et leurs limites appartiennent à la loi civile, et leur examen est étranger à notre livre. Nous nous bornerons à les indiquer.

La loi pénale a formulé la sanction des droits que la loi civile avait établis ; notre tâche spéciale est d'examiner les éléments du délit qu'elle a prévu, et les conditions qu'elle a mises à sa répression.

Nous devons toutefois remarquer que nous ne nous occuperons ici du délit de contrefaçon que dans son application aux œuvres littéraires et artistiques: la contrefaçon des inventions ou des produits industriels, prévus par les lois des 7 janvier 1791 et 5 juillet 1844, sur les brevets d'invention, est étrangère au Code penal, et constitue une matière spéciale, soumise à des règles particulières, que nous ne pourrions examiner sans introduire dans notre livre un livre nouveau.

2462. L'art, 425 a défini la contrefaçon en ces termes : << toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon, et toute contrefaçon est un délit. »>

Cette disposition indique et constate, quoique avec trop peu de précision, les caractères essentiels du délit de contrefaçon la reproduction entière ou partielle d'une œuvre littéraire, scientifique ou artistique ; le préjudice causé à l'auteur de cette œuvre par l'atteinte portée à ses droits; enfin la fraude dont cette production doit être accompagnée, puisque la contrefaçon est un délit.

Nous allons développer successivement chacun de ces trois éléments du délit, et nous résumerons en même temps les principales difficultés que leur application peut soulever.

2463. Le premier est la reproduction de l'œuvre. L'art. 425 ne fait résulter, en effet, la contrefaçon que d'une édition

d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée, au mépris des droits des auteurs. L'art. 1or de la loi du 19 juillet 1793 n'accorde aux auteurs que le droit de vendre, faire vendre ou distribuer leurs ouvrages ; l'art. 3 de la même loi n'autorise que la saisie des éditions imprimées ou gravées sans leur permission. Ces expressions sont répétées dans le décret du 5 février 1810.

Ainsi ce n'est pas la reproduction de la pensée que la loi incrimine; c'est la reproduction de l'ouvrage, quand cet ouvrage a revêtu la pensée d'une forme matérielle; c'est cette forme qui est l'objet de la protection légale, parce qu'elle est saisissable et qu'elle peut être l'objet d'une propriété ; c'est l'ouvrage, l'édition imprimée ou gravée, parce que cet ouvrage ou cette édition font seuls partie des choses commerciales.

En effet, la pensée, dès qu'elle est publiée, se dégage du domaine de son auteur pour passer dans le domaine public; elle pénètre dans les esprits, elle s'y attache par la méditation, elle devient leur pensée propre. C'est une sorte de conquête pour la science ou pour l'art auquel elle appartient et dont il dispose librement. Et puis est-il une pensée qui appartienne exclusivement à son auteur? une création dont on ne puisse établir la génération? Suivant une expression souvent répétée, le génie est comme la terre qui ne produit rien sans en avoir reçu la semence; les idées s'enchaînent et naissent les unes des autres; l'homme ne fait que vivifier ou appliquer des idées qui lui ont été transmises par les siècles, et qui sont la richesse commune des hommes. Ses pensées ne lui appartiennent pas tout entières; il en a reçu le germe de la société; en les publiant il ne fait que les lui rendre.

Ce qui appartient à l'auteur, ce qu'il peut revendiquer, c'est la forme qu'il donne à sa pensée, c'est l'ouvrage qu'il a écrit, qu'il a peint, qu'il a sculpté pour la manifester. Il ne s'agit plus ici d'une création immatérielle et insaisissable, mais d'une œuvre sensible et corporelle. Elle est sa propriété

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