peut se soustraire au paiement de son loyer, par le motif que l'immeuble n'a rien produit; cependant l'art. 1769 l'autorise, en certaines circonstances, à réclamer une remise du prix de la récolte ('). D'un autre côté, si les fruits sont vendus, le vendeur doit les livrer sans avoir aucune indemnité à réclamer pour les frais de semence, de culture et de récolte; au contraire, toutes ces dépenses sont une charge de la jouissance et incombent au fermier (*). 8. Pour déterminer s'il se trouve en présence d'un bail ou d'une vente de produits, le juge doit, aux termes d'une jurisprudence à peu près constante, adopter le critérium suivant : le bail ayant pour effet de confier la jouissance de la chose au preneur, qui perçoit tous les fruits, il y aura bail si le prétendu acquéreur ou preneur a le droit de recueillir tous les produits du sol; au contraire, il y aura vente si la transmission porte exclusivement sur certains produits du sol (3). Ainsi il y aura vente : Si la transmission porte sur des truffes à extraire d'une forêt pendant plusieurs années ('); ou sur l'alfa produite par une terre dont elle ne constitue qu'un produit accessoire (5); ou sur des herbes ou la première et la seconde herbes de l'année à recueillir sur une prairie (6); ou sur le kaolin (7) ou le char (1) V. infra, n. 373 s. (*) Guillouard, I, n. 7. (3) Cass., 26 août 1839, S., 39. 1. 674. Cass., 19 mars 1845, S., 45. 1. 262, D., 45. 1. 188, et les arrêts ci-après. Guillouard, I, n. 8 el Tr. de la vente, I, n. 64; Pothier, Du contr. de louage, n. 11; Merlin, Rép., vo Bail, § 1, n. 2; Duvergier, Tr. du louage, n. 80. Contra Nimes, 26 fév. 1883, S., 83. 2. 225, D., 83. 2. 214. 83.2.214. (*) Guillouard, loc. cit. — Contra Nimes, 26 fév. 1883, S., 83. 2. 225, D.,8 (5) Cass. civ., 5 mai 1875, S., 75. 1. 323, D., 75. 1. 368. (6) Cass., 26 août 1839, S., 39. 1. 674.- Cass., 19 mars 1845, S., 45. 1. 262, D., 45. 1. 188. - Cass., 13 déc. 1858, S., 59. 1. 119, D., 39. 1. 22. 1892, S., 92. 1. 423, D., 93. 1. 28. Cass. req., 9 mai et cela - Guillouard, Tr. de la vente, I, n. 64,même si le concessionnaire a en même temps le droit d'exploiter les regains. Cass., 26 août 1839, 19 mars 1845 et 13 déc. 1858, précités. Guillouard, loc. cit. Décidé cependant que le bail des herbages fait pour une courte durée (sept semaines) n'est pas une vente s'il s'agit de prairies naturelles ou d'autres récoltes croissant sans le secours de l'homme. Sol. Reg., 23 déc. 1891, Rev. de l'enreg., 1892, n. 160. (7) Cass. civ., 4 août 1886, S., 88. 1. 226, D., 87. 1. 36. Hue, X, n. 5. bon (1) à extraire d'un immeuble; ou sur des coupes de bois(2); ou sur la récolte de chênes lièges (3), de mûriers (*), ou de résines (*); ou sur l'exercice d'une prise d'eau (6). Cette jurisprudence ne nous paraît pas devoir être approuvée; aucun texte ne dit que le bail doive nécessairement conférer le droit de prendre tous les produits de la chose louée; au contraire, il est généralement admis, notamment par la jurisprudence, que le droit de chasse, celui de pêche et divers autres droits spéciaux (7) peuvent faire l'objet d'un bail; cela étant, on ne voit pas pourquoi le droit d'extraire les fruits d'une certaine nature ne pourrait pas également être concédé à titre de bail. La définition que l'art. 1709 donne du bail conduit à la même solution; car le trait caractéristique qu'il attribue à ce contrat est de conférer au preneur, non pas la perception de tous les produits, mais la jouissance du sol (8), c'est-à-dire sa mise en possession de l'immeuble pour y faire les travaux nécessaires à la production des fruits. Il suffira donc, pour qu'il y ait bail, que le preneur ait à faire les travaux nécessaires pour l'extraction et la préparation de la récolte; il n'est aucunement nécessaire que cette extraction porte sur les produits de toute nature ("). En sens con (1) Cass., 31 déc. 1856, D., 57. 1. 280. (*) Cass., 3 déc. 1832, S., 33. 1. 888. Cass. civ., 21 mai 1849, D., 49. 1. 146. Cass., 20 mai 1839, S., 39. 1. 525. Cass. req., 23 mars 1870, D., 70. 5. 166. - Guillouard, Tr. de la vente, I, n. 64; Bastiné, Tr. de dr. fiscal, I, p. 162, note 1. (3) Cass. req., 25 janv. 1886, S., 88. 1. 226, D., 86. 1. 441. Cass. civ., 29 avril 1896, S., 97. 1. 369, D., 96. 1. 414. Cass., ch. réun., 17 mars 1904, S., 1905. 1. 245, D., 1905. 1. 139. — Guillouard, Tr. de la vente, I, n. 64; Baudouin, Conclusions, D., 1905. 1. 140. Contra Cass., 7 déc. 1819, S. chr. -- (*) Cass., 30 mai 1868, S., 68. 1. 201, D., 68. 1. 417. - Bastiné, Tr. de dr. fiscal, I, p. 162, note 1. (5) Trib. civ. Bordeaux, 26 déc. 1904, Rép. périod, de l'enreg., 1905. 248. - V. infra, note 9. (6) Paris, 28 juin 1880, sous Cass., 10 mai 1881, S., 82. 1. 77, D., 81. 1. 460. Guillouard, Tr. de la vente, loc. cit. (7) V. infra, n. 36 s. (*) En ce sens Huc, X, n. 5 et les décisions citées aux notes suivantes. (*) V. en ce sens Trib. civ. Bordeaux, 11 déc. 1895, Rev. de l'enreg., n. 1176 (l'adjudication du droit d'extraire la résine des arbres dans une forêt, avec droit de gemmer certains d'entre eux à mort et les autres à vie seulement, n'est une vente que pour les premiers et un bail pour les derniers, car la récolte de l'année ne vient pas spontanément, et il faut des travaux particuliers pour l'extraire). — Sol. Régie, traire, si le prétendu preneur n'a aucun travail de ce genre à faire, l'acte constituera une vente, parce que le seul objet du contrat sera la vente des produits créés par les œuvres du prétendu bailleur. Ainsi la concession du droit de récolter l'écorce des chênes lièges dans un bois est un bail, si le concessionnaire est tenu des démasclages, c'est-à-dire des enlèvements d'écorce nécessaires pour que l'arbre puisse donner de l'écorce susceptible d'être utilisée, et cela même si le concessionnaire n'a pas la jouissance exclusive du sol (1). Cette concession est une vente dans le cas contraire (2). 9. En cas de doute, les circonstances accessoires peuvent servir à montrer s'il y a vente ou bail. Ainsi, quoiqu'un prix de vente puisse être payable par fractions périodiques et égales et qu'un lover puisse être payable en bloc, ces deux circonstances sont assez peu habituelles pour qu'une stipulation de paiement périodique puisse aider à faire présumer l'existence du bail (3). De même, quoique quelquefois le vendeur prenne les risques ou une partie des risques à sa charge, on peut supposer que si le concédant a pris à sa charge tout ou partie des risques, il y a bail (*). De même encore, lorsqu'il résulte des époques fixées pour le commencement et la fin du bail que le prétendu preneur n'aura aucun travail à faire et sera seulement tenu de procéder à l'enlèvement de fruits, la convention est une vente de récoltes et non un bail (5). 26 avril 1888, Rép. périod. de l'enreg., n. 7295 (qui en conclut avec raison que le droit de récolter pendant des années la haute herbe d'un pré est une vente et non un bail. - Huc, loc. cit. (Trib. civ. Brignoles, 20 avril 1893, Rép. périod. de l'enreg., n. 8198. — Trib. civ. Toulon, 25 avril 1893, sous Cass., 29 avril 1896, précité. — Trib. civ. Draguignan, sous Cass., 17 mars 1904, précité. Contra Cass. req., 25 janv. 1886, Cass. civ., 29 avril 1896 et Cass., ch. réun., 17 mars 1904, précités. (2) Hue, X, n. 5. 3, Trib. civ. Toulon, 25 avril 1893, sous Cass., 29 avril 1896, précité. — V. cep. Cass., 29 avril 1896, précité. () Trib. civ. Toulon, 25 avril 1893, précité. — V. cep. Cass. civ., 29 avril 1896, précité. (5) Location d'une terre pour un an à partir du 15 novembre, Délib. rég. belge, 10. Il y a également vente, comme nous le verrons en étudiant les obligations du preneur(1), si la jouissance porte sur des produits qui, comme ceux des mines, carrières, etc., épuisent le sol, au lieu de se renouveler périodiquement. En nous occupant des choses qui peuvent être louées (2), nous rencontrerons encore des hypothèses où on peut se demander s'il y a vente ou bail. 11. La transmission d'un brevet d'invention peut être faite soit à titre de vente, soit à titre de bail; elle n'est pas uniformément une vente (3). Elle constitue une vente si elle est faite d'une manière définitive, un bail si elle est faite pour un certain temps (*). On a nié que cette base de la distinction fùt admissible (5): le brevet d'invention n'étant, a-t-on dit, jamais concédé qu'à temps, la cession est nécessairement temporaire comme la concession. Si sérieuse que soit cette argumentation, nous ne la croyons pas exacte; elle conduirait à contester que l'usufruit put être l'objet d'une vente aussi bien que d'un bail, car l'usufruit est, lui aussi, essentiellement temporaire. La vérité est que si le brevet d'invention est cédé pour toute sa durée, il fait l'objet d'une vente, et que sa transmission constitue un bail dans le cas contraire. Tout ce qu'il faut retenir de l'objection, c'est que la cession du brevet est une vente si sa durée est égale à la durée de la concession, et alors même que les parties se sont contentées de fixer dans le bail une durée ferme pour la cession, sans indiquer que cette durée soit égale à celle de la concession (6). Toutefois, même quand la cession est faite pour la durée de la concession, elle constitue un bail si elle ne porte que 18 juin 1835, Mon. du nol. belge, 55. 307. Bastiné, I, p. 162, note 1.- Adjudication de la récolte du foin et du regain de juin en décembre, Cass. Luxembourg, 7 mai 1869, Journ. enreg. belge, n. 11022. — Bastinė, loc. cit. V. infra, n. 779 s. * V. infra, n. 122 s. 3 Wahl, Note, S., 95. 1. 246. — Contra Pouillet, Tr. des brev. d'invent., n. 246 s. *Orléans, 13 juill. 1892, S., 95. 2. 134, D., 93. 2. 329. Wahl, loc. cit. 5 Planiol, Nole, D., 93. 2. 329; Fuzier-Herman, art. 1709, n. 91 (ce dernier auteur se contente d'une affirmation). V. cep. Orléans, 13 juill. 1892, précité. sur l'un des droits du concessionnaire, la cession ou l'exploitation, ou si elle n'est faite que pour une région déterminée ('), ou, à plus forte raison, si ces deux conditions se trouvent réunies. Car le concessionnaire ne se dépouille pas alors de son droit, il permet simplement à son cessionnaire de jouir de ce droit dans des conditions déterminées. La circonstance que le prix de la cession est payable en une seule fois ou par fractions périodiques est, selon nous (2), sans influence sur la question. On a eu également tort, suivant nous, d'affirmer que la defense imposée au cessionnaire de rétrocéder son droit à des tiers et la défense de poursuivre les contrefacteurs impliquent le bail (3). 12. De même, la licence, c'est-à-dire l'autorisation d'exploiter le brevet alors que le cédant se réserve le droit de l'exploiter de son côté, est un bail : ici encore le cédant garde son droit, tout en conférant à un tiers la jouissance de ce droit. On a caractérisé la licence en la considérant comme une «< renonciation relative au monopole » (*); à notre avis, elle emporte une cession partielle du droit et non pas seulement une renonciation. 13. La distinction entre la vente et le bail d'un brevet d'invention présente en particulier les intérêts suivants : 1o Les vices de la chose, c'est-à-dire les causes de la nullité et de la déchéance entraînent, s'il y a vente, la nullité de cette vente conformément aux art. 1641 s. (3). 2o En cas de nullité ou de déchéance du brevet, comme nous le verrons, le cédant doit restituer les sommes qu'il a touchées s'il y a eu vente et peut être dispensé de cette restitution s'il y a bail. 14. Est un bail et non pas une vente l'autorisation donnée à titre onéreux par un éditeur, propriétaire d'un tableau, de (1) Orléans, 13 juill. 1892, précité. périod. de l'enreg., n. 6992. (2) Contra Planiol, Note, D., 93. 2. 329. (3) Orléans, 13 juillet 1892, précité. (*) Planiol, Note, D., 93. 2. 329. (5) Pouillet, loc. cit. Trib. civ. Tournon, 13 juill. 1886, Rép. |